samedi 27 février 2010

Le temps n'existe pas

Catherine Besnard-Péron m'a transmis le livre de Laurent Dubois : "Les paradoxes du temps" peu après notre rencontre. Mes propres questions existentielles sur ce thème semblaient pouvoir trouver un écho dans ces écrits.
Construit en partie comme un dialogue platonicien, cet ouvrage explore les divers paradoxes liés au temps recensés dans la littérature, puisque le paradoxe offre une brèche étonnante voire stupéfiante de connaissance. Il a d'ailleurs été utilisé de tous temps pour condenser l'information et faire face au "bon sens". Comme si de tous temps, opposer sens et langage avait permis de faire varier notre conscience éveillée, dans le jeu oscillatoire du visible/invisible. Pour ma part, je considère que le plus beau paradoxe est sa non existence.

"Les paradoxes du temps" est un ouvrage composite construit à partir de cheminements et de questionnements au premier abord disjoints. Mais sans doute écrire sur les paradoxes temporels et du temps est-il un paradoxe en soi ! Laurent Dubois m'a cependant aidé à m'expliciter certains concepts.
Je pense notamment à sa (dé)construction du cône de lumière par des diagrammes 2D (en relativité restreinte). Ce n'est pas tant le résultat final que son approche didactique originale qui étonne et vous laisse un : "ah, oui, c'est vrai, je n'y avais pas pensé !"

Je pense aussi à son image de la dilatation du temps psychologique ressenti par rapport au temps mesuré de l'horloge. Laurent Dubois convoque à cette occasion un élastique étiré : en haut le futur, en bas le passé. A l'instant présent, vous pincez l'élastique avec vos doigts. Puis, pour expliciter votre ressenti du temps, vous tirez (par votre imaginaire !) alors sur l'élastique perpendiculairement à l'élastique déjà étiré. Vous étirez en fait un instant t sur l'élastique étiré du temps. Cet instant, vous imaginez que vous pouvez l'étirer très très loin. Vous avez devant vous alors l'instant de votre songe d'un instant, l'instant de vos pensées. On peut en généralisant cela imaginer que cet instant est aussi celui de votre vie, qui finalement, au seuil de votre mort, n'aura duré qu'un souffle...

Prenant cette image, j'ai imaginé simplement étirer de la même manière tous les instants t contenus dans l'élastique étiré du temps. Nous avons alors devant nous tous les instants de toutes les vies. Comme une matrice temporelle infinie contenant tous les temps "propres" de toutes les vies. Le temps de fait devient bi-dimensionnel : étonnant, non ? (aurait dit Pierre Desproges).

Je n'ai malheureusement jamais encore à ce jour compris pourquoi et comment le temps était unidimensionnel.
Il me paraissait si évident, si immédiat, que l'unité du monde pouvait s'aborder immédiatement, sans délai, sans distance aucune, simplement et intuitivement par la pensée. Pourquoi se compliquer avec ces histoires de degrés de liberté, de nombre de variables indépendantes au moins nécessaires à la description de l'espace considéré, donc du monde ?

Il m'aura fallu bien du "temps" justement pour accepter de regarder ailleurs que là où "on" m'avait dit de regarder. Il m'aura fallu bien du temps pour me saisir du langage et de ses concepts, des connaissances et des modèles organisateurs mais réducteurs, de l'envie d'aller dans le tumulte, d'oser affronter mes peurs de ressentir la complexité, d'oser prendre avec moi le vertigineux amour de la vie au risque raisonné de la perdre. Il m'aura fallu bien du temps pour (re)créer ma vie.
Le temps est il alors ce nécessaire recul à l'émotion ? Le temps est il cet espace qui se crée, ici et maintenant, par notre désir de transmettre ?

L'uni-dimension du temps de la physique a comme mérite au moins de servir de pivot à toutes les investigations.

Mais ce simple concept est dépassé, nous l'avons vu, Einstein nous l'a démontré: le temps est de l'espace et l'espace est du temps. Vouloir réduire ce "temps" à une expression séparée, à une grandeur physique à 1 degré de liberté est très sclérosant et annihile in fine tout possibilité de le développer, de le complexifier. La piste la plus prometteuse réside donc dans notre capacité à ressentir et appréhender par la conscience cette "chose" qui nous semble nous contenir et dont incessamment nous semblons nous vouloir nous affranchir.

Quelle est en fait la dualité de l'unité paradoxale du temps ? Dit autrement, puisque nous considérons le temps comme une entité unitaire, indécomposable, existe t il une autre entité plus "large" et qui l'engloberait ? Est il possible par exemple d'appliquer l'heuristique de Grothendieck au temps ?
La première étape, nous l'avons déjà vu, est de considérer une fois pour toutes que le temps est lié de manière indéfectible à l'espace et que le modèle dominant actuel physique pour expliciter notre univers est un de ces modèles d'espace temps à 4 dimensions au moins. ( Je laisse ici la place aux conjectures des espaces temps à n dimensions, n étant supérieur ou égal à 4 : cf Théories des Cordes etc..).
La curiosité de ces modèles pour le temps tient d'ailleurs au fait qu'à l'exception d'une ou de deux théories, la plupart considère des dimensions supplémentaires d'espace et jamais de temps !
L'espace-temps à 4 dimensions semble donc être le plus petit modèle d'espace-temps efficient et réalisable même si in fine, il n'est pas satisfaisant pour tout et ne permet pas de tout expliquer. L'heuristique ne mène nulle part...

L'espace-temps est orienté. Il faut en finir une fois pour toutes avec cette croyance que l'espace seul ne l'est pas et que le temps seul l'est. On ne peut revenir en arrière dans notre temps déjà vécu : certes ! Mais dans notre espace non plus que je sache et croire le contraire est un joli déni de la réalité. Car l'espace-temps dans lequel nous étions n'est déjà plus !

Ce que j'aime dans les paradoxes du temps, c'est certainement de nous éclairer sur ce que le temps n'est pas : ni durée, ni mouvement, ni phénomène temporel. Et de façon amusante, il peut être enrichissant de postuler sa non existence pour trouver sa "matière". Comment définir un fantôme autrement que par l'arbitraire ? Supprimons l'arbitraire, la croyance que le "temps" existe, et regardons autour de nous.
St Augustin nous a déjà convié à cet acte : "Qu’est-ce donc que le temps? Si personne ne m’interroge, je le sais; si je veux répondre à cette demande, je l’ignore. Et pourtant j’affirme hardiment, que si rien ne passait, il n’y aurait point de temps passé; que si rien n’advenait, il n’y aurait point de temps à venir, et que si rien n’était, il n’y aurait point de temps présent. Or, ces deux temps, le passé et l’avenir, comment sont-ils, puisque le passé n’est plus, et que l’avenir n’est pas encore? Pour le présent, s’il était toujours présent sans voler au passé, il ne serait plus temps; il serait l’éternité. Si donc le présent, pour être temps, doit s’en aller en passé, comment pouvons-nous dire qu’une chose soit, qui ne peut être qu’à la condition de n’être plus? Et peut-on dire, en vérité, que le temps soit, sinon parce qu’il tend à n’être pas? " (Les Confessions, Livre 11, Chap XIV § 18) Et plus loin (Chap XV) : "Ainsi, le présent est sans étendue". Plus loin encore, St Augustin confronte clairement le temps et l'esprit qui le perçoit (Chap XX : "Il y a trois temps, le présent du passé, le présent du présent et le présent de l’avenir. Car ce triple mode de présence existe dans l’esprit; je ne le vois pas ailleurs. Le présent du passé, c’est la mémoire; le présent du présent, c’est l’attention actuelle; le présent de l’avenir, c’est son attente." Il est d'ailleurs intéressant de souligner chez ce père de l'Eglise, un "triple mode de présence" du temps, comme une analogie à la Sainte Trinité ?

Ainsi le temps n'est pas. Mais a t il à être ? Kant a clairement proposé que non : le temps est une forme a priori de notre intuition. Comment alors quantifier et mesurer cette vacuité, inséparable de notre conscience ?

Le problème de la mesure du temps n'a cessé et ne cesse encore d'occuper les philosophes et les scientifiques ! Sa résolution, au moins arbitraire, à toutes époques, ne résout en fait nullement la "consistance" de l'objet temps...

Laurent Dubois semble montrer, au moins illustrer, par la forme même de son ouvrage, par la forme même de son discours, une discontinuité de l'investigation "temporelle" non ancrée dans un récit. Cette discontinuité est à l'image des paradoxes cités : il est comme une mise en abyme ou une représentation de fractale. Le vertigineux, l'infini, semblent la règle et se trouvent bornés cependant par de rassurants piliers. Quelle est alors la réalité du temps ?
Cette réponse a t elle d'ailleurs une importance ?

mercredi 24 février 2010

de l'Ouvert à la Systémique

C'est Thierry Biren, cofondateur de douance.be qui par le lien avec mediat-coaching.com m'a fait rencontrer Catherine Besnard-Péron.

Notre chemin commun aura duré le temps de lecture de plusieurs livres !
Il aura à la fois été si riche et complexe que le résumer est illusoire, et à la fois si simple qu'un unique mot semble pouvoir l'effleurer : ouvert.

Avant de débuter notre travail en commun, je n'aurais pas imaginé l'envelopper par ce mot là. Aujourd'hui, il s'impose avec la plus ferme et douce évidence.

Ce mot là évoque le premier pas de danse improvisé, le premier coup de crayon sur la feuille blanche, le sourire qui vous accueille à la porte, la magnifique vue du chalet sur la vallée, encore de multiples images à chacun et aussi, très rigoureusement, un (sous) espace topologique qui ne contient aucun point de sa frontière.
Le recours aux mathématiques permet d'appuyer sur la notion fondamentale de l'"ouvert" : ne pas avoir de frontières tout en assurant à ses "éléments" (membres) la sécurité d'un "voisinage".
Tout "voisinage" d'un membre de l'ouvert est encore par définition dans l'ouvert.

L'ouvert définit donc un espace de travail.
Mais l'ouvert définit aussi une posture et un mouvement. Dit autrement, un algorithme de travail, avec une terminaison (assurer que le travail sera réalisé dans un temps fini), une complétude ( garantir que le travail donnera des propositions de solutions) et une correction (assurer que le travail donnera au moins une solution au problème posé).

Couplé à l'ouvert, l'algorithme évoque alors une heuristique, c'est à dire une méthode efficiente pour fournir une solution réalisable au problème posé.
Il est important en effet de vouloir différencier l'efficacité de la seule efficience, cette dernière exigeant l'étude, dans l'espace considéré, d'une écologie; il est important également de différencier l'exacte du réalisable, ce dernier concept étant imposé a priori par la nature de l'espace de travail. Comment réaliser en effet une telle heuristique dans un ouvert, qui, concrètement, est complexe et dynamique ?

Il y a bien sûr plusieurs approches qui toutes, ensemble, participent à l'heuristique. Nikos Lygéros m'a permis d'appréhender, dans ses "Réflexions sur une heuristique..."comment Alexander Grothendieck lui a inspiré les bases analogiques d'un raisonnement non uniforme.

A. Grothendieck est un mathématicien qui a révolutionné dans les années 50 et 60 la géométrie algébrique en y apportant de nouvelles fondations. La démarche sous-jacente à ses travaux, sa posture et son mouvement, peuvent être décrits en terme d'heuristique. Il s'agit d'appliquer à un problème (un théorème en l'espèce) un processus itératif généralisant l'ensemble des propriétés (sans perte aucune) du problème de départ et de découvrir ainsi de nouveaux problèmes dont l'étude permettra la résolution (démonstration) du problème de départ.
N. Lygéros rapporte ainsi : "La première rupture que représente cette heuristique par rapport aux autres méthodes de raisonnement c'est qu'elle ne décompose pas le problème en sous-problèmes afin de les traiter séparément pour ensuite recombiner les résultats partiels et obtenir ainsi le résultat total suivant la stratégie qui consiste à diviser pour régner. Au contraire, elle considère le théorème de manière unitaire et d'une certaine façon indécomposable. Car a priori rien ne dit qu'il soit décomposable. Alors pourquoi le considérer comme tel."
Appliquée en psychologie, dans une relation thérapeutique générique, cette heuristique selon Grothendieck se veut donc un couplage avec l'ouvert. Le problème soumis par un patient au thérapeute ou le problème exposé et défini ensemble par les deux protagonistes n'est a priori, dans cette démarche originale, pas un problème décomposable mais unitaire.

Nikos Lygéros assure cette heuristique de sa terminaison, de sa complétude et de sa correction grâce aux principes ramseyens (cf théorie de Ramsey) (il existe toujours dans une structure suffisamment grande une sous-structure ayant la propriété recherchée, la structure générale pour la propriété donnée est alors la plus petite possible). En revanche, il ne peut garantir l'application de cette dernière à tout problème. Lorsque cela semble possible, l'utiliser fournit alors une solution réalisable et efficiente par abduction du problème de départ.

La systémique apparait plus prometteuse et plus englobante car elle déplace l'implicite de l'heuristique de Grothendieck, à savoir exposer le problème retenu à ses propriétés, sur les interactions d'une organisation complexe avec ses éléments.
Nous sommes toujours dans un ouvert, la définition (fixation) des éléments d'une organisation complexe est alors parfaitement déplaçable le long des interactions rencontrées dans les voisinages de l'ouvert. Le nœud est plus essentiel à saisir et à manipuler que les éléments séparés. Le problème de départ peut finalement rester une boîte noire, chacun s'intéresse plutôt aux interactions de la boîte dans l'ouvert, c'est à dire in fine, avec elle même, autrement dit à ses boucles de rétroactions.

Se concentrer sur ces objets génériques, ce qui est essentiel en communication et donc en relation thérapeutique, c'est s'ouvrir alors à une métaphysique plus "subversive". Au premier abord, la rétroaction peut en effet sembler hors de l'ouvert puisque séparée mentalement de l'organisation complexe qu'elle organise justement ! Cette "séparation" est bien mentale, car nécessaire à la saisie, à la compréhension mais cette interaction est pourtant "continue" et déplaçable comme toute coupure entre objet/sujet. La "subversivité" soulignée tient en fait en entier dans la "forme" de l'interaction qui par définition ne fait que déplacer continûment le sujet à l'objet et vice versa !
Trivialement, la tautologie paradoxale de la rétroaction la laisse "platement" "là" et ne fait que déplacer notre vue de l'ouvert : ce n'est pas la rétroaction qui change le monde changeant, c'est notre vue qui change sur le monde ! Enfin, concrètement, en systémique, lorsque l'analogie (isomorphisme et modèle) est utilisée comme outil sur un ouvert, il en résulte un ouvert homéomorphe. Que ces ouverts soient disjoints ne change rien au raisonnement puisque au départ comme à l'arrivée, l'espace de travail, l'espace de la communication, reste un ouvert.

Nikos Lygéros donne un exemple de cet "invariance" en utilisant la théorie systémique appliquée à un domaine où il est expert : la stratégie militaire dans : "Modèle systémique et paradigme polémologique". Il aboutit ainsi à : "L'environnement et l'ensemble des systèmes se transposent en un environnement et un méta-système. Ce dernier est un ensemble organisé dont les éléments (systèmes) sont en relation (échange) et dont la stabilité est basée sur un mécanisme de rétroaction (droit d'ingérence). Car c'est bien cela que sous-tend le droit d'ingérence : la conscience de l'existence du méta-système rend nécessaire une vision holistique du monde. Un conflit en apparence local est en réalité une perturbation dans le fonctionnement du méta-système. Aussi le droit d'ingérence représente une recherche d'équilibre de la part du méta-système ; c'est son unique moyen d'action. "
En identifiant ainsi le droit d'ingérence à la rétroaction d'un méta-système, N. Lygéros montre bien qu'il est possible de trouver une organisation ad hoc qui intègre l'unité du problème de départ en un élément à réguler par une relation dont l'existence est "invariante". On voit sur cet exemple que l'interaction qui au départ peut sembler séparée (à l'extérieur) d'un système reste en fait "là" mais s'intègre dans le méta-système. La pseudo-émergence d'une nouvelle propriété du méta-système ainsi constitué "autour" de l'interaction n'est en fait qu'un changement de vue : la relation est invariante car elle laisse invariants les systèmes. Le méta-système dégagé par cette construction existait bien au préalable mais personne ne semblait ou voulait le voir ! En revanche, une fois mentalement intégrée au méta-système, la relation est dotée d'une nouvelle propriété qui peut permettre aux protagonistes de réguler, ce qu'ils semblaient incapables de réaliser plus tôt.

Il y a quantité d'exemples de ce genre dans les multiples disciplines qui font intervenir la théorie systémique comme postulat de construction : économie, management, sciences cognitives, écologie, intelligence artificielle, sociologie, psychologie etc....

Catherine Besnard-Péron (CBP) s'intéresse à l'humain et le place au cœur de son investigation pour conduire son activité de coaching et pour soutenir ainsi les projets de ses clients. Elle s'intéresse donc aux systèmes dynamiques complexes vus dans le paradigme de la systémique. Elle utilise (de façon implicite ou explicite) entre autres des outils reconnus dans ce paradigme comme efficients.
Mais elle est psychiquement également dans une disposition d'ouverture à l'autre. Cette disposition psychique compte pour beaucoup dans son travail. Ainsi, cette volonté à l'ouverture, cette volition sur l'ouvert, a empli l'ensemble psychique de notre relation de travail mutuelle.

Personnellement, je l'ai pleinement implicitement puis explicitement ressenti.

Voir et Connaitre

Un soir de fin de printemps, chez une amie, PB, j'ai été attiré dans sa bibliothèque par des mots : "De l'autre côté du désespoir". Amusant, non ? Comme une invitation à la Lewis Caroll, de passer derrière le miroir de la réalité. Point de science fiction, ici, mais de philosophie, par le très sérieux André Comte-Sponville qui, dans ce court essai, rapporte sa confrontation littéraire avec un "sage" indien, Svami Prajnanpad. Ce pont entre Orient et Occident, André Comte-Sponville (ACS) n'est pas le premier philosophe à l'avoir réalisé et il tient pour beaucoup aussi à la formation et au parcours de Svami Prajnanpad qui a su renouer avec sa tradition en utilisant des outils venus d'Occident (physique et psychanalyse freudienne). Mais cette rencontre est fraiche, décapante et dans cet essai très dense, ACS tient le pari d'extraire l'essence de la pensée et de la conduite de Prajnanpad, tels qu'ils peuvent être décrits dans les nombreux ouvrages écrits sur lui (il n'a jamais écrit lui-même) par ses "disciples".

Cette découverte, pour moi comme apparemment pour ACS à l'époque, est de constater qu'un sage oriental, qu'un maitre spirituel propose une voie, hors de toute religion, hors de tout dogme, hors de toute doctrine, hors de toutes croyances, hors de tout enseignement, hors de toute métaphysique presque, hors de toute pensée même. "Non pas espérer mais connaitre; non pas croire mais voir."
L'aridité, pour un occidental certes, mais même pour tout humain, du chemin proposé est telle, que définir ce dernier, l'illustrer, se le représenter passe d'abord par la négation de tout ce qu'on croit solide, de tout ce à quoi nous nous attachons en dernier ressort de peur de perdre pied. Et non pas le saisir, ni le comprendre, mais le vivre simplement, le connaitre et le voir réclame au préalable cette perte de repères.

Dans cet essai qui se veut une introduction à la pensée de Svami Prajnanpad, ACS recommande chaleureusement la lecture de "L'expérience de l'unité" écrite par Sumangal Prakash, un "disciple" indien de Svamiji. Il s'agit d'un recueil d'entretiens entre les deux hommes à travers lesquels se dessine justement le chemin que nous tentons maladroitement de décrire ici. Roger Pol-Droit lui-même a écrit : "Rebelle à tout résumé, la lecture de ce document est en elle-même une expérience à ne pas rater."

Je ne peux donc que vous inviter à parcourir vous aussi ce chemin étroit et parfois austère, ce chemin abrupt mais parfois très gai, ce chemin qui finalement ne vous mènera nulle part à part ici et maintenant et vers personne à part vous même.

Si, il est très utile de comprendre que Svamiji n'est pas un philosophe et qu'il ne fait pas entrer dans une "chapelle", aussi mystique soit elle.
Il est, pour moi en tout cas, comme une sorte de derviche tourneur, qui se joue des référentiels, mais qui relie à l'univers.
Il est un mouvement qui vous invite à prendre part à votre mouvement. L'unique possible : le vôtre, e.n.t.i.è.r.e.m.e.n.t.

Voir et Connaitre.

lundi 22 février 2010

Réveil de la source

Bien avant Jean Staune, il y a eu Jeanne Siaud Facchin (JSF). Entendue un après midi sur France Inter, au printemps 2008, des mots, dont ma mémoire s'est libéré, ont ouvert des espaces attendus. C'était à l'occasion de la sortie de son fameux livre (très discuté par les professionnels de la profession !) : Trop intelligent pour être heureux : l'adulte surdoué. qui venait après le plus académique "L'enfant surdoué : l'aider à grandir, l'aider à réussir". Car, écrire, en France, sur la précocité de l'enfant, est mieux perçu que sur le surdouement de l'adulte. JSF s'est demandé simplement (à la suite de nombreux lecteurs qui n'avaient pas oublié de grandir et qui d'enfants étaient devenus adultes !)  ce que devenait l'enfant précoce, une fois que Peter Pan a laissé son pays imaginaire pour revenir habiter notre monde.
Et là, l'enfermement sémantique de la précocité frappe de plein fouet : en effet, qui écrit et dit "précoce" (avance temporelle !) laisse irrémédiablement sous entendre un retour à la (loi) "normale" : qui peut prétendre sérieusement étudier un adulte précoce de 50 ans ?

JSF s'est donc coltiné l'analyse des entretiens réalisés sur les adultes interpellés par les ouvrages traitant des enfants précoces qui leur actualisait violemment leur propre histoire passée et des parents actuels de tels enfants. Enfin, JSF a tenté, sur la grille d'étude de l'enfant précoce, de discriminer un certain nombre de comportements, d'états psychiques propres aux adultes devenus. Devenus quoi en l'espèce ?
Il fallut bien sortir du piège sémantique et en se rapprochant d'autres études internationales sur l'intelligence, depuis les débuts de la psychométrie, enfin admettre avec sérieux un état général adulte plus complexe que le "normal". Car, in fine, il s'agit bien de cela : réunir une complexité. Relier ensemble de nombreux symptômes, dont certains sont décrits et documentés par le DSM IV (tableau des psychopathologies), en un état singulier, non pathologique, ouvert.
Or étudier cliniquement une singularité est aisé; faire de même (avec les seuls outils de la psychologie clinique en tout cas) sur un ouvert est carrément casse gueule ! Voilà pourquoi le courage de JSF est exemplaire : oser défricher et affronter les modèles dominants, et source de critiques faciles : ce livre est un fourre tout !

Ma fille cadette a été testée classiquement par le WPPSI-R et cette entrée dans ma vie familiale d'une telle information m'a dérouté. Je ne comprenais pas, en la voyant vivre près de nous, comment cette fameuse "précocité" s'extériorisait. Ce test était une réduction de son état psycho cognitivo affectif sur une échelle de grandeurs normalisées par une loi de distribution statistique. (point!) Me dire que ma fille avait un QI de 144 ne s'ancrait dans aucune réalité affective et les explicitations techniques du test (et subtests !) ne renvoyaient qu'à la structure même de la mesure de ce qu'on nomme intelligence et non à une perception complexe et immédiate de la "chose". JSF m'a permis, par la complexité déroutante de son analyse clinique, d'entrevoir le véritable monde qui se cache derrière la loi normale de distribution dans la population du QI !

Ce livre a été, pour moi, à cet instant de ma vie, et aux dires même de ma femme, l'occasion d'une véritable renaissance.

Deux points m'ont frappés et percés intimement dans la description que fait JSF des facettes de la personnalité d'un surdoué : "Celui qui a l'âge du monde" (p.155) et "La faille spatio-temporelle : vivre dans plusieurs espaces-temps" (p.158). J'ai été, entre autres choses, nourri, à l'adolescence, de lectures de science fiction (Asimov, K Dick, Bradbury, Van Vogt etc.) et ces facultés étranges que décrivait JSF dans son livre "sérieux" me ramenaient à ces mondes imaginaires de mes auteurs autrefois préférés. C'était incongru. Et troublant.

Celui qui a l'âge du monde est hypermature et caméléon, s'ajustant en permanence au plus près des contraintes de son environnement et par corollaire expérimentant de multiples identités ou plus finement dit expérimentant une identité hyper-éclatée. Car le caméléon a bien sa propre identité qui est justement liée à sa capacité d'en rendre intelligible une multitude. Cet "effet" caméléon est très bien illustré dans l'œuvre de N. Lygéros et relié notamment à l'altruisme. Nous y reviendrons...

Celui qui expérimente "la faille spatio-temporelle", vit dans plusieurs espaces-temps. Cette expression de Marine Ambrosioni, une collaboratrice de JSF, signifie que le surdoué se situe en permanence dans un ressenti global de son espace-temps. Chaque choix ici et maintenant doit prendre en compte l'avant, l'après et l'ailleurs. C'est aussi, comme on l'a vu, un corollaire du "multi-âge" car la perception du "soi" est "éclatée" dans l'espace-temps ou mieux dit : étendu sur l'espace-temps ! Ainsi, il est difficile de se détacher du contexte, il est difficile de discriminer le sujet de la globalité, sa vie personnelle de l'univers dans son entier. Enfin, pour le surdoué, il persiste toujours une distance, aussi infime soit elle, entre son action et son être, "qui crée cet inconfort qui conduira soit au dépassement de soi, soit à une acceptation contrainte, source de frustration."

Ces deux facettes explicitées par JSF m'ont transpercées car je croyais naïvement qu'elles étaient miennes, solitaires et inconnues de tous. A vrai dire, il est amusant et réconfortant de constater a postériori qu'il existe au moins une communauté à les partager !
Ainsi, JSF puis douance.be m'ont apportés des éclairages somme toute communs pour percevoir au final une complexité que la simple liste linéaire de "symptômes" ne peut en aucun cas rendre compte. Mais in fine, il faudra convoquer les analyses de Nikos Lygéros sur la douance pour tenter une vue conceptuelle issue des travaux cliniques des psychologues.

Il faut en effet élaborer une sorte de symbole en plusieurs dimensions capable ensuite, par projection, de traduire un à un des états psychiques et des comportements relativement banals et retrouvés finalement chez tous les humains. Ce n'est pas la somme des "symptômes" qui identifie le surdoué à coup sûr car j'ose espérer que cette somme n'est qu'un artefact (est il seulement possible de vivre avec tout cela ?) mais sans doute plutôt la capacité à en saisir l'algorithme, la construction, et le sens de l'hyperstructure génératrice ainsi dégagée.

Ainsi, le surdoué n'a rien d'un surhumain, il est simplement qualitativement structuré différemment. Et surtout, il y a autant de différences d'expression et de comportements dans cette population que dans la population globale.

Mais nous sommes loin d'en avoir fini.........

Relience I

Chaos et Imprédictibilité se termine sur un désir de se tourner vers le présent pour assoir nos convictions sur le réel.
La mort est une transition quantique , outre le fait qu'il illustre un univers déjà réalisé dans ses potentialités, nous ramène également à la saisie de l'ici et maintenant.
Le temps de la lumière..., nous invite à réaliser que l'étude des limites en sciences est féconde pour la représentation et la compréhension des phénomènes. En l'espèce, se confronter à la lumière (énergie sans masse) nous amène à la représentation d'une réalité comme des champs étendus sur l'espace-temps. Et immédiatement, à une vue hors de cette limite physique construite et validée. Et, par mise en abyme, à un mouvement permanent de connaissance grâce à la lumière !
Systèmes quantiques et frontières nous confronte à la nécessité d'accéder à un autre niveau de conscience pour nous représenter intuitivement la réalité telle que décrite par la mécanique quantique. Cet article nous pousse, en admettant la non séparation du réel, à envisager soit une torsion permanente dans l'analyse entre objet et sujet, soit la nécessité d'une connaissance sans distance, immédiate et fondamentalement holistique.
Quand l'imprécision..., met le doigt sur le déni fondamental de l'humain ( à savoir l'insoutenable incertitude de la connaissance à distance de la réalité) et saborde du même coup notre confiance scientifique en l'instant présent tout en nous invitant à puiser dans nos peurs et en l'amour pour tenter cette saisie du réel.
Quand le futur détermine...., nous confronte au principe de causalité et nous laisse entrevoir cependant que la science est apte à affronter ses propres paradoxes pour répondre à nos questions existentielles.
Echelles, Nombres et Perception nous laisse voir que in fine, cette dernière est reliée à l'affectif et que ce dernier semble seul capable d'embrasser la complexité.
L'ombre du savoir met en évidence la complémentaire dichotomie entre saisie et compréhension du réel (sorte de principe de complémentarité ?) par l'illustration d'une nécessaire expérimentation dissynchonique révélatrice d'une transmission et d'un désir.

Ainsi, en opposant/rapprochant deux modes d'appréhension complémentaires du réel (basiquement décrits en neurobiologie ou en psychologie par l'organisation bi-hémisphérique de notre cerveau : langage et analyse d'un côté et émotion et connaissance non verbale de l'autre) il est possible d'affronter les paradoxes de l'espace-temps dans lequel nous semblons vivre.

Développons...

samedi 20 février 2010

L'Ombre du Savoir...

Je n'ai plus en tête le lien précis qui m'a amené jusqu'à Nikos Lygéros. Il est vrai que la production complexe de cet homme et quasi "infiniment" dense laisse ouvert (puisqu'il "produit" tous les jours) un nombre de liens vertigineusement grand !
En revanche, le premier article consulté est très certainement celui sur l'apprentissage du problème de l'ombre à des enfants.
L'intérêt de Nikos Lygéros est ici d'illustrer par l'expérimentation que l'appréhension du monde, de la réalité, est lié au préalable de la connaissance d'un certain nombre de concepts formels.
"Même si l'ombre est nécessairement une simplification de données à trois dimensions, sa définition n'est pas immédiate pour des enfants lorsqu'il s'agit de la représenter de manière réaliste. C'est alors que nous découvrons que l'enfant ne comprend pas nécessairement ce qu'il regarde et qu'il ne voit que ce qu'il comprend. Il sait ce que représente l'ombre mais il ne sait pas nécessairement la représenter."

Plus exactement, Nikos Lygéros souligne dans la compréhension, la phase préalable de représentation nécessaire à la saisie du réel. Les deux termes sont mis ici en équilibre : nous ne comprenons pas tout ce que nous regardons car nous ne voyons que ce que nous comprenons. L'étendue embrassée est vaste, possiblement "infinie" comparativement à nos possibilités cognitives et effectivement, nous percevons seulement ce que nous comprenons déjà. Donc, il nous faut acquérir au minimum la "notion" du relatif (pour placer l'objet étudié parmi d'autres et même pour le distinguer des autres !) et apprendre l'algorithme qui nous permet de (re)trouver le résultat escompté (en l'espèce apprendre la représentation de l'ombre par exemple). Une fois acquise cette représentation mentale de la réalité, nous nous saisissons d'elle.

Ce processus peut sembler étrange et à l'exacte opposée du bon sens ! C'est à dire que ce processus semble fonctionner à rebrousse temps (pour reprendre un célèbre titre (en français) de Philipp K Dick !) puisque la saisie semble subordonnée à sa représentation, puisque un acte de saisie du réel au temps t semble subordonné à un apprentissage d'une durée plus longue et dont la fin se situe au minimum à t-1. En écrivant cette phrase, on voit immédiatement qu'il n'y a point de paradoxe puisque il y a discontinuité et qu'il faut dans la démonstration ajouter un facteur : la transmission ou l'intervention d'un tiers.

En effet, se saisir du réel est un jeu d'enfant ! Mais transmettre cette saisie à autre que soi, c'est....un exercice plus délicat et qui requiert justement l'apprentissage de la représentation du réel. Nikos Lygéros finit son article (sus mentionné) en affirmant : "Car ce n'est qu'à travers le mental que nous comprenons la réalité.". Certes, mais pour prendre avec soi (étymologiquement "comprendre"), il faut d'abord implicitement reconnaitre mentalement un "soi", donc un autre, puis explicitement reconnaitre ce désir de transmettre à l'autre (ou à soi !) sa représentation mentale.
Et la saisie du réel se trouve alors contenue dans ce désir explicite de transmettre.

Nous ne voyons, au fond, que ce que nous désirons voir, que ce que nous désirons partager avec l'autre.
Et le savoir n'est rien sans sa transmission à l'autre.

Echelles, Nombres et Perception

D'après la théorie inflationnaire en cosmologie, l'univers se serait créé à partir d'un "espace" d'une taille de 10^-26 m, contenant quelques "inflatons" correspondant à une masse de quelques grammes. Cette taille est inférieure à celle de l'atome d'un facteur 10^16 (10 millions de milliards de fois).

C'est vertigineusement petit.

Ensuite l'inflation a gonflé la taille de l'univers d'au moins d'un facteur 10^50, son volume, proportionnel au cube de son rayon, a donc augmenté d'un facteur 10^150.

C'est méga-méga vertigineusement grand.

A la fin de la période inflationnaire, qui dure environ 1000 secondes (env.16 minutes terrestres !) l'univers a un rayon d'environ 10^24 m mais ensuite il continue de croître, beaucoup plus lentement, tant et si bien qu'il gonfle encore d'un facteur 10^27 pendant les 14 milliards d'années qui suivent !

Aujourd'hui, l'univers aurait un rayon de 10^51 m soit un volume d'environ 10^153 m^3. L'essentiel de notre univers nous est inaccessible (avec notre compréhension actuelle) car nous "connaissons" seulement une partie dénommé judicieusement "univers observable" d'une taille d'environ 4,7 10^26 m, notre "observable" est donc vertigineusement petite par rapport à l'existant qui ne cesse de croître.
Enfin, le nombre de particules contenues dans cet univers serait d'environ 10^80.

Ces nombres ne nous "parlent" pas. On a beau relativiser, ramener par une simple "règle de trois" ces proportions à celle de la planète terre ou d'un terrain de football, toutes ces gesticulations ne changent rien à l'histoire.

Pourquoi les "grands" nombres ne nous "parlent" pas ?

Car nous sommes éloignés de nous-même.

Prenez par exemple un jeu de cartes. Un bête jeu de 52 cartes. Commencez à les ordonner devant vous, sur une table. Vous réalisez ainsi une combinaison qu'on peut lire de droite à gauche, de la première à la 52è carte. Changez deux cartes de place, vous réalisez ainsi une 2è combinaison. Continuez de changer des cartes de place et comptez les combinaisons ainsi réalisées. Continuez encore jusqu'à épuiser toutes les possibilités de combinaisons possibles entre ces 52 cartes. Prenez 1 seconde pour réaliser une combinaison. Il vous faudra environ 2,5 10^60 années pour réaliser toutes les combinaisons possibles...............
Vous vous souvenez que l'univers dans lequel vous vivez est âgé d'environ 14,7 10^9 années ?........
Un banal jeu de 52 cartes à jouer qui tient dans la main peut vous amener à saisir soudain ce qu'est un "grand" nombre.

Admettons qu'il y ait environ 10^22 étoiles dans l'univers observable, admettons par symétrie qu'il y en ait donc 10^25 fois plus dans l'univers entier soit au total environ 10^47. L'ensemble contenant toutes les combinaisons possibles de vos 52 cartes à jouer est encore largement et vertigineusement plus grand que çà !

Dans votre corps, il y a environ 10^13 cellules et 10 fois plus de bactéries (estomac, intestins..), ce nombre est vraiment vertigineusement ridicule par rapport à ce que "contient" votre jeu de cartes ! Il y a cependant 100 fois plus de cellules dans votre corps que de galaxies dans l'univers observable !

Il y a cependant plus de cellules dans votre corps que d'années terrestres au calendrier de l'univers ! Il est d'ailleurs couramment admis maintenant par certains biologistes que chaque être humain est un univers en soi, une nébuleuse d'interactions en tous genres...Car, pour les cellules, les nerveuses comme toutes les autres, ce sont bien les interactions biochimiques dont elles sont le centre (départ et arrivée) qui "font" la réalité cellulaire et in fine l'organisation du corps humain. Imaginez alors pour une seule cellule, le nombre d'interactions, d'échanges qui la traversent et par là même la définissent. Multipliez ce nombre par le nombre de cellules total de "l'univers" humain et vous obtenez alors, à chaque instant t une "combinaison" des échanges possibles du corps. Partons du principe que chaque échange est indispensable, nécessaire au bon fonctionnement de l'organisme et qu'il est "unique", singulier. Chaque échange est en quelque sorte une carte à jouer unique. Ainsi, partant de ces postulats, il est possible de calculer le nombre total possible de combinaisons réalisables avec non pas 52 cartes, mais un jeu gigantesque d'environ 10^14 "cartes à jouer" (en posant un minimum de 10 échanges par cellule). Ce dernier nombre, approché par la formule de Stirling devient méga gigantesque et hors de proportion de tout ce que nous pouvons approcher (environ 10^10^15). Bien sûr, ce nombre n'est pas en soi le plus grand de tous mais comment l'approcher, comment se le représenter intuitivement ?

En fait, cette petite ballade combinatoire doit nous amener à réfléchir à notre univers et à son immensité toute relative. Car, en fin de compte, ce dernier n'est pas si "grand" que cela. Appréhender le monde qui nous entoure par le dénombrement, le simple déploiement d'un espace-temps relié à une métrique est réducteur somme toute à la valeur affective qu'on leur donne. Car, déjà, selon certains critères physiques, l'appréhension analytique de la complexité de notre univers/corps est hors de notre portée ! Hors de notre portée individuelle, tout du moins. Mais l'humanité entière, voire le vivant conscient de l'univers, le peut il ?

Le nombre est un absolu, certes. Et l'échelle de représentation de notre réalité, basée sur cet absolu, nous relativise notre perception. Mais, intuitivement, affectivement, lorsque nous ressentons la réalité, instaurons nous une échelle relative à nos sensations ou bien sommes nous capables d'embrasser réellement un absolu ?
Lorsque vous touchez un jeu de 52 cartes à jouer, que ressentez vous ? Un simple outil à votre taille et à votre portée, capable de vous divertir, ici et maintenant ? Ou bien un "infini" de possibilités, hors de votre portée ici et maintenant, ouvrant sur un "infini" de mondes de rencontres, d'échanges, de divertissements, d'humeurs, de gains, de plaisirs, bref, de vies ?

samedi 13 février 2010

Quand le futur détermine le passé...

Dés le début, la mécanique quantique a heurté.
Même les pères fondateurs de cette théorie n'ont pas pu s'empêcher de la tordre et de vouloir la plier à leurs idéologies, leurs croyances. Max Planck est à l'origine de l'idée du quanta d'énergie (en travaillant sur le rayonnement émis par un corps chauffé), mais dans une perception ondulatoire de celle ci, en accord avec toutes les interprétations officielles dues à Young, Huygens, Euler, Fresnel, Faraday et Maxwell en cours depuis trois siècles déjà. Il a cependant souhaité toute sa vie ne voir dans cette hypothèse "désespérée" qu'un artifice mathématique pour éviter de vivre avec cette idée d'une énergie discontinue de la matière tant elle heurtait son sens commun, son idéal peut-être aussi.
Lorsque Einstein, en travaillant sur l'effet photoélectrique, démontre que la lumière est aussi constituée de quanta d'énergie, il participe ainsi à l'émergence plus tard du travail de Schrödinger sur la fonction d'onde. Mais quand Max Born propose l'interprétation probabiliste de cette fonction d'onde, cela heurte un grand nombre de physiciens, dont Einstein et Schrödinger lui-même. C'est la raison pour laquelle ce dernier invente cette expérience de pensée dite du chat, pour tenter de démontrer l'absurdité d'une telle interprétation probabiliste et donc d'une incomplétude de la théorie de cette mécanique quantique !
Si la mécanique quantique a heurté depuis toujours les convictions les plus intimes des physiciens eux-mêmes, comment voulez vous qu'elle ne heurte pas le simple humain, dénué de bagages scientifiques et armé de son seul bon sens ?

Albert Einstein est si résolu à ne pas accepter le caractère probabiliste et donc non déterministe de la mécanique quantique qu'il imagine avec deux collègues (Podolsky et Rosen), en 1935, une expérience de pensée pour prendre la  théorie en flagrant  délit d'incomplétude. C'est la fameuse expérience EPR.
En 1964, John Bell fait de cette spéculation métaphysique une proposition vérifiable expérimentalement. Il démontre ainsi que si le paradoxe EPR est correct, alors ses inégalités (inégalités de Bell) sont violées. Il aura fallu attendre les années 1980 pour que Alain Aspect et son équipe effectuent une série d'expériences pour calculer les fameuses inégalités de Bell et donc répondre au paradoxe EPR. Des expériences plus récentes ont de même augmenté la précision des mesures et ont toujours donné la même réponse : les inégalités de Bell sont violées, la théorie de la mécanique quantique est donc complète et nous impose de voir la réalité différemment, au delà de notre bon sens !

La réalité est donc non-locale.
La réalité est que l'espace possède un caractère holistique.
La réalité est que RIEN ne permet formellement de distinguer un objet d'un autre.
La réalité se comprend en terme d'interconnexion, d'interdépendance.
La réalité de l'espace apparaît discontinue, quantifiée, bien que pour l'étudier, nous ayons choisi depuis toujours des outils et des raisonnements basés sur la continuité.
Pourquoi avoir fait ces choix initiaux ? Tout bêtement parce que ces raisonnements apparaissaient plus proches du "bon sens" et surtout plus simples à étudier; les outils physiques et mathématiques donnaient des résultats plus simples et plus rapides à calculer !
Partant de ce constat, comment imaginer alors un espace formalisé par des opérateurs discontinus ? Est ce d'ailleurs aussi simple que cela ? N'y aurait il pas "intrication" entre continuité et discontinuité ?
Certains développements récents en physique théorique se sont penchés sur ces questions : espace basé sur des fonctions non différentiables, espace basé sur une géométrie non commutative, par exemple, pour tenter de reformaliser l'ensemble de la physique à partir d'une autre métrique. A ce jour, et tout du moins à ma connaissance, aucun autre concept majeur n'a été validé par l'expérience.


Mais........l'espace, dans notre univers 4D, est aussi lié au temps, non ? Alors, qu'en est il de la réalité du temps en fin de compte ?

John Wheeler, physicien théoricien, a imaginé de modifier la célèbre expérience d'optique des Fentes de Young, dans une version dite "du choix retardé du photon". Son expérience est parfaitement relaté par Trinh Xuan Thuan dans "Les voies de la Lumière" mais aussi fort bien explicité par François Martin dans sa conférence à Génève en février 2009 (déjà cité). Cette expérience a été vérifié en 1987 et 2007 notamment.
Bien évidemment, les physiciens dans leur majorité ne veulent pas interpréter les résultats de cette expérience car cela remet ou semble remettre trop en cause la fameuse causalité, la flèche "classique" du temps.
Suivant en cela John von Neumann (à son époque), François Martin déclare nettement qu'il n'y a pas deux réalités de temps différentes (l'une à l'échelle microscopique et l'autre à l'échelle macroscopique) mais bien deux interprétations différentes d'une unique réalité.

La première interprétation, qui choque notre "bon sens" est "classique" et nous contraint à oser écrire que l'observateur, en modifiant un paramètre de l'expérience, lorsque celle ci est en cours, va modifier le passé du photon. Autrement et trivialement dit : le futur détermine le passé ! D'autant plus que Wheeler a montré que cette expérience peut s'imaginer de manière analogue, non pas en laboratoire, sur des temps très petits, mais dans l'espace stellaire, en interceptant un faisceau de photons qui a pris sa source il y a des millions voire des milliards d'année ! La causalité des évènements en prend un coup !

La deuxième interprétation est "quantique" et nous propose que en modifiant un paramètre de l'expérience, alors que celle-ci est en cours, (le photon, en l'espèce, a été émis par sa source), nous modifions uniquement la reconstitution "classique" du passé du photon (tel que notre conscience le perçoit) et pas le passé "quantique", le "vrai" passé du photon. Nous respectons la causalité des évènements.

Explications : La mécanique quantique nous propose deux "plans" de la réalité : l'une "quantique" où la particule suit un mouvement entièrement déterminée par la fonction d'onde. Mais ce mouvement n'est pas interprétable, il n'est finalement imputable ni à une onde, ni à une particule. Il est là. Que peut on en dire d'autres ? En l'espèce, le photon existe en une superposition d'états quantiques évoluant de manière déterministe. On peut aussi parler de champ électromagnétique quantique étendu sur tout l'espace-temps, donc non localisable strictement, ni dans l'espace, ni dans le temps. Il n'existe pas, à ce jour, dans la métaphysique occidentale dominante, de représentations, d'images, de symboles, autres que l'opérateur mathématique, qui puisse, par analogie, faire comprendre simplement ce qui se passe . Richard Feynman avait pris comme image : la particule prend tous les chemins possibles (potentiels) et il avait réussi à trouver une approche de calcul très innovante grâce à cette analogie : la fameuse "intégrale de chemin".
Dans ce plan "quantique" de la réalité, quoi que l'observateur fasse à n'importe quel moment de l'expérience en cours, rien ne change pour la particule, son "passé" n'est pas bouleversé, son avenir non plus a contrario.

En revanche, dans le plan "classique" de la réalité, celui relié à notre conscience éveillée, celui relié à la mesure physique, à la détection du champ électromagnétique, à la détection de la particule, nous pouvons décider du chemin pris par la particule en fonction de l'action que nous opérons sur l'expérience. C'est à dire que notre observation va opérer un choix et dans le cas de cette expérience du photon retardé, nous aurons l'illusion de modifier le "passé" du photon, mais en réalité, nous modifions seulement notre perception "classique" de ce passé. Nous faisons des choix, en observant la particule, en faisant une mesure, sur la reconstruction "classique" du passé du photon. Le passé "classique" n'existe qu'à partir du moment où il a été enregistré au présent. Cette interprétation conserve la causalité des évènements car pour l'évènement lui-même, il y a détermination complète, mais pour l'observateur, il y a indétermination du passé et c'est son acte, son geste d'observation qui va lever l'indétermination.

En fait, cette interprétation en deux plans permet d'éviter le paradoxe de la particule qui "remonte" le temps, la causalité inverse (la conséquence est avant la cause) et renvoie "dos à dos" l'objet observé dans "sa" réalité quantique déterministe, et le sujet observant dans "sa" réalité "classique" probabiliste. Cette interprétation métaphysique (dans la mesure où évidemment, elle dépasse le strict point de vue "physique" et opérationnelle du calcul), à l'envers du point de vue dominant, se veut en fait très proche du point de vue psychologique de la saisie du monde. Pour illustrer son propos, François Martin de Volnay convoque ainsi l'inconscient, le conscient et les synchronicités (telles que définies par Carl Jung).

Alors, le futur détermine t il réellement le passé ou bien est ce seulement une illusion ?

vendredi 12 février 2010

Paysage et Spatialisation du temps

Vous êtes sur une colline devant un paysage qui s'étend devant vous. Il fait beau, l'air est doux, vous voyez sur 180°, un espace familier : votre maison, l'école de vos enfants, l'église d'un village, une belle villa là haut sur une autre colline devant vous, une croix à l'endroit d'un carrefour..Bref, l'espace, tel que vous le concevez depuis tout petit, s'étend là devant vos yeux, comme une carte dépliée. Cet espace en trois dimensions : hauteur, largeur, longueur, cet espace en 3D que vous voyez grâce à votre équipement ultra sophistiqué de vision : vos yeux, en relief ! Cet espace vivant, où tout bouge, même très doucement, les voitures, les piétons, les vélos, les nuages, les feuilles des arbres etc...Cet espace vivant où tout n'est que mouvement.
Mais mouvement où ? Au moins dans l'espace !

Tiens, vous décidez d'aller en pensée au carrefour symbolisé par cette croix que vous apercevez, là-bas. Elle est à quoi, 1,5 km de vous, cette croix ? Comment y aller vraiment ? A pied, vous mettrez 20 minutes environ par le chemin. A vélo, vous y serez en 5 minutes. En voiture, comptez 1 minute et 30 secondes. Cet endroit, finalement, est à 1,5 minute ou 5 minutes ou 20 minutes de vous et pourtant il est à 1,5 km. Vous pensez donc que cet endroit est "fixe" et attends là que vous arriviez. Vous pensez que la croix est "fixe", "immobile", comme tout repère "fixe" dans la paysage, dans l'espace. C'est bien pour çà que comme tout le monde, vous repérez cet endroit en distance d'espace : 1,5 km. C'est tangible. C'est sûr. C'est réel.

Pourtant, pour aller vraiment à cet endroit de l'espace repéré par une croix, vous devez vous déplacer. Du coup, cet endroit se trouve soit à 1,5 minutes, soit à 5 minutes soit à 20 minutes de vous en fonction du moyen de locomotion que vous choisissez. Du coup, cet endroit d'espace devient moins fixe et sûr : il est soudain plus ou moins proche de vous, il est soudain lié à un certain indéterminisme, le vôtre, en fonction de votre choix de déplacement. Le paysage que vous regardez devient soudain moins fixe et sûr car en fonction du moyen de locomotion que vous choisissez pour vous déplacer physiquement dans cet espace, les "objets" n'ont pas les mêmes "emplacements". En fonction des chemins possibles utilisables, l'église peut être plus proche que la maison ou l'inverse, l'école se trouve "avant" le carrefour ou l'inverse, la villa est "après" l'école ou l'inverse etc...En fonction des possibles déplacements, l'espace s'organise, se désorganise, se structure différemment : quelle horreur ! Pourtant, vous vivez cette situation tous les jours.

Tous les jours, vous faites des choix de déplacement qui peuvent être différents, et tous les jours, vous vous déplacez donc dans un espace différent. Pourquoi ? A cause du temps.
En fait, vous vivez dans un espace-temps 4D où le temps est également une dimension liée aux trois autres. D'ailleurs, dans vos "petits" déplacements quotidiens, vous vous déplacez en réalité presque uniquement dans le temps : vous savez qu'en gros, il vous faut 5 min pour aller à l'école déposer vos enfants, puis 15 minutes pour aller au boulot, puis vous ferez environ 2 h de voiture aujourd'hui pour aller voir des clients etc...Vous comptez en temps, votre déplacement spatial. Rien de plus banal. Votre espace de vie, entre la maison, l'école, le supermarché, l'endroit où vous travaillez, les gens que vous allez visiter et rencontrer, le cabinet du médecin, le bureau du notaire, le cinéma ou le restaurant le soir, le café du coin, tout votre espace est devenu du temps.

Et c'est "normale" cette attitude. Car l'espace est aussi du temps. On peut même, comme vous le vivez aujourd'hui, comme vous le ressentez, dire que l'espace n'est que du temps. Peu importe le chemin physique pour aller d'un endroit à un autre, ce qui compte vraiment, c'est le "chemin" temporel : combien de temps ?
Ce transfert psychologique, psychique, entre un ressenti spatial et un ressenti temporel de l'espace qui nous entoure est symptomatique de notre époque. Mais il a été long à se mettre en place, il aura fallu des millénaires d'évolution pour que, physiquement, nous puissions accélérer notre déplacement dans l'espace jusqu'au point actuel où même virtuellement, nous testons des déplacements imaginaires instantanés grâce aux jeux vidéos "embarqués" (où le joueur "rentre" physiquement dans le jeu grâce à des capteurs numériques qui étendent son corps physique dans un autre espace "virtuel"). Un jour prochain, nous nous baladerons "entièrement" avec notre corps relié à des capteurs numériques, dans l'internet, dans les espaces des serveurs d'ordinateurs, dans toute cette "virtualité" actuelle. Mais demain, si nous considérons qu'un tel déplacement est "réel", comment appellerons nous ces espaces ? Dans quoi d'ailleurs nous déplacerons nous en vérité, en réalité ? Uniquement dans le temps, car notre vrai corps physique sera immobilisé quelque part dans son espace à lui, vous savez, celui où, plus jeune, vous regardiez le paysage depuis la colline ? Ce n'est pas de la fiction, tout ceci existe déjà, vous avez de tels équipements chez vous, non ? Demain, ils seront simplement encore plus perfectionnés....

Que faisons nous alors lorsque nous ne pensons qu'au temps, nous ne vivons que dans le temps : nous recréons un espace ! Nous re-déployons un espace autour de nous où la proximité ne se définit pas comme dans le paysage depuis la colline. La proximité est liée quelque part au Principe de Moindre Action, mais comme nous vivons essentiellement dans le temps, l'intervalle à "minimiser" est essentiellement du temps. Cependant, en faisant cela, nous intégrons, nous structurons un autre espace. Cet espace qui est aussi du temps. Ce temps qui est aussi de l'espace. Nous ne pouvons pas sortir de "cela". Tout bêtement parce que l'espace-temps dans lequel réside notre corps (au moins) est régi par 4 degrés de liberté essentiels, par 4 dimensions liées ensemble.

Puisque nous avons tous besoin de visualisations, d'images, j'ai trouvé ceci qui illustre mon propos : une carte du monde "temporelle". Cette mappemonde ressemble à celle que nous connaissons tous, pourtant, les couleurs vous éclairent sur le temps de déplacement qui sépare un endroit d'un autre (et non directement la distance). Plus c'est brillant, plus il y a de proximité, plus c'est sombre voire noir, plus l'endroit est isolé.
Prenez maintenant cette carte et changez de légende, retraitez les données comme suit : à chaque "point" à lequel correspond une durée, affectez une distance (ex. 1 minute = 1 mm; 10 min = 10 mm; etc..) et vous verrez alors l'espace du monde se déformer et se reformer en fonction de la "proximité" qui nous unit. La carte sera contractée là où actuellement elle est brillante et distendue là où elle est noire. Le paysage aura changé !

L'espace a besoin de temps pour se déployer mais le temps a aussi besoin de l'espace pour se déployer. Les deux sont unis et liés et nous vivons çà tous les jours...
Comme quoi, prendre conscience, avec nos sens, que nous vivons dans un espace-temps à 4D, ce n'est pas si difficile que çà, non ?

jeudi 11 février 2010

Quand l'imprécision nous ramène à l'amour...

Nous avons vu avec "Chaos et Imprédictibilté" que notre monde macroscopique, celui soumis de façon tangible à la force gravitationnelle et régie par la relativité générale, n'existe in fine avec "certitude" qu'au présent.
Hélas, nous avons compris également que le présent est entaché d'une imprécision : car , en principe, dans le domaine de la physique "classique", dans le domaine des "gros" objets, il est aisé de calculer et de connaitre l'ensemble des interactions subies par l'objet étudié, sa masse, sa position initiale, son impulsion initiale (...etc) en appliquant des lois connues et éprouvées.
Oui, nous avons des équations issus de principes (comme le Principe de Moindre Action qui aboutit à la Relation Fondamentale de la Dynamique par exemple).
Ces équations reposant donc sur le postulat de la continuité, aboutissent de fait à une réalité déterministe.

Le problème se pose lorsque le physicien s'occupe de mesurer, c'est à dire de créer une fonction qui à toute observable fait correspondre un nombre réel. Car, dans cette opération de mesure, il y a réduction d'information : toute mesure est assortie d'un intervalle de confiance, d'une "précision". La mesure physique est en effet un rapport de grandeur dans lequel on exprime une observable par rapport à une autre (15 briques ont une masse au repos de 15 kg (à 0,5 kg près)) et non un compte (il y a 15 briques). Or, par définition, par construction, ce rapport de grandeur est entaché d'incertitude, d'imprécision.
Nous avons appris à ne plus voir cette incertitude car le développement des calculateurs mécaniques puis électroniques a augmenté de façon considérable la vitesse de calcul (rapport d'itérations numériques sur le temps) et donc diminué d'autant l'imprécision du rapport de grandeur de la mesure en physique. Mais cette diminution ne veut pas dire disparition ! Et si cette plus petite imprécision numérique nous a permis d'avoir confiance en nos audaces : faire voler un avion, lancer une fusée habitée, aller sur Mars un jour, allonger la durée de vie de nos appareils mécaniques, construire des très hautes tours et des très longs ponts etc..., elle existe pourtant toujours bel et bien.

Et doit nous empêcher de devenir totalement aveugle à l'insoutenable incertitude de la réalité et de notre vie.

Récapitulons : le présent est également incertain. C'est bien pourquoi nous déployons autant d'effort depuis des siècles pour diminuer cet incertain et par là, la peur qui nous tenaille d'avancer sur ce terrain "mouvant".

Que nous reste il alors à explorer dans cet espace temps si imprédictible, si incertain, si chaotique ?

Sans doute, notre rapport au temps.
Notre rapport à la peur de ce qui suit, de ce qui n'est pas encore, de ce qui va arriver.
Notre rapport à ce qui nous anime, nous émeut, nous fait vibrer.
Notre rapport à l'émotion.
Notre rapport à l'amour.

Essentielle Instantanée

Bon, pas de frontière entre objet et sujet : reste à savoir que faire avec cette liberté ?
Pas de frontière entre microscopique et macroscopique : que faire avec cette liberté renouvelée ?
Comment concilier mathématiquement et physiquement ces "mondes" au demeurant "opposés" ? C'est bien une question récurrente pour le physicien depuis plus d'un siècle, non ?
En quoi cette question intéresse t elle le citoyen, l'honnête homme, l'humain en général ?
Il s'agit du "réel", de ce que nous percevons comme tel, de nos représentations du monde, de nos modes de pensée. Nous vivons tous enfermés dans ces modèles, ces cadres, ces mots qui nous enserrent, nous protègent mais nous laissent prisonniers de nos lâchetés et de nos peurs.
Ces cadres sont nécessaires à l'appui de tout raisonnement, de tout langage, de toute relation à distance de nos émotions, de nos sentiments.
Mais aucune loi de la nature n'oblige quiconque à ne pas sortir de tels cadres, à ne pas en expérimenter d'autres, incessamment, pour tenter de voir la réalité différemment, pour oser, pour mettre en avant notre audace, notre étincelle de vie, pour sublimer nos peurs et transformer nos lâchetés en courages d'être.
Non, rien, absolument rien ne nous empêche de voir, de regarder le monde qui nous entoure autrement que par les idées dominantes, les préconçus, les prémâchés, les présupposés.

Il suffit de le vouloir.

Là, maintenant.

On y va ?

mercredi 10 février 2010

Système Quantique et Frontières...

Je n'ai plus en mémoire le lien exact qui m'a fait découvrir Stéphane Laborde. J'imagine aujourd'hui que c'est d'abord quelques questions de physique quantique; il y a aussi le fait que Stéphane Laborde dans son blog "Pour une science de l'esprit" convoque Jean Staune, Roger Penrose et Stephen Hawking entre autres comme contributeurs intellectuels à sa propre quête et je connais certains écrits de ces érudits. Bref, ces liens ont fini par créer une proxémie entre nous. Et j'avoue donc que depuis de nombreux mois maintenant, je suis un lecteur assidu de ce blog là. Ses articles alimentent aussi ma réflexion.


Stéphane Laborde m'a fait découvrir François Martin de Volnay, chercheur en physique théorique au LPTHE et qui depuis  2003 écrit sur une théorie quantique de la psyché, en collaboration avec divers auteurs. Ce physicien a écrit et publié, depuis, plusieurs articles sur le sujet et nous y reviendrons avec plaisir tant ces lectures ont ouvert en moi de nombreuses portes et pistes d'investigation.

La première porte s'est ouverte grâce à sa discussion sur le problème de la mesure en physique quantique et à ses explicitations conceptuelles de la matière tirées de la Théorie Quantique des Champs.
Il est en effet nécessaire à François Martin de Volnay de poser un certain nombre de postulats pour asseoir et développer sa théorie. Postulats qu'il argumente avec la littérature scientifique disponible mais qui ne remettent pas en cause le statut "théorique" et non totalement tranché de la mesure en physique quantique. Il serait long ici d'exposer tous les courants et approches qui participent au débat du problème de la mesure quantique. Pour un rapide aperçu, voir wikipédia.

En revanche, utiliser les postulats et les calculs de la physique quantique pour décrire le psychisme humain (dans un premier temps) permet d'éclairer en retour ces postulats et les diverses approches interprétatives étudiées depuis près d'un siècle. François Martin utilise ainsi aussi bien la théorie de la décohérence (pour éclairer la notion de libre arbitre par exemple et la conscience de nos actes et choix) que les modèles qui nient ce fameux postulat 5 de la physique quantique (Everett, Cerf et Adami) (pour éclairer la notion d'inconscient et les échanges d'information inconscients entre personnes comme lors d'une relation thérapeutique). François Martin utilise les matériaux à sa disposition qui lui semblent le plus opportun à sa thèse. Car, l'interprétation de l'Ecole de Copenhague (majoritairement admise et usitée), dans sa dimension positiviste ne nous aide guère à comprendre la réalité ! Mais François Martin tranche cependant dans sa conférence donnée à Genève en février 2009 devant des psychiatres où il écrit clairement dans ses conclusions (p.18) que : " La projection de notre subjectivité dans l'environnement dans lequel nous baignons (phénomènes de synchronicité de type II) en accord avec la mécanique quantique, réfute aussi bien l'hypothèse locale ("chaque individu est dans son coin d'espace-temps") que l'hypothèse réaliste ("l'objet a une réalité bien définie en dehors du sujet").".

Je veux donc souligner ici que l'étude de la conscience d'un point de vue quantique nous renseigne par isomorphisme sur la métaphysique de la mécanique quantique elle-même. Il est vrai qu'elle se prête particulièrement bien au propos car elle est au cœur de la saisie du réel, donc au cœur d'une métaphysique existentielle.


Que nous propose donc la métaphysique de la mécanique quantique comme vision du monde ?
"Une des caractéristiques de la physique quantique est son impossibilité à être formulée en termes “classiques”. "(...)un système ne peut pas être décrit classiquement comme une onde ou un corpuscule. Il est en fait “les deux ensemble” dans le sens où, dans la réalité expérimentale, certaines expériences le font apparaître comme une onde tandis que d’autres le font apparaître comme un corpuscule. Seuls des objets mathématiques, comme les fonctions d’onde ou les champs quantiques, peuvent décrire ce double aspect “contradictoire” des systèmes quantiques."


Cette impossibilité quasi ontologique de la physique quantique a être décrite par des visualisations physiques communes attachées à notre quotidien "classique" est abordée par de nombreux auteurs dont Bernard d'Espagnat et rejoint Lothar Schäfer qui va cependant plus loin quand il déclare que les états quantiques décrits par des vecteurs ne sont en fait que des idées abstraites, donc de la pensée pure.
Mais la réalité est elle réductible à ces objets mathématiques qui décrivent des propriétés de la réalité ? Certes, oui, nous répond Lothar Schäfer; certes, non, nous rétorque François Martin en s'appuyant sur la dualité matière/esprit pour élaborer sa théorie. Et si la matière comme l'esprit peuvent être décrits par des objets mathématiques au sein d'une mécanique spécifique, aucun des deux n'est réductible à l'autre.


Ensuite, “Le problème important dans la métaphysique de la mécanique quantique est la question de savoir où placer la coupure entre l’observateur (le sujet) et l’objet observé. La stupéfiante constatation de (John) von Neumann est que son placement est sans rapport avec l’évènement mesuré. La coupure est déplaçable."

Ces propos de S. Klein (cités par F.Martin) sont absolument décapants ! Ce déplacement théorique et sémantique a permis à Hugh Everett d'imaginer en 1957 que l'univers dans son entier est quantique et de proposer que le processus de mesure n'implique pas la réduction de la fonction d'onde au seul vecteur d'état mesuré mais que cette dernière continue à être superposition de tous les possibles. Cette théorie des "Univers Parallèles" a été à mon sens mal interprétée et il y manquait non seulement un mode opératoire mais également une notion d'écologie (au sens d'une efficience et d'une heuristique).
Plus tard, la décohérence (Zeh, Zurek) a élargie la mesure à l'environnement et considère le système quantique constitué de l'objet étudié et du détecteur comme intriqué avec son environnement. Du fait de la complexité quantique de l'environnement, on admet qu'un certain nombre d'interférences entre vecteurs d'état deviennent négligeables et le système quantique est alors décrit par un opérateur représentant non plus une superposition d'états purs mais un mélange statistique d'états purs. La mesure quantique définit alors des états "classiquement" possibles et observables du système.
En gros, la théorie de la décohérence élargit le "champ" de la mesure en y incluant l'univers dans son entier et en admettant (par le bon sens !) que toute observation (par définition) locale ne peut rendre compte de l'infinité des interactions possibles. Ou, pour le dire autrement, nous observons localement un "système" global et ce système a autant de visages que de points de vues locaux.
TXT le dit très bien, dans les "Voies de La Lumière" (p.221) : "Avec la décohérence, la barrière érigée par Bohr entre le monde microscopique et le monde macroscopique n'a plus lieu d'être. (...) L'acte d'observation n'est plus spécifique, car il n'est qu'un autre exemple d'interaction de la particule observée avec son environnement. L'observateur et la particule élémentaire sont sur un pied d'égalité, car leurs évolutions quantiques sont toutes deux décrites par la fonction d'onde de Schrödinger."

Ainsi, pas de frontière entre objet et sujet. Pas de frontière entre local et global. Pas de frontière entre infiniment petit et infiniment grand.

C'est tout simplement vertigineux.

Il reste un problème : si la mesure, la saisie du réel, se réduit au final à un mélange statistique d'états, comment le choix mesuré, unique état, se réalise ? Par exemple, comment la particule se retrouve "là" plutôt que "ici" ? Dans la célèbre expérience de pensée dit du chat de Schrödinger, comment se fait il que le chat soit mort plutôt que vivant par exemple ? Car nous n'observons jamais avec notre conscience qu'une unique possibilité, qu'un unique chemin, qu'une unique histoire parmi toutes celles possibles et calculables.
Alors la théorie de la décohérence a beau vouloir supprimer l'effet prépondérant de l'observateur, en le rendant égal à l'effet d'autres interactions, il reste que la question du choix final demeure sans réponse, ou tout au moins repoussée hors de ce que la physique actuelle peut appréhender !

Nous verrons que l'apport de François Martin de Volnay à cette question est pertinente et décapante...

à suivre...

dimanche 7 février 2010

Reliences ?

Reliences est un néologisme.
C'est une tentative personnelle de transmettre une complexité.
Relience est attachée à relier comme un "mouvement porté vers".
Une "relience" n'est pas une liaison, mais plus une mise en relation.
Dans la relation, la "relience" amène une "attention à".
Cette "attention à" définit également une bijection entre deux sujets/objets et une mise en perspective.
Cette "attention à" est une saisie du réel, dans ce qu'elle a de dynamique, de fugace, d'éternelle aussi, dans un mouvement incessant, continument discontinu.
Par cette voie, la "relience" se rapproche de la volition.
Il est indéniable que la relience a à voir avec une voie spirituelle, par exemple, le vajrayana. Mais tout ce que contient la relience n'est pas réductible à cela...
Et il est néanmoins évident que même un Français éduqué selon des concepts judéo-chrétiens et immergé dans une métaphysique occidentale de source grecque peut appréhender ce geste sémantique, tout entier contenu dans "relience".
Car de nombreux philosophes, psychanalystes, penseurs, mathématiciens, physiciens, biologistes, rêveurs, poètes, peintres, karatékas, jongleurs, automobilistes, marins, danseuses, professeurs, comptables (?), consommateurs, spectateurs, comédiennes, clowns, cuisiniers, amants, banquiers (?), boulangers, charcutières, pêcheurs, théologiens, vigneronnes, chanteuses, écrivains....ont tenté déjà, tentent encore et tenteront toujours de se saisir de cette fugacité essentielle qui soutient leur existence.
Toutes ces tentatives contribuent à la compréhension (prise avec soi) collective de la relience !
Reliences n'est pas dogmes.
Reliences n'est pas vacuité.
C'est peut-être ce que voient les parties des parties des parties des parties....des parties ?
Mais Reliences n'est pas le tout.


Puisque aussitôt saisi, il disparaît. Aussitôt là, il est ailleurs.
Il est le blanc entre les mots noirs.
L'infini entre chaque nombre.
L'univers qui respire.
Une vague ? Une onde ?
Une singularité et une hyperstructure.
...
C'est au fond ma contribution d'amour à l'amour des hommes.
C'est si simple et si complexe à la fois.

samedi 6 février 2010

Le Temps de la Lumière et ses portes...

Je me baladais dans les mots de Trinh Xuan Thuan (TXT), son opus ouvert sur la physique et la métaphysique du clair obscur : "Les voies de la Lumière". Une phrase au détour d'une autre m'a ouvert un abîme, jamais refermé depuis. (Est ce alors une mise en abyme ?)

Il s'agit d'une lecture pour tous de la relativité restreinte d'Albert Einstein et TXT nous dit : "la somme des carrés des vitesses spatiale et temporelle est égale au carré de la vitesse de la lumière." Par convention, en effet, la norme du quadrivecteur vitesse d'un objet dans un référentiel galiléen est une constante et on peut isoler les composantes spatiales (x,y,z) de la coordonnée temporelle (ct). D'abord qu'exprime une vitesse "temporelle" ? C'est un rapport (une dérivée), entre deux temps : le temps t du référentiel observateur et le temps propre de l'objet en mouvement. Dire que la vitesse temporelle diminue signifie que le mouvement diminue dans le temps, soit un temps propre qui "ralentit" par rapport au temps de l'observateur. Or, plus le mouvement spatial est rapide, plus le mouvement temporel est lent puisque la somme de leurs carrés est constante et équivaut à c^2 (vitesse de la lumière au carré). (Par définition du temps propre et du facteur dilatation du temps, on arrive aussi à ce raisonnement évidemment). Donc plus un objet va vite dans l'espace, plus son temps ralentit (par rapport à un observateur non soumis au même mouvement !) jusqu'à s'immobiliser complètement quand la vitesse de la lumière est atteinte. "Ainsi, seule la lumière n'a pas de mouvement temporel; le temps, pour elle, est figé.(...)Si nous considérons la situation du point de vue du grain de lumière, (...) le photon "pense" qu'il est immobile et que c'est le paysage qui défile à la vitesse de la lumière devant lui. Il voit un espace tellement contracté que toutes les séparations entre objets se réduisent à zéro. La notion de distance n'existe plus pour un photon.  Il est en contact simultanément avec l'univers tout entier. Il est partout à la fois dans l'espace." (p.136)

C'est beau, non ? Ceux qui croient en Dieu ou ceux qui ont lu la Bible (par exemple) peuvent voir là un message clair : Dieu n'est il pas lumière ? Dieu n'est il pas partout ? Voilà un premier message troublant.

Ceux qui ne veulent pas voir de message religieux peuvent cependant considérer quelle brèche s'est ouverte avec la relativité restreinte. Elle nous ouvre grand la porte à la Théorie Quantique des Champs et à sa modélisation de l'univers comme un ensemble de champs étendus dans l'espace et le temps;  les "objets" matériels, aux propriétés mesurables, sont vus comme des excitations (des variations énergétiques) de ces champs. Elle nous ouvre la compréhension de cette mécanique quantique, incompréhensible sinon et à ses paradoxes apparents sur le temps (paradoxe EPR, chat de Schrödinger etc..). Une porte à ouvrir plus tard...

Reprenons la phrase de TXT sur la somme des carrés des vitesses et regardons cela de plus près. Nous trouvons dans la théorie l'expression du carré de l'intervalle d'espace temps et la définition d'un quadrivecteur vitesse en fonction des 4 coordonnées d'espace temps. TXT sort sa phrase de ces définitions; ensuite, il extrapole le facteur dilatation du temps en prenant le cas où v=c, c'est à dire le cas où l'objet en mouvement est un photon et où le facteur dilatation du temps est infini.
Illustrons cela par le rayonnement cosmique : on détecte par exemple un rayonnement à 10^20 eV ce qui permet de calculer une vitesse spatiale d'environ 10^-22 c (très proche de la vitesse de la lumière) et donc un facteur dilatation du temps d'environ 10^11. Traversant notre galaxie de taille d'environ 100000 al (année-lumière), le rayon cosmique va mettre 10^-11x100000 soit environ 30 secondes ! C'est à dire que pour le rayon cosmique, il ne s'écoule que 30 secondes alors que pour nous, terriens, il se sera écoulé 100 000 ans ! Poussé à la limite, ce raisonnement donne pour un photon un temps propre nul et corrélativement un temps d'observation terrestre (par exemple) infini. Voilà pourquoi TXT écrit que le temps, pour la lumière, est figé.

N'est il cependant pas paradoxal d'écrire que le temps propre de la lumière est nul et en même temps qu'elle "voyage" dans l'espace-temps à c ? Nous décrivons par exemple notre univers "visible" (dans toutes les longueurs d'onde possible) grâce à la "lumière" et l'espace-temps ainsi exploré l'est quantitativement par la propriété de sa "vitesse". Ainsi, nous regardons aujourd'hui un univers qui a déjà vécu, la lumière reçue nous indiquant quelle distance elle a parcourue depuis sa naissance dans telle étoile ou telle galaxie. Et pourtant, du point de vue de la lumière, elle a toujours été là, étendue sur l'espace-temps ! Un raisonnement à la limite des équations, comme le fait Trinh Xuan Thuan est il toujours pertinent ? Oui, et nous renforcerons ce point de vue avec la mécanique quantique, plus tard.

Nous pouvons toutefois jongler déjà avec les notions de composantes spatiales et de composante temporelle de la vitesse: car dans l'espace-temps (4D), le temps a même valeur qu'une dimension spatiale et lorsque nous sommes assis, "immobile", sur notre chaise, dans notre maison, nous voyageons en fait dans l'espace-temps par rapport à un "référentiel galaxie" ! Toute la beauté et la force de la relativité restreinte tient déjà à nous faire prendre conscience que tout est mouvement, tout est en mouvement et que le temps ne s'écoule pas dans un espace mais qu'il est lui aussi cet espace, comme l'espace est d'ailleurs symétriquement du temps. C'est une autre "porte" que j'ouvrirais plus tard...

Ne boudons pas notre plaisir et continuons donc notre analyse de ce paragraphe de TXT sur ce que "verrait" le photon de l'espace autour de lui : distances contractées et séparations entre objets réduites à néant.
Dans cette métaphore, Trinh Xuan Thuan semble prendre le TGV qui roulerait à une vitesse atteignant c et de fait, en tant que spectateur regardant le paysage, il finirait par ne plus rien voir du tout ou tout au moins un seul "objet" : l'univers dans son entier. A quoi ressemblerait il cet univers, vu par la lumière ? En réfléchissant à cette question, nous pensons au Big Bang et à la reconstitution "classique" de notre passé, de notre univers. C'est à nouveau une autre porte à ouvrir...

Allons encore ailleurs : si un observateur imaginaire voyage à la vitesse de la lumière (c), quelle est alors la vitesse de la lumière qu'il "voit" ? Et bien, mais c évidemment ! Einstein lui-même avait imaginé cette question et y avait répondu. Mais comment "voir" quand on va aussi vite que le support qui permet de faire voyager l'information ? La question est mal posée : ce n'est pas comment mais que voit t on, à nouveau ? Tout, dans son entier, immédiatement, sans aucun délai, sans aucune distance entre sujet/objet, ici et maintenant, depuis toujours, ailleurs, partout. Pour prendre du "champ", il faudrait alors être plus rapide encore que la lumière, devenir supraluminique ! Régis Dutheil a investigué cette voie dans son ouvrage : "l'homme superlumineux"; une autre porte à ouvrir encore...

Les voies de la lumière de Trinh Xuan Thuan est un donc un ouvrage remarquable, réalisé par un scientifique rigoureux et pédagogique. La mise en abyme que j'ai vécu à sa lecture m'a poussé et me pousse encore à ouvrir d'autres portes. Le "temps de la lumière" est bénéfique pour le mouvement de la connaissance !

mercredi 3 février 2010

Utopie et Mensonge

Je crois qu'il est vain de transcrire mes impressions, mes idées, mes intuitions, en voulant suivre une ligne. La première évoquée est  le temps : retrouver un semblant de chemin en retrouvant un début et donc un milieu et une fin. La pensée ne fonctionne pas comme cela, en tout cas, pas la mienne. Ecrire le préambule de ce blog paraissait une chose facile tant les mots étaient déjà là. Puis, il m'est apparu qu'ils faisaient semblant d'être déjà là. Il fallait réécrire un article jamais écrit. Cela me fait réfléchir au sens du temps psychique et à l'instant. Comment croire que l'on a déjà fait quelque chose alors que rien de tangible ne s'est passé à part un "mouvement" de pensées hors du temps.

Réécrire cet article était une écriture neuve en fait. Réécrire cet article m'a permis de tester d'autres chemins et d'en aligner un ce jour là. En partant d'une source rencontrée il y a plus d'un an mais en charriant toutes les rencontres depuis ! Utopique et mensonger.
 

Ecrire ne se pratique qu'à l'instant. A l'instant, nous expérimentons alors le déploiement des possibles dans cet espace exigu mais essentiel qui ouvre un chemin sur l'après. Cette expérience est unique. Cette expérience introduit le temps dans l'espace ainsi exposé, découvert, ouvert simplement.

Ouvrir l'espace, y introduire le temps. Ressentir ce mouvement.

Quelle importance a le reste ?

Je vais donc suivre plusieurs lignes à la fois...

mardi 2 février 2010

La mort est une transition quantique...

Jean Staune m'a également fait découvrir un de ses "contributeurs" : Lothar Schäfer , de l'université de l'Arkansas aux USA. Professeur de Chimie, il a publié notamment en cristallographie. Mais Mr Schäfer s'intéresse aussi à la philosophie des sciences et au pourquoi des choses.
En lisant son article "L'importance des Etats Virtuels dans l'émergence de l'ordre complexe dans l'univers" (traduit par J.S.), il est amusant de s'échapper du quotidien et d'imaginer comment une vision quantique de l'univers peut amener à des considérations conceptuelles sur le vivant/non vivant et sur le déploiement de la complexité.

Mr Schäfer postule tout d'abord que tout système matériel (composé d'atomes et/ou de molécules) peut être a priori relié à une fonction d'onde (de Schrödinger). Chaque système matériel est ainsi le centre d'un système d'états quantiques (à des énergies différentes) dont un seul état est occupé tandis que les autres restent vides. L'état occupé est "réel" car il possède une probabilité de présence observable tandis que l'état vide est "virtuel", non observable, mais existant tout de même sous forme mathématique et susceptible de devenir réel lorsqu'un changement d'état du système matériel (toute activité d'un système matériel est réductible à un changement d'état quantique) le fera s'actualiser en un état occupé !
La réalité décrite ici est donc quantifiée et dualiste : une structure "observable" (mesurable) actualisée et une structure potentielle, parfaitement calculable (états probabilistes) définie et déterminée a priori mais non observable.
Toute évolution d'un système matériel est donc parfaitement déterminée par cette dualité (actuelle;potentielle) et le "vide" (état quantique vide) est nécessaire au déploiement de la "vie", de la création, de ce que nous voyons autour de nous (nous y compris !).

Le postulat "primat" est le suivant : "tout ce que nous voyons, tout ce qui est réel dans le sens usuel de ce mot, est l'actualisation d'un état quantique ; tout ce qui est possible est déposé dans des états virtuels."

Lothar Schäfer voit plus loin : " (...) chacun de nous est l'actualisation d'un groupe d'états quantiques qui existaient déjà comme états virtuels avant notre naissance et qui continueront à exister après notre mort."

Ainsi, d'après Schäfer, tout est déjà là. L'ordre complexe de l'univers est déjà contenu dans les états quantiques virtuels. L'ordre complexe de l'univers est quantifié et toute évolution se joue dans cet ensemble.

Attention, cela ne veut pas dire que toute évolution est figée, que tout est déjà écrit, que la dynamique de l'univers est finalisée. Au contraire, tout est à construire à chaque instant, l'équilibre de la vie est un combat incessant, une interdépendance permanente, mais dans un cadre quantifié, ponctué de possibles.

Nous parlons là de la vie en général. Mais comme tout est déjà contenu, tout est déjà là, l'observable et l'inobservable, qu'est ce que définit la mort ? Ainsi, ce que nous nommons naïvement "mort", vue comme un "état" opposé à la "vie" peut elle se réduire à l'inobservable ? Peut elle se réduire à une (somme de) transition(s) quantique(s) ? Car poser la question : la mort n'est peut-être qu'une transition quantique de la conscience parmi d'autres revient en fait à s'interroger sur le comment et le pourquoi de l'étincelle de vie qui nous anime.

Ici et maintenant.