samedi 20 février 2010

L'Ombre du Savoir...

Je n'ai plus en tête le lien précis qui m'a amené jusqu'à Nikos Lygéros. Il est vrai que la production complexe de cet homme et quasi "infiniment" dense laisse ouvert (puisqu'il "produit" tous les jours) un nombre de liens vertigineusement grand !
En revanche, le premier article consulté est très certainement celui sur l'apprentissage du problème de l'ombre à des enfants.
L'intérêt de Nikos Lygéros est ici d'illustrer par l'expérimentation que l'appréhension du monde, de la réalité, est lié au préalable de la connaissance d'un certain nombre de concepts formels.
"Même si l'ombre est nécessairement une simplification de données à trois dimensions, sa définition n'est pas immédiate pour des enfants lorsqu'il s'agit de la représenter de manière réaliste. C'est alors que nous découvrons que l'enfant ne comprend pas nécessairement ce qu'il regarde et qu'il ne voit que ce qu'il comprend. Il sait ce que représente l'ombre mais il ne sait pas nécessairement la représenter."

Plus exactement, Nikos Lygéros souligne dans la compréhension, la phase préalable de représentation nécessaire à la saisie du réel. Les deux termes sont mis ici en équilibre : nous ne comprenons pas tout ce que nous regardons car nous ne voyons que ce que nous comprenons. L'étendue embrassée est vaste, possiblement "infinie" comparativement à nos possibilités cognitives et effectivement, nous percevons seulement ce que nous comprenons déjà. Donc, il nous faut acquérir au minimum la "notion" du relatif (pour placer l'objet étudié parmi d'autres et même pour le distinguer des autres !) et apprendre l'algorithme qui nous permet de (re)trouver le résultat escompté (en l'espèce apprendre la représentation de l'ombre par exemple). Une fois acquise cette représentation mentale de la réalité, nous nous saisissons d'elle.

Ce processus peut sembler étrange et à l'exacte opposée du bon sens ! C'est à dire que ce processus semble fonctionner à rebrousse temps (pour reprendre un célèbre titre (en français) de Philipp K Dick !) puisque la saisie semble subordonnée à sa représentation, puisque un acte de saisie du réel au temps t semble subordonné à un apprentissage d'une durée plus longue et dont la fin se situe au minimum à t-1. En écrivant cette phrase, on voit immédiatement qu'il n'y a point de paradoxe puisque il y a discontinuité et qu'il faut dans la démonstration ajouter un facteur : la transmission ou l'intervention d'un tiers.

En effet, se saisir du réel est un jeu d'enfant ! Mais transmettre cette saisie à autre que soi, c'est....un exercice plus délicat et qui requiert justement l'apprentissage de la représentation du réel. Nikos Lygéros finit son article (sus mentionné) en affirmant : "Car ce n'est qu'à travers le mental que nous comprenons la réalité.". Certes, mais pour prendre avec soi (étymologiquement "comprendre"), il faut d'abord implicitement reconnaitre mentalement un "soi", donc un autre, puis explicitement reconnaitre ce désir de transmettre à l'autre (ou à soi !) sa représentation mentale.
Et la saisie du réel se trouve alors contenue dans ce désir explicite de transmettre.

Nous ne voyons, au fond, que ce que nous désirons voir, que ce que nous désirons partager avec l'autre.
Et le savoir n'est rien sans sa transmission à l'autre.

3 commentaires:

Unknown a dit…

C'est moi qui vous ai donné le lien Lygeros ;-) cbp

Laurent LAVIGNE a dit…

En fait, ce lien précis sur cet article là est venu d'une ballade sur Mensa, comme vous me l'avez rappelé, oui. Ensuite, 9 mois plus tard,alors qu'il était sorti de mon "quotidien", vous me l'avez effectivement redonné en me faisant pencher sur deux autres articles. Et de là m'est venu ce mouvement vers lui qui ne s'est pas arrêté à ce jour...

Unknown a dit…

Merci pour ces visions du monde nouvelles pour moi, souvent dérangeantes mais toujours extrêmement intéressantes et "intérrogeantes"!Voici mon commentaire concernant "nous ne comprenons pas tout ce que nous regardons car nous ne voyons que ce que nous comprenons": l'observation d'un chat en est un exemple concret. Ils ont une audition nettement supérieur à la notre, mais ne réagissent qu'aux sons qui ont une signification pour eux.Des sons forts sans significations ne les empêchent pas de dormir. Ils n'entendent que ce qu'ils connaissent. Associez un bruit à une action, comme secouer la boite de croquette pour le rappeler chez vous témoigne de:"la phase préalable de représentation nécessaire à la saisie du réel". A une prochaine fois.:-)