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samedi 22 mai 2010

Théorie Quantique de la Psyché : une logique des 3 matières !

Nous avons déjà écrit sur François Martin de Volnay (FMV), physicien membre du LPTHE à Paris, notamment sur les théories qu'il a développées sur la psyché quantique. (voir le lien vers son site internet et les articles suivants : "Système Quantique et Frontières" et "Quand le futur détermine le passé").

Il est temps d'y revenir vraiment. Que nous propose donc ce chercheur ? Un modèle quantique de psyché. Or, nous avons pris connaissances de travaux philosophiques qui viennent appuyer et soutenir cette comparaison, voire cette analogie, voire cet isomorphisme, entre quantique et psychisme. Il est donc d'actualité de prendre connaissance d'une formalisation rigoureuse entre ces deux-là !

Les arguments qui motivent FMV sont rappelés dans cette conférence qu'il a accordé en 2009 (déjà cité) : la conscience "est au moins un système quantique" même si "il est probable qu’elle est plus que cela." Et "Il est clair que la conscience n’est pas un système classique". Les arguments "techniques" sont développés plus haut (§3.1 p.9), qu'on peut résumer par : "Il n’y a pas de séparation entre l’objet et le sujet qui observe l’objet." Ainsi, la conscience fait clairement partie de la physique quantique tout en ne se réduisant pas à celle-ci. FMV ne parle pas d'isomorphisme, il reste prudent et pragmatique.
Ensuite, le physicien avance le phénomène des synchronicités, premièrement décrits selon lui par Carl G. Jung et documentés dès son époque par la physique quantique grâce à ses travaux psychanalytiques avec Wolfgang Pauli. En fait, l'interprétation physique des synchronicités amène à s'interroger également sur la séparation entre objet/sujet et donc sur l'identité, cette fois, entre notre environnement et notre conscience : "Notre environnement serait ainsi identique à notre subjectivité, ou plutôt il serait une représentation de notre subjectivité. En allant plus loin nous pourrions dire qu’il “EST” notre subjectivité." Mais, nous l'avons vu, FMV ne souhaite pas aller plus loin et réduire de manière réciproque et identitaire le monde observé et l'observateur. Il souligne cependant que la synchronicité, paradoxale dans une interprétation "classique" de la réalité car a-causale, redevient tout à fait abordable dans une interprétation quantique de la réalité, c'est à dire, nous l'avons compris maintenant, dans une logique de l'inclusion et non de l'exclusion.
Enfin, FMV argumente sur le(s) processus de l'émergence de la conscience dont les mécanismes ne sont pas totalement éclaircies par la science et à la suite de nombreux auteurs physiciens ou mathématiciens, souhaite lui aussi participer à cette recherche d'une meilleure compréhension grâce aux outils issus de la physique quantique.
En gros, comme le chercheur le rappelle dans sa conclusion : "un certain nombre de phénomènes psychiques ne sont pas explicables dans le cadre de la mécanique dite “classique”." Aussi, il est pertinent de tenter de les expliquer dans le cadre de la mécanique quantique...

Quel cadre définit il pour son modèle ? FMV développe ce sujet dans son premier article de 2003 et le résume dans celui de 2007 : sa théorie s'intéresse aux états mentaux et non pas aux états physiques du cerveaux, dans un cadre dualiste entre esprit et matière. Ainsi, il ne se situe pas dans la lignée des théories quantiques des états physiques du cerveau comme celles de Beck et Eccles par exemple. En revanche, il revendique la succession des théories de Jung et Pauli sur ce sujet. Enfin, la dualité assumée permet au chercheur de pratiquer la science physique, même si son travail revendique une étude aux marges, aux limites des points de vues "classiques".
Très clairement, FMV pose sa posture en équilibre sur les 2 polarités existantes (dans la logique "classique" ou de l'exclusion) : ni matérialiste (la conscience provient exclusivement du fonctionnement organique du cerveau, elle reste un "objet" matérielle) ni "spiritualiste" ( la conscience provient d'un au-delà du corps et ne peut s'appréhender scientifiquement, elle est un "sujet" spirituel) : les états mentaux, représentés et formalisés par les outils de la mécanique quantique, ne sont donc pas réductibles aux états physiques, matériels, du cerveau mais leur sont corrélés. Son travail ne consistera pas à décrire proprement cette corrélation mais bien plutôt à postuler la représentation de la psyché et l'explication de ses concepts , par analogie avec la description de la matière microphysique. FMV s'empare ainsi de la réflexion de Stanley Klein (professeur en neurosciences) sur le lien étroit qui existe entre l'observateur de la mécanique quantique (problème de la mesure) et la conscience subjective de l'observateur (problème des qualia ?) en postulant comme lui la coupure sujet/objet entre la conscience d'une part (:=: sujet) et l'inconscience d'autre part (:=: objet) (étant entendu que la "coupure" est toujours déplaçable...).

Quels développements propose FMV ? Il propose essentiellement une analogie, pour ne pas dire plus, entre matière microphysique et "matière" psychique (pour reprendre les termes lupasciens).
Ainsi, "le psychisme humain est une excitation particulière d’un champ psychique de nature quantique sous-jacent et universel" comme un électron par exemple est une excitation possible, un quantum, du champ quantique correspondant. Ensuite, "Le psychisme humain aurait ainsi une représentation analogue à un système quantique, avec des états virtuels et des états physiques qui correspondraient respectivement à la potentialité et à l’actualisation de l’esprit humain." Cette représentation se fait sous forme d'opérateurs, vecteurs d'états psychiques au sein d'un espace psychique des possibles. L'état psychique d'une personne est comme la superposition d'idées différentes ou d'états psychiques indépendants entre eux. Puis, chez l'humain au moins, intervient non seulement la conscience mais également la conscience de soi : ces deux états sont dialectiquement antagonistes et leur tension continue ("leurs transitions") "constitue(nt) l’essentiel du dynamisme de la psyché humaine" selon FMV.

A ce point là, nous pensons à la logique du tiers inclus : "Dans des circonstances normales une personne se situe “entre” les deux pôles dialectiquement opposés de la conscience et de la conscience de soi-même." Mais S. Lupasco décrit la conscience de soi plutôt comme le tiers inclus d'un couple d'antagonistes : le réel connu actualisé et la conscience connaissante potentialisée. Ainsi, nous pouvons interpréter les développements de FMV selon cet axe : c'est bien la tension continue entre l'actualisé et le potentialisé, entre les états physiques et les états virtuels du psychisme qui constitue son dynamisme. Or, dans cette continuité (constituée de discontinuités : les états potentiels de la (conscience + inconscience)), il existe un état dialectiquement opposé aux deux précédents : c'est la conscience de la (conscience + inconscience), mi-potentialisé et mi-actualisé. C'est la raison pour laquelle la conscience de soi peut à la fois sélectionner un état virtuel (une pensée potentielle) sans l'actualiser et à la fois, en tant que libre arbitre, sélectionner un état virtuel en l'actualisant en état physique, réel (au sens mesurable). Il me semble aujourd'hui que sans cet éclairage lupascien, les développements de FMV (§4 et §5, 2003) peuvent apparaître comme confus, or, avec cet éclairage, les divers concepts mis en œuvre trouvent leur place et leur dynamique. Ainsi, au sein de la triade définie plus haut, nous trouvons bien que la coupure est déplaçable le long des transitions continues du psychisme, mais sans jamais se réduire à l'un des trois antagonistes en présence : la dualité n'est pas inconsistante comme le souligne FMV, à cause justement de cette triple dialectique ! N'oublions pas, comme nous l'avons vu avec B. Nicolescu, que la triade lupascienne se comprend plus aisément couplée avec le concept de "niveau de réalité", ce que sous entend FMV lorsqu'il écrit que seul l'état actualisé, mesuré, s'inscrit dans l'espace-temps, les états virtuels, potentiels, antagonistes, ne le sont pas donc appartiennent bien à un autre niveau de réalité que celui décrit implicitement par ce concept "d'espace-temps".

Munie de la coloration lupascienne, la théorie quantique de la psyché humaine de FMV, permet d'expliciter plus simplement une boîte à outils conceptuels (actuel, potentiel, virtuel, physique, libre arbitre, décohérence etc..) et par retour fournit à la logique des 3 matières, un puissant outil prédictif qui doit permettre de démontrer plus que l'analogie entre matière psychique et matière microphysique.

...à suivre...

dimanche 16 mai 2010

Espace-Temps Quantique : la fin du champ ?

Dans Champ et Quantum..., nous nous sommes saisis du concept de champ quantique utilisé en physique pour planter le décor de futures discussions immergées dans cette métaphysique et introduire du mieux possible la fameuse triade lupascienne de B. Nicolescu : {énergie,discontinuité,seuil}. Nous nous sommes arrêtés à la théorie de l'Electrodynamique Quantique, nous devrons y revenir pour aborder la Chromodynamique Quantique, ce qui nous demandera de nous pencher sur les symétries et les fameux principes de jauge issus de la théorie des groupes de Lie. Ces théories de jauge utilisées en physique trouvent certainement un aboutissement avec "la théorie du Tout exceptionnellement simple" de Anthony Garett Lisi, entièrement fondée sur le groupe de Lie exceptionnel E8, théorie très belle mais hautement spéculative et complexe.

Dans un premier temps, il faut comprendre que le champ est, comme le reste, un objet conceptuel transitoire. C'est Nykos Lygéros qui nous éclaire là-dessus avec son style sobre, épuré et concis dans "Sur la Notion de Champ en Physique". Il nous rappelle qu'il est possible de voir la transversalité de cette notion en se saisissant de la masse (d'un objet), concept à la base des forces de Newton et des interactions d'Einstein. De la masse, vue comme ponctuelle, à la nécessité d'une action à distance entre les points/masses, à la variété (pseudo-) riemanienne de l'espace-temps, au champ, il y a la continuité. Or, "la continuité du champ pose un problème crucial puisqu'il s'applique à un espace a priori continu.". Ainsi, dans la théorie quantique des champs, dans le modèle standard des particules, la masse disparaît en tant que donnée consistante, elle devient un degré de liberté à "combler" par l'expérience, c'est d'ailleurs une quantification "ultime" (le boson de Higgs) du modèle qui doit attribuer la masse à tous les autres quanta conceptualisés. Mais, et tous les physiciens le savent, coupler un espace-temps continu avec une théorie quantique du champ, c'est, faute de mieux, une démarche archaïque et qui pose des problèmes insurmontables. "L'autre problème fondamental, c'est que dès que nous passons sous la longueur de Planck, la réalité physique perd son sens." nous rappelle Nikos Lygéros, ce qui montre à nouveau que "la discrétisation de l'espace mais aussi celle du temps semble nécessaire.". La continuité est une notion puissante mais faut il le rappeler, après nos articles introduisant la logique de Stéphane Lupasco, doit être mise en relation (relativisée) avec les discontinuités que l'expérience nous donne à saisir.
"Les particules sont nécessairement une étendue non réduite à un point." La particule ou le concept de quantum tel que nous l'avons abordé dans notre article déjà cité ne peut donc être réduit à l'impact sur un écran ou à la trace sur une photo, en bref à sa relation ponctuelle avec un détecteur et in fine avec le sujet observant. Le point, ici, dont il est question, est bien une polarité, une réduction, une projection, d'une relation ouverte. C'est exactement dans ce cadre théorique que sont nés les différentes théories des cordes (voire de la gravitation quantique à boucles), par une extension spatiale et temporelle du "point" (plus rigoureusement par une nouvelle définition de l'excitation minimale unidimensionnelle du champ à l'échelle de Planck) . Enfin, l'enjeu d'une quantification de l"interaction gravitationnelle réside bien en une compréhension de la physique à l'échelle de Planck. "Ainsi l'introduction du champ en physique peut-être considérée désormais comme une méthodologie sans doute efficace dans un premier temps mais ad hoc sur le fond." conclut Nikos Lygéros dans son court article.

Dans un deuxième temps, il faut revenir à la compréhension même de l'espace-temps, ce que nous abordons de nombreuses manières, par des éclairages certainement originaux, dans ce blog. En physique, c'est finalement la question primordiale, remise en perspective au début du XXè siècle par la mécanique quantique et la relativité générale, ces deux vues fondamentales de notre monde, complémentaires et encore aujourd'hui inconciliables mathématiquement donc formellement. Réunir ces deux vues est nécessaire au moins pour saisir la réalité à l'échelle de Planck et c'est bien ce qu'essaient de réaliser les théories (spéculatives) sur la gravitation quantique à boucles ou "à cordes". Carlo Rovelli, physicien, nous éclaire sur l'arrière plan conceptuel de ces travaux, dans cet article général.
Il souligne ainsi qu'il est nécessaire d'obtenir une notion relationnelle d'espace-temps quantique, couplant ainsi à la fois la localisation relationnelle dans l'espace-temps due à la relativité générale et à la fois la quantification dynamique d'opérateurs non commutatifs dans la mécanique quantique ("we need a relational notion of a quantum spacetime in order to understand Planck scale physics."). En particulier, il illustre qu'une théorie spéculative sur ce sujet est sans doute plus "puissante" si dés le départ, elle postule moins d'hypothèses et notamment n'exige pas un arrière fond d'espace-temps métrique ad hoc, mais que ce dernier découle de la théorie elle même. Cet argument rejoint précisément les préoccupations d'Alain Connes lorsqu'il s'intéresse lui aussi de près au modèle standard des particules et à une théorie spéculative de gravitation quantique.
La relativité générale est une théorie sur la gravitation, sur le champ gravitationnel, et a démontré l'équivalence physique entre ce champ et la métrique utilisée pour caractériser l'espace-temps (il y a équivalence pour un objet entre être soumis au champ gravitationnel ou être soumis à l'accélération du référentiel dans lequel il se trouve par rapport à un référentiel témoin). Ainsi ("General relativity is the discovery that the spacetime metric and the gravitational field are the same physical entity. A quantum theory of the gravitational field is therefore also a quantum theory of the spacetime metric."), une théorie quantique de la gravitation est aussi une théorie quantique de la métrique de l'espace-temps. Carlo Rovelli insiste ainsi sur la définition identitaire de l'espace-temps relativiste et la métrique utilisée; dit autrement, l'espace-temps n'existe pas indépendamment des relations entre les "objets", ces relations, mesurées justement par une métrique, définissent entièrement cet espace-temps relativiste. Le saut "paradigmatique" en quelque sorte de Einstein est de revenir à une vue sur le monde d'avant Newton, avant la considération d'un espace et d'un temps immuables et fixes dans lesquels se meuvent les objets dynamiques soumis à des forces. Pour Einstein, en dehors des "objets" dynamiques reliés entre eux, il n'y a rien, ce sont donc "eux" qui définissent l'espace-temps, ce sont donc leurs propriétés qui fournissent les propriétés à l'espace-temps (ainsi la masse/énergie qui fournit la courbure)...
Or, jusqu'ici, dans le modèle standard par exemple, les théories quantiques des champs s'appuient sur une métrique "classique" et mathématiquement sont décrites au sein d'une variété riemannienne par des opérateurs issus de cette métrique. Il n'y avait donc pas de métrique quantique sur laquelle s'appuyer pour définir des outils opérationnels dans une variété différentiable. Tout le travail de Carlo Rovelli (et de ses collègues) a été de s'attaquer à ce problème. Dit autrement, définir une nouvelle métrique, quantique, c'est donc équivalent à définir un nouvel espace-temps quantique et donc, par équivalence, définir une quantification du champ gravitationnel. De ce point de vue, la théorie de la gravitation quantique à boucles est plus économe en hypothèses que l'ensemble des théories quantiques des cordes.

Pourquoi des "boucles" ? Dans l'article déjà cité de Carlo Rovelli, mais remanié en 2008, ce dernier explicite plus clairement cette hypothèse clé de la théorie : le choix d'une algèbre de boucles ("the loop algebra") prend sa source directement chez Faraday : "According to Faraday, the degrees of freedom of the electromagnetic field are best understood as lines in space: Faraday lines. Can we describe a quantum field theory in terms of its “Faraday lines”?" La réponse, relativement technique, est oui ! Ainsi, les auteurs ont élaboré mathématiquement une théorie quantique de champ, d'un nouveau genre, en partant d'une algèbre de "boucles". Ensuite, implémenter  l'idée d'Einstein de la relativité générale revient (mathématiquement) à se saisir de l'invariance par difféomorphisme : "In general relativistic physics, the physical objects are localized in space and time only with respect to one another. If we “displace” all dynamical objects in spacetime at once, we are not generating a different state, but an equivalent mathematical description of the same physical state. Hence, diffeomorphism invariance." La gravitation quantique à boucles est bien in fine, alors, cette tentative d'implémentation de cette subtile notion relationnelle de localisation dans l'espace-temps, dans une théorie quantique des champs (en l'espèce le champ gravitationnel).
Quelle image, représentation, nous reste t il pour se saisir alors du concept d'espace-temps ? Carlo Rovelli nous l'explique clairement : "we define quantum states that correspond to loop-like and, more generally, graph-like excitations of the gravitational field on a differential manifold (spin networks); but then, when factoring away diffeomorphism invariance, the location of the states becomes irrelevant. The only remaining information contained in the graph is then its abstract graph structure and its knotting. Thus, diffeomorphism-invariant physical states are labeled by s-knots: equivalence classes of graphs under diffeomorphisms. An s-knot represents an elementary quantum excitation of space. It is not here or there, since it is the space with respect to which here and there can be defined. An s-knot state is an elementary quantum of space." Un s-nœud (de spin "s-knot") est un quantum élémentaire d'espace. N'oublions pas que espace, ici, signifie aussi temps, un s-nœud est donc un quantum élémentaire d'espace-temps.
D'ailleurs, le résultat physique clé de la théorie de la gravitation quantique à boucles est le calcul explicite des valeurs propres d'aires et de volumes : la base de la représentation physique de l'espace-temps quantique ! Enfin, interpréter physiquement ces calculs revient certainement à revenir au sens de la mécanique quantique : l'espace-temps n'est pas ainsi un ensemble de quanta, mais bien une superposition probabiliste continue d'ensembles de quanta.

Il reste à se pencher sérieusement sur cette dernière phrase afin d'en savourer toutes les résonances possibles pour les significations pragmatiques qu'elle induit dans notre quotidien...


Nous y reviendrons...


{Pour Carlo Rovelli,je recommande également l'interview de 2007 par ARTE et je remercie également Jacques Fric, secrétaire de la Commission Cosmologie de la Société Astromique de France, pour sa traduction de l'article original en anglais de 1997}

vendredi 2 avril 2010

Logique de l'Energie et Sens...

Dans Tiers inclus..., nous avons introduit la logique du tiers inclus de Stéphane Lupasco. Il faut y revenir en parlant cette fois-ci d'énergie et de matière. (ou d'énergie/matière puisqu'il y a correspondance entre eux depuis la relativité générale)

Dans cet entretien accordé en 1987, Stéphane Lupasco résume son approche de manière très claire.
Voyons çà.

Actualisation/Potentialisation, Hétérogène/Homogène et matière/énergie sont les trois doublets qui permettent de débuter. Il faut bien comprendre qu'un doublet ainsi défini est "irréductible" : dit autrement, chaque élément d'un doublet ne peut exister sans l'autre, sans son contradictoire. Ainsi, en première approche, le doublet défini est non-contradictoire.
L'articulation est la suivante :
Lorsque la matière/énergie actualise l'homogène et potentialise l'hétérogène, il advient la matière "inerte", macrophysique, nos "objets".
Lorsque la matière/énergie potentialise l'homogène et actualise l'hétérogène, il advient la matière "vitale", les êtres vivants.

Stéphane Lupasco se rend compte ensuite qu'il existe un état, un moment, où actualisation et potentialisation sont parfaitement symétriques, dit autrement, dans le doublet des antagonistes existe un état parfaitement contradictoire, l'état "mi-mi" en quelque sorte, parfaitement indéterminé. Cet état est nommé le tiers inclus et étend ainsi explicitement le doublet en triplet ou triade. Cet état explicité existait avant dans le doublet sous forme implicite, le rendre visible permet ainsi de donner toute la consistance à la logique ainsi conçue.
Lorsque la matière/énergie ni n'actualise l'homogène ni potentialise l'hétérogène ni potentialise l'homogène ni actualise l'hétérogène exactement, ou dit de façon plus condensée en tenant compte de la propriété du doublet contradictoire : ni actualise/potentialise l'hétérogène/homogène, ce qui est exactement équivalent aux trois autres permutations existantes *, alors il advient la matière "microphysique" ou/et psychique.

(* ni actualise/potentialise l'homogène/hétérogène <=> ni potentialise/actualise l'hétérogène/homogène <=> ni potentialise/actualise l'homogène/hétérogène <=> ni {actualise, potentialise} le {homogène, hétérogène}, cette dernière notation personnelle "contenant" les 4 permutations ou états possibles et servant aussi à écrire un triplet lupascien)

Ainsi l'énergie/matière fait advenir trois matières, chacune ensemble en même temps au même endroit.
La troisième matière, révélée par la physique quantique, caractérise aussi, d'une façon intuitive pour Stéphane Lupasco, le psychisme du vivant animal (y compris l'humain). Identification par réflexivité : je m'analyse quand je pense, ma conscience de moi me permet d'identifier simplement ce "tiers inclus" à la "structure" de ma pensée. Il est très frappant alors en lisant Lupasco de trouver les mêmes arguments "évidents" dont se sert par exemple François Martin de Volnay pour étudier le psychisme avec des outils de la mécanique quantique et pourtant ce dernier ne se réclame absolument pas de la logique Lupascienne !

Stéphane Lupasco identifie la troisième matière au psychisme du vivant ainsi qu'à celle, microphysique, régie par les lois quantiques; en revanche, il ne donne pas ici clairement les raisons de l'identification formelle du psychique et du "microphysique".
Levons ce paradoxe ou ce malentendu.

Pour Dominique Temple, qui a intégré les concepts lupasciens à sa propre œuvre philosophique, "Lupasco souligne une analogie de structure entre les états coexistants de la physique quantique et la conscience humaine. S'il n'est pas possible de connaître les états coexistants de degré de vérité zéro, il n'est pas impossible qu'ils ne se connaissent eux-mêmes, qu'ils ne soient consciences de consciences. Telle était déjà l'intuition de la noosphère de Teilhard de Chardin et de son évolution continue de l' alfa à l'oméga . " (ref) Ainsi, D. Temple reste prudent et parle d'analogie et non d'identification tout en faisant remarquer qu'il est possible d'envisager cette dernière mais que la preuve est certainement hors champ scientifique et de l'ordre de la révélation.

Lothar Schäfer (qui ne référence pas Lupasco dans son travail), nous l'avons déjà vu ici, ne dit pas autre chose : "Les états virtuels peuvent être décrits comme des Entités Parménidiennes (...) On peut considérer les états cosmiques virtuels comme des idées platoniciennes (...) Face à de tels phénomènes, nous pouvons dire que les particules élémentaires ont des propriétés rudimentaires de conscience. (...) La conclusion en est ici inévitable : la nature du fond de la réalité est semblable à celle d'un esprit. (...) ", cependant il manque à cet auteur l'explicitation du Tiers Inclus et il décrit plus les natures de la Potentialisation et de l'Actualisation.
En convoquant les philosophies Idéalistes allemandes, il fait bien référence à une trinité ("le contraste entre la thèse (l'ego) et l'antithèse (le non-ego) se résout dans la perception de leur unité dans un ego absolu. (Hirschberger, 1981, p.368)") mais cette confrontation avec le contradictoire absolu ou irréductible : "Les états quantiques virtuels représentent un ordre qui est à la fois immanent (les états quantiques sont dans les choses) et transcendant" ne semble bien déboucher pour lui que sur une interrogation du divin : "On arrive ainsi à se demander pourquoi on ne peut penser ensemble la réalité
immanente-et-transcendante et au-delà-de-ce-monde-et-dans-le-monde, qui est Dieu, avec la réalité
immanente-et-transcendante et au-delà-de-ce-monde-et-dans-le-monde qui est la réalité quantique ?"

Basarab Nicolescu est aussi nuancé que le philosophe Dominique Temple en écrivant ici : "En effet, pour Lupasco il doit y avoir isomorphisme (et non pas identité) entre le monde microphysique et le monde psychique. (...) Le monde quantique et le monde psychique sont deux manifestations différentes d'un seul et même dynamisme tridialectique. Leur isomorphisme est engendré par la présence continuelle, irréductible de l'état T dans toute manifestation."

Le malentendu lupascien provient en fait d'une subtilité évidente mais mal comprise : la potentialisation est pour lui clairement une conscience "élémentaire" de l'actualisation, mais ce n'est pas la conscience de la conscience, ou "conscience de soi" pour le vivant. Dominique Temple est très clair là dessus : "Le principe d'antagonisme conduit ainsi à la reconnaissance d'une entité sans matière ni énergie, aussi réelle que la réalité, une matière-énergie, qui est à la fois une conscience de conscience. Lupasco l'appelle l'énergie psychique. (...) L'énergie psychique a bien une spécificité comme conscience de soi, révélation transparente d'elle-même, dénuée de toute connaissance autre que la sensation de sa liberté propre, mais cette dynamique n'en est pas moins relié aux pôles du contradictoire par tous les degrés de vérité de Weizsäcker, de sorte qu' entre la conscience de soi et les consciences élémentaires peuvent apparaître toutes les consciences de consciences que nous appellerons consciences objectives." et en note ce commentaire limpide : "Le principe d'antagonisme implique que l'actualisation de l'énergie et de la matière ne peuvent atteindre une non-contradiction absolue. Dans toute matière ou énergie il demeure donc du contradictoire qui la relie à l'énergie psychique, mais réciproquement, le contradictoire ne peut s'affranchir des dynamismes qui lui donnent naissance par leur confrontation. Il n'y a pas d'esprit sans matière et sans énergie."
Cette dernière phrase peut s'écrire symétriquement : " il n'y a pas de matière sans énergie et sans esprit" ou "il n'y a pas d'énergie sans matière et sans esprit", les trois possibilités sont équivalentes, au moins d'un point de vue logique.

Pour Stéphane Lupasco, il n'y a plus identité absolue, mais seulement isomorphisme, car sa logique du tiers inclus explicite proprement chaque dynamisme dans une triade où aucun des trois éléments inclus ne peut s'expliciter sans les deux autres.

Il est frappant ici de constater d'ailleurs l'analogie (ou l'isomorphisme !) entre cette triade conceptuelle et le triplet de quarks de la chromodynamique quantique. (nous y reviendrons...) De telles analogies existent dans d'autres domaines, par exemple, les divers "courants" de spiritualité comme ceux de la religion en sont riches !

Ainsi, les trois matières/énergies définies plus haut le sont irréductiblement en référence à elles mêmes. L'identité propre à chacune est seulement vue désormais comme une limite "idéale" ou "matérialiste" mais sans consistance. Seule la triade lupascienne inclusive est consistante. Mais que définit elle exactement ?

B. Nicolescu le rappelle clairement : "La structure ternaire de systématisations énergétiques se traduit, (...), par la structuration de trois types de matières, ou plutôt par l'existence de trois orientations privilégiées d'une seule et même matière.(...) ses trois aspects constituent... trois orientations divergentes (...) La conclusion que toute manifestation, tout système comporte un triple aspect - macrophysique, biologique et quantique (microphysique ou psychique) - est certes étonnante et riche de multiples conséquences."

Ainsi, la triade est unitaire et définit en quelque sorte une nouvelle vue du "point", de l'unité. C'est une vue du point beaucoup plus riche et complète que le simple "point-identité". Pour les mathématiques, la triade lupascienne est analogue au triplet spectral utilisé par Alain Connes en géométrie non commutative : une "redéfinition" du "point" de l'espace "généralisé" en quelque sorte.

Et cette triade est "ouverte" c'est à dire que bien que complète, elle est irréductiblement liée à toutes les triades possibles de l'univers. "La tridialectique lupascienne est une vision de l'unité du monde, de sa non-séparabilité" écrit Nicolescu. Elle aboutit aussi à l'idée qu'il n'y a pas de constituant ultime, pas de brique élémentaire, que "tout système est toujours système de système". Le tiers inclus est ainsi l'élément logique irréductible qui ouvre irrémédiablement la systémogénèse lupascienne.

Ces propriétés de la logique de l'énergie ont des conséquences sur l'espace-temps, ce que les physiciens cherchent "désespérément" à démontrer depuis presque un siècle (la fameuse théorie unificatrice ou bien la théorie de la gravité quantique), c'est à dire une quantification aussi bien de l'espace que du temps : "Le temps évolue par saccades, par bonds, par avances et reculs... " nous dit Lupasco. "L'espace-temps quantique est celui de la troisième matière, des phénomènes quantiques, esthétiques et psychiques". (il faudra revenir sur cette notion d'esthétisme pour Lupasco...)

La logique de l'énergie vue selon la logique du contradictoire, l'ontologique de S. Lupasco, laisse cependant un concept en dehors : l'affectivité. Le philosophe l'a toujours dit et écrit clairement : l'affectivité n'est pas de l'énergie. L'affectivité n'est pas logique mais alogique. Elle est. Comme l'être, elle est, mais sans rapport avec l'énergie donc avec le "reste".
Dominique Temple écrit : "l'affectivité se traduit comme un en-soi absolu.(...)A cause de ce caractère absolu, Lupasco situait l'affectivité hors de la conscience de conscience, et n'acceptait pas l'idée que l'illumination de la conscience puisse se fondre en une pure affectivité, le passage lui paraissant impliquer une solution de continuité irréductible entre deux natures."
Pour Lupasco, l'affectivité , c'est à dire en quelque sorte le "sens" que l'humain lui donne et donne à l'univers n'est absolument pas du domaine de la science et de la logique. Dominique Temple, également, ne dit pas autre chose (voir plus haut). Stéphane Lupasco a construit une logique de l'énergie, cette dernière existe, mais il lui est impossible scientifiquement et logiquement de trouver le "sens" de cette énergie.

L'affectivité est un arbitraire, dont on ne pourrait rien dire en rapport avec les tri-composantes de l'énergie/matière.
Il y a là manifestement une discontinuité éminemment singulière !
J'ai déjà écrit mon avis sur la question dans Discontinuité... Je ne peux concevoir, aujourd'hui, qu'une discontinuité aussi "fondatrice" que l'affectivité pour la subjectivité ne puisse se relier à rien d'autre qu'au "néant". Car Lupasco oublie que si d'une "entité", d'une "chose", il est impossible d'y relier un signe intelligible quelconque (par une intelligence quelconque), cela signifie selon lui, soit qu'elle est "néant" ou "tout" ou le contradictoire irréductible et non pas seulement un des termes ici écrit !

Mais je crois personnellement que Stéphane Lupasco par son intelligence savait parfaitement ce qu'il ne voulait pas questionner, avec cette question sur l'affectivité : l'arbitraire du sens !

vendredi 12 mars 2010

Champ et Quantum : Echanges autour d'un seuil

Depuis la Théorie Quantique des Champs, le concept fondamental de la physique qui structure l'univers est le champ.
Le champ est d'abord un concept intuitif : on "voit" bien une étendue continue et infinie devant nous, voire, qui nous contient. Dans la vie quotidienne, en s'intéressant à la météorologie, nous nous emparons, sans le savoir bien souvent, de champs des températures et/ou des pressions. Ces champs à valeurs scalaires (nombres) représentent l'ensemble de toutes les valeurs prises par la température et/ou la pression (atmosphérique) en chacun des points de l'espace environnant. On retrouve donc la notion d'étendue (spatiale) couplée à une "mesure" locale et définie en tout "point". Mathématiquement, le champ scalaire est une fonction qui associe à plusieurs variables (espace vectoriel) un seul nombre. Et ce nombre exprime réellement une sensation : la quantification d'une température ou d'une pression en un endroit de l'espace, ressentis, mesurés, par notre corps ou par un capteur.
Retenons de cet exemple simple que le champ définit une relation locale, mais étendue sur un espace.
Ainsi, toujours en météorologie, la température de l'air en un "point" de l'espace à un moment donné dépend d'un ensemble de variables évoluant sur tout l'espace mais se mesure localement.

Le champ (relativiste) quantique est d'une nature intrinsèque différente et pourtant, nous pouvons le comprendre aussi comme une relation, définie localement, mais étendue sur tout l'espace-temps (c'est à dire aussi bien sur l'espace que sur le temps). Mathématiquement, cette relation est décrite par un opérateur qui agit sur des états quantiques. Plus exactement, le champ quantique est décrit par des opérateurs qui agissent sur la création ou la destruction d'états quantiques associés à des particules.

Dépoussiérons. Une particule est un concept physique qui rend compte du quantum, une particule élémentaire est un quantum : plus petite excitation du champ qui lui est subordonné, plus "petite" manifestation possible, élémentaire. C'est en gros une certaine quantité d'énergie-temps, une certaine quantité d'action élémentaire locale du champ. Cette quantité d'action élémentaire définit une discontinuité : "Entre deux multiples de ces quantum élémentaires d'action il n'y a rien." nous dit Basarab Nicolescu. Le rien en question est relatif au quantum considéré et ne doit pas être confondu avec le vide, le rien signifie le saut de la discontinuité.
Une particule possède "une durée de vie", elle est un quantum qui se manifeste dans l'espace-temps, donc elle est limitée dans cet espace-temps. Cette durée de vie peut-être extrêmement courte ou plus longue, les quanta élémentaires permettent ainsi l'accès à la totalité de la matière mais aussi à l'ensemble de ses interactions qui lui fournissent ses propriétés.

Le quantum n'est qu'un concept. Un concept qui rend compte des modalités d'échanges, d'interactions, de relations existant au sein de la matière. Un quantum n'a strictement rien à voir avec une "brique" par exemple. Il serait plutôt ce qui en dernier ressort résiste à notre investigation, à notre échange, à notre interaction avec l'univers. Il est "résistant" dans le sens où il se laisse saisir, dans le sens où il interagit avec l'observateur final qui le caractérise. Le quantum du champ se caractérise ainsi par sa masse, son spin, sa vie moyenne, sa charge et bien d'autres "nombres quantiques".

Ces échanges entre quanta des champs se réalisent selon des modalités précises et basiquement selon un mécanisme de création/destruction incessant agissant sur le vide quantique : nous en nommons trois : relation de création/destruction de quanta (opérateur de création/destruction), relation d'interaction entre quanta (opérateur de sommet) et relation de propagation de quanta (opérateur de propagation). Toutes ces relations sont en fait des échanges, liés à l'énergie-temps, et conservant au final l'énergie.

Précisément, le vide quantique est mis en évidence par les inégalités de Heisenberg sur l'énergie et le temps comme nous l'avons vu dans Le vide est plein. Ce vide quantique sert de "base", de potentiel à tout ce qui, au final, se mesure, devient actuel, réel.
Lorsque nous mesurons localement un champ quantique, nous opérons une sorte de "sondage" sur le vide quantique. Ce sondage est proportionnel à l'énergie employée pour la mesure, dit autrement, notre outil de mesure est exactement proportionnel au quantum recherché et mesuré. Il faut comprendre qu'un quantum n'existe pas isolé du reste, un quantum est en permanence en relation, en interaction, avec d'autres quanta. Ainsi, faire une mesure, c'est localement le "séparer" du reste pour l'analyser et le comprendre mais cette séparation est conceptuelle, elle correspond en fait à un exact échange d'énergie.

Dans l'opération de la mesure, il y a donc une notion d'échelle. Nous opérons une mesure, une saisie, à une échelle donnée, avec une énergie donnée, c'est à dire avec une "précision" donnée (un intervalle d'existence en quelque sorte de la mesure).
Une mesure i d'un quantum (à une échelle i) revient à "regarder" un état Ei de ce quantum, cet état peut également se "regarder" comme une somme de relations entre quanta dont l'énergie sera au maximum égale à l'état Ei. Cette somme de relations est infinie car le champ qui les "contient" est continu et infini. Cependant, pour la mesure, pour l'observation, nous choisissons l'échelle souhaitée et nous obtenons alors un nombre limité de relations (les autres seront négligées).

Les documents de vulgarisation de l'ENS sur la mécanique quantique fournissent l'exemple de l'électron, en relation avec le positron ("anti-électron") et des photons, d'abord hors interaction ("champs libres") puis avec interaction (cas de l'électrodynamique quantique).
Nous comprenons bien que l'électron n'existe ainsi en soi que dans les modalités d'échange qu'il entretient avec le vide quantique et les autres quanta comme son anti-particule et le photon.
Dans l'interaction électromagnétique, l'électron est en relation avec un autre électron via un photon (vu comme le médiateur de l'interaction). A une échelle plus fine, il faut intégrer aussi des relations intermédiaires entre le photon et la paire électron-positron. Il est possible d'itérer ces processus à l'infini, il est donc de "bon sens" de définir certains arbitraires pour la mesure, comme pour la "consistance" de la théorie. En gros, définir le moment où il faut s'arrêter : définir un seuil !
"Selon les lois quantiques, un électron n'est jamais isolé, il est toujours entouré par un nuage de particules virtuelles : électrons, positrons et photons. L'électron peut par exemple émettre un photon virtuel puis l'absorber. Ou bien il peut émettre un photon virtuel, qui peut se matérialiser en une paire électron-positron virtuels, laquelle peut s'annihiler pour se retransformer en photon virtuel, qui peut finalement être absorbé par l'électron initial, et ainsi de suite."

Ce qui est "amusant" avec la notion d'échelle de la mesure est que, bien évidemment, le "visage" du quantum n'est pas vraiment le même en fonction de l'échelle considérée : plus l'énergie fournie pour la mesure est forte et plus l'intensité mesurée de l'interaction liée au quantum considéré est forte.

Revenons maintenant aux champs. Reprenons notre exemple de l'électron. Pour le cerner, il nous faut au minimum trois champs quantifiés : électron, positron et photon. Il nous faut également connaître l'intensité de l'interaction entre ces champs couplés sachant que cette intensité dépend in fine de l'énergie fournit au système pour le "mesurer". Plus l'énergie est forte, plus le couplage est intense.

Cette grille de lecture de la Théorie Quantique des Champs nous apprend quoi ?

Ce que nous saisissons de la réalité se passe au niveau local : nous mesurons un échange, une interaction, une relation, entre des discontinuités, des sauts, des quanta et le "vide", le potentiel, le plein. La réalité de ce point de vue, la réalité matérielle, tangible est "faite " de discontinuités locales qui interagissent entre elles par l'intermédiaire d'un continu étendu sur l'espace-temps. Enfin, la nature de ces discontinuités est liée exactement à la nature de tous ces échanges, c'est à dire au flux d'énergie. Ce flux est "calibré" en quelque sorte par un seuil, une coupure déplaçable.

Ainsi il est possible de comprendre la très belle formule "lupascienne" de Basarab Nicolescu :
(énergie; discontinuité; seuil).

mercredi 10 février 2010

Système Quantique et Frontières...

Je n'ai plus en mémoire le lien exact qui m'a fait découvrir Stéphane Laborde. J'imagine aujourd'hui que c'est d'abord quelques questions de physique quantique; il y a aussi le fait que Stéphane Laborde dans son blog "Pour une science de l'esprit" convoque Jean Staune, Roger Penrose et Stephen Hawking entre autres comme contributeurs intellectuels à sa propre quête et je connais certains écrits de ces érudits. Bref, ces liens ont fini par créer une proxémie entre nous. Et j'avoue donc que depuis de nombreux mois maintenant, je suis un lecteur assidu de ce blog là. Ses articles alimentent aussi ma réflexion.


Stéphane Laborde m'a fait découvrir François Martin de Volnay, chercheur en physique théorique au LPTHE et qui depuis  2003 écrit sur une théorie quantique de la psyché, en collaboration avec divers auteurs. Ce physicien a écrit et publié, depuis, plusieurs articles sur le sujet et nous y reviendrons avec plaisir tant ces lectures ont ouvert en moi de nombreuses portes et pistes d'investigation.

La première porte s'est ouverte grâce à sa discussion sur le problème de la mesure en physique quantique et à ses explicitations conceptuelles de la matière tirées de la Théorie Quantique des Champs.
Il est en effet nécessaire à François Martin de Volnay de poser un certain nombre de postulats pour asseoir et développer sa théorie. Postulats qu'il argumente avec la littérature scientifique disponible mais qui ne remettent pas en cause le statut "théorique" et non totalement tranché de la mesure en physique quantique. Il serait long ici d'exposer tous les courants et approches qui participent au débat du problème de la mesure quantique. Pour un rapide aperçu, voir wikipédia.

En revanche, utiliser les postulats et les calculs de la physique quantique pour décrire le psychisme humain (dans un premier temps) permet d'éclairer en retour ces postulats et les diverses approches interprétatives étudiées depuis près d'un siècle. François Martin utilise ainsi aussi bien la théorie de la décohérence (pour éclairer la notion de libre arbitre par exemple et la conscience de nos actes et choix) que les modèles qui nient ce fameux postulat 5 de la physique quantique (Everett, Cerf et Adami) (pour éclairer la notion d'inconscient et les échanges d'information inconscients entre personnes comme lors d'une relation thérapeutique). François Martin utilise les matériaux à sa disposition qui lui semblent le plus opportun à sa thèse. Car, l'interprétation de l'Ecole de Copenhague (majoritairement admise et usitée), dans sa dimension positiviste ne nous aide guère à comprendre la réalité ! Mais François Martin tranche cependant dans sa conférence donnée à Genève en février 2009 devant des psychiatres où il écrit clairement dans ses conclusions (p.18) que : " La projection de notre subjectivité dans l'environnement dans lequel nous baignons (phénomènes de synchronicité de type II) en accord avec la mécanique quantique, réfute aussi bien l'hypothèse locale ("chaque individu est dans son coin d'espace-temps") que l'hypothèse réaliste ("l'objet a une réalité bien définie en dehors du sujet").".

Je veux donc souligner ici que l'étude de la conscience d'un point de vue quantique nous renseigne par isomorphisme sur la métaphysique de la mécanique quantique elle-même. Il est vrai qu'elle se prête particulièrement bien au propos car elle est au cœur de la saisie du réel, donc au cœur d'une métaphysique existentielle.


Que nous propose donc la métaphysique de la mécanique quantique comme vision du monde ?
"Une des caractéristiques de la physique quantique est son impossibilité à être formulée en termes “classiques”. "(...)un système ne peut pas être décrit classiquement comme une onde ou un corpuscule. Il est en fait “les deux ensemble” dans le sens où, dans la réalité expérimentale, certaines expériences le font apparaître comme une onde tandis que d’autres le font apparaître comme un corpuscule. Seuls des objets mathématiques, comme les fonctions d’onde ou les champs quantiques, peuvent décrire ce double aspect “contradictoire” des systèmes quantiques."


Cette impossibilité quasi ontologique de la physique quantique a être décrite par des visualisations physiques communes attachées à notre quotidien "classique" est abordée par de nombreux auteurs dont Bernard d'Espagnat et rejoint Lothar Schäfer qui va cependant plus loin quand il déclare que les états quantiques décrits par des vecteurs ne sont en fait que des idées abstraites, donc de la pensée pure.
Mais la réalité est elle réductible à ces objets mathématiques qui décrivent des propriétés de la réalité ? Certes, oui, nous répond Lothar Schäfer; certes, non, nous rétorque François Martin en s'appuyant sur la dualité matière/esprit pour élaborer sa théorie. Et si la matière comme l'esprit peuvent être décrits par des objets mathématiques au sein d'une mécanique spécifique, aucun des deux n'est réductible à l'autre.


Ensuite, “Le problème important dans la métaphysique de la mécanique quantique est la question de savoir où placer la coupure entre l’observateur (le sujet) et l’objet observé. La stupéfiante constatation de (John) von Neumann est que son placement est sans rapport avec l’évènement mesuré. La coupure est déplaçable."

Ces propos de S. Klein (cités par F.Martin) sont absolument décapants ! Ce déplacement théorique et sémantique a permis à Hugh Everett d'imaginer en 1957 que l'univers dans son entier est quantique et de proposer que le processus de mesure n'implique pas la réduction de la fonction d'onde au seul vecteur d'état mesuré mais que cette dernière continue à être superposition de tous les possibles. Cette théorie des "Univers Parallèles" a été à mon sens mal interprétée et il y manquait non seulement un mode opératoire mais également une notion d'écologie (au sens d'une efficience et d'une heuristique).
Plus tard, la décohérence (Zeh, Zurek) a élargie la mesure à l'environnement et considère le système quantique constitué de l'objet étudié et du détecteur comme intriqué avec son environnement. Du fait de la complexité quantique de l'environnement, on admet qu'un certain nombre d'interférences entre vecteurs d'état deviennent négligeables et le système quantique est alors décrit par un opérateur représentant non plus une superposition d'états purs mais un mélange statistique d'états purs. La mesure quantique définit alors des états "classiquement" possibles et observables du système.
En gros, la théorie de la décohérence élargit le "champ" de la mesure en y incluant l'univers dans son entier et en admettant (par le bon sens !) que toute observation (par définition) locale ne peut rendre compte de l'infinité des interactions possibles. Ou, pour le dire autrement, nous observons localement un "système" global et ce système a autant de visages que de points de vues locaux.
TXT le dit très bien, dans les "Voies de La Lumière" (p.221) : "Avec la décohérence, la barrière érigée par Bohr entre le monde microscopique et le monde macroscopique n'a plus lieu d'être. (...) L'acte d'observation n'est plus spécifique, car il n'est qu'un autre exemple d'interaction de la particule observée avec son environnement. L'observateur et la particule élémentaire sont sur un pied d'égalité, car leurs évolutions quantiques sont toutes deux décrites par la fonction d'onde de Schrödinger."

Ainsi, pas de frontière entre objet et sujet. Pas de frontière entre local et global. Pas de frontière entre infiniment petit et infiniment grand.

C'est tout simplement vertigineux.

Il reste un problème : si la mesure, la saisie du réel, se réduit au final à un mélange statistique d'états, comment le choix mesuré, unique état, se réalise ? Par exemple, comment la particule se retrouve "là" plutôt que "ici" ? Dans la célèbre expérience de pensée dit du chat de Schrödinger, comment se fait il que le chat soit mort plutôt que vivant par exemple ? Car nous n'observons jamais avec notre conscience qu'une unique possibilité, qu'un unique chemin, qu'une unique histoire parmi toutes celles possibles et calculables.
Alors la théorie de la décohérence a beau vouloir supprimer l'effet prépondérant de l'observateur, en le rendant égal à l'effet d'autres interactions, il reste que la question du choix final demeure sans réponse, ou tout au moins repoussée hors de ce que la physique actuelle peut appréhender !

Nous verrons que l'apport de François Martin de Volnay à cette question est pertinente et décapante...

à suivre...

mardi 2 février 2010

La mort est une transition quantique...

Jean Staune m'a également fait découvrir un de ses "contributeurs" : Lothar Schäfer , de l'université de l'Arkansas aux USA. Professeur de Chimie, il a publié notamment en cristallographie. Mais Mr Schäfer s'intéresse aussi à la philosophie des sciences et au pourquoi des choses.
En lisant son article "L'importance des Etats Virtuels dans l'émergence de l'ordre complexe dans l'univers" (traduit par J.S.), il est amusant de s'échapper du quotidien et d'imaginer comment une vision quantique de l'univers peut amener à des considérations conceptuelles sur le vivant/non vivant et sur le déploiement de la complexité.

Mr Schäfer postule tout d'abord que tout système matériel (composé d'atomes et/ou de molécules) peut être a priori relié à une fonction d'onde (de Schrödinger). Chaque système matériel est ainsi le centre d'un système d'états quantiques (à des énergies différentes) dont un seul état est occupé tandis que les autres restent vides. L'état occupé est "réel" car il possède une probabilité de présence observable tandis que l'état vide est "virtuel", non observable, mais existant tout de même sous forme mathématique et susceptible de devenir réel lorsqu'un changement d'état du système matériel (toute activité d'un système matériel est réductible à un changement d'état quantique) le fera s'actualiser en un état occupé !
La réalité décrite ici est donc quantifiée et dualiste : une structure "observable" (mesurable) actualisée et une structure potentielle, parfaitement calculable (états probabilistes) définie et déterminée a priori mais non observable.
Toute évolution d'un système matériel est donc parfaitement déterminée par cette dualité (actuelle;potentielle) et le "vide" (état quantique vide) est nécessaire au déploiement de la "vie", de la création, de ce que nous voyons autour de nous (nous y compris !).

Le postulat "primat" est le suivant : "tout ce que nous voyons, tout ce qui est réel dans le sens usuel de ce mot, est l'actualisation d'un état quantique ; tout ce qui est possible est déposé dans des états virtuels."

Lothar Schäfer voit plus loin : " (...) chacun de nous est l'actualisation d'un groupe d'états quantiques qui existaient déjà comme états virtuels avant notre naissance et qui continueront à exister après notre mort."

Ainsi, d'après Schäfer, tout est déjà là. L'ordre complexe de l'univers est déjà contenu dans les états quantiques virtuels. L'ordre complexe de l'univers est quantifié et toute évolution se joue dans cet ensemble.

Attention, cela ne veut pas dire que toute évolution est figée, que tout est déjà écrit, que la dynamique de l'univers est finalisée. Au contraire, tout est à construire à chaque instant, l'équilibre de la vie est un combat incessant, une interdépendance permanente, mais dans un cadre quantifié, ponctué de possibles.

Nous parlons là de la vie en général. Mais comme tout est déjà contenu, tout est déjà là, l'observable et l'inobservable, qu'est ce que définit la mort ? Ainsi, ce que nous nommons naïvement "mort", vue comme un "état" opposé à la "vie" peut elle se réduire à l'inobservable ? Peut elle se réduire à une (somme de) transition(s) quantique(s) ? Car poser la question : la mort n'est peut-être qu'une transition quantique de la conscience parmi d'autres revient en fait à s'interroger sur le comment et le pourquoi de l'étincelle de vie qui nous anime.

Ici et maintenant.