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mercredi 30 mars 2011

HPI : intérieur vs extérieur : vers une complexité ?

A l'écoute :  Winter in Venice de Esbjörn Svensson Trio 

C'est Catherine Besnard-Péron qui m'a transmis le livre de Cécile Bost : Différence et Souffrance de l'Adulte Surdoué.  Il fait partie des rares ouvrages en français qui traitent de ce sujet : j'ai déjà présenté ici l'ouvrage de JSF sur l'adulte surdoué (voir Réveil de la source). D'après CBP, qui par son activité accompagne un grand nombre de personnes "surdoués", du moins concernés par le modèle HQI, HPI , ce que ce "livre apporte est infiniment plus fin et précis que les rares qui le précèdent (hors la production anglophone...)". La principale différence est que son auteure, concernée par le sujet elle même, a écris ici un récit, appuyés par nombre de témoignages, vu de l'intérieur. Car C Bost n'est pas une professionnelle de l'accompagnement, contrairement à JSF, et son livre ne se veut pas un recueil d'une symptomatomatologie clinique, vue de l'extérieur.

Il ne s'agit pas ici de chercher une hyperstructure, au sens de N Lygéros, par une construction d'échafaudages en périphérie mais bien de regarder en son cœur et de ressentir soi même les ressentis exposés. C'est donc en ce sens un voyage exploratoire par l'intérieur que l'auteure propose. Ainsi il n'y a pas vraiment de grille de lecture approprié bien que la rigueur soit de mise aussi bien pour la recherche d'informations (essentiellement en anglais) que pour sa sélection, mais j'oserais écrire que c'est plus un ouvrage "cerveau droit" que "cerveau gauche" : les résonances sont plus essentielles semble t il que les formalismes au sens strict. De ce point de vue, il va certainement plus au cœur de l'heuristique déployée et laisse entrevoir à chacun une complexité singulière : la sienne !

C'est en ce sens, me semble t il, que CBP écrit : "Autant beaucoup peuvent se reconnaitre dans le livre très populaire de Jeanne-Siaud-Facchin, autant celui-ci ne laisse passer dans ses mailles que les profils qui résonnent vraiment sur le même vibrato." Car, autant la lumière (et médiatique également) peut venir éclairer l'ouvrage de JSF, autant c'est la vibration (la "lumière" au sens large) émise par le lecteur qui confère à la lecture du livre de C Bost, son expérience validante ou non pour le modèle décrit : le surdon, la douance.

Réseau de neurones  ©anae-revue.over-blog.com


Il y a un aspect plus intime pour le lecteur concerné, dans ces pages: cela dérange, cela remue, cela peut tordre, car il s'agit d'expériences rapportées, parfois banales, quotidiennes mais rarement anodines. Il m'a permis pour ma part de prendre avec moi, concomitamment à des expériences nouvelles, les concepts d'hypersensibilité et hyperstimulabilité, alors qu'auparavant ces notions n'étaient pas raccordées à des sensations kinesthésiques. D'une certaine manière, là encore, une accumulation d'informations "nouvelles" qui à partir d'un seuil, engendrent un saut de pertinence, pour le système de la psyché (conscience+inconscience) ET du corps (en conférant ici à une métaphysique dualiste et informationnelle). Car il ne s'agit pas seulement d'expériences ni de réception d'informations mais d'intégration, vue ici comme une émergence, une tension ouverte et non, selon Hegel, comme une dissolution. Le paramètre essentiel à prendre en compte ici est le temps, ou plus exactement le flux d'informations issu des états d'un système, c'est à dire le temps psychique, perçu, ressenti par le lecteur-observateur-expérienceur. L'intégration, par rapport au temps, est concomitante lorsque la dissolution décrit une séquence linéaire.
Les deux "mouvements" contiennent chacun une discontinuité informationnelle mais en opposition : elle est "verticale" pour l'intégration quand elle est "horizontale" pour la dissolution. L'intégration, ici, suppose un modèle non "systémique" (qui reste "horizontal") de Lupasco-Nicolescu (Tiers Inclus ET Niveau de Réalité), modèle ou plutôt méta-modèle infiniment ouvert. Ainsi, et tout un chacun peut le percevoir, l'intégration peut être un "voyage" infini sur l'ontologie de l'être, voire même selon N Lygéros, sa téléologie, quand la dissolution semble proposer une fermeture plus binaire ! 

Ici, j'oppose donc un chemin ouvert par l'intérieur et un chemin fermé par l'extérieur : les deux vues sont évidemment complémentaires, tout ouvert étant séparé d'un autre par un fermé !
Les deux livres ici proposés sont deux vues complémentaires d'un concept en train de se construire, et notamment au sujet des adultes.

Il existe un dernier point qui semble discriminant entre les deux ouvrages : la complexité explorée et ressentie par le lecteur sur le concept-modèle du HPI. Elle dérive de mes considérations exposées plus haut : tout concept de  complexité étant par nature (voir Edgar Morin par exemple) assis ou plongé dans une métaphysique "ouverte" et non "fermée". La notion de complexité est ici vue comme un invariant c'est à dire qu'elle s'adapte à toute structure "ouverte" : elle serait peut être en fait un invariant structurel car reposant en réalité entièrement sur du "relationnel".

La question se pose alors : l'ouvrage de C Bost expose t il un concept de HPI plus complexe que celui échafaudé par le livre de JSF ?

samedi 19 juin 2010

Considérations sur les HPI : Universalité et Singularité.

Dans Surdoué, HPI : a-normalité.., nous avons, avec l'aide précieuse, théorique et expérientielle, de Nikos Lygéros, abordé la vue sociale du concept de HPI (Haut Potentiel Intellectuel). De la recherche basique de définition de concept, nous avons illustré qu'il était nécessaire de sortir du cadre dans lequel la société l'enferme et qu'il fallait, non réitérer ce cadre étroit au sein de sociétés spécifiques très spécialisées (car regroupant "exclusivement" des HPI par exemple) et ayant la tentation légitime et humaine de rester confinées, mais bien plutôt de tenter d'élaborer une heuristique sur cette complexité. En bref, s'intéresser au contenu et à la finalité plutôt qu'au contenant et à la forme.

N. Lygéros s'y est bien évidemment attelé : dans Sur les dangers de l'intelligence, il introduit comment la société Pi a été fondée en 1999 et sur quels principes et dans quel cadre elle fonctionne. L'architecture conceptuelle est donné par sa M-Classification. Ce document, qui se veut outil opératoire, est riche d'enseignements. Voyons çà.
Tout d'abord, il est clair que N. Lygéros souhaite, par le haut, construire un édifice : il s'interroge en premier sur la notion de génie et notamment de génie universel. De nombreux articles de son opus (en ligne) illustrent et documentent ce concept. Nous avons retenu la Nécessité de création et de découverte, comme une recherche bibliographique auprès de ces hommes et femmes qui ont inspiré sa pensée. Les plus importants sont certainement à ses yeux ceux qui, au sein de son opus, possèdent une entrée à leur nom !

M-Classification est une colonne vertébrale de l'arborescence des connaissances à saisir pour élaborer une "complexité de l'intelligence" ainsi  qu'une méthode.  { D'ailleurs, certains reprochent à N. Lygéros outre sa prolifique production (!), son auto-référencement assez fréquent qui débouche selon eux sur une pensée tautologique : il est plus certain que c'est le foisonnement arborescent d'articles en tous genres et sur de nombreux sujets qui crée le sentiment de confinement et d'auto-célébration intellectuelle, alors même qu'un nombre certain mais plus restreint (en mathématiques ou en philosophie) sont rigoureusement documentés et ouverts à la critique. } Il s'agit donc de méthode et les séquences décrites dans M-Classification renvoient pour la plupart à d'autres références, d'autres articles, d'autres items en arborescence ouverte.

Une méthode pour quoi ? Et bien, il semble aller de soi que cette méta-méthode, qui se veut générique, se décrit assez bien elle-même. Elle décrit aussi par nature son créateur qui depuis toujours semble se heurter à sa singularité : comment la saisir ? Il se sait intelligent, d'autres l'ont aussi ré-assuré, mais à un point où il se retrouve bien seul (cf Idées sur l'Homo Scientis, par exemple) et fort démuni par les modèles existant alors sur l'intelligence. Et si il construisait lui-même ce nouveau modèle, comme un nouveau paradigme, ouvrant l'horizon des Très Hauts Potentiels Intellectuels ?


1) il part donc de l'observable "intelligence" dont la mesure par le quotient intellectuel (Q.I.) se réduit aujourd'hui à quatre "domaines" de savoir : mathématiques, sciences, lettres, philosophie. Cette mesure donne lieu à une échelle normée donc à une quantification de l'observable (par isomorphisme). Mais N. Lygéros postule des seuils critiques correspondant à des phases qualitatives. Il étudie donc particulièrement les aspects qualitatifs liés aux seuils de rareté élevés (% de présence faible dans la population) et sur des QI élevés (supérieur à 150 ou + 3 écarts-types). (pour un simple aperçu de la notion de QI, pour un tableau reliant QI, Sigma (écart type), rareté et % de présence)
2) il définit ensuite ces aspects qualitatifs en les classant selon trois groupes : surdoué, génie et génie universel. Il rapproche ces notions de personnes célèbres. Il tente donc d'établir par analogie bibliographique un éclairage sur les trois groupes définis préalablement.
3) il définit alors les "bases" de nouveaux tests qui selon lui vont permettre de "mesurer" quantitativement ces aspects qualitatifs. Ces tests seront utilisés essentiellement pour affiner spécifiquement et discriminer un faible nombre d'individus entre eux puisque la plupart débutent à partir d'une rareté statistique supérieure à 1/1000. Nous y reviendrons en détail...
4) Ces discriminations réalisées, il est possible de réunir ensemble ces individus singuliers voire très singuliers. C'est là que N. Lygéros postule qu'il est nécessaire de sortir du cadre social "normal" pour ces individus : non pas réinventer la normalité de l'a-normalité au sein de clubs "chics" mais bien plutôt faire émerger un nouveau "modèle" : "Si le groupe est prométhéen alors c'est un modèle de l'humanité. (...) La notion de groupe s'identifie à celle de société. ". Au sein de ce raisonnement se tiennent les Principes Heuristiques que nous avons déjà évoqué (voir Principes Heuristiques ...), principes qu'il semble nécessaire d'utiliser pour arriver à cette fin.
5) Enfin, N.L. transfère tous ses axiomes au sein d'une structure sociale par un isomorphisme de groupe et établit ainsi formellement les "objets" sociaux d'une société "idéale" gérée par des individus très singuliers.
A quoi sert la méthode décrite ? A découvrir et non à conserver.
La formalisation des préceptes contenues dans M-Classification fournit une ontologie de la démarche heuristique consubstantielle à l'intelligence. Sa téléologie s'exprimant avec force au dernier point (6.7) : "L'œuvre crée l'être".
Autrement dit : l'intelligence existe (point 1) et elle s'exprime au travers de l'œuvre qui advient, nous la mesurons donc, in fine, par tout ce qu'elle permet de découvrir.

Voici bien une question/réponse ouverte !

Revenons cependant sur ces sociétés regroupant des individus à Haut Potentiel Intellectuel et leur statut : "ouverte sur le monde ou fermée" ? Par définition, une société, un regroupement d'humains, dont l'objet est clairement identifié, la finalité, les moyens, les ressources (les membres) et la production intellectuelle sont clairement visibles pour tous n'est pas une société "fermée" ni encore moins occulte. Que l'entrée soit restreinte à certains individus ne remet pas en cause le statut de système ouvert, en revanche, il existe un biais qui caractérise donc cette société. Pour prendre l'analogie avec une cellule vivante, celle-ci est un système dynamique ouvert sur son environnement et sa membrane (son "fermé") est bien le "biais", la cloison, la frontière qui la caractérise de son environnement. En d'autre termes, la coupure déplaçable entre le sujet et l'objet caractérise la dualité mais n'enferme pas cette dernière dans un schéma statique. Enfin, pour reprendre les termes de N. Lygéros, puisque toutes ces sociétés se définissent peu ou prou par leur rapport à l'intelligence, il faut examiner non leur statut proprement dit, mais ce qu'elle nous permettent de découvrir !

Cette question sur les conditions, critères,  d'admission au sein de ces sociétés à Haut QI est certainement LA question cruciale qui a animé nombre de ses membres. Nous pouvons en avoir un aperçu dans  ce document résumé de Darryl Myaguchi, avec beaucoup d'humour ! Enfin, l'organisation de l'information, du savoir et donc du pouvoir au sein de ces sociétés est symptomatique de leur degré d'ouverture aux autres : Kevin Langdon, membre de nombreuses sociétés regroupant des individus à haut QI (dont The Mega Society et Mensa USA) nous livre ici son manifeste pour une liberté d'expression, preuve qu'au sein de ces regroupements, les problèmes sociaux restent étonnamment similaires à ceux  de la société générale !

Et si en fait, malgré ces batteries de tests, (voir ce tableau de 2000, où 60 tests sont répertoriés avec les scores minima d'entrée pour chaque société existante de l'époque (14)), l'observable "Intelligence" ne se laissait pas mesurer ? Nous reviendrons plus tard sur cette question...

Cela nous ramène à la classification initiale qualitative et quantitative des expressions de l'intelligence. N. Lygéros défend son point de vue dans ce très bel article : Ontologie et Téléologie. La synthèse lygérienne n'est pas dogmatique malgré les apparences, nous pouvons trouver d'autres sources d'études qui s'approchent des phases décrites ici : surdoué, génie et génie universel. Un document de 1987 (The Outsiders) paru chez Prometheus Society (fondée en 1982 par Ronald Hoeflin) de Grady Towers illustre ainsi les corrélations entre Haut QI, scores élevés à certains tests et fréquence de désordres mentaux et/ou sociaux dans ces populations : il apparait déjà chez Leta Hollingworth ("Children above 180 I.Q." 1942) que ce seuil de QI autour de 5 sigma discrimine fortement des comportements sociaux singuliers. Cette très forte singularité, exprimée socialement par des troubles psychologiques voire psychotiques (pour une forte partie de cette population d'après les travaux de Lewis Terman) explique aussi l'isolement de ces personnes. Il est troublant ensuite de lire N.Lygéros : "Autant le génie pouvait avoir une définition propre et au moins théoriquement indépendante de l’humanité, autant cela est impossible pour le génie universel. Car ce dernier, par nature, doit être nécessairement reconnu par l’humanité comme tel. Pour lui, son ontologie, c’est sa téléologie." Et plus loin : "De plus, à la différence du simple génie, il ne vit qu’à travers la mort car ce n’est uniquement en se consumant qu’il devient ce qu’il est. Il doit mourir pour être." Deux notions semblent s'opposer : génie/singularité (avec les troubles sociaux relevés) et universalité. Le couplage entre ces deux antagonismes est "brillamment" illustré chez Lygéros par la métaphore de la bougie et de la flamme : "le point de vue de la flamme est encore plus remarquable car elle n’appartient à aucune des bougies tout en faisant partie de chacune d’entre elles. Elle n’est à personne en particulier car elle est à tous. Elle s’appuie sur les bougies pour l’aider à éclairer le monde, elle est changeante par nature puisqu’elle ne cesse de changer de substrat néanmoins elle a un caractère immuable par sa diachronicité. Bien que de type caméléonien, elle ne représente pas un caméléon mais la pensée des caméléons, la téléologie de leur ontologie."

Toutes ces considérations nous amènent à :
1) Il semble difficile d'examiner scientifiquement les trop "hautes" singularités liées à l'intelligence, leur nombre très réduit empêche l'application de la méthodologie classique. Néanmoins, un certain nombre d'études longitudinales portant sur des groupes d'individus ont déjà permis des classifications et des comparaisons avec d'autres groupes de population. Par une démarche heuristique, N. Lygéros entend ouvrir cet examen vers de nouveaux horizons où l'universalité rejoint la singularité et définit son ontologie. Dit autrement, la science semble, in fine, de peu de secours pour comprendre les THPI. Prenons cela comme un état temporaire...

2) Les sociétés regroupant les HQI sont multiples mais ont toutes connues les mêmes problèmes de constitution, de régulation et de pérennité : à savoir des querelles d'ego. MENSA échappe sans doute quantitativement à ces problèmes récurrents du fait aussi de sa taille (nombre de membres de par le monde) et du seuil d'entrée : elle "recrute" à partir d'un seuil de 2%, (soit 2 sigma sur une échelle normée de QI), ce qui est loin des seuils de Pi ou de Méga.

3) Et si de l'intelligence, nous ne savions encore rien ?


mercredi 2 juin 2010

Surdoué, HPI : de l'a-normalité à l'heuristique...

Suite au Réveil de la Source, nous avons cherché à saisir ce que les définitions de "surdoué" pouvaient bien cacher.
Nous avons trouvé une définition compliquée de la part de Jeanne Siaud-Facchin (JSF), que nous avons souhaité complexifier par une abduction : chercher un algorithme engendrant une hyper-structure plutôt que dresser une symptomatologie.
Les recherches sur l'autisme et les travaux de Bruno Gepner (voir Je suis né un jour bleu et Autisme : Malvoyance de l'E-motion...) nous ont montré qu'il est pertinent de regarder le monde de façon large : ainsi le concept de "constellation autistique" de B. Gepner répond à ce besoin, tout en restant coincé dans la polarité de l'anormalité sociale, ce qui est regrettable. En l'espèce, le "couplage" entre un surdoué et un autiste, un syndrome Asperger, reste, dans ce cadre là, une "chose" (pour ne pas écrire plus) a-normale.
Arrivé à ce point, nous craignons qu'à chaque fois que nous analyserons un symptôme lié au concept du "surdouement", nous soyons écartés par la norme sociale ! D'ailleurs, JSF le répète dans ses livres sur le thème : ne pas réduire le surdouement à UN ou deux critères, même ceux qui sont classés au DSM IV !
En bref, et cela ne manque pas d'amuser (selon le mot célèbre de Beaumarchais : "Je me presse de rire de tout, de peur d'être obligé d'en pleurer."), il est clair que le surdouement est a-normal.

Et la précocité ? Nikos Lygéros nous éclaire là dessus dans son article Précocité et Surdouement. Pour lui, c'est clair : "Pour notre part nous associerons le terme précocité exclusivement au résultat obtenu d'un test qui compare l'âge chronologique et l'âge mental et le terme surdouement au résultat obtenu à un test qui ne considère que la distribution normale de la population." Mais, bon, il l'avoue lui-même, cette distinction n'est pas follement opératoire ! En revanche, il met le doigt ensuite sur une réalité a-sociale : l'enfant précoce n'est pas forcément un enfant surdoué, le premier terme illustrant un potentiel fortement lié à l'environnement tandis que le second désigne un potentiel intrinsèque : "Il correspond à un état stable sur le plan mental et il est fortement g-loadé." [le facteur g de Charles Spearman]. Ce potentiel là n'est pas forcément réalisé, encore faut il un enseignement adapté. Et par adapté, N. Lygéros entend concrètement une relation singulière : "de type maître-disciple [plutôt] que professeur-élève." en raison de la norme imposée par la société : "Sans l'aide du mentor, le surdouement peut rester un potentiel non exploité en raison de l'écrasement social qui vise la stabilité du système et non l'épanouissement de l'homme au sein de l'humanité."

Il précise sa pensée, parfois très poétiquement, dans un article suivant : "De l'étrange à l'entraide". Il assume ainsi : "Pour les spécialistes normaux, le surdouement est reconnu comme une maladie. Il est diagnostiqué et traité de la même manière." Il est donc urgent de trouver des "spécialistes non spécialistes i.e. de[s] spécialistes surdoués" ! Pour qu'enfin, l'enfant (et l'adulte ?) surdoué puisse être en relation avec une personne qui le connaisse déjà, qui le re-connaisse, dans sa singularité, dans leurs singularités mutuelles : "En étant tous les deux dans le domaine de la différence, ils saisissent leur point commun. Alors que le spécialiste normal qui cherche la ressemblance ne trouve que la différence." C'est d'une évidence et d'un trivial !
Ce qui est une fois de plus très amusant dans le cadre normal social, c'est qu'il est impensable, inconcevable de "soigner" un malade par un autre malade ! Le problème essentiel est donc là : le concept de surdouement reste dans la case de l'a-normalité !
A ce point, faut il étudier la normalité ? Faut il faire confiance aux statistiques pour trouver l'intérêt d'un problème de société, ou bien la normalité se définit elle a priori  ? La psychométrie, à ce sujet, démontre un pragmatisme très étroit (au sens de son cadre non théorique). N. Lygéros lui-même écrit : "C'est pour cela que la psychométrie en tant que science humaine n'est pas encore née." Car, a priori, qui le concept de surdouement intéresse t il ? N'est ce point le vocabulaire qui est trop étroit ou bien la démarche d'étude ?

Les qualificatifs "sur-", "haut", "très haut" ou bien "pré-"sont toujours connotés en rapport à un cadre normatif. Combien de "spécialistes" osent rapprocher les "sous-" ou les "dé-" et les "sur-" ? N. Lygéros, dans cet article "Déficience et Douance...", est sans appel : "Socialement parlant, la déficience et la douance représentent le même phénomène. Ainsi malgré les différences profondes qui existent entre ces deux cas, en les marginalisant, la société les place dans la même situation d'échec." Enfin, il expose ce paradoxe où nous voyons illustrer l'antagonisme normatif des deux phénomènes et la spécifique unicité de leur traitement social : "Le paradoxe général, c'est que la société d'une part néglige globalement les enfants surdoués alors que localement tout le monde désire leur reconnaissance et d'autre part elle s'intéresse globalement aux enfants qui ont une déficience alors que localement tout le monde évite leur reconnaissance." ! L'hypocrisie sociale est de la mal-voyance, débouchant classiquement in fine sur de la mal-traitance à l'égard de groupes minoritaires. Mais une société peut-elle reconnaitre la singularité et l'unicité de ses membres quand son objet est de les regrouper ? Dans ce cadre là, il est justement pertinent de regrouper les personnes et d'agir sur leur spécificité sociale qui, in fine, crée leur exclusion : autrement dit, ce n'est pas parce que ces enfants (pour ne parler que d'eux et pas des adultes qu'ils deviennent) sont dé- ou sur- ficients qu'ils sont exclus du système d'enseignement de masse, mais c'est bien parce que ce système d'enseignement n'est pas adapté pour eux qu'ils deviennent exclus et étiquetés comme tels, "a-normaux".

Et pourtant, comme "L'étrange n'est étrange que pour le normal. L'étrange est normal pour l'étrange.(...)Car l'étrange est essentiellement rare et le rare est normal pour le rare." l'a-normal n'est pas a-normal pour l'a-normal ! Ainsi, dans Douance et Perspective, N. Lygéros défend l'idée non politiquement correct que les "sur-efficients" devraient par certaines de leurs capacités naturellement plus puissantes (raisonnement non uniforme, pensée latérale..) venir en aide et enseigner aux "dé-ficients" comme il l'a lui même expérimenté d'ailleurs.(voir Les enfants déficients...) Il part d'un constat, qui va paraître arrogant à la majorité, qu' "Il est difficile de convaincre la société quant à l'importance de la douance en utilisant des arguments basés sur ses caractéristiques. L'incompréhension de cette notion ne peut changer par l'explicitation de sa structure interne qui demeure essentiellement inaccessible pour une personne extérieure à ce monde." En bref, l'algorithme dont nous parlons au début de cet article, est par ontologie, "secret". Après tout, qui se soucie, sur Terre, par exemple de la géométrie non commutative ? Qui se plaint alors que la compréhension de cette branche des mathématiques soit pour le moins absconse pour l'écrasante majorité ? La singularité extrême du chef de file de cette spécialité débouche t elle alors nécessairement sur sa prétendue arrogance ? Il est clair également que Nikos Lygéros est un homme d'une extrême singularité et que sa notoriété publique est certainement inversement proportionnelle à cette dernière, pourtant, dans son œuvre et sa pensée qu'il offre à tous par le biais d'internet, il contribue "modestement" à enrichir certains débats et certaines questions dont il s'est lui-même ardemment investi. Il est ainsi très humble et très concret lorsqu'il écris que "Via l'œuvre réalisée même si celle-ci est conceptuellement ardue, la douance peut montrer ses capacités de création en matière de réalité. La réalisation d'un tableau n'est pas plus accessible par l'exploitation des matériaux employés. C'est son impact qui transforme le regard des autres." Disons qu'il montre un chemin apaisé à ceux (parmi les "doués") qui se sentent encore blessés par ce fameux regard différent de l'autre...

N. Lygéros donne des pistes pertinentes pour lier didactiquement la douance et la déficience et y voit également un bénéfice social réciproque : "Ainsi nous avons un paradigme du concept non politiquement correct qui peut avoir une action politiquement correcte du point de vue social. Via la nature de cette action, la douance peut prouver d'une part son existence et d'autre part son efficacité."
Il faut éclairer le lecteur que cette position est très singulière pour un HPI (voire un THPI) car elle constate bien, revenez plus haut pour le relire, que chaque population minoritaire exclue socialement par un indicateur de l'intelligence (le fameux Q.I.) fait partie pourtant du même phénomène social. Or, la majorité bien pensante, même avec un Haut Potentiel Intellectuel, n'a apparemment aucun intérêt social à le reconnaitre. Il s'agit là, d'après N. Lygéros, d'un aveuglement  certain lié pourtant à une honnête et juste revendication : que l'a-normalité devienne "normale" aux yeux du monde ! Encore faut il que la ou les sociétés constituées de HPI et les individus isolés eux-même évitent le confinement intellectuel : "Différents mais isolés, ces individus loin de vouloir produire un quelconque effet sur la société, s'organisent en société dans un milieu fermé.(...)Vivant dans un milieu d'auto-satisfaction intellectuelle, leur existence a acquis le statut d'une vie.(...)Les individus sont essentiellement différents mais agissent fondamentalement de la même manière.(...) Le processus de confinement intellectuel, loin d'être un apport n'est en réalité qu'une manière déformée de reproduire les effets de la masse." Le danger est là pour tout HPI : croire que l'adaptation de son "a-normalité" sociale à la "normalité" ambiante et majoritaire (par définition) serait source de bénéfice voire (osons le mot !) de bonheur non seulement pour lui-même, son environnement immédiat, son groupe de pairs mais aussi pour l'humanité entière.

La finalité d'un telle prise de conscience n'est pas le passage à l'acte révolutionnaire ! Il passe très certainement en revanche par des regroupements ouverts sur des heuristiques.

L'ouverture...

Ne cessons nous point d'écrire là dessus ici ?

( à suivre...)

vendredi 28 mai 2010

Récréation Intime...

J'ai ressenti très tôt la tragique douleur devant la souffrance de l'être mortel, cette angoisse qui fait que RIEN de vivant ne semble y échapper. Cette angoisse exposée vous fait passer aux yeux de l'autre pour un pessimiste de la vie, qui ne voit que le côté sombre de la lumière. Mais rejeter cette angoisse sous le prétexte fallacieux de rester "positif", c'est créer une séparation non seulement subversive mais perverse. Combien de lectures, combien d'approches, combien de "vies" débutées m'aura t il fallu pour prendre avec moi cette angoisse et la relier, enfin, à la lumière ? Car il ne s'agissait pas de séparer mais bien de lier et de saisir enfin que si tout est déjà là, encore faut il déployer l'espace-temps des possibles, incessamment s'ouvrir, large et rapide, à l'autre.

Cette posture m'était naturel, je crois. Enfant, le monde m'a paru très étrangement et très extrêmement compréhensible. Ce qui me heurtait était plutôt le retour de mon environnement, parfois à l'opposé de cette simplicité, parfois muet et parfois franchement réprobateur. Etre un autre alors qu'on tente de vous éduquer comme soi est une sacrée gageure et au final une torsion. Torsion qui ne vous quitte plus et vous fait interroger sans cesse le pourquoi de la norme, du social, du bien et du mal, de l'espace-temps, du sexe, des combinatoires etc...

Le temps n'existe pas mais il m'aura fallu plus de 30 ans pour me saisir de cette évidence. Evidence qui, à ceux qui peuvent être tentés de me lire et courageux, de poursuivre (!), apparait comme une contre vérité ésotérique au mieux, voire comme la manifestation avancée d'une psychose ! Et pourtant, écouter et voir Carlo Rovelli parler de l'espace-temps, en 2005 à la Cité des Sciences, ne relève vraiment pas de la psychose et ce garçon est lumineux, dans son approche de la science, et simple, dans son approche de la physique, car il relie. Il relie Anaximandre, au 7è siècle avant JC, à Lee Smolin 28 siècles plus tard, c'est peu dire, donc, qu'il voit large et rapide !

L'évidence, à ce point, est limpide : "la relation à" est primordiale. "La relation à" est la base ou le nœud ou la clé qui permet de s'emparer de l'univers. Les sciences ont objectivé littéralement cette "relation à " en la réduisant à quelques propriétés "essentielles", opératoires, réfutables. Mais réfuter scientifiquement une ou des propriétés n'invalide jamais "la relation à" , sa propre réalité primordiale. Il suffit de trouver d'autre propriétés valides temporairement. En revanche, il ne faut pas perdre de vue, jamais oublier, la réalité primordiale, même et surtout si elle est insaisissable. Car c'est d'elle que tout vient et où tout va.

Il ne faut pas oublier. Il faut donc, non se contenter d'être l'instant présent, mais être tous les instants à la fois et s'en souvenir. Seule la mémoire permet de relier, donc d'être "en relation à".
Michel Serres, dans cette conférence de 2007, explicite comment la révolution de l'information numérique a poussé l'humain à externaliser sa mémoire et combien cela l'oblige à devenir (plus que jamais !?) intelligent ! Intelligent au sens d'inventif, créatif, reliant, transparent également (puisque la mémoire de chacun est exposée à la mémoire de tous) et tel St Denis, décapité,  portant sa tête devant lui, l'être humain doit poser ses principes premiers, primordiaux, devant lui et en "faire" quelque chose !

La création et la transparence, ce sont les principes d'un blog sur le réseau internet, ouvert à tous. Ces principes sont à l'opposé de la logique mercantile d'exclusion qui veut aliéner, i.e. réduire, l'humain au consommateur passif devant une création opaque privée et souvent assez "pauvre" car justement dénuée de liens vers une ouverture riche et libératrice...

Stéphane Lupasco nous a laissé un bel héritage de sa pensée dense et complexe en écrivant toute sa vie durant sur le thème de la logique de l'inclusion, sur la logique du système ouvert gödelien. De l'antagonisme fort entre le besoin impérieux de l'intelligence créative et transparente pour tous et le postulat totalitaire de l'opacité réductrice et efficace d'une industrie (économique et politique) mondiale dénuée de mémoire, doit germer et s'ouvrir un "milieu". Une voie d'équilibre en quelque sorte. Comme est la vie, finalement...