Nikos Lygéros a écrit ses Principes Heuristiques selon une séquence linéaire en 10 points, plongée dans un cadre philosophique mais ouverte sur d'autres réflexions personnelles. Nous y retrouvons certains points décrits par ailleurs dans les méthodes d'élaboration de cartes heuristiques par exemple (voir EFH cité dans Consubstantialité et Carte Heuristique) comme sur cette plaquette de présentation. Il est regrettable toutefois que l'EFH (Ecole Française de l'Heuristique) n'expose pas cette démarche par une carte...heuristique !
En premier, il faut distinguer algorithme et heuristique, l'EFH propose que mettre en œuvre "une" heuristique (ou "la" démarche heuristique selon eux, ce qui, notons le, est plus étroit) c'est un déploiement de ressources suite à l'adoption d'une posture et comme nous l'avons déjà vu dans de l'ouvert à la systémique, la posture est plus riche que l'algorithme. N. Lygéros propose, lui, non un mode opératoire ni même une posture, mais une réflexion "formelle" (i.e. construite en une séquence linéaire selon une logique "classique") qui tend ainsi à la procédure (car formellement et logiquement nous lisons d'abord le point 1 avant de lire le 2 etc..), mais il prend soin de plonger cette réflexion dans un cadre plus large : ainsi ses principes heuristiques sont l'extension du point 5 de sa M-Classification (déjà cité). En d'autres termes, comme la M-Classification peut se voir globalement comme une abduction du concept d'intelligence (point 1), la classification des principes heuristiques apparait comme la description d'une boucle de rétroaction : cette dernière établit "une classification des problèmes via leur complexité structurelle", complexité "issue" ou saisie par cette abduction elle-même. Ainsi, il m'est apparu rapidement, après avoir réalisé la portée de l'outil carte heuristique que visualiser les Principes Heuristiques de N.L. par une carte, même sommaire, serait certainement profitable à la compréhension de l'ensemble de l'article initial (cadre sous-jacent et extensions comprises). J'en propose donc, sous ma responsabilité, une version ici.
Cette carte heuristique des Principes Heuristiques de N.Lygéros est "dynamique" et chaque lien renvoie localement au texte de l'article original, ensuite les liens externes mentionnés sont cliquables et ouvrent sur les articles originaux disponibles en ligne de l'auteur, l'ensemble offre donc au lecteur une possibilité de saisie plus confortable et concise, enfin la carte doit faire émerger plusieurs propriétés/relations "cachées", implicites, par rapport à l'organisation originelle formellement séquentielle des données.
En second, il est donc illusoire de proposer un process séquentiel de la démarche heuristique, comme l'EFH le propose, sauf si l'on souhaite étudier la démarche de la démarche elle-même, comme N. Lygéros s'est proposé de le faire...Les deux démarches sont donc clairement dans des plans différents de réalité et la première débouche, si l'on veut bien, comme le précise l'EFH, sur la seconde : "Elle peut générer de la méthode, sachant que « la méthode, c’est ce que l’on découvre après » (Gaston BACHELARD)." Nous pourrions écrire également que l'EFH propose une posture "sociale" et psychique décentrée mais partant de l'individu alors que N. Lygéros propose une démarche cognitive abductive généralisée plongée dans un mouvement philosophique allant du solipsisme au réalisme (selon L. Wittgenstein), l'heuristique étant bien ici consubstantiel de l'être. Pour reprendre les termes de B. Nicolescu écrivant sur la tridialectique de S. Lupasco, nous pourrions caractériser la démarche de N. Lygéros d'Ontologique de l'Heuristique !
En troisième, comme nous l'avions indiqué déjà dans "de l'ouvert à la systémique" (déjà cité ici), "Couplé à l'ouvert, l'algorithme évoque alors une heuristique, c'est à dire une méthode efficiente pour fournir une solution réalisable au problème posé.", ou comme l'écris l'EFH : "La démarche heuristique s’exprime simultanément à travers une posture intérieure favorisant un état de réceptivité optimal, un traitement pluriel de l’information et une volonté d’obtenir un résultat satisfaisant." (c'est moi qui souligne), une heuristique générique (une méta heuristique) induis un algorithme !
En quatrième, toute heuristique est réflexive, elle renseigne à la fois au moment de la création et au moment de la lecture sur le sujet en train de s'accaparer l'objet. La réflexivité sur un individu amène à la démarche heuristique et la réflexivité sur un groupe d'individus (relativement homogène du point de vue du facteur g selon N. Lygéros) amène à la méta heuristique, à son ontologie. Par réflexivité sur le groupe d'individus, l'ontologie de l'heuristique devient simplement l'ontologie de l'être. Le mot "simplement" ici doit être compris comme une saisie "complexe" ! La simplicité ne se trouvant pas dans la trivialité mais dans la saisie ou la prise avec soi de la complexité.
Enfin, pour découvrir (heuristique vient de "eurisko": "je trouve"), pour trouver, il faut globalement s'ouvrir, être ouvert, i.e. adopter une posture décentrée du soi, de son égo. Cette ouverture n'est pas une polarité mais une tension entre deux antagonismes. De ce point de vue, Stéphane Lupasco nous a appris que cette tension est irréductiblement contradictoire. Cette contradiction irréductible, donc indéfectiblement ouverte, est nécessaire et suffisante pour être à l'écoute de l'autre, de tous les autres, de l'univers, de soi.
Un point important que souligne N. Lygéros (point 4) dans cette démarche heuristique, est le risque de chaos divergent, sans attracteur. Dans la carte heuristique, je le relie au groupe, qui par sa connaissance réflexive mutuelle et son "homogénéité" (relative au facteur g) permet, selon N.L. de générer de manière stable le raisonnement holistique et de poursuivre l'algorithme de la méta heuristique. Le groupe (une métaphore mentale de la société dans M-Classification (point 6)) fait ainsi office d'attracteur pour chacun de ses membres. Le choix du groupe, i.e. la contrainte globalement invariante qui le sous-tend, est selon N.L. l'intelligence !
Dit autrement, adopter une démarche heuristique nécessite une transmission, qu'elle soit duale ou groupale. Cette transmission est nécessaire à la représentation du réel (cf "L'ombre du savoir") puisque ce dernier n'est que relationnel (cf modèles issus de l'espace quantique : "Espace-temps quantique" ..) et cette transmission est nécessaire à la terminaison efficiente et réalisable de l'algorithme de l'heuristique (cf "de l'ouvert à la systémique" (déjà cité)). C'est bien la mise en relation de la démarche heuristique, sa relativisation, qui évite la divergence et en quelque sorte, la folie... Il est clair cependant que cette transmission, cette mise en relation, n'est pas suffisante à l'efficience de la démarche, il faut y ajouter des outils cognitifs, ceux que décrivent aussi bien l'EFH que N.Lygéros.
Il apparait finalement plus clairement que la carte heuristique des Principes Heuristiques de N.L. illustre mieux cette nécessité suffisante d'un algorithme en boucle qui fournit, in fine, l'efficience et la robustesse de la découverte ! Découverte, qui, à son tour, par mise en relation, peut fournir une heuristique générique et permettre de classer les autres découvertes selon leur complexité structurelle...
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