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dimanche 27 mars 2011

Mort cellulaire et Logique du Tiers Inclus.

 A l'écoute : Johannes-Passion de Johann Sebastian BACH (BWV 245, Nikolaus Harnoncourt et Arnold Schoenboerg Chor - Concentus Musicus Wien, 1995)

J'ai croisé la voix chaude et grave de Jean Claude Ameisen un jour de janvier 2010 sur France Inter. A l'instar de JSF (voir Réveil de la source) dont quelques mots m'avaient transpercé, les paroles de JC Ameisen m'ont littéralement soulevées ce jour là, et ouverts à des espaces qu'aujourd'hui encore je ne fais qu'explorer.

Jean Claude Ameisen (JCA) est Docteur en Immunologie et Professeur à l'Inserm et a écris en 1999 La Scuplture du Vivant paru au Seuil. Ce livre parle du concept de "mort cellulaire" en biologie et de ses liens avec l'embryogenèse et l'oncogenèse notamment, avant d'aborder les questions éthiques induites par ce concept fondamental et transversal peu à peu élaboré par de nombreux chercheurs.

Dans ce premier billet sur la question, je souhaite présenter une image sur le système immunitaire qui m'a stupéfait. Mais d'abord le concept de mort cellulaire. Là encore, les concepts déployés ici sur la logique de l'antagonisme de S. Lupasco nous aident à prendre avec nous plus facilement cette complexité.

"Aujourd'hui, nous savons que toutes nos cellules possèdent le pouvoir, à tout moment, de s'auto-détruire en quelques heures. C'est à partir d'informations contenues dans leurs gènes que nos cellules fabriquent en permanence les "exécuteurs" capables de précipiter leur fin et les "protecteurs" capables de les neutraliser. Et la survie de chacune de nos cellules dépend, jour après jour, de sa capacité à percevoir dans l'environnement de notre corps les signaux émis par d'autres cellules, qui, seuls, lui permettent de réprimer le déclenchement de son autodestruction."
Ainsi JCA pose avec ces trois phrases emblématiques toute la beauté et la pureté du concept de "mort cellulaire" : il apparait ainsi un système complexe (et nous le verrons par la suite infiniment complexe) où co-existent ensemble deux états antagonistes et opposés reliés indéfectiblement à leur environnement ouvert. Exécuteurs et protecteurs cellulaires co-existent ensemble dans un "équilibre" tendu à l'extrême, ouvert sur l'extérieur.

Le concept de vie est ici co-existant à celui de mort. Le concept de vie co-résulte de la "négation" du concept de mort comme ce dernier co-résulte de la négation du concept de vie. A ce jour, seule cette dernière partie de l'assertion nous parait "naturelle" et de bon sens. Et pourtant, la vie ne "triomphe" pas de la mort, elle en est humblement seulement sa co-partenaire.
Le concept de vie/mort dépend également de la présence continuelle de l'environnement, du même, comme du différent (non-même). Le concept de vie/mort ne se conçoit plus comme une entité solitaire mais indéfiniment solidaire. Une cellule ne peut vivre/mourir QUE si son environnement lui permet de réprimer son auto-destruction (et donc d'activer son auto-construction).

En langage lupascien, nous pourrions poser qu'au niveau cellulaire, la vie qui s'actualise (en réprimant les exécuteurs) potentialise en même temps la mort (par répression des protecteurs) et à la fois, la mort qui s'actualise (en activant les exécuteurs) potentialise en même temps la vie (par activation des protecteurs). Ce doublet d'antagonistes opposés s'ouvre et s'oppose à la fois dans le Tiers Inclus logique : l'interdépendance comme unique alternative à la vie/mort. Cette interdépendance absolue (au sens d'une contradiction entre vie et mort) fait émerger une co-dépendance relative (au sens d'une non-contradiction entre vie et mort) qui donne in fine à la vie/mort l'image "d'un sculpteur, au cœur du vivant, à l'œuvre, jour après jour, dans l'émergence de sa forme et de sa complexité"


"Rien n'a de sens en biologie, a écrit le biologiste Dobzhansky, si ce n'est à la lumière de l'évolution." (« Nothing in biology makes sense except in the light of evolution. ») Ainsi pour "appréhender véritablement la "raison d'être" d'une propriété apparemment mystérieuse de nos cellules", il faut "partir à la recherche de ses origines."
Anne Fagot-Largeault dans ses cours au Collège de France en 2009 sur "l'Ontologie du devenir" souligne bien qu'en épistémologie des sciences biologiques et médicales, le philosophe comme le "praticien-chercheur" oublie fréquemment de considérer l'ontologie des concepts élaborés. Pour comprendre cela, JC Ameisen est parti à la recherche des origines du concept de mort cellulaire, dans les espèces les plus anciennes existant encore sur Terre : les bactéries, et a poursuivi sa quête tout au long de l'évolution du vivant jusqu'à l'homme.
L'ontologie retracée du concept de mort cellulaire aboutit ainsi à sa force et à consistance, à sa transversalité, sa transcendance. Nous reviendrons ultérieurement sur l'ensemble des retombées systémiques de ce concept dans diverses sciences...


Au chapitre 3 du livre vient l'analyse "de la mémoire et de l'identité" ou comment le concept de mort cellulaire vient ré-interpréter le système immunitaire. Dans ce système co-existent les trois notions d'identité, d'adaptation et de mémoire.
"La notion d'identité pré-suppose la capacité de distinguer entre des informations qui sont émises par notre corps (le soi) et des informations dont l'origine nous est étrangère (le non-soi). La notion de mémoire pré-suppose la capacité de distinguer entre des informations nouvelles, auxquelles nous n'avons jamais été confrontés auparavant, et des informations que nous avons déjà rencontrées. Se souvenir, c'est reconnaître; et reconnaître, c'est répondre différemment la deuxième fois de la première."

Cette dernière phrase résonne curieusement dans le contexte d'un traumatisme psychique : pour se souvenir, le sujet doit pouvoir répondre différemment par rapport à la première fois que l'évènement a surgi et a provoqué le "trauma". Ainsi, la réponse différente est la re-connaissance de cet évènement. Pour les théoriciens de l'EMDR par exemple, il existe une opposition entre principe de survie et principe de traitement de l'information : tant que l'information n'est pas "traitée" par la mémoire, au sens de sa signifiance pour le sujet, la survie seulement s'impose à lui (avec la cohorte symptomatologique qui y est liée : hyper-excitation somatique, syndrome de répétition, dissociation, évitement...etc).

Au niveau du corps humain, les notions d'identité et de mémoire ont une nature matérielle et concrète : "elles s'élaborent, s'inscrivent et s'incarnent dans des réseaux de cellules qui communiquent entre elles" ajoute JC Ameisen. Ce réseau de cellules forme un système de système et possède donc un état informationnel d'où émergent ces notions d'identité et de mémoire.

Dans le système immunitaire humain existent deux grandes familles cellulaires distinctes : les "sentinelles" et les lymphocytes, notamment les T, dont la "maturation" se produit dans le thymus pendant la vie embryonnaire.
Les cellules sentinelles circulent dans tout le corps et "fragmentent, découpent sans cesse une petite partie de toutes les protéines qu'elles contiennent". Ces fragments sont exposés à la surface de la cellule sur des présentoirs, tous identiques entre eux. L'information contenue dans ces présentoirs et dans les fragments de protéines récoltées dans tout le corps, en l'absence d'infection, constitue le "soi", l'identité immunitaire de la personne. Dès qu'une nouvelle infection a lieu, des fragments de protéines étrangères au corps sont, par le travail des "sentinelles", exposées sur leurs présentoirs. L'assemblage hétérogène composé du présentoir du "soi" et du fragment de protéine du "non-soi" est capturé par un des récepteurs d'un lymphocyte T qui se transforme en combattant pour lutter contre l'infection.
Comment le lymphocyte T "sait il" que cet assemblage est hétérogène, sachant qu'il n'a jamais rencontré auparavant aucune protéine issue d'un nouveau microbe ? En fait, il ne s'agit pas d'une reconnaissance suite à un apprentissage du non-soi (l'infinie variété des protéines étrangères à l'unicité de notre corps dont l'énumération exhaustive est impossible) mais bien d'un apprentissage de la nature de notre "identité" au moment où notre corps n'est qu'un embryon.

Les concepts de vie/mort vont se mettre à l'œuvre ici : la vie d'abord, dans l'exploration systématique du champ des possibles.
Le scientifique baigné dans la logique "classique" exclusive convoque ici le "hasard" pour expliquer l'élaboration d'un très grand nombre de combinaisons possibles d'un "jeu" combinatoire fini, en l'espèce la fabrication par l'embryon humain d'un nombre gigantesque de récepteurs tous uniques mais tous différents de pré-lymphocytes T, qui comme "par hasard", vont par la suite définir parfaitement le "soi". La notion de "hasard", darwinienne, est pratique pour cacher le flou d'un mécanisme encore ignoré.
Mais il est possible aussi de voir ici un déploiement d'une systématique au sein d'une logique "inclusive", accompagné de manière concomitante d'une destruction d'une partie de ce qui a été préalablement déployé.
Je renvoie le lecteur tout d'abord à l'article "Echelles, Nombres et Perception.." pour illustrer le principe d'une combinatoire systématique : combinatoire signifiant un calcul (addition et multiplication) et systématique signifiant que tout est compté. JC Ameisen donne comme exemple un récepteur protidique composé de 4 protéines différentes codées par 600 gènes environ chacune. Si l'on admet une "fabrication" systématique de tous les récepteurs uniques possibles (différents d'au moins 1 protéine sur quatre), le possible devient vertigineux (environ 130x10^9 combinaisons possibles). Au sein d'une logique inclusive, ce possible définit un potentiel. Ce potentiel n'existe en réalité que dans un tout petit organe au sein de l'embryon (le thymus) et pendant un laps de temps très court : cet organe est en fait comme un simulateur de vie ...et de mort potentielles.

Au sein du thymus de l'embryon sont "entreposés" tous les récepteurs des cellules sentinelles définissant le soi. Les récepteurs des pré-lymphocytes T vont durant trois jours circuler au sein de ces cellules et être "baignés" de ces informations, les cellules interagissant entre elles.
Comme nous l'avons vu plus haut, la survie du futur lymphocyte T dépend des interactions de son environnement. Ici s'opère l'étrange mais fascinante complexité de la construction de notre identité biologique. Il est possible, selon JC Ameisen, de simplifier les interactions complexes entre cellules selon deux groupes de réponses : les réponses qui vont permettrent la vie et celles qui vont donner la mort. Quantitativement, on constate que les réponses de mort seront beaucoup plus nombreuses que celles de vie et cela aboutit à la destruction par l'organisme lui même de près de 99% du potentiel de vie précédemment créé ! Les "raisons"  de mort sont assez "binaires" : ainsi si les récepteurs du lymphocyte T interagissent trop fortement avec les récepteurs du soi, ils sont détruits (évitant ainsi les futures maladies auto-immunes); de même si les récepteurs n'interagissent pas du tout ou très faiblement, ils sont détruit également (évitant l'inutilité future du lymphocyte "tueur" !). En fait, seuls les récepteurs dont l'interaction est "modérée" vont permettre d'engendrer un signal "faible" de survie pour les lymphocytes T : ainsi la vie apparait ici comme la réponse "modérée" et "faible" : unique complexité située entre des réponses trop "franches", trop intenses, dans un sens comme dans l'autre.
Pendant trois jours, au sein du thymus, se joue ainsi l'actualisation du potentiel créé de manière systématique auparavant. Cette actualisation va garder environ 1% du potentiel et définir ainsi l'unicité singulière de l'embryon donc de l'individu en train de se former : singularité qui signera in fine sa "réponse" immunitaire.



Je vois pour ma part, ici, une complexité se mettre en place, au sein des relations (dynamiques) entre cellules de l'immunité. Je conjecture ici également un système de systèmes dont il est possible de comprendre l'ontologie si on s'empare de la logique lupascienne.
Posons que l'ensemble des interactions entre cellules sentinelles et pré- lymphocytes T dans le thymus embryonnaire définisse un ensemble de couples dont chacun est composé de deux informations : la combinaison du récepteur de la sentinelle et la combinaison du récepteur du lymphocyte T. Nommons pour simplifier notre propos chaque couple générique (S,T). Nous avons alors :
1) Si S est "trop proche" (interaction trop intense) de T, alors c'est la destruction de T
2) Si S est "trop éloigné" (interaction trop faible) de T, alors c'est la destruction de T
3) Si S n'est "ni trop proche ET ni trop éloigné" (interaction modérée) de T, alors c'est la survie de T.
Ce système axiomatique fait penser à une matrice ternaire où 1) serait "l'égalité" (axiome d'identité) (A est A), 2) serait la non égalité (axiome de non contradiction) (A n'est pas non-A) et 3) serait le tiers inclus (axiome du tiers inclus) (il existe un tiers entre A et non-A).
Pourquoi le tiers inclus ici et non l'axiome classique du tiers exclus  ? Tout simplement car la réponse donne la "vie", c'est à dire actualise le potentiel existant en le gardant "visible", tandis que les autres réponses donnant la "mort" actualisent le potentiel existant en le faisant disparaître ! Le tiers inclus, ici dans cette systémogénèse immunitaire, définit la vie même tandis que les opposés contradictoires engendrent la mort. Il est bien entendu qu'ici, je parle des interactions entre cellules, donc de leurs relations dynamiques, c'est à dire in fine de systèmes informationnels et non des structures cellulaires au sens strict.

Que peut signifier ici un rapprochement entre le concept lupascien du tiers inclus et l'identité immunitaire du "soi" ? Je vois pour ma part l'irréductible contradictoire et l'inversion de sens (vu avec Van Gennep).
Selon JC Ameisein, la re-connaissance est une présentation à nouveau avec une réponse différente. En effet, il écrit : "Aussi étrange que cela puisse paraître, le lymphocyte qui répond pour la première fois à un fragment d'une des protéines du virus de la grippe [...] n'y répond pas parce qu'il le "reconnait" [au sens de connaitre] : il y répond au contraire pour la seule raison qu'il ne l'a jamais rencontré." Et cette réponse sera intense et cela déclenchera, pour la première fois, un signal intense qui engendrera la destruction de la protéine du "non-soi". Le "soi" est ici définit par des informations ( des combinaisons de protéines) "contradictoires" essentiellement, une réponse originelle modérée, singulière et rare, tandis que le "non-soi" se définit par des informations non contradictoires essentiellement, une réponse originelle très forte ou très faible, commune et courante (statistiquement du moins).
C'est bien l'inclusion originelle d'informations contradictoires, pendant la vie embryonnaire, qui permet de construire la complexité de notre système immunitaire.

Le concept de mort cellulaire apparaît ainsi très bien adapté à sa ré-interprétation au sein d'une métaphysique lupascienne de logique inclusive ou logique du tiers inclus. La complexité entrevue alors prend tout son sens et "se simplifie".

Ce concept de mort cellulaire, rend ainsi au concept de vie, toute sa beauté et sa complexité grâce à l'introduction du contradictoire au sein du couple (vie,mort). Immergé au sein d'une logique lupascienne, ce couple fait à son tour émerger peut-être Le véritable concept de ce que nous nommons la "vie" : en réalité, son "tiers inclus", issu d'une tension irréductible et contradictoire entre vie et mort, et dont la manifestation "visible" reste si rare et si singulière !

dimanche 23 mai 2010

Relience III

Dans Relience II, nous constatons à la fois de grandes perturbations dans la logique explicitée des faits discutés et à la fois une grande sérénité lumineuse entraperçue sur le chemin à suivre désormais. Tout cela apparaît cependant bien mystérieux...

Dans Féminin/Masculin..., nous effleurons le concept du sexe et de sa dualité dans notre société par le prisme du médical, éclairé d'anthropologie. Nous proposons la lecture de cette dualité aussi ancienne que le monde comme un renversement et élaborons ainsi une triade lié au temps où tout réarrangement des deux principes, masculin et féminin, est finalement possible. Ce n'est qu'une étape...

Dans {Vie, Mort, Conscience}5è dimension , nous poursuivons notre quête sur le concept de la mort, qui nous renvoie in fine sur celui de la conscience et de la vie, en questionnant les expériences troublantes mais néanmoins significatives des EMI (NDE). Une interprétation pragmatique et physique nous envoie sur un univers à 5 dimensions où nous trouvons d'emblée de nombreuses résonances avec l'ensemble de nos préoccupations existentielles (explicitées en partie dans ce blog). Mais ce n'est aussi qu'une étape...

Dans Discontinuité et A-causalité, nous questionnons frontalement la rupture, ce qui nous amène à la mettre en relation avec une triade lupascienne que nous tentons provisoirement de coupler avec la causalité : tout ceci reste ouvert sur l'arbitraire de l'intention...

Dans Champ et Quantum : échanges autour d'un seuil : nous reprenons la métaphysique de la physique quantique pour explorer en détail les concepts de quantum et de champ, ce qui nous amène in fine à la triade de B. Nicolescu : ( énergie ; discontinuité ; seuil ). La vue sur le monde est locale mais reste inséparable de toutes les vues déjà réalisées, se réalisant et à réaliser, cette vue est essentiellement relationnelle et réciproque : c'est bien la vue qui "fait" le monde et le monde qui "définit" la vue.

Dans Le vide est plein, nous proposons une lecture "physique" d'un ancien concept dû sans doute à Anaximandre, l'apeiron, d'où tout arrive et où tout repart...

Dans Je suis né un jour bleu, nous relatons une lecture très résonante du premier livre d'un garçon très singulier, cette lecture nous amène à réfléchir à la "symptomatologie" du HPI et au fameux algorithme qui engendre l'hyper-structure dont nous avions parlé dans Le réveil de la source.

Dans Logique de l'Energie et Sens, nous revenons sur la logique du tiers inclus développé par Stéphane Lupasco, commentée par Basarab Nicolescu et Dominique Temple. Ce nouvel éclairage colore rétroactivement l'ensemble des articles déjà écrits, notamment ceux de Relience III, nous commençons à percevoir sérieusement que l'espace-temps dans lequel semble plongé notre écriture et nos pensées est très loin du cadre Newtonien commun. Cette logique de l'Energie renvoie à la triple dialectique de la matière : ce triplet qu'il est tentant de voir partout à l'œuvre dans toute dynamique mais qu'il est sage d'implémenter a postériori. Enfin, nous butons sur l'arbitraire du sens et de la motivation implicite de tout système formel, de toute logique...

Dans Autisme : Malvoyance de l'E-motion, nous revenons sur ces troubles autistiques avec une thèse fort originale de Bruno Gepner. Nous dégageons l'heuristique de ses travaux théoriques et cliniques tout en regrettant in fine une incomplétude conceptuelle et arbitraire : l'a-normalité n'est pas relativisée car la logique de travail reste celle, dominante, de l'exclusion.

Dans Bardo Thödol : un renversement !, nous présentons la pensée et la posture d'un homme, découvert il y a peu, qui amène lui aussi un éclairage décapant sur l'existence humaine. A la manière de Swami Prajanpad, il nous invite d'ailleurs à expérimenter notre vie plutôt que de la penser, à voir et connaître, vraiment. Fabrice Midal nous présente à cette occasion celui qui a été son maître tibétain : Chögyam Trungpa et nous reviendrons sur la pensée de cet homme si singulier. Nous ébauchons enfin une analogie entre la logique lupascienne et la posture bouddhiste.

A ce point, le mystère s'allège et nous comprenons enfin que les grandes perturbations ressenties plus tôt étaient dues à nos lunettes sur le monde, à la logique implicite de la métaphysique dans laquelle nous sommes immergés : l'exclusion ! La sérénité lumineuse entraperçue est à explorer ...Il est troublant a postériori de constater que cette fameuse "lumière", ce spectre de l'univers, était déjà là, au tout début de ce blog et ses portes ouvertes étaient nombreuses (cf Le temps de la lumière ...)...
Notre exploration est au moins spiralée...!

lundi 19 avril 2010

Bardo Thödol, un renversement !

J'ai croisé Fabrice Midal par l'Inrees, un beau jour de décembre 2009. Il participait à une conférence sur le Bardo Thödol, ce fameux et énigmatique "livre des morts tibétains". J'ai bien dû écouter plusieurs fois, par morceaux, cette conférence de 2h, tant les paroles de Fabrice Midal m'ont interpellé. Cela a été le début d'une très riche investigation...

Fabrice Midal est philosophe et cet homme a cherché longtemps une autre voie au rabâchage incessant de concepts vides et creux. Un professeur de philosophie lui a d'abord transmis ce souffle si singulier de l'apprentissage de soi et du monde : François Fédier. Il a aussi trouvé en Chögyam Trungpa, un "maître" tibétain du XXè siècle, une parole libre et vivante et une incandescence de la spiritualité, qu'il tâche de transmettre, aujourd'hui, au sein de son association Prajna & Philia : Poésie, Philosophie et Méditation...

Ecouter Fabrice Midal est pour moi un enchantement, un décapage, une déconstruction et un apaisement : ses mots sont choisis, précis et justes.
Sur le Bardo Thödol, j'avais peu ou prou une idée générale qu'on peut éclairer par cet article.
Fabrice Midal m'a beaucoup surpris lorsqu'il me fait comprendre que ce fameux livre ne parle pas seulement de la "mort" mais bien plutôt des passages, des brèches, des bardos que, tous, nous rencontrons dans notre vie quotidienne et qui, sûrement, nous désarçonnent de nos habitudes, de nos certitudes, nous décentrent de notre ego centralisateur et trompeur.
J'ai déjà évoqué l'enseignement de Swami Prajnanpad (Voir et Connaitre) et sa dialectique de brahmane hindou intégrant tradition indienne, science physique et psychanalyse : son apport est nécessaire à la compréhension des implicites bouddhiques et tantriques contenus dans le Bardo Thödol. Nous y retrouvons les mêmes éclairages sur l'action du "mental" qui crée un "masque" sur la réalité et qui nous empêche de voir vraiment et de connaître. Et si ces bardos étaient des portes ouvertes sur ce qui est ?

Afin d'éclaircir d'abord les concepts ardus pour un occidental contenus dans le Bardo Thödol, j'ai lu ensuite le roman de Bruno Portier : "Bardo, le passage", qui explicite à travers une histoire moderne, la tradition liée à "la grande libération par l'écoute dans les états intermédiaires". Cet ouvrage a le mérite de nous livrer une version tout à fait "digestible" pour un Français mais il lui manque certainement l'éclairage plus profond, plus précis et plus provocateur en quelque sorte que Chögyam Trungpa a apporté à Fabrice Midal et que ce dernier nous a restitué lors de cette fameuse conférence du 17 décembre 2009.

Qu'a donc apporté Chögyam Trungpa à l'interprétation de ce livre dense et traditionnel ? Tout simplement un renversement !
Dans deux ouvrages (Fremantle et Trungpa, Le Livre des Morts Tibétain, Le courrier du Livre, 1979 et Chögyam Trungpa, Bardo. Au-delà de la folie, Seuil, 1995), Chögyam Trungpa propose en fait une description du "Livre Tibétain de la Naissance", tant, pour lui, il est nécessaire d'expliciter que l'état intermédiaire, le bardo, est un inter-monde, un état littéralement et historiquement "entre" le(s) "existence(s)" (antarabhava en sanskrit, bardo en tibétain). Cet état intermédiaire, Chögyam Trungpa ne le situe pas seulement entre deux "vies" dans le cycle du samsara, mais bien dans notre quotidien, "lorsque nous sommes pris par des moments d’incertitude où l’espace se déchire, s’ouvre et parfois nous effraie." nous rappelle Fabrice Midal. Là est l'enseignement essentiel du maître tibétain à l'occident, sur le Bardo Thödol.

Philippe Cornu (traducteur, tibétologue reconnu, auteur de nombreux ouvrages sur le bouddhisme) vient de terminer une dernière traduction du Bardo Thödol de Padmasambhava (Buchet-Castel, 2009) directement à partir des textes d'origine du courant nyingmapa. Nicolas d'Inca (psychologue clinicien qui travaille notamment avec Fabrice Midal au sein de Prajna & Philia) rapporte dans son blog un échange très intéressant avec cet enseignant bouddhiste. La tâche de Philippe Cornu était principalement, grâce à l'apport du tantrisme et du dzogchen, de replacer le livre dans son contexte historique et doctrinal. Dans un second article du blog, Philippe Cornu parle plus précisément de Chögyam Trungpa : "Quand Trungpa explique les six mondes ou scénarios d’existence, il montre que nous les avons dans notre vie." Cette interprétation n'est d'ailleurs pas totalement nouvelle.

La nécessité du bardo ou antarabhava apparaît lorsque la continuité doit être assurée entre deux "vies", lorsqu'un support, en quelque sorte, du "soi" doit être trouvé lorsque ce dernier ne semble plus vraiment "unifié" : entre la mort (d'une vie) et la conception (d'une autre vie). Cette nécessité est très ancienne dans le bouddhisme. Ainsi définit historiquement, le concept de bardo est renversé par Trungpa qui y voit finalement une sorte de discontinuité pour assurer in fine la continuité de la "vie" ou plutôt de la conscience/esprit. Discontinuité qui transparaît au sein de ce qu'on nomme communément la "vie" (l'existence) sous forme d'états de doute, de confusion, d'incertitude, et discontinuité où l'esprit a le choix entre "crispation et ouverture", entre conformisme/sécurité/obscurité/nécrose et lumière/inconfort/éveil/peur.
Ces discontinuités, nous les expérimentons tous dans notre vie sous forme de "vie/mort" symbolique ("symbolique" selon notre métaphysique cartésienne) en permanence, nous dit Fabrice Midal : le premier enseignement est de voir finalement que vie et mort sont inséparables et expérimentés, non pas une fois dans notre existence (selon le dogme catholique par exemple), mais à de multiples occasions au cours de l'existence. Nous pouvons même poursuivre en écrivant que notre existence n'est finalement qu'un ensemble de discontinuités où, à chaque fois, nous faisons un choix entre ouverture et crispation, entre ouverture-à-l'éveil et fermeture-à-l'éveil.
Le Bardo Thödol expose ainsi ce que vivent les êtres, l'esprit, lorsque ces choix adviennent, au moment des bardo. Ces bardo, ces états intermédiaires de l'esprit, sont résumés et identifiés, symbolisés, par 6 scénarios ou 6 mondes.

Ce déplacement, ce renversement, proposé par Chögyam Trungpa ne se situe pas dans une logique du tiers exclu, selon Philippe Cornu, mais bien du tiers inclus : "Ce que n’arrive pas à entendre l’Occident, c’est que l’un n’exclue pas l’autre. Ce n’est pas parce que ce sont des situations existentielles qui teintent notre vécu à chaque moment, que pour autant ces tonalités dominantes ne se manifestent pas réellement." Ainsi, replacer l'enseignement du Bardo Thödol dans le point de vue du dzogchen, c'est, au moins pour la pensée occidentale, expliciter la nature non duelle de la pratique du bouddhisme (ni samsara, ni nirvana mais co-émergence entre les deux) : ce replacement est exactement isomorphe à la logique Lupascienne du Tiers Inclus. (voir Tiers Inclus... et Logique de l'Energie..)
Ainsi, l'enseignement de Chögyam Trungpa n'est jamais à prendre de manière identitaire et dogmatique mais de manière littérale, en tant que "mouvement" transitoire, en tant que voie pour rétablir un équilibre/déséquilibre. Fabrice Midal, qui tient à transmettre cet engagement fidèlement, le décrit parfaitement en 4 points ici.
Philippe Cornu tient même à souligner que la psychologie occidentale, imprégnée de métaphysique cartésienne dualiste et binaire, n'a pas pu comprendre le Bardo Thödol, comme elle ne saisit pas au fond le bouddhisme, sa pratique et sa "logique" sous-jacente, essentiellement non-dualiste mais non contradictoire, à l'instar de la logique sous-tendant la mécanique quantique par exemple.

Que sont ces 6 scénarios possibles dont nous sommes à la fois auteur et acteur ? Olivier Piazza, sur son blog, les retranscrit fidèlement. Comment s'en saisir ? Pour Fabrice Midal, à la fois comme des colorations qui teintent quotidiennement notre existence vécue, comme des visions de déités qui sont manifestations de l'énergie qui se déploie, grossièrement comme des "émotions" en quelque sorte, et à la fois comme des choix de vie, des scénarios, des manifestations très prégnantes, dans lesquelles nous entrons ou ré-entrons après la mort/naissance, que nous conditionnons et qui nous conditionnent. Une fois de plus, la difficulté à saisir vient de notre "métaphysique" dominante qui exclue et qui n'inclue pas. La difficulté provient aussi de notre acception de l'esprit/conscience et de ses rapports avec le monde phénoménal et sensoriel.

Philippe Cornu comme Svami Prajnanpad viennent à notre aide sur ce point : l'esprit conditionné/conditionneur, le mental, crée l'égo et le monde extérieur (le soi/l'autre) en réponse à son incompréhension de la "réalité", à son ignorance : "Cet épiphénomène prend toute la place et masque le fait que sous cet esprit se trouve le non-duel, inconditionné, ouvert : la nature éveillée." rappelle Philippe Cornu. L'esprit/conscience conditionné/conditionneur semble s'approcher selon deux identités antagonistes : le conditionné, relié à nos sens, organise la cohérence de nos représentations du monde, il ne donne pas de valeur affective aux objets et phénomènes ainsi discriminés; le conditionneur, relié à nos passions, nos affects, nos émotions, colore et donne une valeur affective à nos représentations et aux phénomènes qui nous traversent; les deux antagonistes forment le couple conditionné/conditionneur qui, in fine, enferme l'esprit/conscience dans la permanence, la douleur et l'égo, dans la crispation. Ce couple ignore la nature non-duelle, lumineuse, "vide" (au sens de vacuité, donc isomorphe à "vide quantique") et connaissante de l'esprit/conscience. Philippe Cornu le déclare clairement :"l'esprit est une substance étendue et non une substance pensante. (...) C’est l’esprit vide et lumineux, c’est-à-dire connaissant ; non-dualiste, il n’entre pas dans la distinction entre sujet et objet."

Je suis très tenté, à ce point, d'inclure cette dernière dénomination/propriété de l'esprit/conscience au sein d'une tridialectique lupascienne : l'esprit/conscience, unitaire, possèderait ainsi trois orientations privilégiées et divergentes. Il est tentant alors d'explorer la "doctrine" du trikaya qui dans le bouddhisme vajrayana ou mahayana explicite trois plans de la réalité du Bouddha et de rapprocher ces deux courants de pensée. Cela nous emmènerait trop loin pour le moment, nous y reviendrons...

Comment se saisir de l'esprit/conscience vide, lumineux et connaissant ? Fabrice Midal, Philippe Cornu, Svami Prajnanpad insistent sur l'enseignement premier de Bouddha : expérimenter pour voir, écouter et connaitre ce qui est ! La méditation selon Philippe Cornu : "Dans la méditation, on va débrancher le mental passionné. En ralentissant l’esprit on peut analyser clairement ce que sont les phénomènes qui nous entourent dans la vision pénétrante. On ralentit le flot des pensées et on ouvre l’espace, ce qui fait le plus peur à l’ego. La méditation est si difficile, on rame et on lutte tant, car le mental passionné ne veut pas lâcher prise. On se focalise sur le contenu des émotions ou des pensées plutôt que les voir comme de simples mouvements dans l’esprit."

Ainsi, écouter l'enseignement contenu dans le Bardo Thödol doit permettre à l'esprit/conscience de se libérer des choix multiples et antagonistes s'offrant à lui pendant les états intermédiaires, les bardo, et accéder ainsi à son état "naturel" (de rigpa) : pur, lumineux et vide.
Ecouter, c'est aussi voir et agir, donner à l'autre.
Lors d'un deuil, Philippe Cornu souligne : "Cela permet de faire le deuil de manière exemplaire, car vous êtes en contact avec la personne, plutôt qu’avec votre chagrin et votre perte. Vous avez fait quelque chose pour l’autre sans vous apitoyer sur vous, cela change totalement la donne. Il n’y a plus la culpabilité d’être vivant, car on peut faire du bien à la personne, en pensant vraiment à elle. Il y a un processus thérapeutique, une forme de deuil actif."

Le Bardo Thödol contient au final une formidable aventure humaine, pragmatique et théorique, une formidable approche de l'existence "à partir de l'expérience la plus directe et la plus nue".

mercredi 10 mars 2010

(Vie; Mort; Conscience) => 5è dimension ?

Catherine Besnard-Péron m'a relié à l'INREES pour illustrer mes questionnements sur les changements de référentiels et notamment ceux liés à l'invisible/visible, au sein d'un certain contexte culturel et social. Il s'agissait d'explorer à la marge des cadres des expériences humaines forcément subjectives mais que certains scientifiques osent écouter et recueillir avec rigueur.
Ce projet de l'Inrees m'est apparu très sérieux et ouvert, non dogmatique : leur projet est bien d'écouter avec méthode et d'encourager ensuite le milieu médical à recevoir l'écoute de leurs patients avec la plus grande ouverture, sans jugement préétabli.

Le premier domaine qui m'a happé est lié à la mort ou plus précisément, pour être rigoureux, aux Expériences de Mort Imminente (EMI) (NDE en anglais). J'avais déjà lu, il y a longtemps, le fameux livre du Dr Raymond Moody : "La Vie après la Vie", paru en 1976. C'était à la fois très beau et ésotérique. Et très en avance.
Avec l'Inrees, j'ai découvert le Dr Jean Pierre Jourdan, docteur en médecine et vice président de IANDS France, association fondée par Kenneth Ring aux USA. Jean Pierre Jourdan s'intéresse à ces phénomènes depuis plus de 20 ans et a même posé les bases d'un modèle qui pourrait expliciter certains invariants rencontrés dans les très nombreux témoignages recueillis.
Les NDE sont des phénomènes complexes et plus encore parce que les sciences refusent pour le moment de s'en emparer ! Ces phénomènes nécessitent donc une prise en charge au moins pluridisciplinaire voire au final transdisciplinaire. Les NDE se rapprochent de manière générale d'états modifiés de la conscience et intéressent aussi les rapports subtils entre cerveau et conscience.

Dans son document "Juste une dimension", Jean Pierre Jourdan (JPJ) établit un cadre théorique, spéculatif, de la manifestation des NDE, en partant de faits "inexplicables" selon les modèles physiques à disposition. Il met d'abord en avant que les NDE semblent rendues possibles par le fait que la conscience soit isolée de ses interactions avec le monde physique. Dans son article "Les dimensions de la conscience", il relate même l'expérience de Pam Reynolds (1998) comme preuve irréfutable de la non induction de la conscience par le fonctionnement cérébral. Ce dernier article est d'ailleurs très pédagogique et fournit, avec des témoignages, les arguments pertinents qui sous tendent sa "théorie".

JPJ postule ensuite que le cerveau serait (tout de même !) une interface nécessaire à la conscience pour interagir avec l'univers physique, à l'instar de l'analogie entre l'appareil radio et l'émission sonore qui en sort. Dit autrement, sur la base de cette analogie, la "conscience" serait un champ étendu sur l'espace-temps et l'interaction locale se réaliserait par le biais du cerveau.

JPJ postule enfin que la conscience trouverait sa "localisation" dans une 5è dimension d'espace-temps qui permettrait l'explicitation de nombreux phénomènes récurrents décrits dans les expériences de NDE les plus "sérieuses". Son approche pédagogique se veut proche à la fois d'un raisonnement analogique et hypothético-déductif. Il a le mérite de créer un cadre simple pour englober l'ensemble des phénomènes invariants recueillis.

Il est troublant à le lire de trouver des expressions proches des miennes, alors que même nous ne semblons pas avoir les mêmes références. Je cite : "le temps se spatialise" (p.11); "le temps s'est arrêtée ou n'existe pas" (p.11). Je veux souligner ici que tenter de saisir le modèle d'espace-temps 4D à la marge, par les limites des équations (comme dire que le temps de la lumière s'est arrêtée à partir des équations de la Relativité Restreinte ou bien d'interpréter les fluctuations du vide quantique à partir des inégalités de Heisenberg...) revient en quelque sorte à prendre du recul voire à se "placer" carrément dans une dimension supplémentaire (perpendiculaire aux 4 existantes). L'analogie de Jean Pierre Jourdan est donc tout à fait "remarquable"; il reste à valider par des expériences rigoureuses le cadre ainsi dégagé et notre médecin établit même les pistes à explorer dans un projet de protocole hospitalier.

Il faut en outre préciser un point important : "Pour ma part, je considère que cette dernière phase (comprenant l’approche de la lumière, la rencontre éventuelle d’un « guide », la présence d’un Amour au dessus de tout ce que l’on connaît, la compréhension d’un but à sa propre vie, la sensation d’un point de non retour) est au delà du cadre que je viens de proposer." JPJ se garde bien dans son modèle d'aborder en effet les parties de témoignages les plus mystiques mais propose (à d'autres ?) de les regarder "avec des yeux neufs et un esprit ouvert.".
Avis aux amateurs ?

L'Inrees met aussi en relation avec le Dr Jean Jacques Charbonnier, actif dans l'écoute et la diffusion des expériences depuis 20 ans également. Nous trouvons sur son site un grand nombre de références qu'il est intéressant de lire ou de voir : du matériau pour se faire sa propre idée sur la question !

Enfin, je suis allé lire également les Actes du 1er Colloque (en juin 2006) sur les Rencontres Internationales au sujet de l'EMI (NDE), organisé et rédigés par Sonia Barkallah de S17 Productions. C'est un petit fascicule qui regroupe un certain nombre d'intervenants de très bon niveau qui connaissent parfaitement la question. L'intervention de Pim Van Lommel, cardiologue auteur en 2001 d'une étude publiée dans The Lancet est particulièrement riche en données quantitatives précises mais également en pistes de réflexion ouvertes.

En fait, les EMI n'ont vraiment rien à voir avec ce que nous nommons la mort, si on y réfléchit bien et il ne faut pas vouloir les étudier frontalement dans cette optique là, ce serait une erreur grossière. En revanche, elles nous interrogent sur la nature du concept occidental de conscience et le sens de la vie.
Dans cette optique, la valeur des matériaux dégagés est très riche.

mardi 2 février 2010

La mort est une transition quantique...

Jean Staune m'a également fait découvrir un de ses "contributeurs" : Lothar Schäfer , de l'université de l'Arkansas aux USA. Professeur de Chimie, il a publié notamment en cristallographie. Mais Mr Schäfer s'intéresse aussi à la philosophie des sciences et au pourquoi des choses.
En lisant son article "L'importance des Etats Virtuels dans l'émergence de l'ordre complexe dans l'univers" (traduit par J.S.), il est amusant de s'échapper du quotidien et d'imaginer comment une vision quantique de l'univers peut amener à des considérations conceptuelles sur le vivant/non vivant et sur le déploiement de la complexité.

Mr Schäfer postule tout d'abord que tout système matériel (composé d'atomes et/ou de molécules) peut être a priori relié à une fonction d'onde (de Schrödinger). Chaque système matériel est ainsi le centre d'un système d'états quantiques (à des énergies différentes) dont un seul état est occupé tandis que les autres restent vides. L'état occupé est "réel" car il possède une probabilité de présence observable tandis que l'état vide est "virtuel", non observable, mais existant tout de même sous forme mathématique et susceptible de devenir réel lorsqu'un changement d'état du système matériel (toute activité d'un système matériel est réductible à un changement d'état quantique) le fera s'actualiser en un état occupé !
La réalité décrite ici est donc quantifiée et dualiste : une structure "observable" (mesurable) actualisée et une structure potentielle, parfaitement calculable (états probabilistes) définie et déterminée a priori mais non observable.
Toute évolution d'un système matériel est donc parfaitement déterminée par cette dualité (actuelle;potentielle) et le "vide" (état quantique vide) est nécessaire au déploiement de la "vie", de la création, de ce que nous voyons autour de nous (nous y compris !).

Le postulat "primat" est le suivant : "tout ce que nous voyons, tout ce qui est réel dans le sens usuel de ce mot, est l'actualisation d'un état quantique ; tout ce qui est possible est déposé dans des états virtuels."

Lothar Schäfer voit plus loin : " (...) chacun de nous est l'actualisation d'un groupe d'états quantiques qui existaient déjà comme états virtuels avant notre naissance et qui continueront à exister après notre mort."

Ainsi, d'après Schäfer, tout est déjà là. L'ordre complexe de l'univers est déjà contenu dans les états quantiques virtuels. L'ordre complexe de l'univers est quantifié et toute évolution se joue dans cet ensemble.

Attention, cela ne veut pas dire que toute évolution est figée, que tout est déjà écrit, que la dynamique de l'univers est finalisée. Au contraire, tout est à construire à chaque instant, l'équilibre de la vie est un combat incessant, une interdépendance permanente, mais dans un cadre quantifié, ponctué de possibles.

Nous parlons là de la vie en général. Mais comme tout est déjà contenu, tout est déjà là, l'observable et l'inobservable, qu'est ce que définit la mort ? Ainsi, ce que nous nommons naïvement "mort", vue comme un "état" opposé à la "vie" peut elle se réduire à l'inobservable ? Peut elle se réduire à une (somme de) transition(s) quantique(s) ? Car poser la question : la mort n'est peut-être qu'une transition quantique de la conscience parmi d'autres revient en fait à s'interroger sur le comment et le pourquoi de l'étincelle de vie qui nous anime.

Ici et maintenant.