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lundi 4 octobre 2010

Relience V


Dans Relience IV, je constate que le "point" ou la "vue" générique pour nous saisir de l'univers est analogue à une "boucle", à une "mise en relation relationnelle", c'est à dire elle-même "en relation à", soit au final à "une relation à la relation". Pour que cette relation à la relation soit générique, il est nécessaire d'étudier comment différents modèles de saisie de savoirs deviennent opérants chacun dans leur domaine. Cela définit la multi-disciplinarité. Depuis le début et sûrement car c'est un langage-symbole qui m'est plus familier, je me sers ici plus fréquemment de modèles mathématiques ou issus de la physique. Les derniers offrent l'avantage d'être par définition ad hoc pour ce genre d'exploration. En revanche, ici, il n'est point question d'objets physiques ou mathématiques proprement dit mais plutôt de la relation que tout à chacun est susceptible d'entretenir avec eux. Quel est donc la nature générique de cette relation ? Il me semble qu'elle est informationnelle. Ainsi la relation à la relation serait de l'information. Cette notion transverse permettrait ainsi d'établir des passerelles "logiques" entre différents systèmes organisant des faits ("évènements"). Ainsi, la relation à la multi-disciplinarité serait une notion transverse. N'est ce point comme cela que B. Nicolescu définit d'ailleurs la Trans-Disciplinarité ? 

Dans Singularité et Homogénéité en Champagne, je rends hommage à un métier et une fonction passionnante : maitre de cave en Champagne. Cette fonction est analogue à celle du "nez" dans la parfumerie ou à toute fonction qui nécessite d'assembler une diversité hétérogène en une unité homogène mais complexe. En ce sens, assembler une cuvée de brut sans année chez Bollinger revient à une individuation : rendre indivisible une diversité, voire même, rendre visible unitairement une multitude non visible d'emblée. S'agirait il d'une ontologie ?

Dans Formalisations Lupasciennes, je condense la systémogénèse de S.Lupasco, en tant que science des systèmes possibles, en une formule concise, sorte de suite "transfinie" d'un triplet "d'opérateurs" (lupasciens) dont la nature mathématique exacte resterait à définir. Il est possible néanmoins que cette suite va formaliser la relation à la relation générique (car objectivée n fois ?) et in fine l'information elle-même. 

Dans Monde des Dieux et Asuras.., je décris précisément deux états (sur 6) du système informationnel "lupascien" décrivant le "bardo" du bouddhisme tibétain. Chogyam Trungpa avait certainement réussi le tour de force en explicitant ce concept essentiel en séminaires, de transmettre l'idée de multiples doubles flux antagonistes fonctionnant en cycles ("boucles"), image cependant passée complètement inaperçue à l'époque selon moi. Ces deux premiers états pointent deux antagonismes : Dieux et non Dieux, comme les deux états opposés les plus "énergétiques"(les plus subtiles)  du système global. Le lien avec la lumière (au sens d'énergie électromagnétique) est "naturelle" pour le monde des dieux et des asuras, énergie dont la potentialisation et l'actualisation prend sa source dans le vide quantique, énergie dont la nature est duale, soit onde, soit particule.
Ces deux premiers états mettent également en relation la "folie" (divers états mentaux comme la paranoïa, la schizophrénie..) et l'égo avec le non-égo (le soi et le non-soi). Notre relation d'occidental avec ces concepts devrait ainsi être mis en relation....


Dans Austime : le complexe Systemizing/Empathising..., je m'intéresse à nouveau aux TSA par les modèles développés par l'équipe de S. Baron-Cohen : de la "bonne" science appliquée statistique et probabilitaire ! Ces modèles et ces Quotients élaborés pour décrire les TSA ont l'avantage par rapport à d'autres de proposer une unité c'est à dire une réduction avec son complémentaire : ainsi SQ est le complémentaire de EQ, ce qui se traduit pour l'individu atteint de TSA à considérer aussi bien ses "forces" que ses "faiblesses". D'autre part, S. Baron-Cohen a proposé l'équation linéaire reliant AQ (le quotient "synthétique" déterminant la "gravité" des troubles TSA) aux deux facteurs co-variants EQ et SQ. Ces modèles doivent être vus comme une mesure de la potentialisation de la maladie, son actualisation devant toujours être mesurée par les outils classiques de psychanalyse en face à face avec le patient. Ainsi, en ce sens, l'information reçue par ces modèles dépasse la simple frontière malade/non-malade ou "normal/a-normal", malgré la réduction proposée d'emblée sur des axes linéaires, car faire soi-même ces tests, c'est aussi se saisir de la "proximité" pertinente (ou proxémie signifiante) avec les personnes diagnostiquées pour l'Autisme et cela "nourrit" la relation à la relation avec ces êtres...


Dans La théorie E/S : vade-mecum pour AQ , je propose un "digest" avec tout ce qu'il faut savoir sur les tests-modèles développés précédemment, pour se situer soi-même sur ces axes de connaissances liés à l'autisme. Cela complète aussi une approche périphérique de la mesure de l'intelligence, comme nous l'avions évoqué précédemment dans plusieurs articles sur ce blog, et ce, bien que S. Baron-Cohen ne se soit pas encore saisi d'une étude sur les liens statistiques entre QI et AQ par exemple.


Dans Paul Klee : précis de mécanique plastique, je rapporte ma "découverte" de l'œuvre de Paul Klee grâce à mon regard sur son regard (photo de lui prise en 1929 à Bethany), quelques œuvres de lui scrutées à l'Orangerie à Paris en juillet 2010 et par quelques-uns de ses écrits parmi les plus connus. Ainsi, la finalité n'est pas ici de regarder les peintures de cet artiste inventif et prolifique, mais de se saisir du regard qu'il portait lui-même non  sur ses œuvres terminées mais sur ses créations en train de se faire. Etre le regard n'est pas être le peintre mais seulement se relier à sa relation avec sa création. Seule cette relation à la relation permet à chacun de voir et de comprendre...


Dans L'Amour La solitude partie A : je me glisse presque effrontément (?) dans un "dialogue épistolaire" du philosophe André Conte-Sponville avec un de ses amis pour produire une co-ré-écriture, une co-re-lecture d'une partie de son ouvrage. J'y convoque d'autres sages et/ou philosophes en acceptant aussi de me livrer sur ces deux "sujets" universels. Une vue à la fois centrée et dé-centrée...


Dans Baguenauder dans la visualisation de la complexité , je rapporte comment le travail d'un étudiant génial en design peut nous permettre d'élargir notre "vision" de la complexité et in fine de nous fournir de nouveaux modèles visuels génériques à notre prise du monde, à notre "vue" sur le Réel que je formalise pour l'occasion par une "méta^n vue", c'est à dire...une boucle relationnelle, une relation à la relation générique...Nous avons vu ici que cela semble avoir un lien avec notre relation à l'information...!


Dans Partir & Revenir : un paradigme du seuil , j'expose comment mes humeurs à l'approche des vacances peut nous fournir une illustration lupascienne de la phase liminaire de A. Van Gennep. En retour, par réciprocité informationnelle, il est plaisant de constater que l'information ainsi obtenue fournit une pertinence nouvelle à notre compréhension du Tiers Inclus. L'exercice illustré par ce billet "d'humeur" propose ainsi de montrer comment la relation à la relation (informationnelle) dans un "statut" de réciprocité engendre non pas la nouveauté au sens strict mais la...pertinence. L'état informationnel d'un système-objet en réciprocité avec son système-sujet (observateur) permet de fournir le sens. Il nous reste à déterminer génériquement de quelle manière...


Relience V semble proposer une rupture épistémologique à cette "quête" de la réunion et de la transmission de savoirs issue d'une singularité. Il est délicat d'y proposer déjà un sens. En revanche, il est dans mon intention de laisser ce canal ouvert. Sans doute plus que jamais...


Je remercie ici le lecteur visible ou invisible qui, par son intention de lecture, au moins, contribue, même inconsciemment, à enrichir cette vue. Et oui, je crois aussi à l'intention inconsciente, au sens jungien plutôt que freudien il me semble d'ailleurs !!!

samedi 5 juin 2010

Consubstantialité et Carte Heuristique

J'ai découvert les cartes heuristiques avec Catherine Besnard-Péron dont la source est l'Ecole Française d'Heuristique (le blog est aussi riche de situations et de très belles cartes en tous genres).

La carte heuristique est un outil qui, au delà du langage séquentiel, fournit une vue globale (par l'image) et permet de fournir un sens et une direction à l'ensemble des liens mis en évidence entre tous les items du langage (que ce soit des mots ou groupes de mots ou d'autres images ou symboles ou d'autres cartes heuristiques...). En fait, la carte heuristique est une vue de la complexité, le nœud qui couple les deux étant le lien. Une carte heuristique est un ensemble de liens. Des liens qui mettent en relation des "objets". Nous pouvons donc dire que finalement une carte heuristique propose un ensemble de relations, en relation entre elles !
Ce qui est amusant est que pour un même ensemble de relations, il existe un grand nombre (issue d'une combinatoire sur le nombre de relations) de cartes heuristiques différentes : on peut imaginer, selon la terminologie topologique, que l'ensemble de ces cartes possibles appartiennent au même "atlas", ce dernier définit en fait un espace fini, limité à l'ensemble des relations (initiales) décrites, chaque carte ayant très souvent un sens différent et donc une orientation sémantique différente et unique selon la description spatiale des relations mises en œuvre (une carte heuristique devant en toute rigueur être "centrée", donc orientée). Dit autrement, chaque carte est une image différente du même espace relationnel, chaque carte va être décrite selon un discours séquentiel différent et l'histoire produite ainsi sera différente. Il est évident qu'il existe un grand nombre d'histoires différentes, toutes uniques, pour une même carte heuristique et donc pour un "atlas" du même espace relationnel. Ainsi, il est aisé de constater que pour un même ensemble fini de relations, il existe un très grand nombre d'histoires, de récits, combinant ces relations. Tous ces récits, enfin, décrivent chacun un espace-temps (qui n'est que relationnel, rappelons nous) unique, certains n'ayant aucune "chance" (probabilité) parfois d'être "réalistes" i.e. réalisables dans notre réalité physique conjointe.

Ainsi, une carte heuristique décrit sous une forme concise et parfois universel (inter-cultures) une complexité, riche de possibles, probables et improbables. Ces probabilités sont restreintes par des lois physiques, notamment celle de thermodynamique, mais aussi (ou surtout ?) par la motivation de celui qui la crée et qui, par cet acte, limite les possibles et fais surgir les probables, même les plus infimes. C'est in fine, la motivation qui va sélectionner les relations à relier entre elles de telle manière, dans tel espace restreint défini. A chaque carte correspond bien souvent une motivation et une seule, une orientation, un sens général, ce qui n'empêche pas, par la suite, le lecteur de la carte de pouvoir y puiser et créer à son tour plusieurs histoires uniques et différentes re-créées à chaque lecture. A ce titre, la carte heuristique contient un nombre d'informations impressionnant sur un espace physique limité.
Elle peut être une très belle métaphore également pour saisir la réalité de notre environnement, la réalité "contextuelle" ou consubstantielle à l'observateur, au lecteur de la carte/réalité, tout en n'oubliant jamais que la "carte n'est pas le territoire" (A. Korzybski), seulement un pâle reflet. Même si nous considérons la localité non séparée de la globalité (comme ce que nous apprend sur la réalité la physique quantique), "la connaissance locale", même a priori "infinie", "ne conduit pas (nécessairement) à une connaissance globale" (cf N. Lygéros et sa M-Classification [2.12] (déjà cité)).

La carte heuristique est également reliée au modèle d'organisation cognitif du cerveau : "cerveau gauche/cerveau droit" puisqu'elle met en avant une organisation spatiale de représentations d'images (au sens large) reliées entre elles, à l'instar de l'hémisphère droit qui "capte" les représentations sensorielles relativisées. Une carte heuristique peut ainsi ne contenir que des symboles directement "lus" par cet hémisphère, à charge pour l'hémisphère gauche de les relier avec d'autre symboles du langage lors de la lecture. Le sens orienté du langage (séquence temporelle et linéaire) fournit alors le sens orienté de la carte, au moment de la saisie/lecture. Nous revenons ici clairement à la saisie de l'univers/objet par l'univers/sujet, saisie qui crée/déploie l'espace-temps de manière unique. Nous y reviendrons...

Enfin, une carte heuristique est par définition un ("objet") ouvert (ou plus rigoureusement un recollement d'ouverts disjoints) et l'espace relationnel représenté est un système formel gödelien, donc soit incomplet, soit indécidable, en tous les cas, complètement indéterminé. Cette indétermination lui permet à la fois un très haut niveau d'abstraction (une vue transcendante et synthétique voire abductive) et à la fois un très haut niveau d'analyse fonctionnelle et opératoire (une vue formelle dans une logique du tiers inclus). Une carte heuristique peut donc servir à tout le monde, en de maintes occasions...!

vendredi 28 mai 2010

Récréation Intime...

J'ai ressenti très tôt la tragique douleur devant la souffrance de l'être mortel, cette angoisse qui fait que RIEN de vivant ne semble y échapper. Cette angoisse exposée vous fait passer aux yeux de l'autre pour un pessimiste de la vie, qui ne voit que le côté sombre de la lumière. Mais rejeter cette angoisse sous le prétexte fallacieux de rester "positif", c'est créer une séparation non seulement subversive mais perverse. Combien de lectures, combien d'approches, combien de "vies" débutées m'aura t il fallu pour prendre avec moi cette angoisse et la relier, enfin, à la lumière ? Car il ne s'agissait pas de séparer mais bien de lier et de saisir enfin que si tout est déjà là, encore faut il déployer l'espace-temps des possibles, incessamment s'ouvrir, large et rapide, à l'autre.

Cette posture m'était naturel, je crois. Enfant, le monde m'a paru très étrangement et très extrêmement compréhensible. Ce qui me heurtait était plutôt le retour de mon environnement, parfois à l'opposé de cette simplicité, parfois muet et parfois franchement réprobateur. Etre un autre alors qu'on tente de vous éduquer comme soi est une sacrée gageure et au final une torsion. Torsion qui ne vous quitte plus et vous fait interroger sans cesse le pourquoi de la norme, du social, du bien et du mal, de l'espace-temps, du sexe, des combinatoires etc...

Le temps n'existe pas mais il m'aura fallu plus de 30 ans pour me saisir de cette évidence. Evidence qui, à ceux qui peuvent être tentés de me lire et courageux, de poursuivre (!), apparait comme une contre vérité ésotérique au mieux, voire comme la manifestation avancée d'une psychose ! Et pourtant, écouter et voir Carlo Rovelli parler de l'espace-temps, en 2005 à la Cité des Sciences, ne relève vraiment pas de la psychose et ce garçon est lumineux, dans son approche de la science, et simple, dans son approche de la physique, car il relie. Il relie Anaximandre, au 7è siècle avant JC, à Lee Smolin 28 siècles plus tard, c'est peu dire, donc, qu'il voit large et rapide !

L'évidence, à ce point, est limpide : "la relation à" est primordiale. "La relation à" est la base ou le nœud ou la clé qui permet de s'emparer de l'univers. Les sciences ont objectivé littéralement cette "relation à " en la réduisant à quelques propriétés "essentielles", opératoires, réfutables. Mais réfuter scientifiquement une ou des propriétés n'invalide jamais "la relation à" , sa propre réalité primordiale. Il suffit de trouver d'autre propriétés valides temporairement. En revanche, il ne faut pas perdre de vue, jamais oublier, la réalité primordiale, même et surtout si elle est insaisissable. Car c'est d'elle que tout vient et où tout va.

Il ne faut pas oublier. Il faut donc, non se contenter d'être l'instant présent, mais être tous les instants à la fois et s'en souvenir. Seule la mémoire permet de relier, donc d'être "en relation à".
Michel Serres, dans cette conférence de 2007, explicite comment la révolution de l'information numérique a poussé l'humain à externaliser sa mémoire et combien cela l'oblige à devenir (plus que jamais !?) intelligent ! Intelligent au sens d'inventif, créatif, reliant, transparent également (puisque la mémoire de chacun est exposée à la mémoire de tous) et tel St Denis, décapité,  portant sa tête devant lui, l'être humain doit poser ses principes premiers, primordiaux, devant lui et en "faire" quelque chose !

La création et la transparence, ce sont les principes d'un blog sur le réseau internet, ouvert à tous. Ces principes sont à l'opposé de la logique mercantile d'exclusion qui veut aliéner, i.e. réduire, l'humain au consommateur passif devant une création opaque privée et souvent assez "pauvre" car justement dénuée de liens vers une ouverture riche et libératrice...

Stéphane Lupasco nous a laissé un bel héritage de sa pensée dense et complexe en écrivant toute sa vie durant sur le thème de la logique de l'inclusion, sur la logique du système ouvert gödelien. De l'antagonisme fort entre le besoin impérieux de l'intelligence créative et transparente pour tous et le postulat totalitaire de l'opacité réductrice et efficace d'une industrie (économique et politique) mondiale dénuée de mémoire, doit germer et s'ouvrir un "milieu". Une voie d'équilibre en quelque sorte. Comme est la vie, finalement...

La Déité : une Relation au non-ego

Après avoir écouté Fabrice Midal, ( voir Bardo Thödol...) j'ai commencé la lecture de ses écrits et visionné certaines de ses vidéos.

Un article m'a particulièrement touché : Esprits Médiateurs au sein du Tantra Bouddhiste. Comment, en effet, lorsqu'on commence à s'intéresser au bouddhisme, saisir, hors de toute métaphysique cartésienne, le concept de "déité", sans identification trompeuse, fallacieuse et au final très paradoxale, à notre concept de "dieu" (inhérent aux poly- comme aux mono-théismes) ?

Chögyam Trungpa et Fabrice Midal (FM), une fois de plus, nous apportent des éclairages. Voyons çà.

D'emblée, FM introduit son propos en le relativisant, c'est à dire, en le mettant en relation avec un ensemble : le concept de déité tient entièrement, non dans un système composite de propriétés diverses (symboles, rituels, image) spécifiques à chaque école doctrinale, mais dans la relation, le rapport de présence qu'elle entretient avec le pratiquant bouddhiste. Interroger cette relation, ce rapport de présence, c'est questionner finalement la co-structure ou méta-système constitué de la déité et du pratiquant, cette co-structure émergeant par une rétroaction itérative de la relation. Or, Fabrice Midal l'énonce clairement : "La question du « rapport » est ici centrale. Elle est en fait au cœur du bouddhisme, l'enjeu de son déploiement propre." Ainsi, interroger la déité, c'est questionner le rapport de présence avec elle et in fine l'enjeu même du bouddhisme : la déité est bien la "clé" pour se saisir du bouddhisme.

FM enfonce ensuite le clou : "une déité n'est jamais une image, une conception mentale, mais toujours une présence vivante qui répond à la possibilité qu'à l'homme de s'ouvrir à elle."
Mais malgré cette présence vivante, la déité n'a pas d'existence ontologique. Pour bien s'imprégner de ce paradoxe, il faut prendre du champ : le paradoxe n'existe que pour nous, occidentaux, immergés dans "notre "métaphysique duelle qui sépare "sensible et intelligible" nous dit Fabrice Midal. Ainsi : "La déité n'y est pas véritablement sensible – elle n'a pas un corps matériel, sa manifestation est pure luminosité – ni pour autant intelligible : toute rencontre avec la déité se vit de la manière la plus émouvante et la plus sensible qu'il soit."
Comment comprendre cette dernière phrase ? FM nous rappelle que depuis Descartes, nous avons séparé sujet et objet, subjectivité et objectivité, en les reliant respectivement à sensible et intelligible alors que pour saisir le concept de déité, il ne s'agit pas d'utiliser ces biplets ainsi formés dans une logique d'exclusion d'antagonistes.
"Le pratiquant ne visualise pas une déité en en constituant une image dans sa tête ; il l'invite à être par tous ses sens, l'appelant ainsi à être présente en personne" même si cette présence n'est pas "substantielle". Mais notre existence l'est elle vraiment ?

FM relate la rencontre décisive entre un "érudit", Naropa, et la deité Vajrayogini et ses commentaires sont éloquents sur le sens du chemin à prendre pour prendre avec soi la déité : "Après avoir développé, pendant de longues années, son intelligence et sa science, Naropa fit l'expérience soudaine de l'espace sans point de référence. Telle est Vajrayogini, la déité, visage tangible de la vacuité. (...) Chez Naropa, la rencontre avec la déité répond à une expérience profonde. Il a vu, sur le champ, que ses constructions intellectuelles ne lui permettaient pas une entrée véritable au sein de la réalité, mais ne faisaient que l'en préserver." Nous retrouvons bien là le concept du mental qui masque la réalité, c'est à dire, qui remplace la relation directe et nue, vivante, par une relation figée et crispée, comme morte. Nous retrouvons bien là le concept de la logique de l'exclusion, (liée ici à l'investigation intellectuelle et scientifique de Naropa) qui enferme l'esprit et la conscience dans de vaines polarités réductrices voire perverses lorsqu'elles font croire à leur ouverture intrinsèque tandis qu'elles ne sont que fermetures !

Ouverture, Fabrice Midal le relate plus loin : "En effet, visualiser une déité ne consiste pas à mettre dans sa tête une représentation mentale particulière. Cela implique, dans une toute autre modalité, de sortir de soi jusqu'à rencontrer ce qui nous est le plus intime : cette ouverture vivante. La rencontre de la déité ne se joue pas dans notre intériorité. Sa visualisation se développe sur la base d'un espacement primordial qui, avant toute manifestation possible, est présence."

Et d'asséner encore combien nos conceptions erronées nous éloignent de cette présence ! FM relate ensuite la méprise intellectuelle de l'association identitaire réalisée entre déité et archétype jungien. Méprise sémantique profonde : l'esprit (pour un bouddhiste) n'est pas ce que désigne ordinairement notre philosophie et notre psychologie occidentale, "Un tel esprit [rigpa] – que la tradition bouddhiste distingue de l'esprit ordinaire et confus [sem] – est précisément sans limites, et ne recouvre nullement les différentes déterminations occidentales que nous donnons à ce terme." Or, "L'archétype repose sur une conception de l'esprit humain clôturé sur lui-même.(...) En lui-même, l'archétype est vide, (...) il est un élément purement formel, rien d'autre qu'une facultas praeformandi (une possibilité de préformation), forme de représentation donnée a priori." Et comme conclue Fabrice Midal : "Entre sentir le vent frais sur son visage en le vivant comme la compassion universelle de Tchenrézi [une déité] qui m'ouvre, sur-le-champ, à l'inconditionnel de ma condition, et un  élément purement formel existant dans ma conscience, il y un abîme."

Nous, occidentaux, sommes enfermés dans cette métaphysique de l'exclusion, dans cet ego trompeur et séparateur. Alors, Fabrice Midal tente de nous représenter le non-ego, "cette forme du sans forme", cette espace où apparaît la déité. La méditation peut nous apporter cette expérience : "on se met à perdre le point de repère de la conscience de soi-même ; on fait l'expérience du milieu où se déroule la pratique et du
monde, sans tout ramener à la vue étroite du "moi"." Et FM le répète plus loin : "Une déité est avant tout une manifestation de la nature du non-ego,". Une déité est la manifestation de l'être éveillé et l'invoquer et la devenir  est la voie royale pour actualiser cette nature de bouddha , dans la vajrayana.

Ainsi, invoquer puis devenir une déité, c'est devenir ce rapport de présence hors de la conscience de soi, cette vacuité et cette compassion inséparables. Que devient on exactement ? Le symbolisme bouddhiste nous apprend que "Penser à elle [la déité], c'est se commémorer, sous un visage immédiatement perceptible, la manière dont la doctrine bouddhiste considère la réalité, c'est éprouver la multiplicité des qualités de l'éveil." Nous devenons : nus, dépouillés de tout, omniscients (passé/présent/futur ne sont plus), connaissance discriminante et action juste, compassion universelle, perçants et inflexibles, sans attaches aucune, générosité, patience, discipline, patience, effort, méditation, intelligence pure, mobiles..
Mais ces mots sont encore à la fois peu et trop précis et surtout permettent une représentation mentale qui masque, in fine, le véritable rapport de présence que chaque être peut devenir par l'expérience d'une déité...

dimanche 16 mai 2010

Espace-Temps Quantique : la fin du champ ?

Dans Champ et Quantum..., nous nous sommes saisis du concept de champ quantique utilisé en physique pour planter le décor de futures discussions immergées dans cette métaphysique et introduire du mieux possible la fameuse triade lupascienne de B. Nicolescu : {énergie,discontinuité,seuil}. Nous nous sommes arrêtés à la théorie de l'Electrodynamique Quantique, nous devrons y revenir pour aborder la Chromodynamique Quantique, ce qui nous demandera de nous pencher sur les symétries et les fameux principes de jauge issus de la théorie des groupes de Lie. Ces théories de jauge utilisées en physique trouvent certainement un aboutissement avec "la théorie du Tout exceptionnellement simple" de Anthony Garett Lisi, entièrement fondée sur le groupe de Lie exceptionnel E8, théorie très belle mais hautement spéculative et complexe.

Dans un premier temps, il faut comprendre que le champ est, comme le reste, un objet conceptuel transitoire. C'est Nykos Lygéros qui nous éclaire là-dessus avec son style sobre, épuré et concis dans "Sur la Notion de Champ en Physique". Il nous rappelle qu'il est possible de voir la transversalité de cette notion en se saisissant de la masse (d'un objet), concept à la base des forces de Newton et des interactions d'Einstein. De la masse, vue comme ponctuelle, à la nécessité d'une action à distance entre les points/masses, à la variété (pseudo-) riemanienne de l'espace-temps, au champ, il y a la continuité. Or, "la continuité du champ pose un problème crucial puisqu'il s'applique à un espace a priori continu.". Ainsi, dans la théorie quantique des champs, dans le modèle standard des particules, la masse disparaît en tant que donnée consistante, elle devient un degré de liberté à "combler" par l'expérience, c'est d'ailleurs une quantification "ultime" (le boson de Higgs) du modèle qui doit attribuer la masse à tous les autres quanta conceptualisés. Mais, et tous les physiciens le savent, coupler un espace-temps continu avec une théorie quantique du champ, c'est, faute de mieux, une démarche archaïque et qui pose des problèmes insurmontables. "L'autre problème fondamental, c'est que dès que nous passons sous la longueur de Planck, la réalité physique perd son sens." nous rappelle Nikos Lygéros, ce qui montre à nouveau que "la discrétisation de l'espace mais aussi celle du temps semble nécessaire.". La continuité est une notion puissante mais faut il le rappeler, après nos articles introduisant la logique de Stéphane Lupasco, doit être mise en relation (relativisée) avec les discontinuités que l'expérience nous donne à saisir.
"Les particules sont nécessairement une étendue non réduite à un point." La particule ou le concept de quantum tel que nous l'avons abordé dans notre article déjà cité ne peut donc être réduit à l'impact sur un écran ou à la trace sur une photo, en bref à sa relation ponctuelle avec un détecteur et in fine avec le sujet observant. Le point, ici, dont il est question, est bien une polarité, une réduction, une projection, d'une relation ouverte. C'est exactement dans ce cadre théorique que sont nés les différentes théories des cordes (voire de la gravitation quantique à boucles), par une extension spatiale et temporelle du "point" (plus rigoureusement par une nouvelle définition de l'excitation minimale unidimensionnelle du champ à l'échelle de Planck) . Enfin, l'enjeu d'une quantification de l"interaction gravitationnelle réside bien en une compréhension de la physique à l'échelle de Planck. "Ainsi l'introduction du champ en physique peut-être considérée désormais comme une méthodologie sans doute efficace dans un premier temps mais ad hoc sur le fond." conclut Nikos Lygéros dans son court article.

Dans un deuxième temps, il faut revenir à la compréhension même de l'espace-temps, ce que nous abordons de nombreuses manières, par des éclairages certainement originaux, dans ce blog. En physique, c'est finalement la question primordiale, remise en perspective au début du XXè siècle par la mécanique quantique et la relativité générale, ces deux vues fondamentales de notre monde, complémentaires et encore aujourd'hui inconciliables mathématiquement donc formellement. Réunir ces deux vues est nécessaire au moins pour saisir la réalité à l'échelle de Planck et c'est bien ce qu'essaient de réaliser les théories (spéculatives) sur la gravitation quantique à boucles ou "à cordes". Carlo Rovelli, physicien, nous éclaire sur l'arrière plan conceptuel de ces travaux, dans cet article général.
Il souligne ainsi qu'il est nécessaire d'obtenir une notion relationnelle d'espace-temps quantique, couplant ainsi à la fois la localisation relationnelle dans l'espace-temps due à la relativité générale et à la fois la quantification dynamique d'opérateurs non commutatifs dans la mécanique quantique ("we need a relational notion of a quantum spacetime in order to understand Planck scale physics."). En particulier, il illustre qu'une théorie spéculative sur ce sujet est sans doute plus "puissante" si dés le départ, elle postule moins d'hypothèses et notamment n'exige pas un arrière fond d'espace-temps métrique ad hoc, mais que ce dernier découle de la théorie elle même. Cet argument rejoint précisément les préoccupations d'Alain Connes lorsqu'il s'intéresse lui aussi de près au modèle standard des particules et à une théorie spéculative de gravitation quantique.
La relativité générale est une théorie sur la gravitation, sur le champ gravitationnel, et a démontré l'équivalence physique entre ce champ et la métrique utilisée pour caractériser l'espace-temps (il y a équivalence pour un objet entre être soumis au champ gravitationnel ou être soumis à l'accélération du référentiel dans lequel il se trouve par rapport à un référentiel témoin). Ainsi ("General relativity is the discovery that the spacetime metric and the gravitational field are the same physical entity. A quantum theory of the gravitational field is therefore also a quantum theory of the spacetime metric."), une théorie quantique de la gravitation est aussi une théorie quantique de la métrique de l'espace-temps. Carlo Rovelli insiste ainsi sur la définition identitaire de l'espace-temps relativiste et la métrique utilisée; dit autrement, l'espace-temps n'existe pas indépendamment des relations entre les "objets", ces relations, mesurées justement par une métrique, définissent entièrement cet espace-temps relativiste. Le saut "paradigmatique" en quelque sorte de Einstein est de revenir à une vue sur le monde d'avant Newton, avant la considération d'un espace et d'un temps immuables et fixes dans lesquels se meuvent les objets dynamiques soumis à des forces. Pour Einstein, en dehors des "objets" dynamiques reliés entre eux, il n'y a rien, ce sont donc "eux" qui définissent l'espace-temps, ce sont donc leurs propriétés qui fournissent les propriétés à l'espace-temps (ainsi la masse/énergie qui fournit la courbure)...
Or, jusqu'ici, dans le modèle standard par exemple, les théories quantiques des champs s'appuient sur une métrique "classique" et mathématiquement sont décrites au sein d'une variété riemannienne par des opérateurs issus de cette métrique. Il n'y avait donc pas de métrique quantique sur laquelle s'appuyer pour définir des outils opérationnels dans une variété différentiable. Tout le travail de Carlo Rovelli (et de ses collègues) a été de s'attaquer à ce problème. Dit autrement, définir une nouvelle métrique, quantique, c'est donc équivalent à définir un nouvel espace-temps quantique et donc, par équivalence, définir une quantification du champ gravitationnel. De ce point de vue, la théorie de la gravitation quantique à boucles est plus économe en hypothèses que l'ensemble des théories quantiques des cordes.

Pourquoi des "boucles" ? Dans l'article déjà cité de Carlo Rovelli, mais remanié en 2008, ce dernier explicite plus clairement cette hypothèse clé de la théorie : le choix d'une algèbre de boucles ("the loop algebra") prend sa source directement chez Faraday : "According to Faraday, the degrees of freedom of the electromagnetic field are best understood as lines in space: Faraday lines. Can we describe a quantum field theory in terms of its “Faraday lines”?" La réponse, relativement technique, est oui ! Ainsi, les auteurs ont élaboré mathématiquement une théorie quantique de champ, d'un nouveau genre, en partant d'une algèbre de "boucles". Ensuite, implémenter  l'idée d'Einstein de la relativité générale revient (mathématiquement) à se saisir de l'invariance par difféomorphisme : "In general relativistic physics, the physical objects are localized in space and time only with respect to one another. If we “displace” all dynamical objects in spacetime at once, we are not generating a different state, but an equivalent mathematical description of the same physical state. Hence, diffeomorphism invariance." La gravitation quantique à boucles est bien in fine, alors, cette tentative d'implémentation de cette subtile notion relationnelle de localisation dans l'espace-temps, dans une théorie quantique des champs (en l'espèce le champ gravitationnel).
Quelle image, représentation, nous reste t il pour se saisir alors du concept d'espace-temps ? Carlo Rovelli nous l'explique clairement : "we define quantum states that correspond to loop-like and, more generally, graph-like excitations of the gravitational field on a differential manifold (spin networks); but then, when factoring away diffeomorphism invariance, the location of the states becomes irrelevant. The only remaining information contained in the graph is then its abstract graph structure and its knotting. Thus, diffeomorphism-invariant physical states are labeled by s-knots: equivalence classes of graphs under diffeomorphisms. An s-knot represents an elementary quantum excitation of space. It is not here or there, since it is the space with respect to which here and there can be defined. An s-knot state is an elementary quantum of space." Un s-nœud (de spin "s-knot") est un quantum élémentaire d'espace. N'oublions pas que espace, ici, signifie aussi temps, un s-nœud est donc un quantum élémentaire d'espace-temps.
D'ailleurs, le résultat physique clé de la théorie de la gravitation quantique à boucles est le calcul explicite des valeurs propres d'aires et de volumes : la base de la représentation physique de l'espace-temps quantique ! Enfin, interpréter physiquement ces calculs revient certainement à revenir au sens de la mécanique quantique : l'espace-temps n'est pas ainsi un ensemble de quanta, mais bien une superposition probabiliste continue d'ensembles de quanta.

Il reste à se pencher sérieusement sur cette dernière phrase afin d'en savourer toutes les résonances possibles pour les significations pragmatiques qu'elle induit dans notre quotidien...


Nous y reviendrons...


{Pour Carlo Rovelli,je recommande également l'interview de 2007 par ARTE et je remercie également Jacques Fric, secrétaire de la Commission Cosmologie de la Société Astromique de France, pour sa traduction de l'article original en anglais de 1997}

mardi 6 avril 2010

Autisme : Malvoyance de l'E-motion : Heuristique Incomplète ?

C'est en écrivant sur Daniel Tammet que j'ai croisé les écrits de Bruno Gepner, professeur en psychiatrie à Aix en Provence qui s'est intéressé à "l'autisme" (les Troubles du Spectre Autistique - TSA).

Ce praticien hospitalier a présenté en 2005 lors d'une conférence l'essentiel de ses travaux sur le sujet. Bruno Gepner souhaite réaliser une approche complexe, c'est à dire reliante, et simple, c'est à dire facile à appréhender. Les TSA sont nombreux, leur étiologie est "éclatée", les processus mis en jeu sont très variables, les "mécanismes neuro-bio-physio-psychopathogéniques qui [les] sous-tendent" ne sont pas compris. Or, comme le souligne ce professeur, "Ce manque de compréhension globale a produit et continue de produire des développements théorico-cliniques et des applications thérapeutiques très divers et parfois hasardeux et/ou incompatibles."

Dans cet article, Bruno Gepner présente une synthèse (en 2006) de sa démarche originale.

Il constate tout d'abord (p.5) que l'énigme de "l'autisme" persiste car, dans la carte heuristique des TSA, "l’énigme du noyau des désordres autistiques demeure". Cette carte heuristique relie des faisceaux : constellation de troubles neuro-développementaux, multiplicité de facteurs de risques d'origines diverses, nombreux mécanismes physiopathogéniques affectant de nombreux systèmes neuro-fonctionnels, nombreuses réactions émotionnelles et psychologiques, nombreux désordres associés voire recouvrants les TSA... Cet ensemble heuristique, Bruno Gepner le nomme "Constellation Autistique". Ainsi, il constate une continuité déroutante voire impossible à saisir par une démarche classique réductionniste et tente l'approche holistique.
Il se pose une question déterminante : "jusqu’à quel point cette personne [atteinte de TSA] est-elle différente de nous ? Il définit trois voies d'approche qu'il va suivre en parallèle : subjective (expérience racontée par des "autistes"), intersubjective (expériences cliniques racontées par les parents et/ou soignants) et objective (expériences scientifiques et statistiques).

Bruno Gepner retrace ensuite un grand ensemble d'arguments qui l'ont conduit à supposer que les "autistes" pourraient souffrir de désordres de la perception visuelle ou intégration du mouvement, ce qu'il nomme : la malvoyance du mouvement voire, en le généralisant à l'ensemble des mouvements (physiques et biologiques) : la malvoyance de l'E-motion rapide (comme émotionnelle et motionnelle) dans les désordres de la constellation autistique. Ces arguments sont aussi bien d'ordre cliniques, directs ou issus de films familiaux "d'autistes", issus de témoignages écrits directs ou indirects "d'autistes", issu d'un cas de neuropsychologie adulte ou de la recherche en neuropsychologie cognitive sur le traitement de reconnaissance des visages.
La malvoyance du mouvement concerne d'abord des désordres liés à un dé-couplage visuo-postural et ensuite des désordres sur le couplage visuo-oculomoteur. Enfin, des expériences de présentation dynamique des mimiques faciales émotionnelles et non-émotionnelles montrent aussi une malvoyance du mouvement facial, proportionnelle au degré de sévérité du syndrome autistique. Ainsi Bruno Gepner écrit : "Le facteur vitesse du mouvement semble critique pour les enfants autistes : pour certains d’entre eux, hypersensibles au mouvement, plus la vitesse du mouvement augmente, plus le mouvement devient aversif ; pour d’autres, plus le mouvement est rapide, moins il est perçu, ce que nous avons résumé par le concept de déficit d’intégration du mouvement visuel rapide". A ces désordres, le psychiatre relie tout un ensemble neurophysiologique logiquement impliqué.

Bruno Gepner postule ensuite que son concept de malvoyance de l'E-motion est un cas particulier "d’anomalie du traitement temporospatial des événements ou flux sensoriels dans l’autisme." Il relie ainsi au domaine visuel, les sphères auditives et tactilo-kinesthésiques, très souvent altérés et impliquées dans les TSA, les autistes ayant en quelque sorte une hyper ou hypo sensibilité aussi aux sons et aux pressions tactiles. Des résultats expérimentaux étayent cette hypothèse et montrent ainsi que cette anomalie du traitement temporospatial des flux sensoriels dépasse largement le cadre de la constellation autistique (dyslexie, dysphasie etc..).

La démarche du praticien, originale, permet ainsi une lecture neuve sur des symptômes étudiés depuis fort longtemps : c'est une démarche abductive et heuristique parfaitement intégrée (voir de l'Ouvert à la systémique) comme il le souligne lui-même (p.18) :"Cette approche unitaire des désordres autistiques pourrait rendre compte de l’évitement sensoriel des personnes autistes (quand le flux sensoriel est aversif), et secondairement de leur évitement social, mais aussi du découplage perception-action et de leur désaccordage sensorimoteur, de leur désordres de compréhension verbale et émotionnelle, et in fine de leurs anomalies de compréhension du monde physique et humain qui les entoure et de leur désaccordage social et affectif".

Ensuite, Bruno Gepner relie ces désordres autistiques (unifiés sous le concept général d'anomalies du traitement temporospatial des flux sensoriels) à des bases neurobiologiques.
Ces dernières apparaissent selon deux "plans" : le premier est lié à une désynchronisation neuronale (soit en excès, soit en défaut), source des désordres attentionnels, perceptifs et cognitifs des autistes. [la synchronisation neuronale est la décharge simultanée de neurones d'une même assemblée, mécanisme crucial pour les processus "de l’attention consciente, de la mémoire de travail, de l’appariement des concepts, de la décision lexicale, de la perception consciente d’une forme globale"]
Cette désynchronisation neuronale peut apparaitre plus généralement comme une dys-synchronie multi-systèmes entre des réseaux neuronaux et voies neurofonctionnelles que certains auteurs voient aussi dans l'épilepsie par exemple.
Le deuxième plan est la contrepartie spatiale de cette désynchronisation neuronale à savoir un défaut ou un excès de corrélation spatiale par co-activation entre aires cérébrales. Ainsi, la dys-synchronie multi-systèmes a comme contrepartie spatiale une dys-connectivité multi-systèmes. De nombreuse études (par IRM par exemple) récentes montrent l'existence de dysconnectivités cérébrales dans les TSA.

Bruno Gepner conclut : "En bref, nous pensons que les difficultés des personnes autistes à percevoir les événements ou flux sensoriels en ligne (c’est-à-dire au moment où ils leur parviennent), à intégrer ces flux dans leur corps propre, à coupler en temps réel perception et action, et à s’accorder cognitivement et émotionnellement à autrui dans les échanges communicatifs et sociaux, pourraient être une traduction comportementale et neuropsychologique de cette dyssynchronie et dysconnectivité multisystème, que celles-ci soient d’ordre structural et/ou fonctionnel." Et le praticien de voir encore plus loin, quand il propose que ce concept de dys-synchronisation/connectivité neuronale soit aussi à l'œuvre dans un certain nombre de troubles neurodéveloppementaux ou maladies neuropsychiques.

Enfin, le psychiatre ouvre son propos sur des perspectives psychologiques et philosophiques fort intéressantes. Il propose notamment une vue des TSA comme un modèle de dissociation esprit/cerveau et suggère "un continuum entre pensée, langage et action en terme de degrés d'énergie et de matérialité."

Il rappelle d'abord qu'il avait déjà proposé que "la pensée en images statiques (...) pouvait constituer une sorte de signature de l'autisme typique." Il propose maintenant qu'il "existe une corrélation logique entre continuum de traitement sensoriel et continuum de mode de pensée.(...)Selon notre hypothèse, il y aurait donc une corrélation entre degré de désordres de traitement temporel des flux sensoriels et de malvoyance é-motionnelle d’un côté, et degré de fluidité et de dynamique de la pensée de l’autre."
[Je reste perplexe ici lorsque Bruno Gepner souligne (p.22) que le mode de pensée essentiellement visuel, tel que vécu dans le rêve par exemple est "archaïque sur le plan développemental"]
Selon cette approche neuropsychodynamique de la pensée, "celle-ci (...) est très profondément inscrite dans le mouvement. (...) Altéré dans sa capacité à associer et intégrer le mouvement physique et humain, les flux sonore et tactilo-kinesthésique dans son monde intérieur, l'enfant autiste sera aussi perturbé dans le ressenti et l’expression de ses émotions et de sa pensée". Or d'après son approche des TSA, vues comme une malvoyance de l'E-motion, cas particulier de dys-synchronisations/connectivités neuronales, Bruno Gepner "suppose qu’une telle pensée fonctionne en dehors de l’espace-temps ordinaire, dans un espace-temps difficile à imaginer, désynchronisé, discontinu, distordu, morcelé, fragmenté, et sans doute assez effrayant."
Schématiquement, il propose donc un isomorphisme rigoureux entre perception/intégration du mouvement et mode de pensée, et au vu de la symptomatologie des TSA, il imagine un mode de pensée associé. Enfin, par causalité "normale", ce mode de pensée très singulier expliquerait certains comportements très singuliers : il s'agit donc d'une boucle de rétroaction entre mode de pensée et traitement sensoriel, les deux s'influençant mutuellement.

Cependant, confronté à ce nœud de régulation, Bruno Gepner est "obligé" d'aller chercher plus en avant une explication : il la propose dans le concept de dissociation psychisme-cerveau, concept qui s'ancre dans le dualisme interactionniste cher à Sir John Eccles.
Car certains témoignages directs d'autistes rapportent non pas une pensée fixe et discontinue mais plutôt une dissociation entre leur pensée (leur intention et leur volition) et leurs actes corporels (de manière plus "faible" par exemple qu'un looked-in-syndrome).
"Selon cette perspective, l’autisme procéderait de désordres de la liaison entre leur attention, leur intention, leur volition, leur conscience, d’une part, et leur cerveau et leur corps d’autre part. L’unité psychosomatique se serait mal construite, mal unifiée.(...) Selon nous, l’esprit et le corps des personnes autistes fonctionnent dans des dimensions relativement séparées, avec insuffisamment d’influences réciproques entre eux."
En fait, l'important pour la suite est de bien comprendre que ce n'est pas le fait que l'esprit et le corps soient dans des dimensions séparées qui provoque des TSA mais bien le fait que l'unité entre eux ne fonctionne pas bien. Il s'agit bien pour Bruno Gepner d'un problème d'attention au présent, à l'instant, d'un problème de connexion à cet instant présent (à du moins ce que la société nomme "cet instant présent").

Il rappelle alors les travaux de Eccles et de Beck qui en postulant des effets quantiques au cœur du fonctionnement du cerveau ont proposé que l'intention et la volition, vus comme des états psychiques conscients immatériels, agissent sur le cerveau par le biais de la synchronisation neuronale. Des travaux plus récents (Varela et Lutz notamment) apportent des arguments "quantitatif[s] et qualitatif[s] majeur[s] en faveur de l’influence d’une activité mentale ou psychique consciente sur le cerveau, et ouvre selon nous la voie à un champ immense de possibilités théorico-cliniques."
Ainsi, Bruno Gepner propose "que le psychisme et le cerveau fonctionnent à/dans des degrés de matérialité distincts, qu’ils sont étroitement et logiquement compatibles entre eux le temps d’une vie humaine, deviennent quasiment indistincts l’un de l’autre en cas de fonctionnement neuro-psychique ordinaire, mais se dissocient et fonctionnent de manière relativement autonome l’une par rapport à l’autre en cas de maladies neuro-psychiques (Gepner, 2003)."
Nous reviendrons sur ces travaux de dissociation psychisme-cerveau plus longuement dans un autre article...

En conclusion, la démarche de Bruno Gepner est singulière mais riche : elle se veut heuristique, abductive voire systémique. Suivant trois voies d'approche des TSA (subjective, intersubjective et objective), il induit, de proche en proche, au sein d'une "constellation" en 3D, de nombreux concepts explicitant et englobant ces derniers, de la malvoyance du mouvement jusque in fine dans le paradigme de "dissociation psychisme-cerveau". Cette démarche n'est pas seulement spéculative mais débouche aussi sur une approche clinique pragmatique de soins particuliers prodigués à l'autiste se basant sur un logiciel destiné à ralentir les mouvements et la parole d'un interlocuteur afin d'en mesurer les effets sur ses capacités imitatives et de compréhension du langage.


Il reste un éclairage dans les propos de Bruno Gepner qui me laisse cependant perplexe.
Lorsque celui-ci prend du champ sur les TSA, il étend le domaine de "l'a-normalité" singulière de ces troubles en les reliant à d'autres pathologies. De ce fait, au sein d'une constellation (un ou des nuage(s) heuristiques) autistique qui se veut extension dimensionnelle d'un continuum, où placer la ou les frontières avec la "normalité" ?
De fait, Bruno Gepner ne répond pas directement et frontalement à cette question théorique (qui reste en suspens suite à sa construction conceptuelle) et pragmatique ("jusqu’à quel point cette personne [atteinte de TSA] est-elle différente de nous ?") autrement que par une extension tendancieuse de "l'a-normalité" face à une normalité bien mystérieuse, vue comme une limite de son modèle, implicitement pourtant connue de tous.
Ce praticien s'interroge en effet sur la notion de personnalité autistique (p.23 et 24) qui serait réponse à cette question : "peut-on trouver une condition autistique encore plus légère, qui ne serait pas encore dans le registre de la normalité, mais qu’on pourrait nommer personnalité autistique ?" et définit ensuite quelques traits assez réducteurs : "Considérons qu’elle serait au minimum marquée par la solitude, l’isolement ou l’indépendance, des intérêts abstraits, une tendance contemplative et un sens social peu développé." Cette personnalité étant pour lui le ferment indispensable à l'émergence de TSA suite à une évolution accidentelle (par hasard, darwinienne ?) de la personne par intégration de désordres d'épi-genèse et d'auto-organisation.
Enfin, la personnalité autistique est aux TSA ce qu'un trouble de la personnalité est à une maladie mentale et permet selon lui "de rendre compte de la réalité clinique et psychopathologique subtile et quasi-infinie des désordres de la constellation autistique." [c'est moi qui souligne !]
Ainsi, si je saisis bien ces propos de psychiatre, le modèle qu'il prend bien soin de construire se veut tellement englobant qu'il repousse effectivement "l'ordinaire", la "normalité", le non malade mental, comme une simple limite, quasi-absolue, en tout cas très fermée, d'une constellation très ouverte et très recouvrante d'a-normalité, de maladies, d'extra-ordinaires (?). Bruno Gepner est donc très convaincant et très ouvert dans sa démonstration mais il semble bien in fine se limiter cependant à une logique très binaire : être malade ou pas ! Le malade, c'est bien connu, se cachant évidemment dans le non-malade et le non-malade devenant de fait presque un artefact !

Il me semble, en tout cas, que Bruno Gepner ne peut manquer d'investiguer cette question implicite et très prégnante dans son métier : qu'est ce que n'être pas malade ? afin que sa démarche intellectuelle, telle qu'il l'expose sur l'autisme, devienne vraiment complète. Car, lorsqu'il écrit que l'énigme de l'autisme demeure parce que "l’énigme du noyau des désordres autistiques demeure" (déjà cité plus haut), je lui retourne l'argument : n'est ce point, in fine, à cause de l'énigme du noyau de l"ordre" "normal", "ordinaire", du non-malade ?

vendredi 12 mars 2010

Champ et Quantum : Echanges autour d'un seuil

Depuis la Théorie Quantique des Champs, le concept fondamental de la physique qui structure l'univers est le champ.
Le champ est d'abord un concept intuitif : on "voit" bien une étendue continue et infinie devant nous, voire, qui nous contient. Dans la vie quotidienne, en s'intéressant à la météorologie, nous nous emparons, sans le savoir bien souvent, de champs des températures et/ou des pressions. Ces champs à valeurs scalaires (nombres) représentent l'ensemble de toutes les valeurs prises par la température et/ou la pression (atmosphérique) en chacun des points de l'espace environnant. On retrouve donc la notion d'étendue (spatiale) couplée à une "mesure" locale et définie en tout "point". Mathématiquement, le champ scalaire est une fonction qui associe à plusieurs variables (espace vectoriel) un seul nombre. Et ce nombre exprime réellement une sensation : la quantification d'une température ou d'une pression en un endroit de l'espace, ressentis, mesurés, par notre corps ou par un capteur.
Retenons de cet exemple simple que le champ définit une relation locale, mais étendue sur un espace.
Ainsi, toujours en météorologie, la température de l'air en un "point" de l'espace à un moment donné dépend d'un ensemble de variables évoluant sur tout l'espace mais se mesure localement.

Le champ (relativiste) quantique est d'une nature intrinsèque différente et pourtant, nous pouvons le comprendre aussi comme une relation, définie localement, mais étendue sur tout l'espace-temps (c'est à dire aussi bien sur l'espace que sur le temps). Mathématiquement, cette relation est décrite par un opérateur qui agit sur des états quantiques. Plus exactement, le champ quantique est décrit par des opérateurs qui agissent sur la création ou la destruction d'états quantiques associés à des particules.

Dépoussiérons. Une particule est un concept physique qui rend compte du quantum, une particule élémentaire est un quantum : plus petite excitation du champ qui lui est subordonné, plus "petite" manifestation possible, élémentaire. C'est en gros une certaine quantité d'énergie-temps, une certaine quantité d'action élémentaire locale du champ. Cette quantité d'action élémentaire définit une discontinuité : "Entre deux multiples de ces quantum élémentaires d'action il n'y a rien." nous dit Basarab Nicolescu. Le rien en question est relatif au quantum considéré et ne doit pas être confondu avec le vide, le rien signifie le saut de la discontinuité.
Une particule possède "une durée de vie", elle est un quantum qui se manifeste dans l'espace-temps, donc elle est limitée dans cet espace-temps. Cette durée de vie peut-être extrêmement courte ou plus longue, les quanta élémentaires permettent ainsi l'accès à la totalité de la matière mais aussi à l'ensemble de ses interactions qui lui fournissent ses propriétés.

Le quantum n'est qu'un concept. Un concept qui rend compte des modalités d'échanges, d'interactions, de relations existant au sein de la matière. Un quantum n'a strictement rien à voir avec une "brique" par exemple. Il serait plutôt ce qui en dernier ressort résiste à notre investigation, à notre échange, à notre interaction avec l'univers. Il est "résistant" dans le sens où il se laisse saisir, dans le sens où il interagit avec l'observateur final qui le caractérise. Le quantum du champ se caractérise ainsi par sa masse, son spin, sa vie moyenne, sa charge et bien d'autres "nombres quantiques".

Ces échanges entre quanta des champs se réalisent selon des modalités précises et basiquement selon un mécanisme de création/destruction incessant agissant sur le vide quantique : nous en nommons trois : relation de création/destruction de quanta (opérateur de création/destruction), relation d'interaction entre quanta (opérateur de sommet) et relation de propagation de quanta (opérateur de propagation). Toutes ces relations sont en fait des échanges, liés à l'énergie-temps, et conservant au final l'énergie.

Précisément, le vide quantique est mis en évidence par les inégalités de Heisenberg sur l'énergie et le temps comme nous l'avons vu dans Le vide est plein. Ce vide quantique sert de "base", de potentiel à tout ce qui, au final, se mesure, devient actuel, réel.
Lorsque nous mesurons localement un champ quantique, nous opérons une sorte de "sondage" sur le vide quantique. Ce sondage est proportionnel à l'énergie employée pour la mesure, dit autrement, notre outil de mesure est exactement proportionnel au quantum recherché et mesuré. Il faut comprendre qu'un quantum n'existe pas isolé du reste, un quantum est en permanence en relation, en interaction, avec d'autres quanta. Ainsi, faire une mesure, c'est localement le "séparer" du reste pour l'analyser et le comprendre mais cette séparation est conceptuelle, elle correspond en fait à un exact échange d'énergie.

Dans l'opération de la mesure, il y a donc une notion d'échelle. Nous opérons une mesure, une saisie, à une échelle donnée, avec une énergie donnée, c'est à dire avec une "précision" donnée (un intervalle d'existence en quelque sorte de la mesure).
Une mesure i d'un quantum (à une échelle i) revient à "regarder" un état Ei de ce quantum, cet état peut également se "regarder" comme une somme de relations entre quanta dont l'énergie sera au maximum égale à l'état Ei. Cette somme de relations est infinie car le champ qui les "contient" est continu et infini. Cependant, pour la mesure, pour l'observation, nous choisissons l'échelle souhaitée et nous obtenons alors un nombre limité de relations (les autres seront négligées).

Les documents de vulgarisation de l'ENS sur la mécanique quantique fournissent l'exemple de l'électron, en relation avec le positron ("anti-électron") et des photons, d'abord hors interaction ("champs libres") puis avec interaction (cas de l'électrodynamique quantique).
Nous comprenons bien que l'électron n'existe ainsi en soi que dans les modalités d'échange qu'il entretient avec le vide quantique et les autres quanta comme son anti-particule et le photon.
Dans l'interaction électromagnétique, l'électron est en relation avec un autre électron via un photon (vu comme le médiateur de l'interaction). A une échelle plus fine, il faut intégrer aussi des relations intermédiaires entre le photon et la paire électron-positron. Il est possible d'itérer ces processus à l'infini, il est donc de "bon sens" de définir certains arbitraires pour la mesure, comme pour la "consistance" de la théorie. En gros, définir le moment où il faut s'arrêter : définir un seuil !
"Selon les lois quantiques, un électron n'est jamais isolé, il est toujours entouré par un nuage de particules virtuelles : électrons, positrons et photons. L'électron peut par exemple émettre un photon virtuel puis l'absorber. Ou bien il peut émettre un photon virtuel, qui peut se matérialiser en une paire électron-positron virtuels, laquelle peut s'annihiler pour se retransformer en photon virtuel, qui peut finalement être absorbé par l'électron initial, et ainsi de suite."

Ce qui est "amusant" avec la notion d'échelle de la mesure est que, bien évidemment, le "visage" du quantum n'est pas vraiment le même en fonction de l'échelle considérée : plus l'énergie fournie pour la mesure est forte et plus l'intensité mesurée de l'interaction liée au quantum considéré est forte.

Revenons maintenant aux champs. Reprenons notre exemple de l'électron. Pour le cerner, il nous faut au minimum trois champs quantifiés : électron, positron et photon. Il nous faut également connaître l'intensité de l'interaction entre ces champs couplés sachant que cette intensité dépend in fine de l'énergie fournit au système pour le "mesurer". Plus l'énergie est forte, plus le couplage est intense.

Cette grille de lecture de la Théorie Quantique des Champs nous apprend quoi ?

Ce que nous saisissons de la réalité se passe au niveau local : nous mesurons un échange, une interaction, une relation, entre des discontinuités, des sauts, des quanta et le "vide", le potentiel, le plein. La réalité de ce point de vue, la réalité matérielle, tangible est "faite " de discontinuités locales qui interagissent entre elles par l'intermédiaire d'un continu étendu sur l'espace-temps. Enfin, la nature de ces discontinuités est liée exactement à la nature de tous ces échanges, c'est à dire au flux d'énergie. Ce flux est "calibré" en quelque sorte par un seuil, une coupure déplaçable.

Ainsi il est possible de comprendre la très belle formule "lupascienne" de Basarab Nicolescu :
(énergie; discontinuité; seuil).

jeudi 11 février 2010

Essentielle Instantanée

Bon, pas de frontière entre objet et sujet : reste à savoir que faire avec cette liberté ?
Pas de frontière entre microscopique et macroscopique : que faire avec cette liberté renouvelée ?
Comment concilier mathématiquement et physiquement ces "mondes" au demeurant "opposés" ? C'est bien une question récurrente pour le physicien depuis plus d'un siècle, non ?
En quoi cette question intéresse t elle le citoyen, l'honnête homme, l'humain en général ?
Il s'agit du "réel", de ce que nous percevons comme tel, de nos représentations du monde, de nos modes de pensée. Nous vivons tous enfermés dans ces modèles, ces cadres, ces mots qui nous enserrent, nous protègent mais nous laissent prisonniers de nos lâchetés et de nos peurs.
Ces cadres sont nécessaires à l'appui de tout raisonnement, de tout langage, de toute relation à distance de nos émotions, de nos sentiments.
Mais aucune loi de la nature n'oblige quiconque à ne pas sortir de tels cadres, à ne pas en expérimenter d'autres, incessamment, pour tenter de voir la réalité différemment, pour oser, pour mettre en avant notre audace, notre étincelle de vie, pour sublimer nos peurs et transformer nos lâchetés en courages d'être.
Non, rien, absolument rien ne nous empêche de voir, de regarder le monde qui nous entoure autrement que par les idées dominantes, les préconçus, les prémâchés, les présupposés.

Il suffit de le vouloir.

Là, maintenant.

On y va ?

dimanche 7 février 2010

Reliences ?

Reliences est un néologisme.
C'est une tentative personnelle de transmettre une complexité.
Relience est attachée à relier comme un "mouvement porté vers".
Une "relience" n'est pas une liaison, mais plus une mise en relation.
Dans la relation, la "relience" amène une "attention à".
Cette "attention à" définit également une bijection entre deux sujets/objets et une mise en perspective.
Cette "attention à" est une saisie du réel, dans ce qu'elle a de dynamique, de fugace, d'éternelle aussi, dans un mouvement incessant, continument discontinu.
Par cette voie, la "relience" se rapproche de la volition.
Il est indéniable que la relience a à voir avec une voie spirituelle, par exemple, le vajrayana. Mais tout ce que contient la relience n'est pas réductible à cela...
Et il est néanmoins évident que même un Français éduqué selon des concepts judéo-chrétiens et immergé dans une métaphysique occidentale de source grecque peut appréhender ce geste sémantique, tout entier contenu dans "relience".
Car de nombreux philosophes, psychanalystes, penseurs, mathématiciens, physiciens, biologistes, rêveurs, poètes, peintres, karatékas, jongleurs, automobilistes, marins, danseuses, professeurs, comptables (?), consommateurs, spectateurs, comédiennes, clowns, cuisiniers, amants, banquiers (?), boulangers, charcutières, pêcheurs, théologiens, vigneronnes, chanteuses, écrivains....ont tenté déjà, tentent encore et tenteront toujours de se saisir de cette fugacité essentielle qui soutient leur existence.
Toutes ces tentatives contribuent à la compréhension (prise avec soi) collective de la relience !
Reliences n'est pas dogmes.
Reliences n'est pas vacuité.
C'est peut-être ce que voient les parties des parties des parties des parties....des parties ?
Mais Reliences n'est pas le tout.


Puisque aussitôt saisi, il disparaît. Aussitôt là, il est ailleurs.
Il est le blanc entre les mots noirs.
L'infini entre chaque nombre.
L'univers qui respire.
Une vague ? Une onde ?
Une singularité et une hyperstructure.
...
C'est au fond ma contribution d'amour à l'amour des hommes.
C'est si simple et si complexe à la fois.