Depuis la Théorie Quantique des Champs, le concept fondamental de la physique qui structure l'univers est le champ.
Le champ est d'abord un concept intuitif : on "voit" bien une étendue continue et infinie devant nous, voire, qui nous contient. Dans la vie quotidienne, en s'intéressant à la météorologie, nous nous emparons, sans le savoir bien souvent, de champs des températures et/ou des pressions. Ces champs à valeurs scalaires (nombres) représentent l'ensemble de toutes les valeurs prises par la température et/ou la pression (atmosphérique) en chacun des points de l'espace environnant. On retrouve donc la notion d'étendue (spatiale) couplée à une "mesure" locale et définie en tout "point". Mathématiquement, le champ scalaire est une fonction qui associe à plusieurs variables (espace vectoriel) un seul nombre. Et ce nombre exprime réellement une sensation : la quantification d'une température ou d'une pression en un endroit de l'espace, ressentis, mesurés, par notre corps ou par un capteur.
Retenons de cet exemple simple que le champ définit une relation locale, mais étendue sur un espace.
Ainsi, toujours en météorologie, la température de l'air en un "point" de l'espace à un moment donné dépend d'un ensemble de variables évoluant sur tout l'espace mais se mesure localement.
Le champ (relativiste) quantique est d'une nature intrinsèque différente et pourtant, nous pouvons le comprendre aussi comme une relation, définie localement, mais étendue sur tout l'espace-temps (c'est à dire aussi bien sur l'espace que sur le temps). Mathématiquement, cette relation est décrite par un opérateur qui agit sur des états quantiques. Plus exactement, le champ quantique est décrit par des opérateurs qui agissent sur la création ou la destruction d'états quantiques associés à des particules.
Dépoussiérons. Une particule est un concept physique qui rend compte du quantum, une particule élémentaire est un quantum : plus petite excitation du champ qui lui est subordonné, plus "petite" manifestation possible, élémentaire. C'est en gros une certaine quantité d'énergie-temps, une certaine quantité d'action élémentaire locale du champ. Cette quantité d'action élémentaire définit une discontinuité : "Entre deux multiples de ces quantum élémentaires d'action il n'y a rien." nous dit Basarab Nicolescu. Le rien en question est relatif au quantum considéré et ne doit pas être confondu avec le vide, le rien signifie le saut de la discontinuité.
Une particule possède "une durée de vie", elle est un quantum qui se manifeste dans l'espace-temps, donc elle est limitée dans cet espace-temps. Cette durée de vie peut-être extrêmement courte ou plus longue, les quanta élémentaires permettent ainsi l'accès à la totalité de la matière mais aussi à l'ensemble de ses interactions qui lui fournissent ses propriétés.
Le quantum n'est qu'un concept. Un concept qui rend compte des modalités d'échanges, d'interactions, de relations existant au sein de la matière. Un quantum n'a strictement rien à voir avec une "brique" par exemple. Il serait plutôt ce qui en dernier ressort résiste à notre investigation, à notre échange, à notre interaction avec l'univers. Il est "résistant" dans le sens où il se laisse saisir, dans le sens où il interagit avec l'observateur final qui le caractérise. Le quantum du champ se caractérise ainsi par sa masse, son spin, sa vie moyenne, sa charge et bien d'autres "nombres quantiques".
Ces échanges entre quanta des champs se réalisent selon des modalités précises et basiquement selon un mécanisme de création/destruction incessant agissant sur le vide quantique : nous en nommons trois : relation de création/destruction de quanta (opérateur de création/destruction), relation d'interaction entre quanta (opérateur de sommet) et relation de propagation de quanta (opérateur de propagation). Toutes ces relations sont en fait des échanges, liés à l'énergie-temps, et conservant au final l'énergie.
Précisément, le vide quantique est mis en évidence par les inégalités de Heisenberg sur l'énergie et le temps comme nous l'avons vu dans Le vide est plein. Ce vide quantique sert de "base", de potentiel à tout ce qui, au final, se mesure, devient actuel, réel.
Lorsque nous mesurons localement un champ quantique, nous opérons une sorte de "sondage" sur le vide quantique. Ce sondage est proportionnel à l'énergie employée pour la mesure, dit autrement, notre outil de mesure est exactement proportionnel au quantum recherché et mesuré. Il faut comprendre qu'un quantum n'existe pas isolé du reste, un quantum est en permanence en relation, en interaction, avec d'autres quanta. Ainsi, faire une mesure, c'est localement le "séparer" du reste pour l'analyser et le comprendre mais cette séparation est conceptuelle, elle correspond en fait à un exact échange d'énergie.
Dans l'opération de la mesure, il y a donc une notion d'échelle. Nous opérons une mesure, une saisie, à une échelle donnée, avec une énergie donnée, c'est à dire avec une "précision" donnée (un intervalle d'existence en quelque sorte de la mesure).
Une mesure i d'un quantum (à une échelle i) revient à "regarder" un état Ei de ce quantum, cet état peut également se "regarder" comme une somme de relations entre quanta dont l'énergie sera au maximum égale à l'état Ei. Cette somme de relations est infinie car le champ qui les "contient" est continu et infini. Cependant, pour la mesure, pour l'observation, nous choisissons l'échelle souhaitée et nous obtenons alors un nombre limité de relations (les autres seront négligées).
Les documents de vulgarisation de l'ENS sur la mécanique quantique fournissent l'exemple de l'électron, en relation avec le positron ("anti-électron") et des photons, d'abord hors interaction ("champs libres") puis avec interaction (cas de l'électrodynamique quantique).
Nous comprenons bien que l'électron n'existe ainsi en soi que dans les modalités d'échange qu'il entretient avec le vide quantique et les autres quanta comme son anti-particule et le photon.
Dans l'interaction électromagnétique, l'électron est en relation avec un autre électron via un photon (vu comme le médiateur de l'interaction). A une échelle plus fine, il faut intégrer aussi des relations intermédiaires entre le photon et la paire électron-positron. Il est possible d'itérer ces processus à l'infini, il est donc de "bon sens" de définir certains arbitraires pour la mesure, comme pour la "consistance" de la théorie. En gros, définir le moment où il faut s'arrêter : définir un seuil !
"Selon les lois quantiques, un électron n'est jamais isolé, il est toujours entouré par un nuage de particules virtuelles : électrons, positrons et photons. L'électron peut par exemple émettre un photon virtuel puis l'absorber. Ou bien il peut émettre un photon virtuel, qui peut se matérialiser en une paire électron-positron virtuels, laquelle peut s'annihiler pour se retransformer en photon virtuel, qui peut finalement être absorbé par l'électron initial, et ainsi de suite."
Ce qui est "amusant" avec la notion d'échelle de la mesure est que, bien évidemment, le "visage" du quantum n'est pas vraiment le même en fonction de l'échelle considérée : plus l'énergie fournie pour la mesure est forte et plus l'intensité mesurée de l'interaction liée au quantum considéré est forte.
Revenons maintenant aux champs. Reprenons notre exemple de l'électron. Pour le cerner, il nous faut au minimum trois champs quantifiés : électron, positron et photon. Il nous faut également connaître l'intensité de l'interaction entre ces champs couplés sachant que cette intensité dépend in fine de l'énergie fournit au système pour le "mesurer". Plus l'énergie est forte, plus le couplage est intense.
Cette grille de lecture de la Théorie Quantique des Champs nous apprend quoi ?
Ce que nous saisissons de la réalité se passe au niveau local : nous mesurons un échange, une interaction, une relation, entre des discontinuités, des sauts, des quanta et le "vide", le potentiel, le plein. La réalité de ce point de vue, la réalité matérielle, tangible est "faite " de discontinuités locales qui interagissent entre elles par l'intermédiaire d'un continu étendu sur l'espace-temps. Enfin, la nature de ces discontinuités est liée exactement à la nature de tous ces échanges, c'est à dire au flux d'énergie. Ce flux est "calibré" en quelque sorte par un seuil, une coupure déplaçable.
Ainsi il est possible de comprendre la très belle formule "lupascienne" de Basarab Nicolescu :
(énergie; discontinuité; seuil).
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