mercredi 3 mars 2010

Ombre et Principe d'Antagonisme

Mon premier "travail" avec Catherine Besnard-Péron a consisté à tenter de changer de référentiel, d'intégrer, par une heuristique, le problème posé et défini, dans une autre vue, dans un ouvert homéomorphe à l'espace au premier abord envisagé.
Le mot pivot était "creux". Je me suis beaucoup servi aussi de "l'ombre" et du "refus".
Il était troublant à l'époque de constater d'ailleurs la coïncidence de lecture avec Svami Prajnanpad qui dans les premiers entretiens avec S. Prakash débute lui aussi par une décapante déconstruction d'une métaphysique dominante : tout est mental, on ne voit que ce que le mental nous montre à voir, on ne voit pas la réalité telle qu'elle est en soi.

Voir en "creux", c'est s'interroger sur le sens et l'utilisation non seulement des mots mais également des signes en général et notamment pour moi des images mentales, qu'elles soient issues "directement" de sensations ou bien indirectement, par retraitement successifs, d'abstraits. C'est donc au delà d'une sémantique, l'approche pragmatique d'une sémiotique. Pratiquer cet exercice dans une relation thérapeutique ou par l'(auto)expérimentation d'un état modifié de conscience, peut être également, par réflexivité et par désir de "généricité" une tentative d'approche de méta-sémiotique (selon S. Tomasella).

Mais, au moins dans un premier temps, il y a invitation, dans un voisinage d'un ouvert, à questionner tout ce que l'on dit et pense comme l'expression ou la forme d'une exclusion. Observer ensuite les deux formes dégagées, en parallèle, revient à expérimenter une dualité, une complémentarité. Rendre complémentaire, c'est à la fois, par abduction, se saisir d'un cadre "englobant", et à la fois se saisir de la coupure déplaçable entre les deux formes duales. Cette action définit finalement un changement de niveau de réalité et fait émerger une triade donc une complexité.

Ce mouvement local, puisque il est dans une communication, dans une relation humaine, dans une dynamique, évoque le principe d'antagonisme défini par Stéphane Lupasco dans son ouvrage "Le principe d'antagonisme ou la logique de l'énergie". Ce principe s'expose ainsi : "A tout phénomène ou élément ou événement logique quelconque, et donc au jugement qui le pense, à la proposition qui l'exprime, au signe qui le symbolise : e, par exemple, doit toujours être associé, structuralement et fonctionnellement, un anti-phénomène ou anti-élément ou anti-événement logique, et donc un jugement, une proposition,un signe contradictoire : non-e ; et de telle sorte que e ou non-e ne peut jamais qu'être potentialisé par l'actualisation de non-e ou e, mais non pas disparaître afin que soit non-e soit e puisse se suffire à lui-même dans une indépendance et donc une non-contradiction rigoureuse (comme dans toute logique, classique ou autre, qui se fonde sur l'absoluité du principe de non-contradiction)."

L'antagonisme selon Stéphane Lupasco est un contraire qui n'exclut pas mais un pôle du couple (actualisé; potentialisé). Nous avons déjà rencontré cette proposition chez Lothar Schäfer (cf La mort est une transition quantique) bien que chez ce dernier, il s'agissait d'états structurants. Chez S. Lupasco, en revanche, il s'agit bien de phénomènes dynamiques. On pourra réfléchir par la suite à la connexion possible entre ces deux propositions.
Si l'actualisation d'un phénomène ne semble pas poser de problèmes de compréhension, la potentialisation mérite explicitation : cette dernière n'est pas négation, ni disparition totale car dépendante d'une dynamique. Elle est même, selon un statut ontologique ad hoc, "conscience élémentaire" de ce qui s'actualise. (conscience et non "conscience de soi")
Considérant des phénomènes dynamiques, ces concepts rendent compte d'une coexistence dynamique d'antagonismes (unité/diversité; continue/discontinue; etc) et non d'actualisations "simultanées". Le couple unité/diversité par exemple est similaire à un oscillateur entre deux pôles contraires. Tous les états à l'intérieur de ce couple sont donc possibles, il existe alors une position intermédiaire où survient un moment contradictoire (deux actualisations inverses sont à égalité et s'annulent) nommé état "T" pour Tiers Inclus.
Les 3 états définis A, T, P (Actualisation, Tiers inclus, Potentialisation) forment alors les variables (observables) de la table des valeurs d'une logique du Tiers Inclus. Cette logique du tiers inclus ne s'oppose pas à la logique d'identité puisque cette dernière est une limite de la première : A=A rejette la potentialisation de A à l'infini et tous les états intermédiaires, contradictoires entre A et non-A.

Cette logique du tiers inclus se retrouve bien en systémique et la "boucle de rétroaction" est parfois un couple antagoniste.
Le principe d'antagonisme de Stéphane Lupasco est isomorphe au principe de complémentarité de Niels Bohr, aussi la logique du tiers inclus définit bien, au delà des disciplines, une logique de la connaissance.

Dans ma problématique personnelle, me servir des "creux", des "ombres" ou du "refus" m'a servi à exposer non seulement des états psychiques mais aussi des dynamiques. Changer de niveau de conscience par abduction et/ou saisir la "coupure déplaçable" d'un couple de contraires m'a permis ensuite d'intégrer psychiquement la logique du tiers inclus dans mes représentations. La complexité étalée sur une carte heuristique pouvait alors, de façon néguentropique, abstraire une sorte de symbole complexe, une matrice faite de l'ensemble des oscillateurs mis en évidence.

Cette prise de conscience est bien liée à l'énergie.

Nous aborderons cela plus loin...

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