vendredi 28 mai 2010

Récréation Intime...

J'ai ressenti très tôt la tragique douleur devant la souffrance de l'être mortel, cette angoisse qui fait que RIEN de vivant ne semble y échapper. Cette angoisse exposée vous fait passer aux yeux de l'autre pour un pessimiste de la vie, qui ne voit que le côté sombre de la lumière. Mais rejeter cette angoisse sous le prétexte fallacieux de rester "positif", c'est créer une séparation non seulement subversive mais perverse. Combien de lectures, combien d'approches, combien de "vies" débutées m'aura t il fallu pour prendre avec moi cette angoisse et la relier, enfin, à la lumière ? Car il ne s'agissait pas de séparer mais bien de lier et de saisir enfin que si tout est déjà là, encore faut il déployer l'espace-temps des possibles, incessamment s'ouvrir, large et rapide, à l'autre.

Cette posture m'était naturel, je crois. Enfant, le monde m'a paru très étrangement et très extrêmement compréhensible. Ce qui me heurtait était plutôt le retour de mon environnement, parfois à l'opposé de cette simplicité, parfois muet et parfois franchement réprobateur. Etre un autre alors qu'on tente de vous éduquer comme soi est une sacrée gageure et au final une torsion. Torsion qui ne vous quitte plus et vous fait interroger sans cesse le pourquoi de la norme, du social, du bien et du mal, de l'espace-temps, du sexe, des combinatoires etc...

Le temps n'existe pas mais il m'aura fallu plus de 30 ans pour me saisir de cette évidence. Evidence qui, à ceux qui peuvent être tentés de me lire et courageux, de poursuivre (!), apparait comme une contre vérité ésotérique au mieux, voire comme la manifestation avancée d'une psychose ! Et pourtant, écouter et voir Carlo Rovelli parler de l'espace-temps, en 2005 à la Cité des Sciences, ne relève vraiment pas de la psychose et ce garçon est lumineux, dans son approche de la science, et simple, dans son approche de la physique, car il relie. Il relie Anaximandre, au 7è siècle avant JC, à Lee Smolin 28 siècles plus tard, c'est peu dire, donc, qu'il voit large et rapide !

L'évidence, à ce point, est limpide : "la relation à" est primordiale. "La relation à" est la base ou le nœud ou la clé qui permet de s'emparer de l'univers. Les sciences ont objectivé littéralement cette "relation à " en la réduisant à quelques propriétés "essentielles", opératoires, réfutables. Mais réfuter scientifiquement une ou des propriétés n'invalide jamais "la relation à" , sa propre réalité primordiale. Il suffit de trouver d'autre propriétés valides temporairement. En revanche, il ne faut pas perdre de vue, jamais oublier, la réalité primordiale, même et surtout si elle est insaisissable. Car c'est d'elle que tout vient et où tout va.

Il ne faut pas oublier. Il faut donc, non se contenter d'être l'instant présent, mais être tous les instants à la fois et s'en souvenir. Seule la mémoire permet de relier, donc d'être "en relation à".
Michel Serres, dans cette conférence de 2007, explicite comment la révolution de l'information numérique a poussé l'humain à externaliser sa mémoire et combien cela l'oblige à devenir (plus que jamais !?) intelligent ! Intelligent au sens d'inventif, créatif, reliant, transparent également (puisque la mémoire de chacun est exposée à la mémoire de tous) et tel St Denis, décapité,  portant sa tête devant lui, l'être humain doit poser ses principes premiers, primordiaux, devant lui et en "faire" quelque chose !

La création et la transparence, ce sont les principes d'un blog sur le réseau internet, ouvert à tous. Ces principes sont à l'opposé de la logique mercantile d'exclusion qui veut aliéner, i.e. réduire, l'humain au consommateur passif devant une création opaque privée et souvent assez "pauvre" car justement dénuée de liens vers une ouverture riche et libératrice...

Stéphane Lupasco nous a laissé un bel héritage de sa pensée dense et complexe en écrivant toute sa vie durant sur le thème de la logique de l'inclusion, sur la logique du système ouvert gödelien. De l'antagonisme fort entre le besoin impérieux de l'intelligence créative et transparente pour tous et le postulat totalitaire de l'opacité réductrice et efficace d'une industrie (économique et politique) mondiale dénuée de mémoire, doit germer et s'ouvrir un "milieu". Une voie d'équilibre en quelque sorte. Comme est la vie, finalement...

La Déité : une Relation au non-ego

Après avoir écouté Fabrice Midal, ( voir Bardo Thödol...) j'ai commencé la lecture de ses écrits et visionné certaines de ses vidéos.

Un article m'a particulièrement touché : Esprits Médiateurs au sein du Tantra Bouddhiste. Comment, en effet, lorsqu'on commence à s'intéresser au bouddhisme, saisir, hors de toute métaphysique cartésienne, le concept de "déité", sans identification trompeuse, fallacieuse et au final très paradoxale, à notre concept de "dieu" (inhérent aux poly- comme aux mono-théismes) ?

Chögyam Trungpa et Fabrice Midal (FM), une fois de plus, nous apportent des éclairages. Voyons çà.

D'emblée, FM introduit son propos en le relativisant, c'est à dire, en le mettant en relation avec un ensemble : le concept de déité tient entièrement, non dans un système composite de propriétés diverses (symboles, rituels, image) spécifiques à chaque école doctrinale, mais dans la relation, le rapport de présence qu'elle entretient avec le pratiquant bouddhiste. Interroger cette relation, ce rapport de présence, c'est questionner finalement la co-structure ou méta-système constitué de la déité et du pratiquant, cette co-structure émergeant par une rétroaction itérative de la relation. Or, Fabrice Midal l'énonce clairement : "La question du « rapport » est ici centrale. Elle est en fait au cœur du bouddhisme, l'enjeu de son déploiement propre." Ainsi, interroger la déité, c'est questionner le rapport de présence avec elle et in fine l'enjeu même du bouddhisme : la déité est bien la "clé" pour se saisir du bouddhisme.

FM enfonce ensuite le clou : "une déité n'est jamais une image, une conception mentale, mais toujours une présence vivante qui répond à la possibilité qu'à l'homme de s'ouvrir à elle."
Mais malgré cette présence vivante, la déité n'a pas d'existence ontologique. Pour bien s'imprégner de ce paradoxe, il faut prendre du champ : le paradoxe n'existe que pour nous, occidentaux, immergés dans "notre "métaphysique duelle qui sépare "sensible et intelligible" nous dit Fabrice Midal. Ainsi : "La déité n'y est pas véritablement sensible – elle n'a pas un corps matériel, sa manifestation est pure luminosité – ni pour autant intelligible : toute rencontre avec la déité se vit de la manière la plus émouvante et la plus sensible qu'il soit."
Comment comprendre cette dernière phrase ? FM nous rappelle que depuis Descartes, nous avons séparé sujet et objet, subjectivité et objectivité, en les reliant respectivement à sensible et intelligible alors que pour saisir le concept de déité, il ne s'agit pas d'utiliser ces biplets ainsi formés dans une logique d'exclusion d'antagonistes.
"Le pratiquant ne visualise pas une déité en en constituant une image dans sa tête ; il l'invite à être par tous ses sens, l'appelant ainsi à être présente en personne" même si cette présence n'est pas "substantielle". Mais notre existence l'est elle vraiment ?

FM relate la rencontre décisive entre un "érudit", Naropa, et la deité Vajrayogini et ses commentaires sont éloquents sur le sens du chemin à prendre pour prendre avec soi la déité : "Après avoir développé, pendant de longues années, son intelligence et sa science, Naropa fit l'expérience soudaine de l'espace sans point de référence. Telle est Vajrayogini, la déité, visage tangible de la vacuité. (...) Chez Naropa, la rencontre avec la déité répond à une expérience profonde. Il a vu, sur le champ, que ses constructions intellectuelles ne lui permettaient pas une entrée véritable au sein de la réalité, mais ne faisaient que l'en préserver." Nous retrouvons bien là le concept du mental qui masque la réalité, c'est à dire, qui remplace la relation directe et nue, vivante, par une relation figée et crispée, comme morte. Nous retrouvons bien là le concept de la logique de l'exclusion, (liée ici à l'investigation intellectuelle et scientifique de Naropa) qui enferme l'esprit et la conscience dans de vaines polarités réductrices voire perverses lorsqu'elles font croire à leur ouverture intrinsèque tandis qu'elles ne sont que fermetures !

Ouverture, Fabrice Midal le relate plus loin : "En effet, visualiser une déité ne consiste pas à mettre dans sa tête une représentation mentale particulière. Cela implique, dans une toute autre modalité, de sortir de soi jusqu'à rencontrer ce qui nous est le plus intime : cette ouverture vivante. La rencontre de la déité ne se joue pas dans notre intériorité. Sa visualisation se développe sur la base d'un espacement primordial qui, avant toute manifestation possible, est présence."

Et d'asséner encore combien nos conceptions erronées nous éloignent de cette présence ! FM relate ensuite la méprise intellectuelle de l'association identitaire réalisée entre déité et archétype jungien. Méprise sémantique profonde : l'esprit (pour un bouddhiste) n'est pas ce que désigne ordinairement notre philosophie et notre psychologie occidentale, "Un tel esprit [rigpa] – que la tradition bouddhiste distingue de l'esprit ordinaire et confus [sem] – est précisément sans limites, et ne recouvre nullement les différentes déterminations occidentales que nous donnons à ce terme." Or, "L'archétype repose sur une conception de l'esprit humain clôturé sur lui-même.(...) En lui-même, l'archétype est vide, (...) il est un élément purement formel, rien d'autre qu'une facultas praeformandi (une possibilité de préformation), forme de représentation donnée a priori." Et comme conclue Fabrice Midal : "Entre sentir le vent frais sur son visage en le vivant comme la compassion universelle de Tchenrézi [une déité] qui m'ouvre, sur-le-champ, à l'inconditionnel de ma condition, et un  élément purement formel existant dans ma conscience, il y un abîme."

Nous, occidentaux, sommes enfermés dans cette métaphysique de l'exclusion, dans cet ego trompeur et séparateur. Alors, Fabrice Midal tente de nous représenter le non-ego, "cette forme du sans forme", cette espace où apparaît la déité. La méditation peut nous apporter cette expérience : "on se met à perdre le point de repère de la conscience de soi-même ; on fait l'expérience du milieu où se déroule la pratique et du
monde, sans tout ramener à la vue étroite du "moi"." Et FM le répète plus loin : "Une déité est avant tout une manifestation de la nature du non-ego,". Une déité est la manifestation de l'être éveillé et l'invoquer et la devenir  est la voie royale pour actualiser cette nature de bouddha , dans la vajrayana.

Ainsi, invoquer puis devenir une déité, c'est devenir ce rapport de présence hors de la conscience de soi, cette vacuité et cette compassion inséparables. Que devient on exactement ? Le symbolisme bouddhiste nous apprend que "Penser à elle [la déité], c'est se commémorer, sous un visage immédiatement perceptible, la manière dont la doctrine bouddhiste considère la réalité, c'est éprouver la multiplicité des qualités de l'éveil." Nous devenons : nus, dépouillés de tout, omniscients (passé/présent/futur ne sont plus), connaissance discriminante et action juste, compassion universelle, perçants et inflexibles, sans attaches aucune, générosité, patience, discipline, patience, effort, méditation, intelligence pure, mobiles..
Mais ces mots sont encore à la fois peu et trop précis et surtout permettent une représentation mentale qui masque, in fine, le véritable rapport de présence que chaque être peut devenir par l'expérience d'une déité...

dimanche 23 mai 2010

Relience III

Dans Relience II, nous constatons à la fois de grandes perturbations dans la logique explicitée des faits discutés et à la fois une grande sérénité lumineuse entraperçue sur le chemin à suivre désormais. Tout cela apparaît cependant bien mystérieux...

Dans Féminin/Masculin..., nous effleurons le concept du sexe et de sa dualité dans notre société par le prisme du médical, éclairé d'anthropologie. Nous proposons la lecture de cette dualité aussi ancienne que le monde comme un renversement et élaborons ainsi une triade lié au temps où tout réarrangement des deux principes, masculin et féminin, est finalement possible. Ce n'est qu'une étape...

Dans {Vie, Mort, Conscience}5è dimension , nous poursuivons notre quête sur le concept de la mort, qui nous renvoie in fine sur celui de la conscience et de la vie, en questionnant les expériences troublantes mais néanmoins significatives des EMI (NDE). Une interprétation pragmatique et physique nous envoie sur un univers à 5 dimensions où nous trouvons d'emblée de nombreuses résonances avec l'ensemble de nos préoccupations existentielles (explicitées en partie dans ce blog). Mais ce n'est aussi qu'une étape...

Dans Discontinuité et A-causalité, nous questionnons frontalement la rupture, ce qui nous amène à la mettre en relation avec une triade lupascienne que nous tentons provisoirement de coupler avec la causalité : tout ceci reste ouvert sur l'arbitraire de l'intention...

Dans Champ et Quantum : échanges autour d'un seuil : nous reprenons la métaphysique de la physique quantique pour explorer en détail les concepts de quantum et de champ, ce qui nous amène in fine à la triade de B. Nicolescu : ( énergie ; discontinuité ; seuil ). La vue sur le monde est locale mais reste inséparable de toutes les vues déjà réalisées, se réalisant et à réaliser, cette vue est essentiellement relationnelle et réciproque : c'est bien la vue qui "fait" le monde et le monde qui "définit" la vue.

Dans Le vide est plein, nous proposons une lecture "physique" d'un ancien concept dû sans doute à Anaximandre, l'apeiron, d'où tout arrive et où tout repart...

Dans Je suis né un jour bleu, nous relatons une lecture très résonante du premier livre d'un garçon très singulier, cette lecture nous amène à réfléchir à la "symptomatologie" du HPI et au fameux algorithme qui engendre l'hyper-structure dont nous avions parlé dans Le réveil de la source.

Dans Logique de l'Energie et Sens, nous revenons sur la logique du tiers inclus développé par Stéphane Lupasco, commentée par Basarab Nicolescu et Dominique Temple. Ce nouvel éclairage colore rétroactivement l'ensemble des articles déjà écrits, notamment ceux de Relience III, nous commençons à percevoir sérieusement que l'espace-temps dans lequel semble plongé notre écriture et nos pensées est très loin du cadre Newtonien commun. Cette logique de l'Energie renvoie à la triple dialectique de la matière : ce triplet qu'il est tentant de voir partout à l'œuvre dans toute dynamique mais qu'il est sage d'implémenter a postériori. Enfin, nous butons sur l'arbitraire du sens et de la motivation implicite de tout système formel, de toute logique...

Dans Autisme : Malvoyance de l'E-motion, nous revenons sur ces troubles autistiques avec une thèse fort originale de Bruno Gepner. Nous dégageons l'heuristique de ses travaux théoriques et cliniques tout en regrettant in fine une incomplétude conceptuelle et arbitraire : l'a-normalité n'est pas relativisée car la logique de travail reste celle, dominante, de l'exclusion.

Dans Bardo Thödol : un renversement !, nous présentons la pensée et la posture d'un homme, découvert il y a peu, qui amène lui aussi un éclairage décapant sur l'existence humaine. A la manière de Swami Prajanpad, il nous invite d'ailleurs à expérimenter notre vie plutôt que de la penser, à voir et connaître, vraiment. Fabrice Midal nous présente à cette occasion celui qui a été son maître tibétain : Chögyam Trungpa et nous reviendrons sur la pensée de cet homme si singulier. Nous ébauchons enfin une analogie entre la logique lupascienne et la posture bouddhiste.

A ce point, le mystère s'allège et nous comprenons enfin que les grandes perturbations ressenties plus tôt étaient dues à nos lunettes sur le monde, à la logique implicite de la métaphysique dans laquelle nous sommes immergés : l'exclusion ! La sérénité lumineuse entraperçue est à explorer ...Il est troublant a postériori de constater que cette fameuse "lumière", ce spectre de l'univers, était déjà là, au tout début de ce blog et ses portes ouvertes étaient nombreuses (cf Le temps de la lumière ...)...
Notre exploration est au moins spiralée...!

samedi 22 mai 2010

Théorie Quantique de la Psyché : une logique des 3 matières !

Nous avons déjà écrit sur François Martin de Volnay (FMV), physicien membre du LPTHE à Paris, notamment sur les théories qu'il a développées sur la psyché quantique. (voir le lien vers son site internet et les articles suivants : "Système Quantique et Frontières" et "Quand le futur détermine le passé").

Il est temps d'y revenir vraiment. Que nous propose donc ce chercheur ? Un modèle quantique de psyché. Or, nous avons pris connaissances de travaux philosophiques qui viennent appuyer et soutenir cette comparaison, voire cette analogie, voire cet isomorphisme, entre quantique et psychisme. Il est donc d'actualité de prendre connaissance d'une formalisation rigoureuse entre ces deux-là !

Les arguments qui motivent FMV sont rappelés dans cette conférence qu'il a accordé en 2009 (déjà cité) : la conscience "est au moins un système quantique" même si "il est probable qu’elle est plus que cela." Et "Il est clair que la conscience n’est pas un système classique". Les arguments "techniques" sont développés plus haut (§3.1 p.9), qu'on peut résumer par : "Il n’y a pas de séparation entre l’objet et le sujet qui observe l’objet." Ainsi, la conscience fait clairement partie de la physique quantique tout en ne se réduisant pas à celle-ci. FMV ne parle pas d'isomorphisme, il reste prudent et pragmatique.
Ensuite, le physicien avance le phénomène des synchronicités, premièrement décrits selon lui par Carl G. Jung et documentés dès son époque par la physique quantique grâce à ses travaux psychanalytiques avec Wolfgang Pauli. En fait, l'interprétation physique des synchronicités amène à s'interroger également sur la séparation entre objet/sujet et donc sur l'identité, cette fois, entre notre environnement et notre conscience : "Notre environnement serait ainsi identique à notre subjectivité, ou plutôt il serait une représentation de notre subjectivité. En allant plus loin nous pourrions dire qu’il “EST” notre subjectivité." Mais, nous l'avons vu, FMV ne souhaite pas aller plus loin et réduire de manière réciproque et identitaire le monde observé et l'observateur. Il souligne cependant que la synchronicité, paradoxale dans une interprétation "classique" de la réalité car a-causale, redevient tout à fait abordable dans une interprétation quantique de la réalité, c'est à dire, nous l'avons compris maintenant, dans une logique de l'inclusion et non de l'exclusion.
Enfin, FMV argumente sur le(s) processus de l'émergence de la conscience dont les mécanismes ne sont pas totalement éclaircies par la science et à la suite de nombreux auteurs physiciens ou mathématiciens, souhaite lui aussi participer à cette recherche d'une meilleure compréhension grâce aux outils issus de la physique quantique.
En gros, comme le chercheur le rappelle dans sa conclusion : "un certain nombre de phénomènes psychiques ne sont pas explicables dans le cadre de la mécanique dite “classique”." Aussi, il est pertinent de tenter de les expliquer dans le cadre de la mécanique quantique...

Quel cadre définit il pour son modèle ? FMV développe ce sujet dans son premier article de 2003 et le résume dans celui de 2007 : sa théorie s'intéresse aux états mentaux et non pas aux états physiques du cerveaux, dans un cadre dualiste entre esprit et matière. Ainsi, il ne se situe pas dans la lignée des théories quantiques des états physiques du cerveau comme celles de Beck et Eccles par exemple. En revanche, il revendique la succession des théories de Jung et Pauli sur ce sujet. Enfin, la dualité assumée permet au chercheur de pratiquer la science physique, même si son travail revendique une étude aux marges, aux limites des points de vues "classiques".
Très clairement, FMV pose sa posture en équilibre sur les 2 polarités existantes (dans la logique "classique" ou de l'exclusion) : ni matérialiste (la conscience provient exclusivement du fonctionnement organique du cerveau, elle reste un "objet" matérielle) ni "spiritualiste" ( la conscience provient d'un au-delà du corps et ne peut s'appréhender scientifiquement, elle est un "sujet" spirituel) : les états mentaux, représentés et formalisés par les outils de la mécanique quantique, ne sont donc pas réductibles aux états physiques, matériels, du cerveau mais leur sont corrélés. Son travail ne consistera pas à décrire proprement cette corrélation mais bien plutôt à postuler la représentation de la psyché et l'explication de ses concepts , par analogie avec la description de la matière microphysique. FMV s'empare ainsi de la réflexion de Stanley Klein (professeur en neurosciences) sur le lien étroit qui existe entre l'observateur de la mécanique quantique (problème de la mesure) et la conscience subjective de l'observateur (problème des qualia ?) en postulant comme lui la coupure sujet/objet entre la conscience d'une part (:=: sujet) et l'inconscience d'autre part (:=: objet) (étant entendu que la "coupure" est toujours déplaçable...).

Quels développements propose FMV ? Il propose essentiellement une analogie, pour ne pas dire plus, entre matière microphysique et "matière" psychique (pour reprendre les termes lupasciens).
Ainsi, "le psychisme humain est une excitation particulière d’un champ psychique de nature quantique sous-jacent et universel" comme un électron par exemple est une excitation possible, un quantum, du champ quantique correspondant. Ensuite, "Le psychisme humain aurait ainsi une représentation analogue à un système quantique, avec des états virtuels et des états physiques qui correspondraient respectivement à la potentialité et à l’actualisation de l’esprit humain." Cette représentation se fait sous forme d'opérateurs, vecteurs d'états psychiques au sein d'un espace psychique des possibles. L'état psychique d'une personne est comme la superposition d'idées différentes ou d'états psychiques indépendants entre eux. Puis, chez l'humain au moins, intervient non seulement la conscience mais également la conscience de soi : ces deux états sont dialectiquement antagonistes et leur tension continue ("leurs transitions") "constitue(nt) l’essentiel du dynamisme de la psyché humaine" selon FMV.

A ce point là, nous pensons à la logique du tiers inclus : "Dans des circonstances normales une personne se situe “entre” les deux pôles dialectiquement opposés de la conscience et de la conscience de soi-même." Mais S. Lupasco décrit la conscience de soi plutôt comme le tiers inclus d'un couple d'antagonistes : le réel connu actualisé et la conscience connaissante potentialisée. Ainsi, nous pouvons interpréter les développements de FMV selon cet axe : c'est bien la tension continue entre l'actualisé et le potentialisé, entre les états physiques et les états virtuels du psychisme qui constitue son dynamisme. Or, dans cette continuité (constituée de discontinuités : les états potentiels de la (conscience + inconscience)), il existe un état dialectiquement opposé aux deux précédents : c'est la conscience de la (conscience + inconscience), mi-potentialisé et mi-actualisé. C'est la raison pour laquelle la conscience de soi peut à la fois sélectionner un état virtuel (une pensée potentielle) sans l'actualiser et à la fois, en tant que libre arbitre, sélectionner un état virtuel en l'actualisant en état physique, réel (au sens mesurable). Il me semble aujourd'hui que sans cet éclairage lupascien, les développements de FMV (§4 et §5, 2003) peuvent apparaître comme confus, or, avec cet éclairage, les divers concepts mis en œuvre trouvent leur place et leur dynamique. Ainsi, au sein de la triade définie plus haut, nous trouvons bien que la coupure est déplaçable le long des transitions continues du psychisme, mais sans jamais se réduire à l'un des trois antagonistes en présence : la dualité n'est pas inconsistante comme le souligne FMV, à cause justement de cette triple dialectique ! N'oublions pas, comme nous l'avons vu avec B. Nicolescu, que la triade lupascienne se comprend plus aisément couplée avec le concept de "niveau de réalité", ce que sous entend FMV lorsqu'il écrit que seul l'état actualisé, mesuré, s'inscrit dans l'espace-temps, les états virtuels, potentiels, antagonistes, ne le sont pas donc appartiennent bien à un autre niveau de réalité que celui décrit implicitement par ce concept "d'espace-temps".

Munie de la coloration lupascienne, la théorie quantique de la psyché humaine de FMV, permet d'expliciter plus simplement une boîte à outils conceptuels (actuel, potentiel, virtuel, physique, libre arbitre, décohérence etc..) et par retour fournit à la logique des 3 matières, un puissant outil prédictif qui doit permettre de démontrer plus que l'analogie entre matière psychique et matière microphysique.

...à suivre...

mercredi 19 mai 2010

Espace-Temps Quantique et Logique de l'Inclusion

Dans Espace-Temps Quantique : la fin du Champ ?, nous posions une question provocatrice et dont la réponse n'a rien de simple.

Reprenons certains éléments : notre vue dominante encore actuellement sur l'espace-temps date de Isaac Newton et de ses Principia Mathematica dans lequel ce savant pose un espace et un temps absolus. L'Espace et le Temps définissent alors un cadre physique rigide à l'intérieur duquel sont en mouvement des "objets". La reformulation de la loi universelle de gravitation de Newton, issue des lois de Kepler, explicite donc les mouvements des astres à l'intérieur de ce cadre rigide. Gravitation et Espace-Temps sont bien séparés.

Les travaux de Michael Faraday et plus tard ceux de James Maxwell ont notamment permis de conceptualiser la notion de Champ en physique, en l'espèce le champ électrostatique, unifié par la suite en champ électromagnétique. Enfin, par la suite, jusqu'au XXè siècle, le champ s'est généralisé comme un outil opératoire très puissant et pertinent, mais finalement toujours indépendamment du cadre dans lequel il était donc censé s'exercer ! Champ(s) et Espace-temps sont donc bien séparés.

Albert Einstein, avec la relativité générale, établit très clairement au début du XXè siècle, que Champ (gravitationnel), Gravitation et Espace-temps sont non seulement liés mais équivalents : cette "identité" fait voler en éclats le cadre rigide dans lequel était enfermé le dernier terme. L'espace-temps est le champ gravitationnel et réciproquement ! C'est assez inimaginable...et pourtant.

Or, et c'est là qu'arrive l'inimaginable plutôt, l'ensemble des travaux sur les champs, c'est à dire soyons clairs sur les forces/interactions entre objets de la physique dite (aujourd'hui) "classique" débouche sur une dualité bien paradoxale et encombrante. La "lumière" (généralisée au sens électromagnétique et non plus seulement "visible") symbolise ce paradoxe : sa nature est duale : onde et/ou particule selon les expériences, donc selon l'observateur. Et puis voilà aussi qu'elle devient discontinue, constituée de quanta. Les mêmes conclusions s'imposent au même moment (ou presque) sur la matière (microphysique): nature duale et discontinue !
Le champ de Faraday (ses fameuses "lignes") devient ainsi, tout au long du XXè siècle, quantique et de nature duale. Mais le champ quantique du XXè siècle (en l'espèce les 3 champs fondamentaux hors la gravitation) restera désespérément séparé de l'Espace-temps donc de la Gravitation ! Leur couplage mathématique n'est qu'un "bricolage"...

Où se trouve alors la clé du problème : dans les calculs très compliqués qui s'offrent aux physiciens ou bien dans les principes "philosophiques" en amont de ces calculs ? Restons humbles : dans les deux ! Pour avancer, il faut évidemment, pendant un "temps", sortir des équations et réfléchir, prendre conscience de la science qui se fait, de son ontologie, qu'il n'est pas possible de séparer de ce qu'elle est, à une époque donnée. De très nombreux scientifiques se sont penchés sur ces questions d'épistémologie, de très nombreux philosophes des sciences, aussi. Il me semble, à la lecture de certains d'entre eux, que le mot qui nous empêche de voir est : séparation, c'est aussi ce mot qui apparaît depuis le début de cet article.

La séparation, c'est la volonté de réduire la réalité à une de ses propriétés en quelque sorte, c'est l'exclusion, c'est l'identification à la binarité, c'est la logique et la dialectique de l'exclusion.
Or, la séparation n'est pas une téléologie mais bien une ontologie.
Or, la séparation amène irréductiblement à la réunion.

Par exemple, la relativité générale n'est pas une révolution en soi, n'est pas une séparation de plus. Albert Einstein a su relier ensemble des lois issues des travaux de ses prédécesseurs, au fil des siècles, il a "simplement" réuni différemment et vu autrement l'ensemble de ces travaux, réflexions comme équations. La "révolution" ne consistant pas à détruire et à reconstruire un ensemble "ex nihilo" mais bien plutôt à relier et à regarder différemment l'ensemble des faits et des modèles déjà construits par le passé. Car, en ce qui concerne les notions d'espace et de temps, les idées sont là depuis de nombreux siècles, comme nous le rappelle Carlo Rovelli dans son interview sur Arte.

Notre véritable "travail" en tant que citoyen du monde n'est donc pas de changer brutalement de lunettes et d'en chausser de nouvelles pour voir le monde différemment. Il réside essentiellement à se demander pourquoi nos lunettes nous font voir floues certaines parties du monde, pourquoi certains faits ou certains évènements qui nous arrivent résistent à notre compréhension et bien souvent nous font souffrir d'ailleurs. Ce sont ces "parties floues" ou ces résistances qui doivent nous inciter alors à nous demander si effectivement nos lunettes nous sont bien adaptées. Pour voir, il faut comprendre (cf "l'Ombre du savoir") et pour prendre avec soi, il ne faut pas séparer ni exclure, il faut au contraire être ce que l'on prend, ne faire qu'un, au moins temporairement. Dit autrement, lorsque le citoyen du monde s'engage sur le chemin de l'unité (cf "Voir et Connaitre"), il devient ce chemin, ce chemin ouvert sur le doute et l'incertitude, ce chemin qui tout en reliant tous les chemins déjà parcourus, reste à chaque décision, à inventer...

Ainsi, pour revenir sur la question initiale de l'article, (!), trouver un modèle mathématique et physique d'Espace-Temps Quantique ne détruit pas le concept du Champ : il l'étend. Et la théorie de la gravitation quantique à boucles n'est pas une ultime théorie liée à la logique de l'exclusion mais bien un travail courageux, imprégné de philosophie, de questionnements, sur une logique de l'inclusion : celle qui est issue de la logique, de la tension des antagonistes. "L'espace-temps quantique est celui de la troisième matière, des phénomènes quantiques, esthétiques et psychiques" a écrit Stéphane Lupasco (cité par B. Nicolescu, déjà cité dans "Logique de l'Energie et Sens").

dimanche 16 mai 2010

Espace-Temps Quantique : la fin du champ ?

Dans Champ et Quantum..., nous nous sommes saisis du concept de champ quantique utilisé en physique pour planter le décor de futures discussions immergées dans cette métaphysique et introduire du mieux possible la fameuse triade lupascienne de B. Nicolescu : {énergie,discontinuité,seuil}. Nous nous sommes arrêtés à la théorie de l'Electrodynamique Quantique, nous devrons y revenir pour aborder la Chromodynamique Quantique, ce qui nous demandera de nous pencher sur les symétries et les fameux principes de jauge issus de la théorie des groupes de Lie. Ces théories de jauge utilisées en physique trouvent certainement un aboutissement avec "la théorie du Tout exceptionnellement simple" de Anthony Garett Lisi, entièrement fondée sur le groupe de Lie exceptionnel E8, théorie très belle mais hautement spéculative et complexe.

Dans un premier temps, il faut comprendre que le champ est, comme le reste, un objet conceptuel transitoire. C'est Nykos Lygéros qui nous éclaire là-dessus avec son style sobre, épuré et concis dans "Sur la Notion de Champ en Physique". Il nous rappelle qu'il est possible de voir la transversalité de cette notion en se saisissant de la masse (d'un objet), concept à la base des forces de Newton et des interactions d'Einstein. De la masse, vue comme ponctuelle, à la nécessité d'une action à distance entre les points/masses, à la variété (pseudo-) riemanienne de l'espace-temps, au champ, il y a la continuité. Or, "la continuité du champ pose un problème crucial puisqu'il s'applique à un espace a priori continu.". Ainsi, dans la théorie quantique des champs, dans le modèle standard des particules, la masse disparaît en tant que donnée consistante, elle devient un degré de liberté à "combler" par l'expérience, c'est d'ailleurs une quantification "ultime" (le boson de Higgs) du modèle qui doit attribuer la masse à tous les autres quanta conceptualisés. Mais, et tous les physiciens le savent, coupler un espace-temps continu avec une théorie quantique du champ, c'est, faute de mieux, une démarche archaïque et qui pose des problèmes insurmontables. "L'autre problème fondamental, c'est que dès que nous passons sous la longueur de Planck, la réalité physique perd son sens." nous rappelle Nikos Lygéros, ce qui montre à nouveau que "la discrétisation de l'espace mais aussi celle du temps semble nécessaire.". La continuité est une notion puissante mais faut il le rappeler, après nos articles introduisant la logique de Stéphane Lupasco, doit être mise en relation (relativisée) avec les discontinuités que l'expérience nous donne à saisir.
"Les particules sont nécessairement une étendue non réduite à un point." La particule ou le concept de quantum tel que nous l'avons abordé dans notre article déjà cité ne peut donc être réduit à l'impact sur un écran ou à la trace sur une photo, en bref à sa relation ponctuelle avec un détecteur et in fine avec le sujet observant. Le point, ici, dont il est question, est bien une polarité, une réduction, une projection, d'une relation ouverte. C'est exactement dans ce cadre théorique que sont nés les différentes théories des cordes (voire de la gravitation quantique à boucles), par une extension spatiale et temporelle du "point" (plus rigoureusement par une nouvelle définition de l'excitation minimale unidimensionnelle du champ à l'échelle de Planck) . Enfin, l'enjeu d'une quantification de l"interaction gravitationnelle réside bien en une compréhension de la physique à l'échelle de Planck. "Ainsi l'introduction du champ en physique peut-être considérée désormais comme une méthodologie sans doute efficace dans un premier temps mais ad hoc sur le fond." conclut Nikos Lygéros dans son court article.

Dans un deuxième temps, il faut revenir à la compréhension même de l'espace-temps, ce que nous abordons de nombreuses manières, par des éclairages certainement originaux, dans ce blog. En physique, c'est finalement la question primordiale, remise en perspective au début du XXè siècle par la mécanique quantique et la relativité générale, ces deux vues fondamentales de notre monde, complémentaires et encore aujourd'hui inconciliables mathématiquement donc formellement. Réunir ces deux vues est nécessaire au moins pour saisir la réalité à l'échelle de Planck et c'est bien ce qu'essaient de réaliser les théories (spéculatives) sur la gravitation quantique à boucles ou "à cordes". Carlo Rovelli, physicien, nous éclaire sur l'arrière plan conceptuel de ces travaux, dans cet article général.
Il souligne ainsi qu'il est nécessaire d'obtenir une notion relationnelle d'espace-temps quantique, couplant ainsi à la fois la localisation relationnelle dans l'espace-temps due à la relativité générale et à la fois la quantification dynamique d'opérateurs non commutatifs dans la mécanique quantique ("we need a relational notion of a quantum spacetime in order to understand Planck scale physics."). En particulier, il illustre qu'une théorie spéculative sur ce sujet est sans doute plus "puissante" si dés le départ, elle postule moins d'hypothèses et notamment n'exige pas un arrière fond d'espace-temps métrique ad hoc, mais que ce dernier découle de la théorie elle même. Cet argument rejoint précisément les préoccupations d'Alain Connes lorsqu'il s'intéresse lui aussi de près au modèle standard des particules et à une théorie spéculative de gravitation quantique.
La relativité générale est une théorie sur la gravitation, sur le champ gravitationnel, et a démontré l'équivalence physique entre ce champ et la métrique utilisée pour caractériser l'espace-temps (il y a équivalence pour un objet entre être soumis au champ gravitationnel ou être soumis à l'accélération du référentiel dans lequel il se trouve par rapport à un référentiel témoin). Ainsi ("General relativity is the discovery that the spacetime metric and the gravitational field are the same physical entity. A quantum theory of the gravitational field is therefore also a quantum theory of the spacetime metric."), une théorie quantique de la gravitation est aussi une théorie quantique de la métrique de l'espace-temps. Carlo Rovelli insiste ainsi sur la définition identitaire de l'espace-temps relativiste et la métrique utilisée; dit autrement, l'espace-temps n'existe pas indépendamment des relations entre les "objets", ces relations, mesurées justement par une métrique, définissent entièrement cet espace-temps relativiste. Le saut "paradigmatique" en quelque sorte de Einstein est de revenir à une vue sur le monde d'avant Newton, avant la considération d'un espace et d'un temps immuables et fixes dans lesquels se meuvent les objets dynamiques soumis à des forces. Pour Einstein, en dehors des "objets" dynamiques reliés entre eux, il n'y a rien, ce sont donc "eux" qui définissent l'espace-temps, ce sont donc leurs propriétés qui fournissent les propriétés à l'espace-temps (ainsi la masse/énergie qui fournit la courbure)...
Or, jusqu'ici, dans le modèle standard par exemple, les théories quantiques des champs s'appuient sur une métrique "classique" et mathématiquement sont décrites au sein d'une variété riemannienne par des opérateurs issus de cette métrique. Il n'y avait donc pas de métrique quantique sur laquelle s'appuyer pour définir des outils opérationnels dans une variété différentiable. Tout le travail de Carlo Rovelli (et de ses collègues) a été de s'attaquer à ce problème. Dit autrement, définir une nouvelle métrique, quantique, c'est donc équivalent à définir un nouvel espace-temps quantique et donc, par équivalence, définir une quantification du champ gravitationnel. De ce point de vue, la théorie de la gravitation quantique à boucles est plus économe en hypothèses que l'ensemble des théories quantiques des cordes.

Pourquoi des "boucles" ? Dans l'article déjà cité de Carlo Rovelli, mais remanié en 2008, ce dernier explicite plus clairement cette hypothèse clé de la théorie : le choix d'une algèbre de boucles ("the loop algebra") prend sa source directement chez Faraday : "According to Faraday, the degrees of freedom of the electromagnetic field are best understood as lines in space: Faraday lines. Can we describe a quantum field theory in terms of its “Faraday lines”?" La réponse, relativement technique, est oui ! Ainsi, les auteurs ont élaboré mathématiquement une théorie quantique de champ, d'un nouveau genre, en partant d'une algèbre de "boucles". Ensuite, implémenter  l'idée d'Einstein de la relativité générale revient (mathématiquement) à se saisir de l'invariance par difféomorphisme : "In general relativistic physics, the physical objects are localized in space and time only with respect to one another. If we “displace” all dynamical objects in spacetime at once, we are not generating a different state, but an equivalent mathematical description of the same physical state. Hence, diffeomorphism invariance." La gravitation quantique à boucles est bien in fine, alors, cette tentative d'implémentation de cette subtile notion relationnelle de localisation dans l'espace-temps, dans une théorie quantique des champs (en l'espèce le champ gravitationnel).
Quelle image, représentation, nous reste t il pour se saisir alors du concept d'espace-temps ? Carlo Rovelli nous l'explique clairement : "we define quantum states that correspond to loop-like and, more generally, graph-like excitations of the gravitational field on a differential manifold (spin networks); but then, when factoring away diffeomorphism invariance, the location of the states becomes irrelevant. The only remaining information contained in the graph is then its abstract graph structure and its knotting. Thus, diffeomorphism-invariant physical states are labeled by s-knots: equivalence classes of graphs under diffeomorphisms. An s-knot represents an elementary quantum excitation of space. It is not here or there, since it is the space with respect to which here and there can be defined. An s-knot state is an elementary quantum of space." Un s-nœud (de spin "s-knot") est un quantum élémentaire d'espace. N'oublions pas que espace, ici, signifie aussi temps, un s-nœud est donc un quantum élémentaire d'espace-temps.
D'ailleurs, le résultat physique clé de la théorie de la gravitation quantique à boucles est le calcul explicite des valeurs propres d'aires et de volumes : la base de la représentation physique de l'espace-temps quantique ! Enfin, interpréter physiquement ces calculs revient certainement à revenir au sens de la mécanique quantique : l'espace-temps n'est pas ainsi un ensemble de quanta, mais bien une superposition probabiliste continue d'ensembles de quanta.

Il reste à se pencher sérieusement sur cette dernière phrase afin d'en savourer toutes les résonances possibles pour les significations pragmatiques qu'elle induit dans notre quotidien...


Nous y reviendrons...


{Pour Carlo Rovelli,je recommande également l'interview de 2007 par ARTE et je remercie également Jacques Fric, secrétaire de la Commission Cosmologie de la Société Astromique de France, pour sa traduction de l'article original en anglais de 1997}