samedi 13 février 2010

Quand le futur détermine le passé...

Dés le début, la mécanique quantique a heurté.
Même les pères fondateurs de cette théorie n'ont pas pu s'empêcher de la tordre et de vouloir la plier à leurs idéologies, leurs croyances. Max Planck est à l'origine de l'idée du quanta d'énergie (en travaillant sur le rayonnement émis par un corps chauffé), mais dans une perception ondulatoire de celle ci, en accord avec toutes les interprétations officielles dues à Young, Huygens, Euler, Fresnel, Faraday et Maxwell en cours depuis trois siècles déjà. Il a cependant souhaité toute sa vie ne voir dans cette hypothèse "désespérée" qu'un artifice mathématique pour éviter de vivre avec cette idée d'une énergie discontinue de la matière tant elle heurtait son sens commun, son idéal peut-être aussi.
Lorsque Einstein, en travaillant sur l'effet photoélectrique, démontre que la lumière est aussi constituée de quanta d'énergie, il participe ainsi à l'émergence plus tard du travail de Schrödinger sur la fonction d'onde. Mais quand Max Born propose l'interprétation probabiliste de cette fonction d'onde, cela heurte un grand nombre de physiciens, dont Einstein et Schrödinger lui-même. C'est la raison pour laquelle ce dernier invente cette expérience de pensée dite du chat, pour tenter de démontrer l'absurdité d'une telle interprétation probabiliste et donc d'une incomplétude de la théorie de cette mécanique quantique !
Si la mécanique quantique a heurté depuis toujours les convictions les plus intimes des physiciens eux-mêmes, comment voulez vous qu'elle ne heurte pas le simple humain, dénué de bagages scientifiques et armé de son seul bon sens ?

Albert Einstein est si résolu à ne pas accepter le caractère probabiliste et donc non déterministe de la mécanique quantique qu'il imagine avec deux collègues (Podolsky et Rosen), en 1935, une expérience de pensée pour prendre la  théorie en flagrant  délit d'incomplétude. C'est la fameuse expérience EPR.
En 1964, John Bell fait de cette spéculation métaphysique une proposition vérifiable expérimentalement. Il démontre ainsi que si le paradoxe EPR est correct, alors ses inégalités (inégalités de Bell) sont violées. Il aura fallu attendre les années 1980 pour que Alain Aspect et son équipe effectuent une série d'expériences pour calculer les fameuses inégalités de Bell et donc répondre au paradoxe EPR. Des expériences plus récentes ont de même augmenté la précision des mesures et ont toujours donné la même réponse : les inégalités de Bell sont violées, la théorie de la mécanique quantique est donc complète et nous impose de voir la réalité différemment, au delà de notre bon sens !

La réalité est donc non-locale.
La réalité est que l'espace possède un caractère holistique.
La réalité est que RIEN ne permet formellement de distinguer un objet d'un autre.
La réalité se comprend en terme d'interconnexion, d'interdépendance.
La réalité de l'espace apparaît discontinue, quantifiée, bien que pour l'étudier, nous ayons choisi depuis toujours des outils et des raisonnements basés sur la continuité.
Pourquoi avoir fait ces choix initiaux ? Tout bêtement parce que ces raisonnements apparaissaient plus proches du "bon sens" et surtout plus simples à étudier; les outils physiques et mathématiques donnaient des résultats plus simples et plus rapides à calculer !
Partant de ce constat, comment imaginer alors un espace formalisé par des opérateurs discontinus ? Est ce d'ailleurs aussi simple que cela ? N'y aurait il pas "intrication" entre continuité et discontinuité ?
Certains développements récents en physique théorique se sont penchés sur ces questions : espace basé sur des fonctions non différentiables, espace basé sur une géométrie non commutative, par exemple, pour tenter de reformaliser l'ensemble de la physique à partir d'une autre métrique. A ce jour, et tout du moins à ma connaissance, aucun autre concept majeur n'a été validé par l'expérience.


Mais........l'espace, dans notre univers 4D, est aussi lié au temps, non ? Alors, qu'en est il de la réalité du temps en fin de compte ?

John Wheeler, physicien théoricien, a imaginé de modifier la célèbre expérience d'optique des Fentes de Young, dans une version dite "du choix retardé du photon". Son expérience est parfaitement relaté par Trinh Xuan Thuan dans "Les voies de la Lumière" mais aussi fort bien explicité par François Martin dans sa conférence à Génève en février 2009 (déjà cité). Cette expérience a été vérifié en 1987 et 2007 notamment.
Bien évidemment, les physiciens dans leur majorité ne veulent pas interpréter les résultats de cette expérience car cela remet ou semble remettre trop en cause la fameuse causalité, la flèche "classique" du temps.
Suivant en cela John von Neumann (à son époque), François Martin déclare nettement qu'il n'y a pas deux réalités de temps différentes (l'une à l'échelle microscopique et l'autre à l'échelle macroscopique) mais bien deux interprétations différentes d'une unique réalité.

La première interprétation, qui choque notre "bon sens" est "classique" et nous contraint à oser écrire que l'observateur, en modifiant un paramètre de l'expérience, lorsque celle ci est en cours, va modifier le passé du photon. Autrement et trivialement dit : le futur détermine le passé ! D'autant plus que Wheeler a montré que cette expérience peut s'imaginer de manière analogue, non pas en laboratoire, sur des temps très petits, mais dans l'espace stellaire, en interceptant un faisceau de photons qui a pris sa source il y a des millions voire des milliards d'année ! La causalité des évènements en prend un coup !

La deuxième interprétation est "quantique" et nous propose que en modifiant un paramètre de l'expérience, alors que celle-ci est en cours, (le photon, en l'espèce, a été émis par sa source), nous modifions uniquement la reconstitution "classique" du passé du photon (tel que notre conscience le perçoit) et pas le passé "quantique", le "vrai" passé du photon. Nous respectons la causalité des évènements.

Explications : La mécanique quantique nous propose deux "plans" de la réalité : l'une "quantique" où la particule suit un mouvement entièrement déterminée par la fonction d'onde. Mais ce mouvement n'est pas interprétable, il n'est finalement imputable ni à une onde, ni à une particule. Il est là. Que peut on en dire d'autres ? En l'espèce, le photon existe en une superposition d'états quantiques évoluant de manière déterministe. On peut aussi parler de champ électromagnétique quantique étendu sur tout l'espace-temps, donc non localisable strictement, ni dans l'espace, ni dans le temps. Il n'existe pas, à ce jour, dans la métaphysique occidentale dominante, de représentations, d'images, de symboles, autres que l'opérateur mathématique, qui puisse, par analogie, faire comprendre simplement ce qui se passe . Richard Feynman avait pris comme image : la particule prend tous les chemins possibles (potentiels) et il avait réussi à trouver une approche de calcul très innovante grâce à cette analogie : la fameuse "intégrale de chemin".
Dans ce plan "quantique" de la réalité, quoi que l'observateur fasse à n'importe quel moment de l'expérience en cours, rien ne change pour la particule, son "passé" n'est pas bouleversé, son avenir non plus a contrario.

En revanche, dans le plan "classique" de la réalité, celui relié à notre conscience éveillée, celui relié à la mesure physique, à la détection du champ électromagnétique, à la détection de la particule, nous pouvons décider du chemin pris par la particule en fonction de l'action que nous opérons sur l'expérience. C'est à dire que notre observation va opérer un choix et dans le cas de cette expérience du photon retardé, nous aurons l'illusion de modifier le "passé" du photon, mais en réalité, nous modifions seulement notre perception "classique" de ce passé. Nous faisons des choix, en observant la particule, en faisant une mesure, sur la reconstruction "classique" du passé du photon. Le passé "classique" n'existe qu'à partir du moment où il a été enregistré au présent. Cette interprétation conserve la causalité des évènements car pour l'évènement lui-même, il y a détermination complète, mais pour l'observateur, il y a indétermination du passé et c'est son acte, son geste d'observation qui va lever l'indétermination.

En fait, cette interprétation en deux plans permet d'éviter le paradoxe de la particule qui "remonte" le temps, la causalité inverse (la conséquence est avant la cause) et renvoie "dos à dos" l'objet observé dans "sa" réalité quantique déterministe, et le sujet observant dans "sa" réalité "classique" probabiliste. Cette interprétation métaphysique (dans la mesure où évidemment, elle dépasse le strict point de vue "physique" et opérationnelle du calcul), à l'envers du point de vue dominant, se veut en fait très proche du point de vue psychologique de la saisie du monde. Pour illustrer son propos, François Martin de Volnay convoque ainsi l'inconscient, le conscient et les synchronicités (telles que définies par Carl Jung).

Alors, le futur détermine t il réellement le passé ou bien est ce seulement une illusion ?

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