C'est en écrivant sur Daniel Tammet que j'ai croisé les écrits de Bruno Gepner, professeur en psychiatrie à Aix en Provence qui s'est intéressé à "l'autisme" (les Troubles du Spectre Autistique - TSA).
Ce praticien hospitalier a présenté en 2005 lors d'une conférence l'essentiel de ses travaux sur le sujet. Bruno Gepner souhaite réaliser une approche complexe, c'est à dire reliante, et simple, c'est à dire facile à appréhender. Les TSA sont nombreux, leur étiologie est "éclatée", les processus mis en jeu sont très variables, les "mécanismes neuro-bio-physio-psychopathogéniques qui [les] sous-tendent" ne sont pas compris. Or, comme le souligne ce professeur, "Ce manque de compréhension globale a produit et continue de produire des développements théorico-cliniques et des applications thérapeutiques très divers et parfois hasardeux et/ou incompatibles."
Dans cet article, Bruno Gepner présente une synthèse (en 2006) de sa démarche originale.
Il constate tout d'abord (p.5) que l'énigme de "l'autisme" persiste car, dans la carte heuristique des TSA, "l’énigme du noyau des désordres autistiques demeure". Cette carte heuristique relie des faisceaux : constellation de troubles neuro-développementaux, multiplicité de facteurs de risques d'origines diverses, nombreux mécanismes physiopathogéniques affectant de nombreux systèmes neuro-fonctionnels, nombreuses réactions émotionnelles et psychologiques, nombreux désordres associés voire recouvrants les TSA... Cet ensemble heuristique, Bruno Gepner le nomme "Constellation Autistique". Ainsi, il constate une continuité déroutante voire impossible à saisir par une démarche classique réductionniste et tente l'approche holistique.
Il se pose une question déterminante : "jusqu’à quel point cette personne [atteinte de TSA] est-elle différente de nous ? Il définit trois voies d'approche qu'il va suivre en parallèle : subjective (expérience racontée par des "autistes"), intersubjective (expériences cliniques racontées par les parents et/ou soignants) et objective (expériences scientifiques et statistiques).
Bruno Gepner retrace ensuite un grand ensemble d'arguments qui l'ont conduit à supposer que les "autistes" pourraient souffrir de désordres de la perception visuelle ou intégration du mouvement, ce qu'il nomme : la malvoyance du mouvement voire, en le généralisant à l'ensemble des mouvements (physiques et biologiques) : la malvoyance de l'E-motion rapide (comme émotionnelle et motionnelle) dans les désordres de la constellation autistique. Ces arguments sont aussi bien d'ordre cliniques, directs ou issus de films familiaux "d'autistes", issus de témoignages écrits directs ou indirects "d'autistes", issu d'un cas de neuropsychologie adulte ou de la recherche en neuropsychologie cognitive sur le traitement de reconnaissance des visages.
La malvoyance du mouvement concerne d'abord des désordres liés à un dé-couplage visuo-postural et ensuite des désordres sur le couplage visuo-oculomoteur. Enfin, des expériences de présentation dynamique des mimiques faciales émotionnelles et non-émotionnelles montrent aussi une malvoyance du mouvement facial, proportionnelle au degré de sévérité du syndrome autistique. Ainsi Bruno Gepner écrit : "Le facteur vitesse du mouvement semble critique pour les enfants autistes : pour certains d’entre eux, hypersensibles au mouvement, plus la vitesse du mouvement augmente, plus le mouvement devient aversif ; pour d’autres, plus le mouvement est rapide, moins il est perçu, ce que nous avons résumé par le concept de déficit d’intégration du mouvement visuel rapide". A ces désordres, le psychiatre relie tout un ensemble neurophysiologique logiquement impliqué.
Bruno Gepner postule ensuite que son concept de malvoyance de l'E-motion est un cas particulier "d’anomalie du traitement temporospatial des événements ou flux sensoriels dans l’autisme." Il relie ainsi au domaine visuel, les sphères auditives et tactilo-kinesthésiques, très souvent altérés et impliquées dans les TSA, les autistes ayant en quelque sorte une hyper ou hypo sensibilité aussi aux sons et aux pressions tactiles. Des résultats expérimentaux étayent cette hypothèse et montrent ainsi que cette anomalie du traitement temporospatial des flux sensoriels dépasse largement le cadre de la constellation autistique (dyslexie, dysphasie etc..).
La démarche du praticien, originale, permet ainsi une lecture neuve sur des symptômes étudiés depuis fort longtemps : c'est une démarche abductive et heuristique parfaitement intégrée (voir de l'Ouvert à la systémique) comme il le souligne lui-même (p.18) :"Cette approche unitaire des désordres autistiques pourrait rendre compte de l’évitement sensoriel des personnes autistes (quand le flux sensoriel est aversif), et secondairement de leur évitement social, mais aussi du découplage perception-action et de leur désaccordage sensorimoteur, de leur désordres de compréhension verbale et émotionnelle, et in fine de leurs anomalies de compréhension du monde physique et humain qui les entoure et de leur désaccordage social et affectif".
Ensuite, Bruno Gepner relie ces désordres autistiques (unifiés sous le concept général d'anomalies du traitement temporospatial des flux sensoriels) à des bases neurobiologiques.
Ces dernières apparaissent selon deux "plans" : le premier est lié à une désynchronisation neuronale (soit en excès, soit en défaut), source des désordres attentionnels, perceptifs et cognitifs des autistes. [la synchronisation neuronale est la décharge simultanée de neurones d'une même assemblée, mécanisme crucial pour les processus "de l’attention consciente, de la mémoire de travail, de l’appariement des concepts, de la décision lexicale, de la perception consciente d’une forme globale"]
Cette désynchronisation neuronale peut apparaitre plus généralement comme une dys-synchronie multi-systèmes entre des réseaux neuronaux et voies neurofonctionnelles que certains auteurs voient aussi dans l'épilepsie par exemple.
Le deuxième plan est la contrepartie spatiale de cette désynchronisation neuronale à savoir un défaut ou un excès de corrélation spatiale par co-activation entre aires cérébrales. Ainsi, la dys-synchronie multi-systèmes a comme contrepartie spatiale une dys-connectivité multi-systèmes. De nombreuse études (par IRM par exemple) récentes montrent l'existence de dysconnectivités cérébrales dans les TSA.
Bruno Gepner conclut : "En bref, nous pensons que les difficultés des personnes autistes à percevoir les événements ou flux sensoriels en ligne (c’est-à-dire au moment où ils leur parviennent), à intégrer ces flux dans leur corps propre, à coupler en temps réel perception et action, et à s’accorder cognitivement et émotionnellement à autrui dans les échanges communicatifs et sociaux, pourraient être une traduction comportementale et neuropsychologique de cette dyssynchronie et dysconnectivité multisystème, que celles-ci soient d’ordre structural et/ou fonctionnel." Et le praticien de voir encore plus loin, quand il propose que ce concept de dys-synchronisation/connectivité neuronale soit aussi à l'œuvre dans un certain nombre de troubles neurodéveloppementaux ou maladies neuropsychiques.
Enfin, le psychiatre ouvre son propos sur des perspectives psychologiques et philosophiques fort intéressantes. Il propose notamment une vue des TSA comme un modèle de dissociation esprit/cerveau et suggère "un continuum entre pensée, langage et action en terme de degrés d'énergie et de matérialité."
Il rappelle d'abord qu'il avait déjà proposé que "la pensée en images statiques (...) pouvait constituer une sorte de signature de l'autisme typique." Il propose maintenant qu'il "existe une corrélation logique entre continuum de traitement sensoriel et continuum de mode de pensée.(...)Selon notre hypothèse, il y aurait donc une corrélation entre degré de désordres de traitement temporel des flux sensoriels et de malvoyance é-motionnelle d’un côté, et degré de fluidité et de dynamique de la pensée de l’autre."
[Je reste perplexe ici lorsque Bruno Gepner souligne (p.22) que le mode de pensée essentiellement visuel, tel que vécu dans le rêve par exemple est "archaïque sur le plan développemental"]
Selon cette approche neuropsychodynamique de la pensée, "celle-ci (...) est très profondément inscrite dans le mouvement. (...) Altéré dans sa capacité à associer et intégrer le mouvement physique et humain, les flux sonore et tactilo-kinesthésique dans son monde intérieur, l'enfant autiste sera aussi perturbé dans le ressenti et l’expression de ses émotions et de sa pensée". Or d'après son approche des TSA, vues comme une malvoyance de l'E-motion, cas particulier de dys-synchronisations/connectivités neuronales, Bruno Gepner "suppose qu’une telle pensée fonctionne en dehors de l’espace-temps ordinaire, dans un espace-temps difficile à imaginer, désynchronisé, discontinu, distordu, morcelé, fragmenté, et sans doute assez effrayant."
Schématiquement, il propose donc un isomorphisme rigoureux entre perception/intégration du mouvement et mode de pensée, et au vu de la symptomatologie des TSA, il imagine un mode de pensée associé. Enfin, par causalité "normale", ce mode de pensée très singulier expliquerait certains comportements très singuliers : il s'agit donc d'une boucle de rétroaction entre mode de pensée et traitement sensoriel, les deux s'influençant mutuellement.
Cependant, confronté à ce nœud de régulation, Bruno Gepner est "obligé" d'aller chercher plus en avant une explication : il la propose dans le concept de dissociation psychisme-cerveau, concept qui s'ancre dans le dualisme interactionniste cher à Sir John Eccles.
Car certains témoignages directs d'autistes rapportent non pas une pensée fixe et discontinue mais plutôt une dissociation entre leur pensée (leur intention et leur volition) et leurs actes corporels (de manière plus "faible" par exemple qu'un looked-in-syndrome).
"Selon cette perspective, l’autisme procéderait de désordres de la liaison entre leur attention, leur intention, leur volition, leur conscience, d’une part, et leur cerveau et leur corps d’autre part. L’unité psychosomatique se serait mal construite, mal unifiée.(...) Selon nous, l’esprit et le corps des personnes autistes fonctionnent dans des dimensions relativement séparées, avec insuffisamment d’influences réciproques entre eux."
En fait, l'important pour la suite est de bien comprendre que ce n'est pas le fait que l'esprit et le corps soient dans des dimensions séparées qui provoque des TSA mais bien le fait que l'unité entre eux ne fonctionne pas bien. Il s'agit bien pour Bruno Gepner d'un problème d'attention au présent, à l'instant, d'un problème de connexion à cet instant présent (à du moins ce que la société nomme "cet instant présent").
Il rappelle alors les travaux de Eccles et de Beck qui en postulant des effets quantiques au cœur du fonctionnement du cerveau ont proposé que l'intention et la volition, vus comme des états psychiques conscients immatériels, agissent sur le cerveau par le biais de la synchronisation neuronale. Des travaux plus récents (Varela et Lutz notamment) apportent des arguments "quantitatif[s] et qualitatif[s] majeur[s] en faveur de l’influence d’une activité mentale ou psychique consciente sur le cerveau, et ouvre selon nous la voie à un champ immense de possibilités théorico-cliniques."
Ainsi, Bruno Gepner propose "que le psychisme et le cerveau fonctionnent à/dans des degrés de matérialité distincts, qu’ils sont étroitement et logiquement compatibles entre eux le temps d’une vie humaine, deviennent quasiment indistincts l’un de l’autre en cas de fonctionnement neuro-psychique ordinaire, mais se dissocient et fonctionnent de manière relativement autonome l’une par rapport à l’autre en cas de maladies neuro-psychiques (Gepner, 2003)."
Nous reviendrons sur ces travaux de dissociation psychisme-cerveau plus longuement dans un autre article...
En conclusion, la démarche de Bruno Gepner est singulière mais riche : elle se veut heuristique, abductive voire systémique. Suivant trois voies d'approche des TSA (subjective, intersubjective et objective), il induit, de proche en proche, au sein d'une "constellation" en 3D, de nombreux concepts explicitant et englobant ces derniers, de la malvoyance du mouvement jusque in fine dans le paradigme de "dissociation psychisme-cerveau". Cette démarche n'est pas seulement spéculative mais débouche aussi sur une approche clinique pragmatique de soins particuliers prodigués à l'autiste se basant sur un logiciel destiné à ralentir les mouvements et la parole d'un interlocuteur afin d'en mesurer les effets sur ses capacités imitatives et de compréhension du langage.
Il reste un éclairage dans les propos de Bruno Gepner qui me laisse cependant perplexe.
Lorsque celui-ci prend du champ sur les TSA, il étend le domaine de "l'a-normalité" singulière de ces troubles en les reliant à d'autres pathologies. De ce fait, au sein d'une constellation (un ou des nuage(s) heuristiques) autistique qui se veut extension dimensionnelle d'un continuum, où placer la ou les frontières avec la "normalité" ?
De fait, Bruno Gepner ne répond pas directement et frontalement à cette question théorique (qui reste en suspens suite à sa construction conceptuelle) et pragmatique ("jusqu’à quel point cette personne [atteinte de TSA] est-elle différente de nous ?") autrement que par une extension tendancieuse de "l'a-normalité" face à une normalité bien mystérieuse, vue comme une limite de son modèle, implicitement pourtant connue de tous.
Ce praticien s'interroge en effet sur la notion de personnalité autistique (p.23 et 24) qui serait réponse à cette question : "peut-on trouver une condition autistique encore plus légère, qui ne serait pas encore dans le registre de la normalité, mais qu’on pourrait nommer personnalité autistique ?" et définit ensuite quelques traits assez réducteurs : "Considérons qu’elle serait au minimum marquée par la solitude, l’isolement ou l’indépendance, des intérêts abstraits, une tendance contemplative et un sens social peu développé." Cette personnalité étant pour lui le ferment indispensable à l'émergence de TSA suite à une évolution accidentelle (par hasard, darwinienne ?) de la personne par intégration de désordres d'épi-genèse et d'auto-organisation.
Enfin, la personnalité autistique est aux TSA ce qu'un trouble de la personnalité est à une maladie mentale et permet selon lui "de rendre compte de la réalité clinique et psychopathologique subtile et quasi-infinie des désordres de la constellation autistique." [c'est moi qui souligne !]
Ainsi, si je saisis bien ces propos de psychiatre, le modèle qu'il prend bien soin de construire se veut tellement englobant qu'il repousse effectivement "l'ordinaire", la "normalité", le non malade mental, comme une simple limite, quasi-absolue, en tout cas très fermée, d'une constellation très ouverte et très recouvrante d'a-normalité, de maladies, d'extra-ordinaires (?). Bruno Gepner est donc très convaincant et très ouvert dans sa démonstration mais il semble bien in fine se limiter cependant à une logique très binaire : être malade ou pas ! Le malade, c'est bien connu, se cachant évidemment dans le non-malade et le non-malade devenant de fait presque un artefact !
Il me semble, en tout cas, que Bruno Gepner ne peut manquer d'investiguer cette question implicite et très prégnante dans son métier : qu'est ce que n'être pas malade ? afin que sa démarche intellectuelle, telle qu'il l'expose sur l'autisme, devienne vraiment complète. Car, lorsqu'il écrit que l'énigme de l'autisme demeure parce que "l’énigme du noyau des désordres autistiques demeure" (déjà cité plus haut), je lui retourne l'argument : n'est ce point, in fine, à cause de l'énigme du noyau de l"ordre" "normal", "ordinaire", du non-malade ?
Pour tenter, d'une singularité, de relier des savoirs, d'élaborer une complexité et de la transmettre...
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mardi 6 avril 2010
vendredi 5 mars 2010
Relience II
Dans Relience I, nous mettions en avant la dualité d'appréhension du réel et soulignions sa complémentarité : le réel advient en l'unité de l'expérimentation de deux opposés. Le réel n'est ni l'un ni l'autre ni les deux à la fois mais bien l'infinité des possibles entre ces deux là.
Nous évoquions déjà le temps et la lumière, mais aussi le désir, l'amour, l'affectif.
Dans Réveil de la Source, j'évoque intimement la résonance d'un complexe et d'un être en invitant le lecteur à se pencher non sur les états (les mots, les symptômes, les faits) exposés mais plutôt sur l'hyperstructure génératrice de ces états. Encore une fois, rendre compte d'une réalité par volonté de trouver invariants et algorithmes. Déjà, évidence d'un tiers irréductible, d'une distance entre action et être.
Dans Voir et Connaître, nous tombons sur l'envers du décor, sur l'expérimentation complète d'une déconstruction/reconstruction, sur un pas à pas du multi-référentiel. C'est dur, sec, décapant, aride et nécessaire. En filigrane, cousus d'or, les mots voir et connaître : la lumière et son sens.
Dans de l'Ouvert à la Systémique, une rencontre humaine décisive (unitaire) ouvre le champ (infini et continu) des investigations de l'être en les projetant dans une somme finie d'ouverts disjoints (les possibles discontinus). L'exploration systémique de ces ouverts doit aboutir au changement de vue sur le monde : celle, critique, qui change le monde ! Mais l'exploration n'est jamais solitaire, l'alliance, l'affectif, emplissent le champ psychique de la relation à l'autre.
Dans le Temps n'existe pas, (antédaté : "le temps est il ?"), nous provoquons le lecteur en le confrontant aux multiples paradoxes de son horloge sociale et culturelle et l'invitons à prendre conscience que dans l'ombre du temps réside certainement toute son unique substance et consistance : (passé, présent, futur) = (mémoire, attention, attente) = 2 opposés et l'amour ?. Le temps n'est pas "en dehors", c'est certain, il est ce chemin infini, cette tension du triplet irréductible.
Dans Ombre et Principe d'Antagonisme, nous trouvons enfin les concepts qui unifient nos éclats. Hors d'un mouvement, il s'agit juste d'un retournement : exclus, inclus, Tiers irréductible. Mais quel retournement ! La complexité jusqu'alors étalée (et simplement reliée) se concentre, se ramasse sur un ensemble de triplets logiques. Une telle condensation est néguentropique. Il reste maintenant à réitérer...
Dans Tiers Inclus : logique, ontologique et amour, nous réitérons : nous couplons le triplet logique à l'abduction puis itérons le processus jusqu'à l'émergence du Transdisciplinaire : système ouvert entièrement décrit par la triade (Objet T, Sujet T, T s.i.).
La triade : ce concept minimum et maximum, nécessaire et suffisant, pour initier et contenir la complexité.
Dans Impasse non-commutative, j'évoque la rupture du récit, entre informe et forme, entre non-être et être, potentiel et actuel et ma rencontre décisive avec ce qui sera la clé, le Tiers inclus de ma démarche, la minuscule clé de la nouvelle vue sur le monde : la lumière !
A ce stade, la perturbation est grande. La paroi est très abrupte mais l'évidence semble lumineuse : comment en rendre compte ?
Nous évoquions déjà le temps et la lumière, mais aussi le désir, l'amour, l'affectif.
Dans Réveil de la Source, j'évoque intimement la résonance d'un complexe et d'un être en invitant le lecteur à se pencher non sur les états (les mots, les symptômes, les faits) exposés mais plutôt sur l'hyperstructure génératrice de ces états. Encore une fois, rendre compte d'une réalité par volonté de trouver invariants et algorithmes. Déjà, évidence d'un tiers irréductible, d'une distance entre action et être.
Dans Voir et Connaître, nous tombons sur l'envers du décor, sur l'expérimentation complète d'une déconstruction/reconstruction, sur un pas à pas du multi-référentiel. C'est dur, sec, décapant, aride et nécessaire. En filigrane, cousus d'or, les mots voir et connaître : la lumière et son sens.
Dans de l'Ouvert à la Systémique, une rencontre humaine décisive (unitaire) ouvre le champ (infini et continu) des investigations de l'être en les projetant dans une somme finie d'ouverts disjoints (les possibles discontinus). L'exploration systémique de ces ouverts doit aboutir au changement de vue sur le monde : celle, critique, qui change le monde ! Mais l'exploration n'est jamais solitaire, l'alliance, l'affectif, emplissent le champ psychique de la relation à l'autre.
Dans le Temps n'existe pas, (antédaté : "le temps est il ?"), nous provoquons le lecteur en le confrontant aux multiples paradoxes de son horloge sociale et culturelle et l'invitons à prendre conscience que dans l'ombre du temps réside certainement toute son unique substance et consistance : (passé, présent, futur) = (mémoire, attention, attente) = 2 opposés et l'amour ?. Le temps n'est pas "en dehors", c'est certain, il est ce chemin infini, cette tension du triplet irréductible.
Dans Ombre et Principe d'Antagonisme, nous trouvons enfin les concepts qui unifient nos éclats. Hors d'un mouvement, il s'agit juste d'un retournement : exclus, inclus, Tiers irréductible. Mais quel retournement ! La complexité jusqu'alors étalée (et simplement reliée) se concentre, se ramasse sur un ensemble de triplets logiques. Une telle condensation est néguentropique. Il reste maintenant à réitérer...
Dans Tiers Inclus : logique, ontologique et amour, nous réitérons : nous couplons le triplet logique à l'abduction puis itérons le processus jusqu'à l'émergence du Transdisciplinaire : système ouvert entièrement décrit par la triade (Objet T, Sujet T, T s.i.).
La triade : ce concept minimum et maximum, nécessaire et suffisant, pour initier et contenir la complexité.
Dans Impasse non-commutative, j'évoque la rupture du récit, entre informe et forme, entre non-être et être, potentiel et actuel et ma rencontre décisive avec ce qui sera la clé, le Tiers inclus de ma démarche, la minuscule clé de la nouvelle vue sur le monde : la lumière !
A ce stade, la perturbation est grande. La paroi est très abrupte mais l'évidence semble lumineuse : comment en rendre compte ?
mercredi 3 mars 2010
Ombre et Principe d'Antagonisme
Mon premier "travail" avec Catherine Besnard-Péron a consisté à tenter de changer de référentiel, d'intégrer, par une heuristique, le problème posé et défini, dans une autre vue, dans un ouvert homéomorphe à l'espace au premier abord envisagé.
Le mot pivot était "creux". Je me suis beaucoup servi aussi de "l'ombre" et du "refus".
Il était troublant à l'époque de constater d'ailleurs la coïncidence de lecture avec Svami Prajnanpad qui dans les premiers entretiens avec S. Prakash débute lui aussi par une décapante déconstruction d'une métaphysique dominante : tout est mental, on ne voit que ce que le mental nous montre à voir, on ne voit pas la réalité telle qu'elle est en soi.
Voir en "creux", c'est s'interroger sur le sens et l'utilisation non seulement des mots mais également des signes en général et notamment pour moi des images mentales, qu'elles soient issues "directement" de sensations ou bien indirectement, par retraitement successifs, d'abstraits. C'est donc au delà d'une sémantique, l'approche pragmatique d'une sémiotique. Pratiquer cet exercice dans une relation thérapeutique ou par l'(auto)expérimentation d'un état modifié de conscience, peut être également, par réflexivité et par désir de "généricité" une tentative d'approche de méta-sémiotique (selon S. Tomasella).
Mais, au moins dans un premier temps, il y a invitation, dans un voisinage d'un ouvert, à questionner tout ce que l'on dit et pense comme l'expression ou la forme d'une exclusion. Observer ensuite les deux formes dégagées, en parallèle, revient à expérimenter une dualité, une complémentarité. Rendre complémentaire, c'est à la fois, par abduction, se saisir d'un cadre "englobant", et à la fois se saisir de la coupure déplaçable entre les deux formes duales. Cette action définit finalement un changement de niveau de réalité et fait émerger une triade donc une complexité.
Le mot pivot était "creux". Je me suis beaucoup servi aussi de "l'ombre" et du "refus".
Il était troublant à l'époque de constater d'ailleurs la coïncidence de lecture avec Svami Prajnanpad qui dans les premiers entretiens avec S. Prakash débute lui aussi par une décapante déconstruction d'une métaphysique dominante : tout est mental, on ne voit que ce que le mental nous montre à voir, on ne voit pas la réalité telle qu'elle est en soi.
Voir en "creux", c'est s'interroger sur le sens et l'utilisation non seulement des mots mais également des signes en général et notamment pour moi des images mentales, qu'elles soient issues "directement" de sensations ou bien indirectement, par retraitement successifs, d'abstraits. C'est donc au delà d'une sémantique, l'approche pragmatique d'une sémiotique. Pratiquer cet exercice dans une relation thérapeutique ou par l'(auto)expérimentation d'un état modifié de conscience, peut être également, par réflexivité et par désir de "généricité" une tentative d'approche de méta-sémiotique (selon S. Tomasella).
Mais, au moins dans un premier temps, il y a invitation, dans un voisinage d'un ouvert, à questionner tout ce que l'on dit et pense comme l'expression ou la forme d'une exclusion. Observer ensuite les deux formes dégagées, en parallèle, revient à expérimenter une dualité, une complémentarité. Rendre complémentaire, c'est à la fois, par abduction, se saisir d'un cadre "englobant", et à la fois se saisir de la coupure déplaçable entre les deux formes duales. Cette action définit finalement un changement de niveau de réalité et fait émerger une triade donc une complexité.
Ce mouvement local, puisque il est dans une communication, dans une relation humaine, dans une dynamique, évoque le principe d'antagonisme défini par Stéphane Lupasco dans son ouvrage "Le principe d'antagonisme ou la logique de l'énergie". Ce principe s'expose ainsi : "A tout phénomène ou élément ou événement logique quelconque, et donc au jugement qui le pense, à la proposition qui l'exprime, au signe qui le symbolise : e, par exemple, doit toujours être associé, structuralement et fonctionnellement, un anti-phénomène ou anti-élément ou anti-événement logique, et donc un jugement, une proposition,un signe contradictoire : non-e ; et de telle sorte que e ou non-e ne peut jamais qu'être potentialisé par l'actualisation de non-e ou e, mais non pas disparaître afin que soit non-e soit e puisse se suffire à lui-même dans une indépendance et donc une non-contradiction rigoureuse (comme dans toute logique, classique ou autre, qui se fonde sur l'absoluité du principe de non-contradiction)."
L'antagonisme selon Stéphane Lupasco est un contraire qui n'exclut pas mais un pôle du couple (actualisé; potentialisé). Nous avons déjà rencontré cette proposition chez Lothar Schäfer (cf La mort est une transition quantique) bien que chez ce dernier, il s'agissait d'états structurants. Chez S. Lupasco, en revanche, il s'agit bien de phénomènes dynamiques. On pourra réfléchir par la suite à la connexion possible entre ces deux propositions.
Si l'actualisation d'un phénomène ne semble pas poser de problèmes de compréhension, la potentialisation mérite explicitation : cette dernière n'est pas négation, ni disparition totale car dépendante d'une dynamique. Elle est même, selon un statut ontologique ad hoc, "conscience élémentaire" de ce qui s'actualise. (conscience et non "conscience de soi")
Considérant des phénomènes dynamiques, ces concepts rendent compte d'une coexistence dynamique d'antagonismes (unité/diversité; continue/discontinue; etc) et non d'actualisations "simultanées". Le couple unité/diversité par exemple est similaire à un oscillateur entre deux pôles contraires. Tous les états à l'intérieur de ce couple sont donc possibles, il existe alors une position intermédiaire où survient un moment contradictoire (deux actualisations inverses sont à égalité et s'annulent) nommé état "T" pour Tiers Inclus.
Les 3 états définis A, T, P (Actualisation, Tiers inclus, Potentialisation) forment alors les variables (observables) de la table des valeurs d'une logique du Tiers Inclus. Cette logique du tiers inclus ne s'oppose pas à la logique d'identité puisque cette dernière est une limite de la première : A=A rejette la potentialisation de A à l'infini et tous les états intermédiaires, contradictoires entre A et non-A.
Cette logique du tiers inclus se retrouve bien en systémique et la "boucle de rétroaction" est parfois un couple antagoniste.
Le principe d'antagonisme de Stéphane Lupasco est isomorphe au principe de complémentarité de Niels Bohr, aussi la logique du tiers inclus définit bien, au delà des disciplines, une logique de la connaissance.
Dans ma problématique personnelle, me servir des "creux", des "ombres" ou du "refus" m'a servi à exposer non seulement des états psychiques mais aussi des dynamiques. Changer de niveau de conscience par abduction et/ou saisir la "coupure déplaçable" d'un couple de contraires m'a permis ensuite d'intégrer psychiquement la logique du tiers inclus dans mes représentations. La complexité étalée sur une carte heuristique pouvait alors, de façon néguentropique, abstraire une sorte de symbole complexe, une matrice faite de l'ensemble des oscillateurs mis en évidence.
Cette prise de conscience est bien liée à l'énergie.
Nous aborderons cela plus loin...
L'antagonisme selon Stéphane Lupasco est un contraire qui n'exclut pas mais un pôle du couple (actualisé; potentialisé). Nous avons déjà rencontré cette proposition chez Lothar Schäfer (cf La mort est une transition quantique) bien que chez ce dernier, il s'agissait d'états structurants. Chez S. Lupasco, en revanche, il s'agit bien de phénomènes dynamiques. On pourra réfléchir par la suite à la connexion possible entre ces deux propositions.
Si l'actualisation d'un phénomène ne semble pas poser de problèmes de compréhension, la potentialisation mérite explicitation : cette dernière n'est pas négation, ni disparition totale car dépendante d'une dynamique. Elle est même, selon un statut ontologique ad hoc, "conscience élémentaire" de ce qui s'actualise. (conscience et non "conscience de soi")
Considérant des phénomènes dynamiques, ces concepts rendent compte d'une coexistence dynamique d'antagonismes (unité/diversité; continue/discontinue; etc) et non d'actualisations "simultanées". Le couple unité/diversité par exemple est similaire à un oscillateur entre deux pôles contraires. Tous les états à l'intérieur de ce couple sont donc possibles, il existe alors une position intermédiaire où survient un moment contradictoire (deux actualisations inverses sont à égalité et s'annulent) nommé état "T" pour Tiers Inclus.
Les 3 états définis A, T, P (Actualisation, Tiers inclus, Potentialisation) forment alors les variables (observables) de la table des valeurs d'une logique du Tiers Inclus. Cette logique du tiers inclus ne s'oppose pas à la logique d'identité puisque cette dernière est une limite de la première : A=A rejette la potentialisation de A à l'infini et tous les états intermédiaires, contradictoires entre A et non-A.
Cette logique du tiers inclus se retrouve bien en systémique et la "boucle de rétroaction" est parfois un couple antagoniste.
Le principe d'antagonisme de Stéphane Lupasco est isomorphe au principe de complémentarité de Niels Bohr, aussi la logique du tiers inclus définit bien, au delà des disciplines, une logique de la connaissance.
Dans ma problématique personnelle, me servir des "creux", des "ombres" ou du "refus" m'a servi à exposer non seulement des états psychiques mais aussi des dynamiques. Changer de niveau de conscience par abduction et/ou saisir la "coupure déplaçable" d'un couple de contraires m'a permis ensuite d'intégrer psychiquement la logique du tiers inclus dans mes représentations. La complexité étalée sur une carte heuristique pouvait alors, de façon néguentropique, abstraire une sorte de symbole complexe, une matrice faite de l'ensemble des oscillateurs mis en évidence.
Cette prise de conscience est bien liée à l'énergie.
Nous aborderons cela plus loin...
mercredi 24 février 2010
de l'Ouvert à la Systémique
C'est Thierry Biren, cofondateur de douance.be qui par le lien avec mediat-coaching.com m'a fait rencontrer Catherine Besnard-Péron.
Notre chemin commun aura duré le temps de lecture de plusieurs livres !
Il aura à la fois été si riche et complexe que le résumer est illusoire, et à la fois si simple qu'un unique mot semble pouvoir l'effleurer : ouvert.
Avant de débuter notre travail en commun, je n'aurais pas imaginé l'envelopper par ce mot là. Aujourd'hui, il s'impose avec la plus ferme et douce évidence.
Ce mot là évoque le premier pas de danse improvisé, le premier coup de crayon sur la feuille blanche, le sourire qui vous accueille à la porte, la magnifique vue du chalet sur la vallée, encore de multiples images à chacun et aussi, très rigoureusement, un (sous) espace topologique qui ne contient aucun point de sa frontière.
Le recours aux mathématiques permet d'appuyer sur la notion fondamentale de l'"ouvert" : ne pas avoir de frontières tout en assurant à ses "éléments" (membres) la sécurité d'un "voisinage".
Tout "voisinage" d'un membre de l'ouvert est encore par définition dans l'ouvert.
L'ouvert définit donc un espace de travail.
Mais l'ouvert définit aussi une posture et un mouvement. Dit autrement, un algorithme de travail, avec une terminaison (assurer que le travail sera réalisé dans un temps fini), une complétude ( garantir que le travail donnera des propositions de solutions) et une correction (assurer que le travail donnera au moins une solution au problème posé).
Couplé à l'ouvert, l'algorithme évoque alors une heuristique, c'est à dire une méthode efficiente pour fournir une solution réalisable au problème posé.
Il est important en effet de vouloir différencier l'efficacité de la seule efficience, cette dernière exigeant l'étude, dans l'espace considéré, d'une écologie; il est important également de différencier l'exacte du réalisable, ce dernier concept étant imposé a priori par la nature de l'espace de travail. Comment réaliser en effet une telle heuristique dans un ouvert, qui, concrètement, est complexe et dynamique ?
Il y a bien sûr plusieurs approches qui toutes, ensemble, participent à l'heuristique. Nikos Lygéros m'a permis d'appréhender, dans ses "Réflexions sur une heuristique..."comment Alexander Grothendieck lui a inspiré les bases analogiques d'un raisonnement non uniforme.
A. Grothendieck est un mathématicien qui a révolutionné dans les années 50 et 60 la géométrie algébrique en y apportant de nouvelles fondations. La démarche sous-jacente à ses travaux, sa posture et son mouvement, peuvent être décrits en terme d'heuristique. Il s'agit d'appliquer à un problème (un théorème en l'espèce) un processus itératif généralisant l'ensemble des propriétés (sans perte aucune) du problème de départ et de découvrir ainsi de nouveaux problèmes dont l'étude permettra la résolution (démonstration) du problème de départ.
N. Lygéros rapporte ainsi : "La première rupture que représente cette heuristique par rapport aux autres méthodes de raisonnement c'est qu'elle ne décompose pas le problème en sous-problèmes afin de les traiter séparément pour ensuite recombiner les résultats partiels et obtenir ainsi le résultat total suivant la stratégie qui consiste à diviser pour régner. Au contraire, elle considère le théorème de manière unitaire et d'une certaine façon indécomposable. Car a priori rien ne dit qu'il soit décomposable. Alors pourquoi le considérer comme tel."
Appliquée en psychologie, dans une relation thérapeutique générique, cette heuristique selon Grothendieck se veut donc un couplage avec l'ouvert. Le problème soumis par un patient au thérapeute ou le problème exposé et défini ensemble par les deux protagonistes n'est a priori, dans cette démarche originale, pas un problème décomposable mais unitaire.
Nikos Lygéros assure cette heuristique de sa terminaison, de sa complétude et de sa correction grâce aux principes ramseyens (cf théorie de Ramsey) (il existe toujours dans une structure suffisamment grande une sous-structure ayant la propriété recherchée, la structure générale pour la propriété donnée est alors la plus petite possible). En revanche, il ne peut garantir l'application de cette dernière à tout problème. Lorsque cela semble possible, l'utiliser fournit alors une solution réalisable et efficiente par abduction du problème de départ.
La systémique apparait plus prometteuse et plus englobante car elle déplace l'implicite de l'heuristique de Grothendieck, à savoir exposer le problème retenu à ses propriétés, sur les interactions d'une organisation complexe avec ses éléments.
Nous sommes toujours dans un ouvert, la définition (fixation) des éléments d'une organisation complexe est alors parfaitement déplaçable le long des interactions rencontrées dans les voisinages de l'ouvert. Le nœud est plus essentiel à saisir et à manipuler que les éléments séparés. Le problème de départ peut finalement rester une boîte noire, chacun s'intéresse plutôt aux interactions de la boîte dans l'ouvert, c'est à dire in fine, avec elle même, autrement dit à ses boucles de rétroactions.
Se concentrer sur ces objets génériques, ce qui est essentiel en communication et donc en relation thérapeutique, c'est s'ouvrir alors à une métaphysique plus "subversive". Au premier abord, la rétroaction peut en effet sembler hors de l'ouvert puisque séparée mentalement de l'organisation complexe qu'elle organise justement ! Cette "séparation" est bien mentale, car nécessaire à la saisie, à la compréhension mais cette interaction est pourtant "continue" et déplaçable comme toute coupure entre objet/sujet. La "subversivité" soulignée tient en fait en entier dans la "forme" de l'interaction qui par définition ne fait que déplacer continûment le sujet à l'objet et vice versa !
Trivialement, la tautologie paradoxale de la rétroaction la laisse "platement" "là" et ne fait que déplacer notre vue de l'ouvert : ce n'est pas la rétroaction qui change le monde changeant, c'est notre vue qui change sur le monde ! Enfin, concrètement, en systémique, lorsque l'analogie (isomorphisme et modèle) est utilisée comme outil sur un ouvert, il en résulte un ouvert homéomorphe. Que ces ouverts soient disjoints ne change rien au raisonnement puisque au départ comme à l'arrivée, l'espace de travail, l'espace de la communication, reste un ouvert.
Nikos Lygéros donne un exemple de cet "invariance" en utilisant la théorie systémique appliquée à un domaine où il est expert : la stratégie militaire dans : "Modèle systémique et paradigme polémologique". Il aboutit ainsi à : "L'environnement et l'ensemble des systèmes se transposent en un environnement et un méta-système. Ce dernier est un ensemble organisé dont les éléments (systèmes) sont en relation (échange) et dont la stabilité est basée sur un mécanisme de rétroaction (droit d'ingérence). Car c'est bien cela que sous-tend le droit d'ingérence : la conscience de l'existence du méta-système rend nécessaire une vision holistique du monde. Un conflit en apparence local est en réalité une perturbation dans le fonctionnement du méta-système. Aussi le droit d'ingérence représente une recherche d'équilibre de la part du méta-système ; c'est son unique moyen d'action. "
En identifiant ainsi le droit d'ingérence à la rétroaction d'un méta-système, N. Lygéros montre bien qu'il est possible de trouver une organisation ad hoc qui intègre l'unité du problème de départ en un élément à réguler par une relation dont l'existence est "invariante". On voit sur cet exemple que l'interaction qui au départ peut sembler séparée (à l'extérieur) d'un système reste en fait "là" mais s'intègre dans le méta-système. La pseudo-émergence d'une nouvelle propriété du méta-système ainsi constitué "autour" de l'interaction n'est en fait qu'un changement de vue : la relation est invariante car elle laisse invariants les systèmes. Le méta-système dégagé par cette construction existait bien au préalable mais personne ne semblait ou voulait le voir ! En revanche, une fois mentalement intégrée au méta-système, la relation est dotée d'une nouvelle propriété qui peut permettre aux protagonistes de réguler, ce qu'ils semblaient incapables de réaliser plus tôt.
Il y a quantité d'exemples de ce genre dans les multiples disciplines qui font intervenir la théorie systémique comme postulat de construction : économie, management, sciences cognitives, écologie, intelligence artificielle, sociologie, psychologie etc....
Catherine Besnard-Péron (CBP) s'intéresse à l'humain et le place au cœur de son investigation pour conduire son activité de coaching et pour soutenir ainsi les projets de ses clients. Elle s'intéresse donc aux systèmes dynamiques complexes vus dans le paradigme de la systémique. Elle utilise (de façon implicite ou explicite) entre autres des outils reconnus dans ce paradigme comme efficients.
Mais elle est psychiquement également dans une disposition d'ouverture à l'autre. Cette disposition psychique compte pour beaucoup dans son travail. Ainsi, cette volonté à l'ouverture, cette volition sur l'ouvert, a empli l'ensemble psychique de notre relation de travail mutuelle.
Personnellement, je l'ai pleinement implicitement puis explicitement ressenti.
Notre chemin commun aura duré le temps de lecture de plusieurs livres !
Il aura à la fois été si riche et complexe que le résumer est illusoire, et à la fois si simple qu'un unique mot semble pouvoir l'effleurer : ouvert.
Avant de débuter notre travail en commun, je n'aurais pas imaginé l'envelopper par ce mot là. Aujourd'hui, il s'impose avec la plus ferme et douce évidence.
Ce mot là évoque le premier pas de danse improvisé, le premier coup de crayon sur la feuille blanche, le sourire qui vous accueille à la porte, la magnifique vue du chalet sur la vallée, encore de multiples images à chacun et aussi, très rigoureusement, un (sous) espace topologique qui ne contient aucun point de sa frontière.
Le recours aux mathématiques permet d'appuyer sur la notion fondamentale de l'"ouvert" : ne pas avoir de frontières tout en assurant à ses "éléments" (membres) la sécurité d'un "voisinage".
Tout "voisinage" d'un membre de l'ouvert est encore par définition dans l'ouvert.
L'ouvert définit donc un espace de travail.
Mais l'ouvert définit aussi une posture et un mouvement. Dit autrement, un algorithme de travail, avec une terminaison (assurer que le travail sera réalisé dans un temps fini), une complétude ( garantir que le travail donnera des propositions de solutions) et une correction (assurer que le travail donnera au moins une solution au problème posé).
Couplé à l'ouvert, l'algorithme évoque alors une heuristique, c'est à dire une méthode efficiente pour fournir une solution réalisable au problème posé.
Il est important en effet de vouloir différencier l'efficacité de la seule efficience, cette dernière exigeant l'étude, dans l'espace considéré, d'une écologie; il est important également de différencier l'exacte du réalisable, ce dernier concept étant imposé a priori par la nature de l'espace de travail. Comment réaliser en effet une telle heuristique dans un ouvert, qui, concrètement, est complexe et dynamique ?
Il y a bien sûr plusieurs approches qui toutes, ensemble, participent à l'heuristique. Nikos Lygéros m'a permis d'appréhender, dans ses "Réflexions sur une heuristique..."comment Alexander Grothendieck lui a inspiré les bases analogiques d'un raisonnement non uniforme.
A. Grothendieck est un mathématicien qui a révolutionné dans les années 50 et 60 la géométrie algébrique en y apportant de nouvelles fondations. La démarche sous-jacente à ses travaux, sa posture et son mouvement, peuvent être décrits en terme d'heuristique. Il s'agit d'appliquer à un problème (un théorème en l'espèce) un processus itératif généralisant l'ensemble des propriétés (sans perte aucune) du problème de départ et de découvrir ainsi de nouveaux problèmes dont l'étude permettra la résolution (démonstration) du problème de départ.
N. Lygéros rapporte ainsi : "La première rupture que représente cette heuristique par rapport aux autres méthodes de raisonnement c'est qu'elle ne décompose pas le problème en sous-problèmes afin de les traiter séparément pour ensuite recombiner les résultats partiels et obtenir ainsi le résultat total suivant la stratégie qui consiste à diviser pour régner. Au contraire, elle considère le théorème de manière unitaire et d'une certaine façon indécomposable. Car a priori rien ne dit qu'il soit décomposable. Alors pourquoi le considérer comme tel."
Appliquée en psychologie, dans une relation thérapeutique générique, cette heuristique selon Grothendieck se veut donc un couplage avec l'ouvert. Le problème soumis par un patient au thérapeute ou le problème exposé et défini ensemble par les deux protagonistes n'est a priori, dans cette démarche originale, pas un problème décomposable mais unitaire.
Nikos Lygéros assure cette heuristique de sa terminaison, de sa complétude et de sa correction grâce aux principes ramseyens (cf théorie de Ramsey) (il existe toujours dans une structure suffisamment grande une sous-structure ayant la propriété recherchée, la structure générale pour la propriété donnée est alors la plus petite possible). En revanche, il ne peut garantir l'application de cette dernière à tout problème. Lorsque cela semble possible, l'utiliser fournit alors une solution réalisable et efficiente par abduction du problème de départ.
La systémique apparait plus prometteuse et plus englobante car elle déplace l'implicite de l'heuristique de Grothendieck, à savoir exposer le problème retenu à ses propriétés, sur les interactions d'une organisation complexe avec ses éléments.
Nous sommes toujours dans un ouvert, la définition (fixation) des éléments d'une organisation complexe est alors parfaitement déplaçable le long des interactions rencontrées dans les voisinages de l'ouvert. Le nœud est plus essentiel à saisir et à manipuler que les éléments séparés. Le problème de départ peut finalement rester une boîte noire, chacun s'intéresse plutôt aux interactions de la boîte dans l'ouvert, c'est à dire in fine, avec elle même, autrement dit à ses boucles de rétroactions.
Se concentrer sur ces objets génériques, ce qui est essentiel en communication et donc en relation thérapeutique, c'est s'ouvrir alors à une métaphysique plus "subversive". Au premier abord, la rétroaction peut en effet sembler hors de l'ouvert puisque séparée mentalement de l'organisation complexe qu'elle organise justement ! Cette "séparation" est bien mentale, car nécessaire à la saisie, à la compréhension mais cette interaction est pourtant "continue" et déplaçable comme toute coupure entre objet/sujet. La "subversivité" soulignée tient en fait en entier dans la "forme" de l'interaction qui par définition ne fait que déplacer continûment le sujet à l'objet et vice versa !
Trivialement, la tautologie paradoxale de la rétroaction la laisse "platement" "là" et ne fait que déplacer notre vue de l'ouvert : ce n'est pas la rétroaction qui change le monde changeant, c'est notre vue qui change sur le monde ! Enfin, concrètement, en systémique, lorsque l'analogie (isomorphisme et modèle) est utilisée comme outil sur un ouvert, il en résulte un ouvert homéomorphe. Que ces ouverts soient disjoints ne change rien au raisonnement puisque au départ comme à l'arrivée, l'espace de travail, l'espace de la communication, reste un ouvert.
Nikos Lygéros donne un exemple de cet "invariance" en utilisant la théorie systémique appliquée à un domaine où il est expert : la stratégie militaire dans : "Modèle systémique et paradigme polémologique". Il aboutit ainsi à : "L'environnement et l'ensemble des systèmes se transposent en un environnement et un méta-système. Ce dernier est un ensemble organisé dont les éléments (systèmes) sont en relation (échange) et dont la stabilité est basée sur un mécanisme de rétroaction (droit d'ingérence). Car c'est bien cela que sous-tend le droit d'ingérence : la conscience de l'existence du méta-système rend nécessaire une vision holistique du monde. Un conflit en apparence local est en réalité une perturbation dans le fonctionnement du méta-système. Aussi le droit d'ingérence représente une recherche d'équilibre de la part du méta-système ; c'est son unique moyen d'action. "
En identifiant ainsi le droit d'ingérence à la rétroaction d'un méta-système, N. Lygéros montre bien qu'il est possible de trouver une organisation ad hoc qui intègre l'unité du problème de départ en un élément à réguler par une relation dont l'existence est "invariante". On voit sur cet exemple que l'interaction qui au départ peut sembler séparée (à l'extérieur) d'un système reste en fait "là" mais s'intègre dans le méta-système. La pseudo-émergence d'une nouvelle propriété du méta-système ainsi constitué "autour" de l'interaction n'est en fait qu'un changement de vue : la relation est invariante car elle laisse invariants les systèmes. Le méta-système dégagé par cette construction existait bien au préalable mais personne ne semblait ou voulait le voir ! En revanche, une fois mentalement intégrée au méta-système, la relation est dotée d'une nouvelle propriété qui peut permettre aux protagonistes de réguler, ce qu'ils semblaient incapables de réaliser plus tôt.
Il y a quantité d'exemples de ce genre dans les multiples disciplines qui font intervenir la théorie systémique comme postulat de construction : économie, management, sciences cognitives, écologie, intelligence artificielle, sociologie, psychologie etc....
Catherine Besnard-Péron (CBP) s'intéresse à l'humain et le place au cœur de son investigation pour conduire son activité de coaching et pour soutenir ainsi les projets de ses clients. Elle s'intéresse donc aux systèmes dynamiques complexes vus dans le paradigme de la systémique. Elle utilise (de façon implicite ou explicite) entre autres des outils reconnus dans ce paradigme comme efficients.
Mais elle est psychiquement également dans une disposition d'ouverture à l'autre. Cette disposition psychique compte pour beaucoup dans son travail. Ainsi, cette volonté à l'ouverture, cette volition sur l'ouvert, a empli l'ensemble psychique de notre relation de travail mutuelle.
Personnellement, je l'ai pleinement implicitement puis explicitement ressenti.
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