Dés le début, la mécanique quantique a heurté.
Même les pères fondateurs de cette théorie n'ont pas pu s'empêcher de la tordre et de vouloir la plier à leurs idéologies, leurs croyances. Max Planck est à l'origine de l'idée du quanta d'énergie (en travaillant sur le rayonnement émis par un corps chauffé), mais dans une perception ondulatoire de celle ci, en accord avec toutes les interprétations officielles dues à Young, Huygens, Euler, Fresnel, Faraday et Maxwell en cours depuis trois siècles déjà. Il a cependant souhaité toute sa vie ne voir dans cette hypothèse "désespérée" qu'un artifice mathématique pour éviter de vivre avec cette idée d'une énergie discontinue de la matière tant elle heurtait son sens commun, son idéal peut-être aussi.
Lorsque Einstein, en travaillant sur l'effet photoélectrique, démontre que la lumière est aussi constituée de quanta d'énergie, il participe ainsi à l'émergence plus tard du travail de Schrödinger sur la fonction d'onde. Mais quand Max Born propose l'interprétation probabiliste de cette fonction d'onde, cela heurte un grand nombre de physiciens, dont Einstein et Schrödinger lui-même. C'est la raison pour laquelle ce dernier invente cette expérience de pensée dite du chat, pour tenter de démontrer l'absurdité d'une telle interprétation probabiliste et donc d'une incomplétude de la théorie de cette mécanique quantique !
Si la mécanique quantique a heurté depuis toujours les convictions les plus intimes des physiciens eux-mêmes, comment voulez vous qu'elle ne heurte pas le simple humain, dénué de bagages scientifiques et armé de son seul bon sens ?
Albert Einstein est si résolu à ne pas accepter le caractère probabiliste et donc non déterministe de la mécanique quantique qu'il imagine avec deux collègues (Podolsky et Rosen), en 1935, une expérience de pensée pour prendre la théorie en flagrant délit d'incomplétude. C'est la fameuse expérience EPR.
En 1964, John Bell fait de cette spéculation métaphysique une proposition vérifiable expérimentalement. Il démontre ainsi que si le paradoxe EPR est correct, alors ses inégalités (inégalités de Bell) sont violées. Il aura fallu attendre les années 1980 pour que Alain Aspect et son équipe effectuent une série d'expériences pour calculer les fameuses inégalités de Bell et donc répondre au paradoxe EPR. Des expériences plus récentes ont de même augmenté la précision des mesures et ont toujours donné la même réponse : les inégalités de Bell sont violées, la théorie de la mécanique quantique est donc complète et nous impose de voir la réalité différemment, au delà de notre bon sens !
La réalité est donc non-locale.
La réalité est que l'espace possède un caractère holistique.
La réalité est que RIEN ne permet formellement de distinguer un objet d'un autre.
La réalité se comprend en terme d'interconnexion, d'interdépendance.
La réalité de l'espace apparaît discontinue, quantifiée, bien que pour l'étudier, nous ayons choisi depuis toujours des outils et des raisonnements basés sur la continuité.
Pourquoi avoir fait ces choix initiaux ? Tout bêtement parce que ces raisonnements apparaissaient plus proches du "bon sens" et surtout plus simples à étudier; les outils physiques et mathématiques donnaient des résultats plus simples et plus rapides à calculer !
Partant de ce constat, comment imaginer alors un espace formalisé par des opérateurs discontinus ? Est ce d'ailleurs aussi simple que cela ? N'y aurait il pas "intrication" entre continuité et discontinuité ?
Certains développements récents en physique théorique se sont penchés sur ces questions : espace basé sur des fonctions non différentiables, espace basé sur une géométrie non commutative, par exemple, pour tenter de reformaliser l'ensemble de la physique à partir d'une autre métrique. A ce jour, et tout du moins à ma connaissance, aucun autre concept majeur n'a été validé par l'expérience.
Mais........l'espace, dans notre univers 4D, est aussi lié au temps, non ? Alors, qu'en est il de la réalité du temps en fin de compte ?
John Wheeler, physicien théoricien, a imaginé de modifier la célèbre expérience d'optique des Fentes de Young, dans une version dite "du choix retardé du photon". Son expérience est parfaitement relaté par Trinh Xuan Thuan dans "Les voies de la Lumière" mais aussi fort bien explicité par François Martin dans sa conférence à Génève en février 2009 (déjà cité). Cette expérience a été vérifié en 1987 et 2007 notamment.
Bien évidemment, les physiciens dans leur majorité ne veulent pas interpréter les résultats de cette expérience car cela remet ou semble remettre trop en cause la fameuse causalité, la flèche "classique" du temps.
Suivant en cela John von Neumann (à son époque), François Martin déclare nettement qu'il n'y a pas deux réalités de temps différentes (l'une à l'échelle microscopique et l'autre à l'échelle macroscopique) mais bien deux interprétations différentes d'une unique réalité.
La première interprétation, qui choque notre "bon sens" est "classique" et nous contraint à oser écrire que l'observateur, en modifiant un paramètre de l'expérience, lorsque celle ci est en cours, va modifier le passé du photon. Autrement et trivialement dit : le futur détermine le passé ! D'autant plus que Wheeler a montré que cette expérience peut s'imaginer de manière analogue, non pas en laboratoire, sur des temps très petits, mais dans l'espace stellaire, en interceptant un faisceau de photons qui a pris sa source il y a des millions voire des milliards d'année ! La causalité des évènements en prend un coup !
La deuxième interprétation est "quantique" et nous propose que en modifiant un paramètre de l'expérience, alors que celle-ci est en cours, (le photon, en l'espèce, a été émis par sa source), nous modifions uniquement la reconstitution "classique" du passé du photon (tel que notre conscience le perçoit) et pas le passé "quantique", le "vrai" passé du photon. Nous respectons la causalité des évènements.
Explications : La mécanique quantique nous propose deux "plans" de la réalité : l'une "quantique" où la particule suit un mouvement entièrement déterminée par la fonction d'onde. Mais ce mouvement n'est pas interprétable, il n'est finalement imputable ni à une onde, ni à une particule. Il est là. Que peut on en dire d'autres ? En l'espèce, le photon existe en une superposition d'états quantiques évoluant de manière déterministe. On peut aussi parler de champ électromagnétique quantique étendu sur tout l'espace-temps, donc non localisable strictement, ni dans l'espace, ni dans le temps. Il n'existe pas, à ce jour, dans la métaphysique occidentale dominante, de représentations, d'images, de symboles, autres que l'opérateur mathématique, qui puisse, par analogie, faire comprendre simplement ce qui se passe là. Richard Feynman avait pris comme image : la particule prend tous les chemins possibles (potentiels) et il avait réussi à trouver une approche de calcul très innovante grâce à cette analogie : la fameuse "intégrale de chemin".
Dans ce plan "quantique" de la réalité, quoi que l'observateur fasse à n'importe quel moment de l'expérience en cours, rien ne change pour la particule, son "passé" n'est pas bouleversé, son avenir non plus a contrario.
En revanche, dans le plan "classique" de la réalité, celui relié à notre conscience éveillée, celui relié à la mesure physique, à la détection du champ électromagnétique, à la détection de la particule, nous pouvons décider du chemin pris par la particule en fonction de l'action que nous opérons sur l'expérience. C'est à dire que notre observation va opérer un choix et dans le cas de cette expérience du photon retardé, nous aurons l'illusion de modifier le "passé" du photon, mais en réalité, nous modifions seulement notre perception "classique" de ce passé. Nous faisons des choix, en observant la particule, en faisant une mesure, sur la reconstruction "classique" du passé du photon. Le passé "classique" n'existe qu'à partir du moment où il a été enregistré au présent. Cette interprétation conserve la causalité des évènements car pour l'évènement lui-même, il y a détermination complète, mais pour l'observateur, il y a indétermination du passé et c'est son acte, son geste d'observation qui va lever l'indétermination.
En fait, cette interprétation en deux plans permet d'éviter le paradoxe de la particule qui "remonte" le temps, la causalité inverse (la conséquence est avant la cause) et renvoie "dos à dos" l'objet observé dans "sa" réalité quantique déterministe, et le sujet observant dans "sa" réalité "classique" probabiliste. Cette interprétation métaphysique (dans la mesure où évidemment, elle dépasse le strict point de vue "physique" et opérationnelle du calcul), à l'envers du point de vue dominant, se veut en fait très proche du point de vue psychologique de la saisie du monde. Pour illustrer son propos, François Martin de Volnay convoque ainsi l'inconscient, le conscient et les synchronicités (telles que définies par Carl Jung).
Alors, le futur détermine t il réellement le passé ou bien est ce seulement une illusion ?
Pour tenter, d'une singularité, de relier des savoirs, d'élaborer une complexité et de la transmettre...
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samedi 13 février 2010
samedi 30 janvier 2010
Chaos et Imprédictibilité : une ode au présent.
Jean Staune connait bien Trinh Xuan Thuan (TXT)(astrophysicien) qui d'ailleurs lui a préfacé son bouquin ("L'existence ..."). J'avais découvert TXT avec Mathieu Ricard dans "L'infini dans la paume de la main" et j'avais beaucoup apprécié sa façon d'aborder pour nous (les béotiens ?) les 1001 mystères de l'infiniment grand. J'ai donc eu envie de plonger à nouveau dans la riche vulgarisation de TXT : il écrit très bien et ses images sont souvent percutantes.
J'ai parcouru "Le Chaos et l'Harmonie", qui sous tend une bonne partie de "L'existence .." de Jean Staune mais sans référence à la religion ni sans aborder frontalement et longuement l'évolution biologique de la vie et ses modèles (néodarwiniens essentiellement).
Bref, un passage du Chaos et l'Harmonie m'a percuté. Il s'agit de l'explicitation de la manifestation du chaos dans les mouvements planétaires ("chaos" au sens mathématique du terme, tel que étudié en premier par Henri Poincaré dans le problème à N corps en mécanique céleste : "sensibilité aux conditions initiales") et de ses conséquences.
Conséquence combinatoire d'abord : il résulte de cette sensibilité aux conditions initiales une imprédictibilité de l'évènement étudié (au delà d'un certain horizon de temps). Ah, on se dit alors : c'est pas grave ! En deçà de l'horizon calculé (par exemple 200 millions d'années (terrestres !) pour notre système solaire), le système est stable ! Rien à craindre à l'échelle de temps humaine ! Et pourquoi donc ? L'homme (nos très lointains descendants) sera toujours là, non ? Il existe (à ce jour !) une petite probabilité qu'une collision de planètes se produise dans notre système : cette probabilité est mise en évidence par des modélisations d'orbites sur une échelle de temps de 5 milliards d'années (temps qui reste à la Terre !). Bon, c'est bien. A quoi çà nous sert aujourd'hui cette information ? De quelle information parle t on exactement d'abord ?
L'imprédictibilité nous projette dans le futur, par définition incertain et non vécu. Du futur prédictible grâce des modèles numériques de la réalité (climat, sinistres, bourse, etc..) c'est déjà du passé en quelque sorte puisque, dans un intervalle (temporel) de confiance certain à 95% au mieux, on sait déjà, on a presque déjà vécu. Mais peut on vivre seulement à 95% au mieux par modèles interposés notre réalité, notre présent ? Oui, c'est ce que nous faisons quasiment tout le temps, tous les jours, à chaque instant lorsque nous ressassons notre "passé", notre prévision météo du lendemain, notre cours de bourse plancher déclencheur de nos achats du lendemain, notre traumatisme infantile que nous analyserons demain avec notre psy, notre nuit d'amour après le dîner de ce soir, nos courses à faire dans deux jours pour le voyage du week-end etc..etc...Nous vivons dans notre "passé". Qui, c'est vrai, n'a pas encore été vécu à 100% par notre conscience mais qui déjà fait grandement partie de notre vie à l'instant présent.
L'imprédictibilité nous déploie donc un espace particulier au sein de notre présent : un futur déjà passé mais pas encore vécu et pourtant déjà là ! Nous croyons repousser l'imprévu au loin par nos calculs très sophistiqués mais que faisons nous réellement par ce comportement ?
Nous calculons les possibles. Pour demain, donc pour aujourd'hui, donc pour maintenant.
La deuxième conséquence sur le "chaos" illustrée par le Chaos et l'Harmonie se trouve dans le paragraphe "le futur indéfini du système solaire", quand TXT parle des travaux récents de Jacques Laskar sur la modélisation des orbites des planètes du système solaire. Je cite :
Le présent, non ?
J'ai parcouru "Le Chaos et l'Harmonie", qui sous tend une bonne partie de "L'existence .." de Jean Staune mais sans référence à la religion ni sans aborder frontalement et longuement l'évolution biologique de la vie et ses modèles (néodarwiniens essentiellement).
Bref, un passage du Chaos et l'Harmonie m'a percuté. Il s'agit de l'explicitation de la manifestation du chaos dans les mouvements planétaires ("chaos" au sens mathématique du terme, tel que étudié en premier par Henri Poincaré dans le problème à N corps en mécanique céleste : "sensibilité aux conditions initiales") et de ses conséquences.
Conséquence combinatoire d'abord : il résulte de cette sensibilité aux conditions initiales une imprédictibilité de l'évènement étudié (au delà d'un certain horizon de temps). Ah, on se dit alors : c'est pas grave ! En deçà de l'horizon calculé (par exemple 200 millions d'années (terrestres !) pour notre système solaire), le système est stable ! Rien à craindre à l'échelle de temps humaine ! Et pourquoi donc ? L'homme (nos très lointains descendants) sera toujours là, non ? Il existe (à ce jour !) une petite probabilité qu'une collision de planètes se produise dans notre système : cette probabilité est mise en évidence par des modélisations d'orbites sur une échelle de temps de 5 milliards d'années (temps qui reste à la Terre !). Bon, c'est bien. A quoi çà nous sert aujourd'hui cette information ? De quelle information parle t on exactement d'abord ?
L'imprédictibilité nous projette dans le futur, par définition incertain et non vécu. Du futur prédictible grâce des modèles numériques de la réalité (climat, sinistres, bourse, etc..) c'est déjà du passé en quelque sorte puisque, dans un intervalle (temporel) de confiance certain à 95% au mieux, on sait déjà, on a presque déjà vécu. Mais peut on vivre seulement à 95% au mieux par modèles interposés notre réalité, notre présent ? Oui, c'est ce que nous faisons quasiment tout le temps, tous les jours, à chaque instant lorsque nous ressassons notre "passé", notre prévision météo du lendemain, notre cours de bourse plancher déclencheur de nos achats du lendemain, notre traumatisme infantile que nous analyserons demain avec notre psy, notre nuit d'amour après le dîner de ce soir, nos courses à faire dans deux jours pour le voyage du week-end etc..etc...Nous vivons dans notre "passé". Qui, c'est vrai, n'a pas encore été vécu à 100% par notre conscience mais qui déjà fait grandement partie de notre vie à l'instant présent.
L'imprédictibilité nous déploie donc un espace particulier au sein de notre présent : un futur déjà passé mais pas encore vécu et pourtant déjà là ! Nous croyons repousser l'imprévu au loin par nos calculs très sophistiqués mais que faisons nous réellement par ce comportement ?
Nous calculons les possibles. Pour demain, donc pour aujourd'hui, donc pour maintenant.
La deuxième conséquence sur le "chaos" illustrée par le Chaos et l'Harmonie se trouve dans le paragraphe "le futur indéfini du système solaire", quand TXT parle des travaux récents de Jacques Laskar sur la modélisation des orbites des planètes du système solaire. Je cite :
"La réponse donnée par l'ordinateur est sans équivoque : le système solaire tout entier, y compris les planètes intérieures, est chaotique. (...) Cette dépendance si extrême à l'égard des conditions initiales signifie que le présent est déconnecté à la fois du futur et du passé. Le futur est imprévisible, et le passé à jamais perdu. (...)les trajectoires planétaires ont un passé indéfini et un futur incertain, car les mesures des positions des planètes ne sont jamais parfaitement précises."Nous voyons donc deux concepts à l'œuvre : la sensibilité aux conditions initiales des systèmes (macroscopiques) à N corps les rend "chaotiques", imprévisibles, indéterminés absolument et donc résolument imprédictibles. Egalement, l'indétermination intrinsèque liée à la mesure des conditions initiales amplifie d'autant l'intervalle de confiance des mesures et donc la plage d'expression du chaos ! Ces deux indéterminations, qui sont bien indépendantes, caractérisent parfaitement ces systèmes macroscopiques qui nous contiennent. Que nous reste il alors, si le passé comme le futur, sont à jamais perdus, indéfinis, incertains, imprévisibles, déconnectés entre eux ?
Le présent, non ?
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