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lundi 4 octobre 2010

Relience V


Dans Relience IV, je constate que le "point" ou la "vue" générique pour nous saisir de l'univers est analogue à une "boucle", à une "mise en relation relationnelle", c'est à dire elle-même "en relation à", soit au final à "une relation à la relation". Pour que cette relation à la relation soit générique, il est nécessaire d'étudier comment différents modèles de saisie de savoirs deviennent opérants chacun dans leur domaine. Cela définit la multi-disciplinarité. Depuis le début et sûrement car c'est un langage-symbole qui m'est plus familier, je me sers ici plus fréquemment de modèles mathématiques ou issus de la physique. Les derniers offrent l'avantage d'être par définition ad hoc pour ce genre d'exploration. En revanche, ici, il n'est point question d'objets physiques ou mathématiques proprement dit mais plutôt de la relation que tout à chacun est susceptible d'entretenir avec eux. Quel est donc la nature générique de cette relation ? Il me semble qu'elle est informationnelle. Ainsi la relation à la relation serait de l'information. Cette notion transverse permettrait ainsi d'établir des passerelles "logiques" entre différents systèmes organisant des faits ("évènements"). Ainsi, la relation à la multi-disciplinarité serait une notion transverse. N'est ce point comme cela que B. Nicolescu définit d'ailleurs la Trans-Disciplinarité ? 

Dans Singularité et Homogénéité en Champagne, je rends hommage à un métier et une fonction passionnante : maitre de cave en Champagne. Cette fonction est analogue à celle du "nez" dans la parfumerie ou à toute fonction qui nécessite d'assembler une diversité hétérogène en une unité homogène mais complexe. En ce sens, assembler une cuvée de brut sans année chez Bollinger revient à une individuation : rendre indivisible une diversité, voire même, rendre visible unitairement une multitude non visible d'emblée. S'agirait il d'une ontologie ?

Dans Formalisations Lupasciennes, je condense la systémogénèse de S.Lupasco, en tant que science des systèmes possibles, en une formule concise, sorte de suite "transfinie" d'un triplet "d'opérateurs" (lupasciens) dont la nature mathématique exacte resterait à définir. Il est possible néanmoins que cette suite va formaliser la relation à la relation générique (car objectivée n fois ?) et in fine l'information elle-même. 

Dans Monde des Dieux et Asuras.., je décris précisément deux états (sur 6) du système informationnel "lupascien" décrivant le "bardo" du bouddhisme tibétain. Chogyam Trungpa avait certainement réussi le tour de force en explicitant ce concept essentiel en séminaires, de transmettre l'idée de multiples doubles flux antagonistes fonctionnant en cycles ("boucles"), image cependant passée complètement inaperçue à l'époque selon moi. Ces deux premiers états pointent deux antagonismes : Dieux et non Dieux, comme les deux états opposés les plus "énergétiques"(les plus subtiles)  du système global. Le lien avec la lumière (au sens d'énergie électromagnétique) est "naturelle" pour le monde des dieux et des asuras, énergie dont la potentialisation et l'actualisation prend sa source dans le vide quantique, énergie dont la nature est duale, soit onde, soit particule.
Ces deux premiers états mettent également en relation la "folie" (divers états mentaux comme la paranoïa, la schizophrénie..) et l'égo avec le non-égo (le soi et le non-soi). Notre relation d'occidental avec ces concepts devrait ainsi être mis en relation....


Dans Austime : le complexe Systemizing/Empathising..., je m'intéresse à nouveau aux TSA par les modèles développés par l'équipe de S. Baron-Cohen : de la "bonne" science appliquée statistique et probabilitaire ! Ces modèles et ces Quotients élaborés pour décrire les TSA ont l'avantage par rapport à d'autres de proposer une unité c'est à dire une réduction avec son complémentaire : ainsi SQ est le complémentaire de EQ, ce qui se traduit pour l'individu atteint de TSA à considérer aussi bien ses "forces" que ses "faiblesses". D'autre part, S. Baron-Cohen a proposé l'équation linéaire reliant AQ (le quotient "synthétique" déterminant la "gravité" des troubles TSA) aux deux facteurs co-variants EQ et SQ. Ces modèles doivent être vus comme une mesure de la potentialisation de la maladie, son actualisation devant toujours être mesurée par les outils classiques de psychanalyse en face à face avec le patient. Ainsi, en ce sens, l'information reçue par ces modèles dépasse la simple frontière malade/non-malade ou "normal/a-normal", malgré la réduction proposée d'emblée sur des axes linéaires, car faire soi-même ces tests, c'est aussi se saisir de la "proximité" pertinente (ou proxémie signifiante) avec les personnes diagnostiquées pour l'Autisme et cela "nourrit" la relation à la relation avec ces êtres...


Dans La théorie E/S : vade-mecum pour AQ , je propose un "digest" avec tout ce qu'il faut savoir sur les tests-modèles développés précédemment, pour se situer soi-même sur ces axes de connaissances liés à l'autisme. Cela complète aussi une approche périphérique de la mesure de l'intelligence, comme nous l'avions évoqué précédemment dans plusieurs articles sur ce blog, et ce, bien que S. Baron-Cohen ne se soit pas encore saisi d'une étude sur les liens statistiques entre QI et AQ par exemple.


Dans Paul Klee : précis de mécanique plastique, je rapporte ma "découverte" de l'œuvre de Paul Klee grâce à mon regard sur son regard (photo de lui prise en 1929 à Bethany), quelques œuvres de lui scrutées à l'Orangerie à Paris en juillet 2010 et par quelques-uns de ses écrits parmi les plus connus. Ainsi, la finalité n'est pas ici de regarder les peintures de cet artiste inventif et prolifique, mais de se saisir du regard qu'il portait lui-même non  sur ses œuvres terminées mais sur ses créations en train de se faire. Etre le regard n'est pas être le peintre mais seulement se relier à sa relation avec sa création. Seule cette relation à la relation permet à chacun de voir et de comprendre...


Dans L'Amour La solitude partie A : je me glisse presque effrontément (?) dans un "dialogue épistolaire" du philosophe André Conte-Sponville avec un de ses amis pour produire une co-ré-écriture, une co-re-lecture d'une partie de son ouvrage. J'y convoque d'autres sages et/ou philosophes en acceptant aussi de me livrer sur ces deux "sujets" universels. Une vue à la fois centrée et dé-centrée...


Dans Baguenauder dans la visualisation de la complexité , je rapporte comment le travail d'un étudiant génial en design peut nous permettre d'élargir notre "vision" de la complexité et in fine de nous fournir de nouveaux modèles visuels génériques à notre prise du monde, à notre "vue" sur le Réel que je formalise pour l'occasion par une "méta^n vue", c'est à dire...une boucle relationnelle, une relation à la relation générique...Nous avons vu ici que cela semble avoir un lien avec notre relation à l'information...!


Dans Partir & Revenir : un paradigme du seuil , j'expose comment mes humeurs à l'approche des vacances peut nous fournir une illustration lupascienne de la phase liminaire de A. Van Gennep. En retour, par réciprocité informationnelle, il est plaisant de constater que l'information ainsi obtenue fournit une pertinence nouvelle à notre compréhension du Tiers Inclus. L'exercice illustré par ce billet "d'humeur" propose ainsi de montrer comment la relation à la relation (informationnelle) dans un "statut" de réciprocité engendre non pas la nouveauté au sens strict mais la...pertinence. L'état informationnel d'un système-objet en réciprocité avec son système-sujet (observateur) permet de fournir le sens. Il nous reste à déterminer génériquement de quelle manière...


Relience V semble proposer une rupture épistémologique à cette "quête" de la réunion et de la transmission de savoirs issue d'une singularité. Il est délicat d'y proposer déjà un sens. En revanche, il est dans mon intention de laisser ce canal ouvert. Sans doute plus que jamais...


Je remercie ici le lecteur visible ou invisible qui, par son intention de lecture, au moins, contribue, même inconsciemment, à enrichir cette vue. Et oui, je crois aussi à l'intention inconsciente, au sens jungien plutôt que freudien il me semble d'ailleurs !!!

lundi 19 avril 2010

Bardo Thödol, un renversement !

J'ai croisé Fabrice Midal par l'Inrees, un beau jour de décembre 2009. Il participait à une conférence sur le Bardo Thödol, ce fameux et énigmatique "livre des morts tibétains". J'ai bien dû écouter plusieurs fois, par morceaux, cette conférence de 2h, tant les paroles de Fabrice Midal m'ont interpellé. Cela a été le début d'une très riche investigation...

Fabrice Midal est philosophe et cet homme a cherché longtemps une autre voie au rabâchage incessant de concepts vides et creux. Un professeur de philosophie lui a d'abord transmis ce souffle si singulier de l'apprentissage de soi et du monde : François Fédier. Il a aussi trouvé en Chögyam Trungpa, un "maître" tibétain du XXè siècle, une parole libre et vivante et une incandescence de la spiritualité, qu'il tâche de transmettre, aujourd'hui, au sein de son association Prajna & Philia : Poésie, Philosophie et Méditation...

Ecouter Fabrice Midal est pour moi un enchantement, un décapage, une déconstruction et un apaisement : ses mots sont choisis, précis et justes.
Sur le Bardo Thödol, j'avais peu ou prou une idée générale qu'on peut éclairer par cet article.
Fabrice Midal m'a beaucoup surpris lorsqu'il me fait comprendre que ce fameux livre ne parle pas seulement de la "mort" mais bien plutôt des passages, des brèches, des bardos que, tous, nous rencontrons dans notre vie quotidienne et qui, sûrement, nous désarçonnent de nos habitudes, de nos certitudes, nous décentrent de notre ego centralisateur et trompeur.
J'ai déjà évoqué l'enseignement de Swami Prajnanpad (Voir et Connaitre) et sa dialectique de brahmane hindou intégrant tradition indienne, science physique et psychanalyse : son apport est nécessaire à la compréhension des implicites bouddhiques et tantriques contenus dans le Bardo Thödol. Nous y retrouvons les mêmes éclairages sur l'action du "mental" qui crée un "masque" sur la réalité et qui nous empêche de voir vraiment et de connaître. Et si ces bardos étaient des portes ouvertes sur ce qui est ?

Afin d'éclaircir d'abord les concepts ardus pour un occidental contenus dans le Bardo Thödol, j'ai lu ensuite le roman de Bruno Portier : "Bardo, le passage", qui explicite à travers une histoire moderne, la tradition liée à "la grande libération par l'écoute dans les états intermédiaires". Cet ouvrage a le mérite de nous livrer une version tout à fait "digestible" pour un Français mais il lui manque certainement l'éclairage plus profond, plus précis et plus provocateur en quelque sorte que Chögyam Trungpa a apporté à Fabrice Midal et que ce dernier nous a restitué lors de cette fameuse conférence du 17 décembre 2009.

Qu'a donc apporté Chögyam Trungpa à l'interprétation de ce livre dense et traditionnel ? Tout simplement un renversement !
Dans deux ouvrages (Fremantle et Trungpa, Le Livre des Morts Tibétain, Le courrier du Livre, 1979 et Chögyam Trungpa, Bardo. Au-delà de la folie, Seuil, 1995), Chögyam Trungpa propose en fait une description du "Livre Tibétain de la Naissance", tant, pour lui, il est nécessaire d'expliciter que l'état intermédiaire, le bardo, est un inter-monde, un état littéralement et historiquement "entre" le(s) "existence(s)" (antarabhava en sanskrit, bardo en tibétain). Cet état intermédiaire, Chögyam Trungpa ne le situe pas seulement entre deux "vies" dans le cycle du samsara, mais bien dans notre quotidien, "lorsque nous sommes pris par des moments d’incertitude où l’espace se déchire, s’ouvre et parfois nous effraie." nous rappelle Fabrice Midal. Là est l'enseignement essentiel du maître tibétain à l'occident, sur le Bardo Thödol.

Philippe Cornu (traducteur, tibétologue reconnu, auteur de nombreux ouvrages sur le bouddhisme) vient de terminer une dernière traduction du Bardo Thödol de Padmasambhava (Buchet-Castel, 2009) directement à partir des textes d'origine du courant nyingmapa. Nicolas d'Inca (psychologue clinicien qui travaille notamment avec Fabrice Midal au sein de Prajna & Philia) rapporte dans son blog un échange très intéressant avec cet enseignant bouddhiste. La tâche de Philippe Cornu était principalement, grâce à l'apport du tantrisme et du dzogchen, de replacer le livre dans son contexte historique et doctrinal. Dans un second article du blog, Philippe Cornu parle plus précisément de Chögyam Trungpa : "Quand Trungpa explique les six mondes ou scénarios d’existence, il montre que nous les avons dans notre vie." Cette interprétation n'est d'ailleurs pas totalement nouvelle.

La nécessité du bardo ou antarabhava apparaît lorsque la continuité doit être assurée entre deux "vies", lorsqu'un support, en quelque sorte, du "soi" doit être trouvé lorsque ce dernier ne semble plus vraiment "unifié" : entre la mort (d'une vie) et la conception (d'une autre vie). Cette nécessité est très ancienne dans le bouddhisme. Ainsi définit historiquement, le concept de bardo est renversé par Trungpa qui y voit finalement une sorte de discontinuité pour assurer in fine la continuité de la "vie" ou plutôt de la conscience/esprit. Discontinuité qui transparaît au sein de ce qu'on nomme communément la "vie" (l'existence) sous forme d'états de doute, de confusion, d'incertitude, et discontinuité où l'esprit a le choix entre "crispation et ouverture", entre conformisme/sécurité/obscurité/nécrose et lumière/inconfort/éveil/peur.
Ces discontinuités, nous les expérimentons tous dans notre vie sous forme de "vie/mort" symbolique ("symbolique" selon notre métaphysique cartésienne) en permanence, nous dit Fabrice Midal : le premier enseignement est de voir finalement que vie et mort sont inséparables et expérimentés, non pas une fois dans notre existence (selon le dogme catholique par exemple), mais à de multiples occasions au cours de l'existence. Nous pouvons même poursuivre en écrivant que notre existence n'est finalement qu'un ensemble de discontinuités où, à chaque fois, nous faisons un choix entre ouverture et crispation, entre ouverture-à-l'éveil et fermeture-à-l'éveil.
Le Bardo Thödol expose ainsi ce que vivent les êtres, l'esprit, lorsque ces choix adviennent, au moment des bardo. Ces bardo, ces états intermédiaires de l'esprit, sont résumés et identifiés, symbolisés, par 6 scénarios ou 6 mondes.

Ce déplacement, ce renversement, proposé par Chögyam Trungpa ne se situe pas dans une logique du tiers exclu, selon Philippe Cornu, mais bien du tiers inclus : "Ce que n’arrive pas à entendre l’Occident, c’est que l’un n’exclue pas l’autre. Ce n’est pas parce que ce sont des situations existentielles qui teintent notre vécu à chaque moment, que pour autant ces tonalités dominantes ne se manifestent pas réellement." Ainsi, replacer l'enseignement du Bardo Thödol dans le point de vue du dzogchen, c'est, au moins pour la pensée occidentale, expliciter la nature non duelle de la pratique du bouddhisme (ni samsara, ni nirvana mais co-émergence entre les deux) : ce replacement est exactement isomorphe à la logique Lupascienne du Tiers Inclus. (voir Tiers Inclus... et Logique de l'Energie..)
Ainsi, l'enseignement de Chögyam Trungpa n'est jamais à prendre de manière identitaire et dogmatique mais de manière littérale, en tant que "mouvement" transitoire, en tant que voie pour rétablir un équilibre/déséquilibre. Fabrice Midal, qui tient à transmettre cet engagement fidèlement, le décrit parfaitement en 4 points ici.
Philippe Cornu tient même à souligner que la psychologie occidentale, imprégnée de métaphysique cartésienne dualiste et binaire, n'a pas pu comprendre le Bardo Thödol, comme elle ne saisit pas au fond le bouddhisme, sa pratique et sa "logique" sous-jacente, essentiellement non-dualiste mais non contradictoire, à l'instar de la logique sous-tendant la mécanique quantique par exemple.

Que sont ces 6 scénarios possibles dont nous sommes à la fois auteur et acteur ? Olivier Piazza, sur son blog, les retranscrit fidèlement. Comment s'en saisir ? Pour Fabrice Midal, à la fois comme des colorations qui teintent quotidiennement notre existence vécue, comme des visions de déités qui sont manifestations de l'énergie qui se déploie, grossièrement comme des "émotions" en quelque sorte, et à la fois comme des choix de vie, des scénarios, des manifestations très prégnantes, dans lesquelles nous entrons ou ré-entrons après la mort/naissance, que nous conditionnons et qui nous conditionnent. Une fois de plus, la difficulté à saisir vient de notre "métaphysique" dominante qui exclue et qui n'inclue pas. La difficulté provient aussi de notre acception de l'esprit/conscience et de ses rapports avec le monde phénoménal et sensoriel.

Philippe Cornu comme Svami Prajnanpad viennent à notre aide sur ce point : l'esprit conditionné/conditionneur, le mental, crée l'égo et le monde extérieur (le soi/l'autre) en réponse à son incompréhension de la "réalité", à son ignorance : "Cet épiphénomène prend toute la place et masque le fait que sous cet esprit se trouve le non-duel, inconditionné, ouvert : la nature éveillée." rappelle Philippe Cornu. L'esprit/conscience conditionné/conditionneur semble s'approcher selon deux identités antagonistes : le conditionné, relié à nos sens, organise la cohérence de nos représentations du monde, il ne donne pas de valeur affective aux objets et phénomènes ainsi discriminés; le conditionneur, relié à nos passions, nos affects, nos émotions, colore et donne une valeur affective à nos représentations et aux phénomènes qui nous traversent; les deux antagonistes forment le couple conditionné/conditionneur qui, in fine, enferme l'esprit/conscience dans la permanence, la douleur et l'égo, dans la crispation. Ce couple ignore la nature non-duelle, lumineuse, "vide" (au sens de vacuité, donc isomorphe à "vide quantique") et connaissante de l'esprit/conscience. Philippe Cornu le déclare clairement :"l'esprit est une substance étendue et non une substance pensante. (...) C’est l’esprit vide et lumineux, c’est-à-dire connaissant ; non-dualiste, il n’entre pas dans la distinction entre sujet et objet."

Je suis très tenté, à ce point, d'inclure cette dernière dénomination/propriété de l'esprit/conscience au sein d'une tridialectique lupascienne : l'esprit/conscience, unitaire, possèderait ainsi trois orientations privilégiées et divergentes. Il est tentant alors d'explorer la "doctrine" du trikaya qui dans le bouddhisme vajrayana ou mahayana explicite trois plans de la réalité du Bouddha et de rapprocher ces deux courants de pensée. Cela nous emmènerait trop loin pour le moment, nous y reviendrons...

Comment se saisir de l'esprit/conscience vide, lumineux et connaissant ? Fabrice Midal, Philippe Cornu, Svami Prajnanpad insistent sur l'enseignement premier de Bouddha : expérimenter pour voir, écouter et connaitre ce qui est ! La méditation selon Philippe Cornu : "Dans la méditation, on va débrancher le mental passionné. En ralentissant l’esprit on peut analyser clairement ce que sont les phénomènes qui nous entourent dans la vision pénétrante. On ralentit le flot des pensées et on ouvre l’espace, ce qui fait le plus peur à l’ego. La méditation est si difficile, on rame et on lutte tant, car le mental passionné ne veut pas lâcher prise. On se focalise sur le contenu des émotions ou des pensées plutôt que les voir comme de simples mouvements dans l’esprit."

Ainsi, écouter l'enseignement contenu dans le Bardo Thödol doit permettre à l'esprit/conscience de se libérer des choix multiples et antagonistes s'offrant à lui pendant les états intermédiaires, les bardo, et accéder ainsi à son état "naturel" (de rigpa) : pur, lumineux et vide.
Ecouter, c'est aussi voir et agir, donner à l'autre.
Lors d'un deuil, Philippe Cornu souligne : "Cela permet de faire le deuil de manière exemplaire, car vous êtes en contact avec la personne, plutôt qu’avec votre chagrin et votre perte. Vous avez fait quelque chose pour l’autre sans vous apitoyer sur vous, cela change totalement la donne. Il n’y a plus la culpabilité d’être vivant, car on peut faire du bien à la personne, en pensant vraiment à elle. Il y a un processus thérapeutique, une forme de deuil actif."

Le Bardo Thödol contient au final une formidable aventure humaine, pragmatique et théorique, une formidable approche de l'existence "à partir de l'expérience la plus directe et la plus nue".

mercredi 24 février 2010

Voir et Connaitre

Un soir de fin de printemps, chez une amie, PB, j'ai été attiré dans sa bibliothèque par des mots : "De l'autre côté du désespoir". Amusant, non ? Comme une invitation à la Lewis Caroll, de passer derrière le miroir de la réalité. Point de science fiction, ici, mais de philosophie, par le très sérieux André Comte-Sponville qui, dans ce court essai, rapporte sa confrontation littéraire avec un "sage" indien, Svami Prajnanpad. Ce pont entre Orient et Occident, André Comte-Sponville (ACS) n'est pas le premier philosophe à l'avoir réalisé et il tient pour beaucoup aussi à la formation et au parcours de Svami Prajnanpad qui a su renouer avec sa tradition en utilisant des outils venus d'Occident (physique et psychanalyse freudienne). Mais cette rencontre est fraiche, décapante et dans cet essai très dense, ACS tient le pari d'extraire l'essence de la pensée et de la conduite de Prajnanpad, tels qu'ils peuvent être décrits dans les nombreux ouvrages écrits sur lui (il n'a jamais écrit lui-même) par ses "disciples".

Cette découverte, pour moi comme apparemment pour ACS à l'époque, est de constater qu'un sage oriental, qu'un maitre spirituel propose une voie, hors de toute religion, hors de tout dogme, hors de toute doctrine, hors de toutes croyances, hors de tout enseignement, hors de toute métaphysique presque, hors de toute pensée même. "Non pas espérer mais connaitre; non pas croire mais voir."
L'aridité, pour un occidental certes, mais même pour tout humain, du chemin proposé est telle, que définir ce dernier, l'illustrer, se le représenter passe d'abord par la négation de tout ce qu'on croit solide, de tout ce à quoi nous nous attachons en dernier ressort de peur de perdre pied. Et non pas le saisir, ni le comprendre, mais le vivre simplement, le connaitre et le voir réclame au préalable cette perte de repères.

Dans cet essai qui se veut une introduction à la pensée de Svami Prajnanpad, ACS recommande chaleureusement la lecture de "L'expérience de l'unité" écrite par Sumangal Prakash, un "disciple" indien de Svamiji. Il s'agit d'un recueil d'entretiens entre les deux hommes à travers lesquels se dessine justement le chemin que nous tentons maladroitement de décrire ici. Roger Pol-Droit lui-même a écrit : "Rebelle à tout résumé, la lecture de ce document est en elle-même une expérience à ne pas rater."

Je ne peux donc que vous inviter à parcourir vous aussi ce chemin étroit et parfois austère, ce chemin abrupt mais parfois très gai, ce chemin qui finalement ne vous mènera nulle part à part ici et maintenant et vers personne à part vous même.

Si, il est très utile de comprendre que Svamiji n'est pas un philosophe et qu'il ne fait pas entrer dans une "chapelle", aussi mystique soit elle.
Il est, pour moi en tout cas, comme une sorte de derviche tourneur, qui se joue des référentiels, mais qui relie à l'univers.
Il est un mouvement qui vous invite à prendre part à votre mouvement. L'unique possible : le vôtre, e.n.t.i.è.r.e.m.e.n.t.

Voir et Connaitre.

lundi 22 février 2010

Relience I

Chaos et Imprédictibilité se termine sur un désir de se tourner vers le présent pour assoir nos convictions sur le réel.
La mort est une transition quantique , outre le fait qu'il illustre un univers déjà réalisé dans ses potentialités, nous ramène également à la saisie de l'ici et maintenant.
Le temps de la lumière..., nous invite à réaliser que l'étude des limites en sciences est féconde pour la représentation et la compréhension des phénomènes. En l'espèce, se confronter à la lumière (énergie sans masse) nous amène à la représentation d'une réalité comme des champs étendus sur l'espace-temps. Et immédiatement, à une vue hors de cette limite physique construite et validée. Et, par mise en abyme, à un mouvement permanent de connaissance grâce à la lumière !
Systèmes quantiques et frontières nous confronte à la nécessité d'accéder à un autre niveau de conscience pour nous représenter intuitivement la réalité telle que décrite par la mécanique quantique. Cet article nous pousse, en admettant la non séparation du réel, à envisager soit une torsion permanente dans l'analyse entre objet et sujet, soit la nécessité d'une connaissance sans distance, immédiate et fondamentalement holistique.
Quand l'imprécision..., met le doigt sur le déni fondamental de l'humain ( à savoir l'insoutenable incertitude de la connaissance à distance de la réalité) et saborde du même coup notre confiance scientifique en l'instant présent tout en nous invitant à puiser dans nos peurs et en l'amour pour tenter cette saisie du réel.
Quand le futur détermine...., nous confronte au principe de causalité et nous laisse entrevoir cependant que la science est apte à affronter ses propres paradoxes pour répondre à nos questions existentielles.
Echelles, Nombres et Perception nous laisse voir que in fine, cette dernière est reliée à l'affectif et que ce dernier semble seul capable d'embrasser la complexité.
L'ombre du savoir met en évidence la complémentaire dichotomie entre saisie et compréhension du réel (sorte de principe de complémentarité ?) par l'illustration d'une nécessaire expérimentation dissynchonique révélatrice d'une transmission et d'un désir.

Ainsi, en opposant/rapprochant deux modes d'appréhension complémentaires du réel (basiquement décrits en neurobiologie ou en psychologie par l'organisation bi-hémisphérique de notre cerveau : langage et analyse d'un côté et émotion et connaissance non verbale de l'autre) il est possible d'affronter les paradoxes de l'espace-temps dans lequel nous semblons vivre.

Développons...

samedi 20 février 2010

L'Ombre du Savoir...

Je n'ai plus en tête le lien précis qui m'a amené jusqu'à Nikos Lygéros. Il est vrai que la production complexe de cet homme et quasi "infiniment" dense laisse ouvert (puisqu'il "produit" tous les jours) un nombre de liens vertigineusement grand !
En revanche, le premier article consulté est très certainement celui sur l'apprentissage du problème de l'ombre à des enfants.
L'intérêt de Nikos Lygéros est ici d'illustrer par l'expérimentation que l'appréhension du monde, de la réalité, est lié au préalable de la connaissance d'un certain nombre de concepts formels.
"Même si l'ombre est nécessairement une simplification de données à trois dimensions, sa définition n'est pas immédiate pour des enfants lorsqu'il s'agit de la représenter de manière réaliste. C'est alors que nous découvrons que l'enfant ne comprend pas nécessairement ce qu'il regarde et qu'il ne voit que ce qu'il comprend. Il sait ce que représente l'ombre mais il ne sait pas nécessairement la représenter."

Plus exactement, Nikos Lygéros souligne dans la compréhension, la phase préalable de représentation nécessaire à la saisie du réel. Les deux termes sont mis ici en équilibre : nous ne comprenons pas tout ce que nous regardons car nous ne voyons que ce que nous comprenons. L'étendue embrassée est vaste, possiblement "infinie" comparativement à nos possibilités cognitives et effectivement, nous percevons seulement ce que nous comprenons déjà. Donc, il nous faut acquérir au minimum la "notion" du relatif (pour placer l'objet étudié parmi d'autres et même pour le distinguer des autres !) et apprendre l'algorithme qui nous permet de (re)trouver le résultat escompté (en l'espèce apprendre la représentation de l'ombre par exemple). Une fois acquise cette représentation mentale de la réalité, nous nous saisissons d'elle.

Ce processus peut sembler étrange et à l'exacte opposée du bon sens ! C'est à dire que ce processus semble fonctionner à rebrousse temps (pour reprendre un célèbre titre (en français) de Philipp K Dick !) puisque la saisie semble subordonnée à sa représentation, puisque un acte de saisie du réel au temps t semble subordonné à un apprentissage d'une durée plus longue et dont la fin se situe au minimum à t-1. En écrivant cette phrase, on voit immédiatement qu'il n'y a point de paradoxe puisque il y a discontinuité et qu'il faut dans la démonstration ajouter un facteur : la transmission ou l'intervention d'un tiers.

En effet, se saisir du réel est un jeu d'enfant ! Mais transmettre cette saisie à autre que soi, c'est....un exercice plus délicat et qui requiert justement l'apprentissage de la représentation du réel. Nikos Lygéros finit son article (sus mentionné) en affirmant : "Car ce n'est qu'à travers le mental que nous comprenons la réalité.". Certes, mais pour prendre avec soi (étymologiquement "comprendre"), il faut d'abord implicitement reconnaitre mentalement un "soi", donc un autre, puis explicitement reconnaitre ce désir de transmettre à l'autre (ou à soi !) sa représentation mentale.
Et la saisie du réel se trouve alors contenue dans ce désir explicite de transmettre.

Nous ne voyons, au fond, que ce que nous désirons voir, que ce que nous désirons partager avec l'autre.
Et le savoir n'est rien sans sa transmission à l'autre.