Je n'ai plus en mémoire le lien exact qui m'a fait découvrir Stéphane Laborde. J'imagine aujourd'hui que c'est d'abord quelques questions de physique quantique; il y a aussi le fait que Stéphane Laborde dans son blog "Pour une science de l'esprit" convoque Jean Staune, Roger Penrose et Stephen Hawking entre autres comme contributeurs intellectuels à sa propre quête et je connais certains écrits de ces érudits. Bref, ces liens ont fini par créer une proxémie entre nous. Et j'avoue donc que depuis de nombreux mois maintenant, je suis un lecteur assidu de ce blog là. Ses articles alimentent aussi ma réflexion.
Stéphane Laborde m'a fait découvrir François Martin de Volnay, chercheur en physique théorique au LPTHE et qui depuis 2003 écrit sur une théorie quantique de la psyché, en collaboration avec divers auteurs. Ce physicien a écrit et publié, depuis, plusieurs articles sur le sujet et nous y reviendrons avec plaisir tant ces lectures ont ouvert en moi de nombreuses portes et pistes d'investigation.
La première porte s'est ouverte grâce à sa discussion sur le problème de la mesure en physique quantique et à ses explicitations conceptuelles de la matière tirées de la Théorie Quantique des Champs.
Il est en effet nécessaire à François Martin de Volnay de poser un certain nombre de postulats pour asseoir et développer sa théorie. Postulats qu'il argumente avec la littérature scientifique disponible mais qui ne remettent pas en cause le statut "théorique" et non totalement tranché de la mesure en physique quantique. Il serait long ici d'exposer tous les courants et approches qui participent au débat du problème de la mesure quantique. Pour un rapide aperçu, voir wikipédia.
En revanche, utiliser les postulats et les calculs de la physique quantique pour décrire le psychisme humain (dans un premier temps) permet d'éclairer en retour ces postulats et les diverses approches interprétatives étudiées depuis près d'un siècle. François Martin utilise ainsi aussi bien la théorie de la décohérence (pour éclairer la notion de libre arbitre par exemple et la conscience de nos actes et choix) que les modèles qui nient ce fameux postulat 5 de la physique quantique (Everett, Cerf et Adami) (pour éclairer la notion d'inconscient et les échanges d'information inconscients entre personnes comme lors d'une relation thérapeutique). François Martin utilise les matériaux à sa disposition qui lui semblent le plus opportun à sa thèse. Car, l'interprétation de l'Ecole de Copenhague (majoritairement admise et usitée), dans sa dimension positiviste ne nous aide guère à comprendre la réalité ! Mais François Martin tranche cependant dans sa conférence donnée à Genève en février 2009 devant des psychiatres où il écrit clairement dans ses conclusions (p.18) que : " La projection de notre subjectivité dans l'environnement dans lequel nous baignons (phénomènes de synchronicité de type II) en accord avec la mécanique quantique, réfute aussi bien l'hypothèse locale ("chaque individu est dans son coin d'espace-temps") que l'hypothèse réaliste ("l'objet a une réalité bien définie en dehors du sujet").".
Je veux donc souligner ici que l'étude de la conscience d'un point de vue quantique nous renseigne par isomorphisme sur la métaphysique de la mécanique quantique elle-même. Il est vrai qu'elle se prête particulièrement bien au propos car elle est au cœur de la saisie du réel, donc au cœur d'une métaphysique existentielle.
Que nous propose donc la métaphysique de la mécanique quantique comme vision du monde ?
"Une des caractéristiques de la physique quantique est son impossibilité à être formulée en termes “classiques”. "(...)un système ne peut pas être décrit classiquement comme une onde ou un corpuscule. Il est en fait “les deux ensemble” dans le sens où, dans la réalité expérimentale, certaines expériences le font apparaître comme une onde tandis que d’autres le font apparaître comme un corpuscule. Seuls des objets mathématiques, comme les fonctions d’onde ou les champs quantiques, peuvent décrire ce double aspect “contradictoire” des systèmes quantiques."
Cette impossibilité quasi ontologique de la physique quantique a être décrite par des visualisations physiques communes attachées à notre quotidien "classique" est abordée par de nombreux auteurs dont Bernard d'Espagnat et rejoint Lothar Schäfer qui va cependant plus loin quand il déclare que les états quantiques décrits par des vecteurs ne sont en fait que des idées abstraites, donc de la pensée pure.
Mais la réalité est elle réductible à ces objets mathématiques qui décrivent des propriétés de la réalité ? Certes, oui, nous répond Lothar Schäfer; certes, non, nous rétorque François Martin en s'appuyant sur la dualité matière/esprit pour élaborer sa théorie. Et si la matière comme l'esprit peuvent être décrits par des objets mathématiques au sein d'une mécanique spécifique, aucun des deux n'est réductible à l'autre.
Ensuite, “Le problème important dans la métaphysique de la mécanique quantique est la question de savoir où placer la coupure entre l’observateur (le sujet) et l’objet observé. La stupéfiante constatation de (John) von Neumann est que son placement est sans rapport avec l’évènement mesuré. La coupure est déplaçable."
Ces propos de S. Klein (cités par F.Martin) sont absolument décapants ! Ce déplacement théorique et sémantique a permis à Hugh Everett d'imaginer en 1957 que l'univers dans son entier est quantique et de proposer que le processus de mesure n'implique pas la réduction de la fonction d'onde au seul vecteur d'état mesuré mais que cette dernière continue à être superposition de tous les possibles. Cette théorie des "Univers Parallèles" a été à mon sens mal interprétée et il y manquait non seulement un mode opératoire mais également une notion d'écologie (au sens d'une efficience et d'une heuristique).
Plus tard, la décohérence (Zeh, Zurek) a élargie la mesure à l'environnement et considère le système quantique constitué de l'objet étudié et du détecteur comme intriqué avec son environnement. Du fait de la complexité quantique de l'environnement, on admet qu'un certain nombre d'interférences entre vecteurs d'état deviennent négligeables et le système quantique est alors décrit par un opérateur représentant non plus une superposition d'états purs mais un mélange statistique d'états purs. La mesure quantique définit alors des états "classiquement" possibles et observables du système.
En gros, la théorie de la décohérence élargit le "champ" de la mesure en y incluant l'univers dans son entier et en admettant (par le bon sens !) que toute observation (par définition) locale ne peut rendre compte de l'infinité des interactions possibles. Ou, pour le dire autrement, nous observons localement un "système" global et ce système a autant de visages que de points de vues locaux.
TXT le dit très bien, dans les "Voies de La Lumière" (p.221) : "Avec la décohérence, la barrière érigée par Bohr entre le monde microscopique et le monde macroscopique n'a plus lieu d'être. (...) L'acte d'observation n'est plus spécifique, car il n'est qu'un autre exemple d'interaction de la particule observée avec son environnement. L'observateur et la particule élémentaire sont sur un pied d'égalité, car leurs évolutions quantiques sont toutes deux décrites par la fonction d'onde de Schrödinger."
Ainsi, pas de frontière entre objet et sujet. Pas de frontière entre local et global. Pas de frontière entre infiniment petit et infiniment grand.
C'est tout simplement vertigineux.
Il reste un problème : si la mesure, la saisie du réel, se réduit au final à un mélange statistique d'états, comment le choix mesuré, unique état, se réalise ? Par exemple, comment la particule se retrouve "là" plutôt que "ici" ? Dans la célèbre expérience de pensée dit du chat de Schrödinger, comment se fait il que le chat soit mort plutôt que vivant par exemple ? Car nous n'observons jamais avec notre conscience qu'une unique possibilité, qu'un unique chemin, qu'une unique histoire parmi toutes celles possibles et calculables.
Alors la théorie de la décohérence a beau vouloir supprimer l'effet prépondérant de l'observateur, en le rendant égal à l'effet d'autres interactions, il reste que la question du choix final demeure sans réponse, ou tout au moins repoussée hors de ce que la physique actuelle peut appréhender !
Nous verrons que l'apport de François Martin de Volnay à cette question est pertinente et décapante...
à suivre...
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