Nous avons déjà écrit sur François Martin de Volnay (FMV), physicien membre du LPTHE à Paris, notamment sur les théories qu'il a développées sur la psyché quantique. (voir le lien vers son site internet et les articles suivants : "Système Quantique et Frontières" et "Quand le futur détermine le passé").
Il est temps d'y revenir vraiment. Que nous propose donc ce chercheur ? Un modèle quantique de psyché. Or, nous avons pris connaissances de travaux philosophiques qui viennent appuyer et soutenir cette comparaison, voire cette analogie, voire cet isomorphisme, entre quantique et psychisme. Il est donc d'actualité de prendre connaissance d'une formalisation rigoureuse entre ces deux-là !
Les arguments qui motivent FMV sont rappelés dans cette conférence qu'il a accordé en 2009 (déjà cité) : la conscience "est au moins un système quantique" même si "il est probable qu’elle est plus que cela." Et "Il est clair que la conscience n’est pas un système classique". Les arguments "techniques" sont développés plus haut (§3.1 p.9), qu'on peut résumer par : "Il n’y a pas de séparation entre l’objet et le sujet qui observe l’objet." Ainsi, la conscience fait clairement partie de la physique quantique tout en ne se réduisant pas à celle-ci. FMV ne parle pas d'isomorphisme, il reste prudent et pragmatique.
Ensuite, le physicien avance le phénomène des synchronicités, premièrement décrits selon lui par Carl G. Jung et documentés dès son époque par la physique quantique grâce à ses travaux psychanalytiques avec Wolfgang Pauli. En fait, l'interprétation physique des synchronicités amène à s'interroger également sur la séparation entre objet/sujet et donc sur l'identité, cette fois, entre notre environnement et notre conscience : "Notre environnement serait ainsi identique à notre subjectivité, ou plutôt il serait une représentation de notre subjectivité. En allant plus loin nous pourrions dire qu’il “EST” notre subjectivité." Mais, nous l'avons vu, FMV ne souhaite pas aller plus loin et réduire de manière réciproque et identitaire le monde observé et l'observateur. Il souligne cependant que la synchronicité, paradoxale dans une interprétation "classique" de la réalité car a-causale, redevient tout à fait abordable dans une interprétation quantique de la réalité, c'est à dire, nous l'avons compris maintenant, dans une logique de l'inclusion et non de l'exclusion.
Enfin, FMV argumente sur le(s) processus de l'émergence de la conscience dont les mécanismes ne sont pas totalement éclaircies par la science et à la suite de nombreux auteurs physiciens ou mathématiciens, souhaite lui aussi participer à cette recherche d'une meilleure compréhension grâce aux outils issus de la physique quantique.
En gros, comme le chercheur le rappelle dans sa conclusion : "un certain nombre de phénomènes psychiques ne sont pas explicables dans le cadre de la mécanique dite “classique”." Aussi, il est pertinent de tenter de les expliquer dans le cadre de la mécanique quantique...
Quel cadre définit il pour son modèle ? FMV développe ce sujet dans son premier article de 2003 et le résume dans celui de 2007 : sa théorie s'intéresse aux états mentaux et non pas aux états physiques du cerveaux, dans un cadre dualiste entre esprit et matière. Ainsi, il ne se situe pas dans la lignée des théories quantiques des états physiques du cerveau comme celles de Beck et Eccles par exemple. En revanche, il revendique la succession des théories de Jung et Pauli sur ce sujet. Enfin, la dualité assumée permet au chercheur de pratiquer la science physique, même si son travail revendique une étude aux marges, aux limites des points de vues "classiques".
Très clairement, FMV pose sa posture en équilibre sur les 2 polarités existantes (dans la logique "classique" ou de l'exclusion) : ni matérialiste (la conscience provient exclusivement du fonctionnement organique du cerveau, elle reste un "objet" matérielle) ni "spiritualiste" ( la conscience provient d'un au-delà du corps et ne peut s'appréhender scientifiquement, elle est un "sujet" spirituel) : les états mentaux, représentés et formalisés par les outils de la mécanique quantique, ne sont donc pas réductibles aux états physiques, matériels, du cerveau mais leur sont corrélés. Son travail ne consistera pas à décrire proprement cette corrélation mais bien plutôt à postuler la représentation de la psyché et l'explication de ses concepts , par analogie avec la description de la matière microphysique. FMV s'empare ainsi de la réflexion de Stanley Klein (professeur en neurosciences) sur le lien étroit qui existe entre l'observateur de la mécanique quantique (problème de la mesure) et la conscience subjective de l'observateur (problème des qualia ?) en postulant comme lui la coupure sujet/objet entre la conscience d'une part (:=: sujet) et l'inconscience d'autre part (:=: objet) (étant entendu que la "coupure" est toujours déplaçable...).
Quels développements propose FMV ? Il propose essentiellement une analogie, pour ne pas dire plus, entre matière microphysique et "matière" psychique (pour reprendre les termes lupasciens).
Ainsi, "le psychisme humain est une excitation particulière d’un champ psychique de nature quantique sous-jacent et universel" comme un électron par exemple est une excitation possible, un quantum, du champ quantique correspondant. Ensuite, "Le psychisme humain aurait ainsi une représentation analogue à un système quantique, avec des états virtuels et des états physiques qui correspondraient respectivement à la potentialité et à l’actualisation de l’esprit humain." Cette représentation se fait sous forme d'opérateurs, vecteurs d'états psychiques au sein d'un espace psychique des possibles. L'état psychique d'une personne est comme la superposition d'idées différentes ou d'états psychiques indépendants entre eux. Puis, chez l'humain au moins, intervient non seulement la conscience mais également la conscience de soi : ces deux états sont dialectiquement antagonistes et leur tension continue ("leurs transitions") "constitue(nt) l’essentiel du dynamisme de la psyché humaine" selon FMV.
A ce point là, nous pensons à la logique du tiers inclus : "Dans des circonstances normales une personne se situe “entre” les deux pôles dialectiquement opposés de la conscience et de la conscience de soi-même." Mais S. Lupasco décrit la conscience de soi plutôt comme le tiers inclus d'un couple d'antagonistes : le réel connu actualisé et la conscience connaissante potentialisée. Ainsi, nous pouvons interpréter les développements de FMV selon cet axe : c'est bien la tension continue entre l'actualisé et le potentialisé, entre les états physiques et les états virtuels du psychisme qui constitue son dynamisme. Or, dans cette continuité (constituée de discontinuités : les états potentiels de la (conscience + inconscience)), il existe un état dialectiquement opposé aux deux précédents : c'est la conscience de la (conscience + inconscience), mi-potentialisé et mi-actualisé. C'est la raison pour laquelle la conscience de soi peut à la fois sélectionner un état virtuel (une pensée potentielle) sans l'actualiser et à la fois, en tant que libre arbitre, sélectionner un état virtuel en l'actualisant en état physique, réel (au sens mesurable). Il me semble aujourd'hui que sans cet éclairage lupascien, les développements de FMV (§4 et §5, 2003) peuvent apparaître comme confus, or, avec cet éclairage, les divers concepts mis en œuvre trouvent leur place et leur dynamique. Ainsi, au sein de la triade définie plus haut, nous trouvons bien que la coupure est déplaçable le long des transitions continues du psychisme, mais sans jamais se réduire à l'un des trois antagonistes en présence : la dualité n'est pas inconsistante comme le souligne FMV, à cause justement de cette triple dialectique ! N'oublions pas, comme nous l'avons vu avec B. Nicolescu, que la triade lupascienne se comprend plus aisément couplée avec le concept de "niveau de réalité", ce que sous entend FMV lorsqu'il écrit que seul l'état actualisé, mesuré, s'inscrit dans l'espace-temps, les états virtuels, potentiels, antagonistes, ne le sont pas donc appartiennent bien à un autre niveau de réalité que celui décrit implicitement par ce concept "d'espace-temps".
Munie de la coloration lupascienne, la théorie quantique de la psyché humaine de FMV, permet d'expliciter plus simplement une boîte à outils conceptuels (actuel, potentiel, virtuel, physique, libre arbitre, décohérence etc..) et par retour fournit à la logique des 3 matières, un puissant outil prédictif qui doit permettre de démontrer plus que l'analogie entre matière psychique et matière microphysique.
...à suivre...
Pour tenter, d'une singularité, de relier des savoirs, d'élaborer une complexité et de la transmettre...
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samedi 22 mai 2010
mercredi 24 février 2010
Voir et Connaitre
Un soir de fin de printemps, chez une amie, PB, j'ai été attiré dans sa bibliothèque par des mots : "De l'autre côté du désespoir". Amusant, non ? Comme une invitation à la Lewis Caroll, de passer derrière le miroir de la réalité. Point de science fiction, ici, mais de philosophie, par le très sérieux André Comte-Sponville qui, dans ce court essai, rapporte sa confrontation littéraire avec un "sage" indien, Svami Prajnanpad. Ce pont entre Orient et Occident, André Comte-Sponville (ACS) n'est pas le premier philosophe à l'avoir réalisé et il tient pour beaucoup aussi à la formation et au parcours de Svami Prajnanpad qui a su renouer avec sa tradition en utilisant des outils venus d'Occident (physique et psychanalyse freudienne). Mais cette rencontre est fraiche, décapante et dans cet essai très dense, ACS tient le pari d'extraire l'essence de la pensée et de la conduite de Prajnanpad, tels qu'ils peuvent être décrits dans les nombreux ouvrages écrits sur lui (il n'a jamais écrit lui-même) par ses "disciples".
Cette découverte, pour moi comme apparemment pour ACS à l'époque, est de constater qu'un sage oriental, qu'un maitre spirituel propose une voie, hors de toute religion, hors de tout dogme, hors de toute doctrine, hors de toutes croyances, hors de tout enseignement, hors de toute métaphysique presque, hors de toute pensée même. "Non pas espérer mais connaitre; non pas croire mais voir."
L'aridité, pour un occidental certes, mais même pour tout humain, du chemin proposé est telle, que définir ce dernier, l'illustrer, se le représenter passe d'abord par la négation de tout ce qu'on croit solide, de tout ce à quoi nous nous attachons en dernier ressort de peur de perdre pied. Et non pas le saisir, ni le comprendre, mais le vivre simplement, le connaitre et le voir réclame au préalable cette perte de repères.
Dans cet essai qui se veut une introduction à la pensée de Svami Prajnanpad, ACS recommande chaleureusement la lecture de "L'expérience de l'unité" écrite par Sumangal Prakash, un "disciple" indien de Svamiji. Il s'agit d'un recueil d'entretiens entre les deux hommes à travers lesquels se dessine justement le chemin que nous tentons maladroitement de décrire ici. Roger Pol-Droit lui-même a écrit : "Rebelle à tout résumé, la lecture de ce document est en elle-même une expérience à ne pas rater."
Je ne peux donc que vous inviter à parcourir vous aussi ce chemin étroit et parfois austère, ce chemin abrupt mais parfois très gai, ce chemin qui finalement ne vous mènera nulle part à part ici et maintenant et vers personne à part vous même.
Si, il est très utile de comprendre que Svamiji n'est pas un philosophe et qu'il ne fait pas entrer dans une "chapelle", aussi mystique soit elle.
Il est, pour moi en tout cas, comme une sorte de derviche tourneur, qui se joue des référentiels, mais qui relie à l'univers.
Il est un mouvement qui vous invite à prendre part à votre mouvement. L'unique possible : le vôtre, e.n.t.i.è.r.e.m.e.n.t.
Voir et Connaitre.
Cette découverte, pour moi comme apparemment pour ACS à l'époque, est de constater qu'un sage oriental, qu'un maitre spirituel propose une voie, hors de toute religion, hors de tout dogme, hors de toute doctrine, hors de toutes croyances, hors de tout enseignement, hors de toute métaphysique presque, hors de toute pensée même. "Non pas espérer mais connaitre; non pas croire mais voir."
L'aridité, pour un occidental certes, mais même pour tout humain, du chemin proposé est telle, que définir ce dernier, l'illustrer, se le représenter passe d'abord par la négation de tout ce qu'on croit solide, de tout ce à quoi nous nous attachons en dernier ressort de peur de perdre pied. Et non pas le saisir, ni le comprendre, mais le vivre simplement, le connaitre et le voir réclame au préalable cette perte de repères.
Dans cet essai qui se veut une introduction à la pensée de Svami Prajnanpad, ACS recommande chaleureusement la lecture de "L'expérience de l'unité" écrite par Sumangal Prakash, un "disciple" indien de Svamiji. Il s'agit d'un recueil d'entretiens entre les deux hommes à travers lesquels se dessine justement le chemin que nous tentons maladroitement de décrire ici. Roger Pol-Droit lui-même a écrit : "Rebelle à tout résumé, la lecture de ce document est en elle-même une expérience à ne pas rater."
Je ne peux donc que vous inviter à parcourir vous aussi ce chemin étroit et parfois austère, ce chemin abrupt mais parfois très gai, ce chemin qui finalement ne vous mènera nulle part à part ici et maintenant et vers personne à part vous même.
Si, il est très utile de comprendre que Svamiji n'est pas un philosophe et qu'il ne fait pas entrer dans une "chapelle", aussi mystique soit elle.
Il est, pour moi en tout cas, comme une sorte de derviche tourneur, qui se joue des référentiels, mais qui relie à l'univers.
Il est un mouvement qui vous invite à prendre part à votre mouvement. L'unique possible : le vôtre, e.n.t.i.è.r.e.m.e.n.t.
Voir et Connaitre.
mercredi 10 février 2010
Système Quantique et Frontières...
Je n'ai plus en mémoire le lien exact qui m'a fait découvrir Stéphane Laborde. J'imagine aujourd'hui que c'est d'abord quelques questions de physique quantique; il y a aussi le fait que Stéphane Laborde dans son blog "Pour une science de l'esprit" convoque Jean Staune, Roger Penrose et Stephen Hawking entre autres comme contributeurs intellectuels à sa propre quête et je connais certains écrits de ces érudits. Bref, ces liens ont fini par créer une proxémie entre nous. Et j'avoue donc que depuis de nombreux mois maintenant, je suis un lecteur assidu de ce blog là. Ses articles alimentent aussi ma réflexion.
Stéphane Laborde m'a fait découvrir François Martin de Volnay, chercheur en physique théorique au LPTHE et qui depuis 2003 écrit sur une théorie quantique de la psyché, en collaboration avec divers auteurs. Ce physicien a écrit et publié, depuis, plusieurs articles sur le sujet et nous y reviendrons avec plaisir tant ces lectures ont ouvert en moi de nombreuses portes et pistes d'investigation.
La première porte s'est ouverte grâce à sa discussion sur le problème de la mesure en physique quantique et à ses explicitations conceptuelles de la matière tirées de la Théorie Quantique des Champs.
Il est en effet nécessaire à François Martin de Volnay de poser un certain nombre de postulats pour asseoir et développer sa théorie. Postulats qu'il argumente avec la littérature scientifique disponible mais qui ne remettent pas en cause le statut "théorique" et non totalement tranché de la mesure en physique quantique. Il serait long ici d'exposer tous les courants et approches qui participent au débat du problème de la mesure quantique. Pour un rapide aperçu, voir wikipédia.
En revanche, utiliser les postulats et les calculs de la physique quantique pour décrire le psychisme humain (dans un premier temps) permet d'éclairer en retour ces postulats et les diverses approches interprétatives étudiées depuis près d'un siècle. François Martin utilise ainsi aussi bien la théorie de la décohérence (pour éclairer la notion de libre arbitre par exemple et la conscience de nos actes et choix) que les modèles qui nient ce fameux postulat 5 de la physique quantique (Everett, Cerf et Adami) (pour éclairer la notion d'inconscient et les échanges d'information inconscients entre personnes comme lors d'une relation thérapeutique). François Martin utilise les matériaux à sa disposition qui lui semblent le plus opportun à sa thèse. Car, l'interprétation de l'Ecole de Copenhague (majoritairement admise et usitée), dans sa dimension positiviste ne nous aide guère à comprendre la réalité ! Mais François Martin tranche cependant dans sa conférence donnée à Genève en février 2009 devant des psychiatres où il écrit clairement dans ses conclusions (p.18) que : " La projection de notre subjectivité dans l'environnement dans lequel nous baignons (phénomènes de synchronicité de type II) en accord avec la mécanique quantique, réfute aussi bien l'hypothèse locale ("chaque individu est dans son coin d'espace-temps") que l'hypothèse réaliste ("l'objet a une réalité bien définie en dehors du sujet").".
Je veux donc souligner ici que l'étude de la conscience d'un point de vue quantique nous renseigne par isomorphisme sur la métaphysique de la mécanique quantique elle-même. Il est vrai qu'elle se prête particulièrement bien au propos car elle est au cœur de la saisie du réel, donc au cœur d'une métaphysique existentielle.
Que nous propose donc la métaphysique de la mécanique quantique comme vision du monde ?
"Une des caractéristiques de la physique quantique est son impossibilité à être formulée en termes “classiques”. "(...)un système ne peut pas être décrit classiquement comme une onde ou un corpuscule. Il est en fait “les deux ensemble” dans le sens où, dans la réalité expérimentale, certaines expériences le font apparaître comme une onde tandis que d’autres le font apparaître comme un corpuscule. Seuls des objets mathématiques, comme les fonctions d’onde ou les champs quantiques, peuvent décrire ce double aspect “contradictoire” des systèmes quantiques."
Cette impossibilité quasi ontologique de la physique quantique a être décrite par des visualisations physiques communes attachées à notre quotidien "classique" est abordée par de nombreux auteurs dont Bernard d'Espagnat et rejoint Lothar Schäfer qui va cependant plus loin quand il déclare que les états quantiques décrits par des vecteurs ne sont en fait que des idées abstraites, donc de la pensée pure.
Mais la réalité est elle réductible à ces objets mathématiques qui décrivent des propriétés de la réalité ? Certes, oui, nous répond Lothar Schäfer; certes, non, nous rétorque François Martin en s'appuyant sur la dualité matière/esprit pour élaborer sa théorie. Et si la matière comme l'esprit peuvent être décrits par des objets mathématiques au sein d'une mécanique spécifique, aucun des deux n'est réductible à l'autre.
Ensuite, “Le problème important dans la métaphysique de la mécanique quantique est la question de savoir où placer la coupure entre l’observateur (le sujet) et l’objet observé. La stupéfiante constatation de (John) von Neumann est que son placement est sans rapport avec l’évènement mesuré. La coupure est déplaçable."
Ces propos de S. Klein (cités par F.Martin) sont absolument décapants ! Ce déplacement théorique et sémantique a permis à Hugh Everett d'imaginer en 1957 que l'univers dans son entier est quantique et de proposer que le processus de mesure n'implique pas la réduction de la fonction d'onde au seul vecteur d'état mesuré mais que cette dernière continue à être superposition de tous les possibles. Cette théorie des "Univers Parallèles" a été à mon sens mal interprétée et il y manquait non seulement un mode opératoire mais également une notion d'écologie (au sens d'une efficience et d'une heuristique).
Plus tard, la décohérence (Zeh, Zurek) a élargie la mesure à l'environnement et considère le système quantique constitué de l'objet étudié et du détecteur comme intriqué avec son environnement. Du fait de la complexité quantique de l'environnement, on admet qu'un certain nombre d'interférences entre vecteurs d'état deviennent négligeables et le système quantique est alors décrit par un opérateur représentant non plus une superposition d'états purs mais un mélange statistique d'états purs. La mesure quantique définit alors des états "classiquement" possibles et observables du système.
En gros, la théorie de la décohérence élargit le "champ" de la mesure en y incluant l'univers dans son entier et en admettant (par le bon sens !) que toute observation (par définition) locale ne peut rendre compte de l'infinité des interactions possibles. Ou, pour le dire autrement, nous observons localement un "système" global et ce système a autant de visages que de points de vues locaux.
TXT le dit très bien, dans les "Voies de La Lumière" (p.221) : "Avec la décohérence, la barrière érigée par Bohr entre le monde microscopique et le monde macroscopique n'a plus lieu d'être. (...) L'acte d'observation n'est plus spécifique, car il n'est qu'un autre exemple d'interaction de la particule observée avec son environnement. L'observateur et la particule élémentaire sont sur un pied d'égalité, car leurs évolutions quantiques sont toutes deux décrites par la fonction d'onde de Schrödinger."
Ainsi, pas de frontière entre objet et sujet. Pas de frontière entre local et global. Pas de frontière entre infiniment petit et infiniment grand.
C'est tout simplement vertigineux.
Il reste un problème : si la mesure, la saisie du réel, se réduit au final à un mélange statistique d'états, comment le choix mesuré, unique état, se réalise ? Par exemple, comment la particule se retrouve "là" plutôt que "ici" ? Dans la célèbre expérience de pensée dit du chat de Schrödinger, comment se fait il que le chat soit mort plutôt que vivant par exemple ? Car nous n'observons jamais avec notre conscience qu'une unique possibilité, qu'un unique chemin, qu'une unique histoire parmi toutes celles possibles et calculables.
Alors la théorie de la décohérence a beau vouloir supprimer l'effet prépondérant de l'observateur, en le rendant égal à l'effet d'autres interactions, il reste que la question du choix final demeure sans réponse, ou tout au moins repoussée hors de ce que la physique actuelle peut appréhender !
Nous verrons que l'apport de François Martin de Volnay à cette question est pertinente et décapante...
à suivre...
Stéphane Laborde m'a fait découvrir François Martin de Volnay, chercheur en physique théorique au LPTHE et qui depuis 2003 écrit sur une théorie quantique de la psyché, en collaboration avec divers auteurs. Ce physicien a écrit et publié, depuis, plusieurs articles sur le sujet et nous y reviendrons avec plaisir tant ces lectures ont ouvert en moi de nombreuses portes et pistes d'investigation.
La première porte s'est ouverte grâce à sa discussion sur le problème de la mesure en physique quantique et à ses explicitations conceptuelles de la matière tirées de la Théorie Quantique des Champs.
Il est en effet nécessaire à François Martin de Volnay de poser un certain nombre de postulats pour asseoir et développer sa théorie. Postulats qu'il argumente avec la littérature scientifique disponible mais qui ne remettent pas en cause le statut "théorique" et non totalement tranché de la mesure en physique quantique. Il serait long ici d'exposer tous les courants et approches qui participent au débat du problème de la mesure quantique. Pour un rapide aperçu, voir wikipédia.
En revanche, utiliser les postulats et les calculs de la physique quantique pour décrire le psychisme humain (dans un premier temps) permet d'éclairer en retour ces postulats et les diverses approches interprétatives étudiées depuis près d'un siècle. François Martin utilise ainsi aussi bien la théorie de la décohérence (pour éclairer la notion de libre arbitre par exemple et la conscience de nos actes et choix) que les modèles qui nient ce fameux postulat 5 de la physique quantique (Everett, Cerf et Adami) (pour éclairer la notion d'inconscient et les échanges d'information inconscients entre personnes comme lors d'une relation thérapeutique). François Martin utilise les matériaux à sa disposition qui lui semblent le plus opportun à sa thèse. Car, l'interprétation de l'Ecole de Copenhague (majoritairement admise et usitée), dans sa dimension positiviste ne nous aide guère à comprendre la réalité ! Mais François Martin tranche cependant dans sa conférence donnée à Genève en février 2009 devant des psychiatres où il écrit clairement dans ses conclusions (p.18) que : " La projection de notre subjectivité dans l'environnement dans lequel nous baignons (phénomènes de synchronicité de type II) en accord avec la mécanique quantique, réfute aussi bien l'hypothèse locale ("chaque individu est dans son coin d'espace-temps") que l'hypothèse réaliste ("l'objet a une réalité bien définie en dehors du sujet").".
Je veux donc souligner ici que l'étude de la conscience d'un point de vue quantique nous renseigne par isomorphisme sur la métaphysique de la mécanique quantique elle-même. Il est vrai qu'elle se prête particulièrement bien au propos car elle est au cœur de la saisie du réel, donc au cœur d'une métaphysique existentielle.
Que nous propose donc la métaphysique de la mécanique quantique comme vision du monde ?
"Une des caractéristiques de la physique quantique est son impossibilité à être formulée en termes “classiques”. "(...)un système ne peut pas être décrit classiquement comme une onde ou un corpuscule. Il est en fait “les deux ensemble” dans le sens où, dans la réalité expérimentale, certaines expériences le font apparaître comme une onde tandis que d’autres le font apparaître comme un corpuscule. Seuls des objets mathématiques, comme les fonctions d’onde ou les champs quantiques, peuvent décrire ce double aspect “contradictoire” des systèmes quantiques."
Cette impossibilité quasi ontologique de la physique quantique a être décrite par des visualisations physiques communes attachées à notre quotidien "classique" est abordée par de nombreux auteurs dont Bernard d'Espagnat et rejoint Lothar Schäfer qui va cependant plus loin quand il déclare que les états quantiques décrits par des vecteurs ne sont en fait que des idées abstraites, donc de la pensée pure.
Mais la réalité est elle réductible à ces objets mathématiques qui décrivent des propriétés de la réalité ? Certes, oui, nous répond Lothar Schäfer; certes, non, nous rétorque François Martin en s'appuyant sur la dualité matière/esprit pour élaborer sa théorie. Et si la matière comme l'esprit peuvent être décrits par des objets mathématiques au sein d'une mécanique spécifique, aucun des deux n'est réductible à l'autre.
Ensuite, “Le problème important dans la métaphysique de la mécanique quantique est la question de savoir où placer la coupure entre l’observateur (le sujet) et l’objet observé. La stupéfiante constatation de (John) von Neumann est que son placement est sans rapport avec l’évènement mesuré. La coupure est déplaçable."
Ces propos de S. Klein (cités par F.Martin) sont absolument décapants ! Ce déplacement théorique et sémantique a permis à Hugh Everett d'imaginer en 1957 que l'univers dans son entier est quantique et de proposer que le processus de mesure n'implique pas la réduction de la fonction d'onde au seul vecteur d'état mesuré mais que cette dernière continue à être superposition de tous les possibles. Cette théorie des "Univers Parallèles" a été à mon sens mal interprétée et il y manquait non seulement un mode opératoire mais également une notion d'écologie (au sens d'une efficience et d'une heuristique).
Plus tard, la décohérence (Zeh, Zurek) a élargie la mesure à l'environnement et considère le système quantique constitué de l'objet étudié et du détecteur comme intriqué avec son environnement. Du fait de la complexité quantique de l'environnement, on admet qu'un certain nombre d'interférences entre vecteurs d'état deviennent négligeables et le système quantique est alors décrit par un opérateur représentant non plus une superposition d'états purs mais un mélange statistique d'états purs. La mesure quantique définit alors des états "classiquement" possibles et observables du système.
En gros, la théorie de la décohérence élargit le "champ" de la mesure en y incluant l'univers dans son entier et en admettant (par le bon sens !) que toute observation (par définition) locale ne peut rendre compte de l'infinité des interactions possibles. Ou, pour le dire autrement, nous observons localement un "système" global et ce système a autant de visages que de points de vues locaux.
TXT le dit très bien, dans les "Voies de La Lumière" (p.221) : "Avec la décohérence, la barrière érigée par Bohr entre le monde microscopique et le monde macroscopique n'a plus lieu d'être. (...) L'acte d'observation n'est plus spécifique, car il n'est qu'un autre exemple d'interaction de la particule observée avec son environnement. L'observateur et la particule élémentaire sont sur un pied d'égalité, car leurs évolutions quantiques sont toutes deux décrites par la fonction d'onde de Schrödinger."
Ainsi, pas de frontière entre objet et sujet. Pas de frontière entre local et global. Pas de frontière entre infiniment petit et infiniment grand.
C'est tout simplement vertigineux.
Il reste un problème : si la mesure, la saisie du réel, se réduit au final à un mélange statistique d'états, comment le choix mesuré, unique état, se réalise ? Par exemple, comment la particule se retrouve "là" plutôt que "ici" ? Dans la célèbre expérience de pensée dit du chat de Schrödinger, comment se fait il que le chat soit mort plutôt que vivant par exemple ? Car nous n'observons jamais avec notre conscience qu'une unique possibilité, qu'un unique chemin, qu'une unique histoire parmi toutes celles possibles et calculables.
Alors la théorie de la décohérence a beau vouloir supprimer l'effet prépondérant de l'observateur, en le rendant égal à l'effet d'autres interactions, il reste que la question du choix final demeure sans réponse, ou tout au moins repoussée hors de ce que la physique actuelle peut appréhender !
Nous verrons que l'apport de François Martin de Volnay à cette question est pertinente et décapante...
à suivre...
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