Nous avons déjà écrit sur François Martin de Volnay (FMV), physicien membre du LPTHE à Paris, notamment sur les théories qu'il a développées sur la psyché quantique. (voir le lien vers son site internet et les articles suivants : "Système Quantique et Frontières" et "Quand le futur détermine le passé").
Il est temps d'y revenir vraiment. Que nous propose donc ce chercheur ? Un modèle quantique de psyché. Or, nous avons pris connaissances de travaux philosophiques qui viennent appuyer et soutenir cette comparaison, voire cette analogie, voire cet isomorphisme, entre quantique et psychisme. Il est donc d'actualité de prendre connaissance d'une formalisation rigoureuse entre ces deux-là !
Les arguments qui motivent FMV sont rappelés dans cette conférence qu'il a accordé en 2009 (déjà cité) : la conscience "est au moins un système quantique" même si "il est probable qu’elle est plus que cela." Et "Il est clair que la conscience n’est pas un système classique". Les arguments "techniques" sont développés plus haut (§3.1 p.9), qu'on peut résumer par : "Il n’y a pas de séparation entre l’objet et le sujet qui observe l’objet." Ainsi, la conscience fait clairement partie de la physique quantique tout en ne se réduisant pas à celle-ci. FMV ne parle pas d'isomorphisme, il reste prudent et pragmatique.
Ensuite, le physicien avance le phénomène des synchronicités, premièrement décrits selon lui par Carl G. Jung et documentés dès son époque par la physique quantique grâce à ses travaux psychanalytiques avec Wolfgang Pauli. En fait, l'interprétation physique des synchronicités amène à s'interroger également sur la séparation entre objet/sujet et donc sur l'identité, cette fois, entre notre environnement et notre conscience : "Notre environnement serait ainsi identique à notre subjectivité, ou plutôt il serait une représentation de notre subjectivité. En allant plus loin nous pourrions dire qu’il “EST” notre subjectivité." Mais, nous l'avons vu, FMV ne souhaite pas aller plus loin et réduire de manière réciproque et identitaire le monde observé et l'observateur. Il souligne cependant que la synchronicité, paradoxale dans une interprétation "classique" de la réalité car a-causale, redevient tout à fait abordable dans une interprétation quantique de la réalité, c'est à dire, nous l'avons compris maintenant, dans une logique de l'inclusion et non de l'exclusion.
Enfin, FMV argumente sur le(s) processus de l'émergence de la conscience dont les mécanismes ne sont pas totalement éclaircies par la science et à la suite de nombreux auteurs physiciens ou mathématiciens, souhaite lui aussi participer à cette recherche d'une meilleure compréhension grâce aux outils issus de la physique quantique.
En gros, comme le chercheur le rappelle dans sa conclusion : "un certain nombre de phénomènes psychiques ne sont pas explicables dans le cadre de la mécanique dite “classique”." Aussi, il est pertinent de tenter de les expliquer dans le cadre de la mécanique quantique...
Quel cadre définit il pour son modèle ? FMV développe ce sujet dans son premier article de 2003 et le résume dans celui de 2007 : sa théorie s'intéresse aux états mentaux et non pas aux états physiques du cerveaux, dans un cadre dualiste entre esprit et matière. Ainsi, il ne se situe pas dans la lignée des théories quantiques des états physiques du cerveau comme celles de Beck et Eccles par exemple. En revanche, il revendique la succession des théories de Jung et Pauli sur ce sujet. Enfin, la dualité assumée permet au chercheur de pratiquer la science physique, même si son travail revendique une étude aux marges, aux limites des points de vues "classiques".
Très clairement, FMV pose sa posture en équilibre sur les 2 polarités existantes (dans la logique "classique" ou de l'exclusion) : ni matérialiste (la conscience provient exclusivement du fonctionnement organique du cerveau, elle reste un "objet" matérielle) ni "spiritualiste" ( la conscience provient d'un au-delà du corps et ne peut s'appréhender scientifiquement, elle est un "sujet" spirituel) : les états mentaux, représentés et formalisés par les outils de la mécanique quantique, ne sont donc pas réductibles aux états physiques, matériels, du cerveau mais leur sont corrélés. Son travail ne consistera pas à décrire proprement cette corrélation mais bien plutôt à postuler la représentation de la psyché et l'explication de ses concepts , par analogie avec la description de la matière microphysique. FMV s'empare ainsi de la réflexion de Stanley Klein (professeur en neurosciences) sur le lien étroit qui existe entre l'observateur de la mécanique quantique (problème de la mesure) et la conscience subjective de l'observateur (problème des qualia ?) en postulant comme lui la coupure sujet/objet entre la conscience d'une part (:=: sujet) et l'inconscience d'autre part (:=: objet) (étant entendu que la "coupure" est toujours déplaçable...).
Quels développements propose FMV ? Il propose essentiellement une analogie, pour ne pas dire plus, entre matière microphysique et "matière" psychique (pour reprendre les termes lupasciens).
Ainsi, "le psychisme humain est une excitation particulière d’un champ psychique de nature quantique sous-jacent et universel" comme un électron par exemple est une excitation possible, un quantum, du champ quantique correspondant. Ensuite, "Le psychisme humain aurait ainsi une représentation analogue à un système quantique, avec des états virtuels et des états physiques qui correspondraient respectivement à la potentialité et à l’actualisation de l’esprit humain." Cette représentation se fait sous forme d'opérateurs, vecteurs d'états psychiques au sein d'un espace psychique des possibles. L'état psychique d'une personne est comme la superposition d'idées différentes ou d'états psychiques indépendants entre eux. Puis, chez l'humain au moins, intervient non seulement la conscience mais également la conscience de soi : ces deux états sont dialectiquement antagonistes et leur tension continue ("leurs transitions") "constitue(nt) l’essentiel du dynamisme de la psyché humaine" selon FMV.
A ce point là, nous pensons à la logique du tiers inclus : "Dans des circonstances normales une personne se situe “entre” les deux pôles dialectiquement opposés de la conscience et de la conscience de soi-même." Mais S. Lupasco décrit la conscience de soi plutôt comme le tiers inclus d'un couple d'antagonistes : le réel connu actualisé et la conscience connaissante potentialisée. Ainsi, nous pouvons interpréter les développements de FMV selon cet axe : c'est bien la tension continue entre l'actualisé et le potentialisé, entre les états physiques et les états virtuels du psychisme qui constitue son dynamisme. Or, dans cette continuité (constituée de discontinuités : les états potentiels de la (conscience + inconscience)), il existe un état dialectiquement opposé aux deux précédents : c'est la conscience de la (conscience + inconscience), mi-potentialisé et mi-actualisé. C'est la raison pour laquelle la conscience de soi peut à la fois sélectionner un état virtuel (une pensée potentielle) sans l'actualiser et à la fois, en tant que libre arbitre, sélectionner un état virtuel en l'actualisant en état physique, réel (au sens mesurable). Il me semble aujourd'hui que sans cet éclairage lupascien, les développements de FMV (§4 et §5, 2003) peuvent apparaître comme confus, or, avec cet éclairage, les divers concepts mis en œuvre trouvent leur place et leur dynamique. Ainsi, au sein de la triade définie plus haut, nous trouvons bien que la coupure est déplaçable le long des transitions continues du psychisme, mais sans jamais se réduire à l'un des trois antagonistes en présence : la dualité n'est pas inconsistante comme le souligne FMV, à cause justement de cette triple dialectique ! N'oublions pas, comme nous l'avons vu avec B. Nicolescu, que la triade lupascienne se comprend plus aisément couplée avec le concept de "niveau de réalité", ce que sous entend FMV lorsqu'il écrit que seul l'état actualisé, mesuré, s'inscrit dans l'espace-temps, les états virtuels, potentiels, antagonistes, ne le sont pas donc appartiennent bien à un autre niveau de réalité que celui décrit implicitement par ce concept "d'espace-temps".
Munie de la coloration lupascienne, la théorie quantique de la psyché humaine de FMV, permet d'expliciter plus simplement une boîte à outils conceptuels (actuel, potentiel, virtuel, physique, libre arbitre, décohérence etc..) et par retour fournit à la logique des 3 matières, un puissant outil prédictif qui doit permettre de démontrer plus que l'analogie entre matière psychique et matière microphysique.
...à suivre...
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire