Suite au Réveil de la Source, nous avons cherché à saisir ce que les définitions de "surdoué" pouvaient bien cacher.
Nous avons trouvé une définition compliquée de la part de Jeanne Siaud-Facchin (JSF), que nous avons souhaité complexifier par une abduction : chercher un algorithme engendrant une hyper-structure plutôt que dresser une symptomatologie.
Les recherches sur l'autisme et les travaux de Bruno Gepner (voir Je suis né un jour bleu et Autisme : Malvoyance de l'E-motion...) nous ont montré qu'il est pertinent de regarder le monde de façon large : ainsi le concept de "constellation autistique" de B. Gepner répond à ce besoin, tout en restant coincé dans la polarité de l'anormalité sociale, ce qui est regrettable. En l'espèce, le "couplage" entre un surdoué et un autiste, un syndrome Asperger, reste, dans ce cadre là, une "chose" (pour ne pas écrire plus) a-normale.
Arrivé à ce point, nous craignons qu'à chaque fois que nous analyserons un symptôme lié au concept du "surdouement", nous soyons écartés par la norme sociale ! D'ailleurs, JSF le répète dans ses livres sur le thème : ne pas réduire le surdouement à UN ou deux critères, même ceux qui sont classés au DSM IV !
En bref, et cela ne manque pas d'amuser (selon le mot célèbre de Beaumarchais : "Je me presse de rire de tout, de peur d'être obligé d'en pleurer."), il est clair que le surdouement est a-normal.
Et la précocité ? Nikos Lygéros nous éclaire là dessus dans son article Précocité et Surdouement. Pour lui, c'est clair : "Pour notre part nous associerons le terme précocité exclusivement au résultat obtenu d'un test qui compare l'âge chronologique et l'âge mental et le terme surdouement au résultat obtenu à un test qui ne considère que la distribution normale de la population." Mais, bon, il l'avoue lui-même, cette distinction n'est pas follement opératoire ! En revanche, il met le doigt ensuite sur une réalité a-sociale : l'enfant précoce n'est pas forcément un enfant surdoué, le premier terme illustrant un potentiel fortement lié à l'environnement tandis que le second désigne un potentiel intrinsèque : "Il correspond à un état stable sur le plan mental et il est fortement g-loadé." [le facteur g de Charles Spearman]. Ce potentiel là n'est pas forcément réalisé, encore faut il un enseignement adapté. Et par adapté, N. Lygéros entend concrètement une relation singulière : "de type maître-disciple [plutôt] que professeur-élève." en raison de la norme imposée par la société : "Sans l'aide du mentor, le surdouement peut rester un potentiel non exploité en raison de l'écrasement social qui vise la stabilité du système et non l'épanouissement de l'homme au sein de l'humanité."
Il précise sa pensée, parfois très poétiquement, dans un article suivant : "De l'étrange à l'entraide". Il assume ainsi : "Pour les spécialistes normaux, le surdouement est reconnu comme une maladie. Il est diagnostiqué et traité de la même manière." Il est donc urgent de trouver des "spécialistes non spécialistes i.e. de[s] spécialistes surdoués" ! Pour qu'enfin, l'enfant (et l'adulte ?) surdoué puisse être en relation avec une personne qui le connaisse déjà, qui le re-connaisse, dans sa singularité, dans leurs singularités mutuelles : "En étant tous les deux dans le domaine de la différence, ils saisissent leur point commun. Alors que le spécialiste normal qui cherche la ressemblance ne trouve que la différence." C'est d'une évidence et d'un trivial !
Ce qui est une fois de plus très amusant dans le cadre normal social, c'est qu'il est impensable, inconcevable de "soigner" un malade par un autre malade ! Le problème essentiel est donc là : le concept de surdouement reste dans la case de l'a-normalité !
A ce point, faut il étudier la normalité ? Faut il faire confiance aux statistiques pour trouver l'intérêt d'un problème de société, ou bien la normalité se définit elle a priori ? La psychométrie, à ce sujet, démontre un pragmatisme très étroit (au sens de son cadre non théorique). N. Lygéros lui-même écrit : "C'est pour cela que la psychométrie en tant que science humaine n'est pas encore née." Car, a priori, qui le concept de surdouement intéresse t il ? N'est ce point le vocabulaire qui est trop étroit ou bien la démarche d'étude ?
Les qualificatifs "sur-", "haut", "très haut" ou bien "pré-"sont toujours connotés en rapport à un cadre normatif. Combien de "spécialistes" osent rapprocher les "sous-" ou les "dé-" et les "sur-" ? N. Lygéros, dans cet article "Déficience et Douance...", est sans appel : "Socialement parlant, la déficience et la douance représentent le même phénomène. Ainsi malgré les différences profondes qui existent entre ces deux cas, en les marginalisant, la société les place dans la même situation d'échec." Enfin, il expose ce paradoxe où nous voyons illustrer l'antagonisme normatif des deux phénomènes et la spécifique unicité de leur traitement social : "Le paradoxe général, c'est que la société d'une part néglige globalement les enfants surdoués alors que localement tout le monde désire leur reconnaissance et d'autre part elle s'intéresse globalement aux enfants qui ont une déficience alors que localement tout le monde évite leur reconnaissance." ! L'hypocrisie sociale est de la mal-voyance, débouchant classiquement in fine sur de la mal-traitance à l'égard de groupes minoritaires. Mais une société peut-elle reconnaitre la singularité et l'unicité de ses membres quand son objet est de les regrouper ? Dans ce cadre là, il est justement pertinent de regrouper les personnes et d'agir sur leur spécificité sociale qui, in fine, crée leur exclusion : autrement dit, ce n'est pas parce que ces enfants (pour ne parler que d'eux et pas des adultes qu'ils deviennent) sont dé- ou sur- ficients qu'ils sont exclus du système d'enseignement de masse, mais c'est bien parce que ce système d'enseignement n'est pas adapté pour eux qu'ils deviennent exclus et étiquetés comme tels, "a-normaux".
Et pourtant, comme "L'étrange n'est étrange que pour le normal. L'étrange est normal pour l'étrange.(...)Car l'étrange est essentiellement rare et le rare est normal pour le rare." l'a-normal n'est pas a-normal pour l'a-normal ! Ainsi, dans Douance et Perspective, N. Lygéros défend l'idée non politiquement correct que les "sur-efficients" devraient par certaines de leurs capacités naturellement plus puissantes (raisonnement non uniforme, pensée latérale..) venir en aide et enseigner aux "dé-ficients" comme il l'a lui même expérimenté d'ailleurs.(voir Les enfants déficients...) Il part d'un constat, qui va paraître arrogant à la majorité, qu' "Il est difficile de convaincre la société quant à l'importance de la douance en utilisant des arguments basés sur ses caractéristiques. L'incompréhension de cette notion ne peut changer par l'explicitation de sa structure interne qui demeure essentiellement inaccessible pour une personne extérieure à ce monde." En bref, l'algorithme dont nous parlons au début de cet article, est par ontologie, "secret". Après tout, qui se soucie, sur Terre, par exemple de la géométrie non commutative ? Qui se plaint alors que la compréhension de cette branche des mathématiques soit pour le moins absconse pour l'écrasante majorité ? La singularité extrême du chef de file de cette spécialité débouche t elle alors nécessairement sur sa prétendue arrogance ? Il est clair également que Nikos Lygéros est un homme d'une extrême singularité et que sa notoriété publique est certainement inversement proportionnelle à cette dernière, pourtant, dans son œuvre et sa pensée qu'il offre à tous par le biais d'internet, il contribue "modestement" à enrichir certains débats et certaines questions dont il s'est lui-même ardemment investi. Il est ainsi très humble et très concret lorsqu'il écris que "Via l'œuvre réalisée même si celle-ci est conceptuellement ardue, la douance peut montrer ses capacités de création en matière de réalité. La réalisation d'un tableau n'est pas plus accessible par l'exploitation des matériaux employés. C'est son impact qui transforme le regard des autres." Disons qu'il montre un chemin apaisé à ceux (parmi les "doués") qui se sentent encore blessés par ce fameux regard différent de l'autre...
N. Lygéros donne des pistes pertinentes pour lier didactiquement la douance et la déficience et y voit également un bénéfice social réciproque : "Ainsi nous avons un paradigme du concept non politiquement correct qui peut avoir une action politiquement correcte du point de vue social. Via la nature de cette action, la douance peut prouver d'une part son existence et d'autre part son efficacité."
Il faut éclairer le lecteur que cette position est très singulière pour un HPI (voire un THPI) car elle constate bien, revenez plus haut pour le relire, que chaque population minoritaire exclue socialement par un indicateur de l'intelligence (le fameux Q.I.) fait partie pourtant du même phénomène social. Or, la majorité bien pensante, même avec un Haut Potentiel Intellectuel, n'a apparemment aucun intérêt social à le reconnaitre. Il s'agit là, d'après N. Lygéros, d'un aveuglement certain lié pourtant à une honnête et juste revendication : que l'a-normalité devienne "normale" aux yeux du monde ! Encore faut il que la ou les sociétés constituées de HPI et les individus isolés eux-même évitent le confinement intellectuel : "Différents mais isolés, ces individus loin de vouloir produire un quelconque effet sur la société, s'organisent en société dans un milieu fermé.(...)Vivant dans un milieu d'auto-satisfaction intellectuelle, leur existence a acquis le statut d'une vie.(...)Les individus sont essentiellement différents mais agissent fondamentalement de la même manière.(...) Le processus de confinement intellectuel, loin d'être un apport n'est en réalité qu'une manière déformée de reproduire les effets de la masse." Le danger est là pour tout HPI : croire que l'adaptation de son "a-normalité" sociale à la "normalité" ambiante et majoritaire (par définition) serait source de bénéfice voire (osons le mot !) de bonheur non seulement pour lui-même, son environnement immédiat, son groupe de pairs mais aussi pour l'humanité entière.
La finalité d'un telle prise de conscience n'est pas le passage à l'acte révolutionnaire ! Il passe très certainement en revanche par des regroupements ouverts sur des heuristiques.
L'ouverture...
Ne cessons nous point d'écrire là dessus ici ?
( à suivre...)
2 commentaires:
l'autisme nous apprend beaucoup là-dessus, avec un apparent déficit intellectuel et une intelligence exceptionnelle cachée- je parle de l'autisme Kanner ..
Georges Soleilhet, membre
Je suis parfaitement d'accord et j'ai déjà effleuré la question dans deux articles mentionnés ici. Le rapport entre autisme (Kanner, Asperger) et la perception de l'espace-temps (comme documenté par B. Gepner) est à ce titre fascinant. Aujourd'hui, nous parlons en Europe de TSA (ASD) pour globaliser l'ensemble des troubles et des personnes atteintes et la triade symptomatique retenue est tjs celle de L. Wing, mais nul doute que, comme c'est la mode des neurosciences et notamment des "images", on porte l'attention médiatique de ces TSA sur leur étiologie génétique et neuronale et moins sur l'exclusion sociale historique. De la même manière , des études similaires portant sur les dé- et les sur- efficients doivent apporter leur contribution au concept de l'intelligence et de façon liminaire à celui de HPI, mais la-normalité sociale a la "peau dure" !
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