J'ai parcouru "Le Chaos et l'Harmonie", qui sous tend une bonne partie de "L'existence .." de Jean Staune mais sans référence à la religion ni sans aborder frontalement et longuement l'évolution biologique de la vie et ses modèles (néodarwiniens essentiellement).
Bref, un passage du Chaos et l'Harmonie m'a percuté. Il s'agit de l'explicitation de la manifestation du chaos dans les mouvements planétaires ("chaos" au sens mathématique du terme, tel que étudié en premier par Henri Poincaré dans le problème à N corps en mécanique céleste : "sensibilité aux conditions initiales") et de ses conséquences.
Conséquence combinatoire d'abord : il résulte de cette sensibilité aux conditions initiales une imprédictibilité de l'évènement étudié (au delà d'un certain horizon de temps). Ah, on se dit alors : c'est pas grave ! En deçà de l'horizon calculé (par exemple 200 millions d'années (terrestres !) pour notre système solaire), le système est stable ! Rien à craindre à l'échelle de temps humaine ! Et pourquoi donc ? L'homme (nos très lointains descendants) sera toujours là, non ? Il existe (à ce jour !) une petite probabilité qu'une collision de planètes se produise dans notre système : cette probabilité est mise en évidence par des modélisations d'orbites sur une échelle de temps de 5 milliards d'années (temps qui reste à la Terre !). Bon, c'est bien. A quoi çà nous sert aujourd'hui cette information ? De quelle information parle t on exactement d'abord ?
L'imprédictibilité nous projette dans le futur, par définition incertain et non vécu. Du futur prédictible grâce des modèles numériques de la réalité (climat, sinistres, bourse, etc..) c'est déjà du passé en quelque sorte puisque, dans un intervalle (temporel) de confiance certain à 95% au mieux, on sait déjà, on a presque déjà vécu. Mais peut on vivre seulement à 95% au mieux par modèles interposés notre réalité, notre présent ? Oui, c'est ce que nous faisons quasiment tout le temps, tous les jours, à chaque instant lorsque nous ressassons notre "passé", notre prévision météo du lendemain, notre cours de bourse plancher déclencheur de nos achats du lendemain, notre traumatisme infantile que nous analyserons demain avec notre psy, notre nuit d'amour après le dîner de ce soir, nos courses à faire dans deux jours pour le voyage du week-end etc..etc...Nous vivons dans notre "passé". Qui, c'est vrai, n'a pas encore été vécu à 100% par notre conscience mais qui déjà fait grandement partie de notre vie à l'instant présent.
L'imprédictibilité nous déploie donc un espace particulier au sein de notre présent : un futur déjà passé mais pas encore vécu et pourtant déjà là ! Nous croyons repousser l'imprévu au loin par nos calculs très sophistiqués mais que faisons nous réellement par ce comportement ?
Nous calculons les possibles. Pour demain, donc pour aujourd'hui, donc pour maintenant.
La deuxième conséquence sur le "chaos" illustrée par le Chaos et l'Harmonie se trouve dans le paragraphe "le futur indéfini du système solaire", quand TXT parle des travaux récents de Jacques Laskar sur la modélisation des orbites des planètes du système solaire. Je cite :
"La réponse donnée par l'ordinateur est sans équivoque : le système solaire tout entier, y compris les planètes intérieures, est chaotique. (...) Cette dépendance si extrême à l'égard des conditions initiales signifie que le présent est déconnecté à la fois du futur et du passé. Le futur est imprévisible, et le passé à jamais perdu. (...)les trajectoires planétaires ont un passé indéfini et un futur incertain, car les mesures des positions des planètes ne sont jamais parfaitement précises."Nous voyons donc deux concepts à l'œuvre : la sensibilité aux conditions initiales des systèmes (macroscopiques) à N corps les rend "chaotiques", imprévisibles, indéterminés absolument et donc résolument imprédictibles. Egalement, l'indétermination intrinsèque liée à la mesure des conditions initiales amplifie d'autant l'intervalle de confiance des mesures et donc la plage d'expression du chaos ! Ces deux indéterminations, qui sont bien indépendantes, caractérisent parfaitement ces systèmes macroscopiques qui nous contiennent. Que nous reste il alors, si le passé comme le futur, sont à jamais perdus, indéfinis, incertains, imprévisibles, déconnectés entre eux ?
Le présent, non ?