mercredi 31 mars 2010

Je suis né un jour bleu

Daniel Tammet est, d'après les spécialistes, un autiste "Asperger" savant. Il devient très connu (son deuxième livre se vend très bien en France, merci pour lui) mais moins cependant que le personnage autiste du film "Rain Man", interprété par Dustin Hoffman au cinéma ! D'ailleurs, Daniel Tammet a rencontré aux USA la personne qui a inspiré le personnage de Raymond Babbitt, Kim Peek, qui est décédé il y a quelques mois (en décembre 2009). Kim Peek possédait une mémoire eidétique, cette sorte de mémoire photographique absolue peu documentée finalement mais dont certaines personnes sont suspectées d'en avoir été pourvues (Mozart, Ampère, Kasparov, Pagnol, Nabokov, etc..).

Daniel Tammet, qui vit actuellement en France, a publié en 2007 : "Je suis né un jour bleu" qui retrace de l'intérieur son parcours depuis son enfance. Daniel Tammet a ceci de très singulier pour un "autiste" qu'il a été capable, et l'est toujours, d'expliquer ses émotions et ressentis, de relier par des signes intelligibles pour les autres, l'affectivité qui semble le submerger. Ses nombreuses capacités ont été étudiées d'ailleurs par un certain nombre de chercheurs dans le monde. Ainsi, il est pour nous tous un voyageur en terre aride dans les méandres de l'esprit et/ou de la conscience et ce qu'il nous rapporte est précieux.

L'autisme est aujourd'hui considéré comme un ensemble de Troubles du Spectre Autistique (TSA) (regroupant en gros l'autisme infantile dit de Kanner, le syndrome d'Asperger et l'autisme de Haut Niveau et permettant surtout de faire apparemment l'unanimité parmi les spécialistes de différents pays) : ces TSA rendent compte d'un continuum dans l'expression des troubles constatés. Lorna Wing a conceptualisé une triade (dite autistique) permettant de rendre compte de la symptomatologie et reprise par le DSM-IV :
  • troubles de la communication verbale et non-verbale
  • troubles des relations sociales
  • centres d'intérêt restreints et/ou des conduites répétitives.
Les causes de ces troubles, ou déviations par rapport à la norme établie, sont encore inconnues, bien qu'une origine génétique semble statistiquement fort probable, mais s'agissant pour le moins d'une symptomatologie complexe, les éléments recueillis et étudiés séparément devront être reliés dans un tableau complexe et heuristique, ce qui n'est pas apparemment le cas encore aujourd'hui.
Les théories explicatives ou approches des TSA sont classiquement au nombre de trois :
- psychanalytique
- cognitive et/ou comportementale
- organique

L'approche psychanalytique et psychiatrique récente intègre dans ses pratiques les découvertes en neurophysiologie et en génétique et ne revendique apparemment aujourd'hui aucune prétention causale dans les TSA. Cependant, en France, la psychiatrie est si prégnante dans la prise en charge du "mal-être psychique" en général et, en l'espèce, les prolégomènes historiques concernant l'autisme sont si tenaces qu'il est très délicat d'investiguer "librement" sur cette question. Voir à ce propos la position de Jacques Hochmann ainsi que les articles plus généraux sur l'efficacité des traitements de psychothérapie (rapport de synthèse de l'Inserm et présentation par une psychologue).
L'approche cognitivo-comportementale sur les TSA a "engendré" plusieurs courants de méthodes de prise en charge dont ABA et TEACCH sont certainement les deux plus importants. L'approche TEACCH, développée aux USA depuis plus de 40 ans et timidement implantée en France est une approche fortement contextuelle puisqu'elle s'intéresse à structurer l'environnement de l'autiste en le "calant" sur ses possibilités de saisies sensoriels: espace, temps, système et tâche.
L'approche organique est en plein développement avec les neurosciences et la génétique comme l'illustre par exemple la synthèse des travaux sur ce sujet de l'Inserm.

Je souhaite ici citer les travaux réalisés par Bruno Gepner sur une approche à la fois complexe (mêlant clinique, théorique et expérimentale) et simple puisque se "résumant" par un concept : malvoyance de l'é-motion (désordre émotionnel et motionnel) pour expliquer l'invariance mise en avant dans la triade autistique. Nous y reviendrons plus longuement ultérieurement.(voir Autisme: Malvoyance de l'E-motion...)

"Je suis né un jour bleu" est un livre très singulier pour moi, et très troublant émotionnellement. Il est fascinant notamment de lire l'expérience subjective de Daniel Tammet sur les nombres : "...j'ai toujours eu une expérience visuelle et synesthésique des nombres. Ils sont ma langue maternelle, celle dans laquelle je pense et je ressens."(p.17), ainsi que son paysage singulier numérique où les nombres premiers forment des îlots de singularités avec "une texture sans aspérités" : "Chacun d'entre eux est différent de celui qui le précède et de celui qui le suit. Leur solitude parmi les autres nombres me les rend singuliers et stimulants." (p.19) La synesthésie des mots et du langage lui permet aussi d'apprendre très vite de nombreuses langues étrangères (il en maitrise 10 au total) grâce à ces associations mémorielles très riches. "Percevoir les couleurs et les textures de chaque mot permet à ma mémoire de mieux retenir les faits et les noms." Il semble en fait que Daniel Tammet fasse l'expérience de sa subjectivité par son extrême singularité, différence, unicité : il ne voit dans le monde que des différences et la synesthésie lui fournit des possibilités sensorielles de relier ces différences.
Au chapitre 9 ( un nombre grand et bleu), il nous fournit d'ailleurs plusieurs pistes d'études sur les expériences synesthésiques et la créativité linguistique, notamment par les travaux du Pr Vilayanur Ramachandran. Nous y reviendrons tant ces pistes sont intéressantes...

J'imagine aujourd'hui que mes troubles à lire l'ouvrage de Daniel Tammet tient en des consonances particulières entre son expérience et la mienne, son goût premier pour les mathématiques (notamment les suites, le calcul de la moyenne et de la médiane lorsque j'étais enfant), son goût pour les mots et les concepts, son analyse littérale du langage, sa synesthésie, sa solitude, ses difficultés relationnelles avec les autres, son incompréhension première des émotions de l'autre et son ancrage dans des paysages numériques et visuels. Je ne suis pas en train d'écrire que je suis comme Daniel Tammet, non, je constate simplement un isomorphisme entre ce que décris ce garçon et ce que je ressens à le lire, il n'y a là aucun phénomène identitaire (au sens le plus fort).

Vers la fin de son livre, deux passages m'ont beaucoup marqués :
"Je me souviens de manière toujours très vivante de l'expérience que j'ai vécue, adolescent, allongé sur le sol de ma chambre, à regarder le plafond. J'essayais de me représenter tout l'univers dans ma chambre, j'essayais d'avoir une compréhension concrète de ce qu'était le "tout". Dans mon esprit, je fis un voyage jusqu'aux marges de l'existence et j'explorai tout cela en me demandant ce que j'allais trouver. A ce moment-là, je me sentis vraiment mal et je perçus mon cœur qui battait fort dans ma poitrine parce que, pour la première fois, j'avais compris que la pensée et la logique avaient leurs limites et ne pouvaient pas emmener quelqu'un plus loin. Le fait de m'en rendre compte m'effrayait et il me fallut beaucoup de temps pour m'y faire."

Oui, pour moi aussi, comprendre que la pensée et la logique ont leurs limites a été, d'une certaine manière, assez effrayant. C'est très certainement pourquoi il m'est apparu si "logique", si vital en fait, de me tourner vers d'autres modalités de connaissances et d'investigation du monde, sans toutefois renoncer à une certaine rigueur scientifique, basée sur des faits vérifiables et des modèles réfutables donc transitoires.

Enfin, à l'extrême fin du livre, Daniel Tammet nous livre ceci :
" On dit que chacun connait un moment parfait, de temps en temps, une expérience de paix complète et de lien avec le monde, (...) Soudain je fis l'expérience de m'oublier moi-même et, pendant un moment bref et brillant, j'eus l'impression que toute mon anxiété et mon mal-être disparaissaient. (...) J'imagine ces moments comme des fragments ou des éclats éparpillés sur une vie entière. Si quelqu'un pouvait les coller bout à bout, il obtiendrait une heure parfaite, voire une journée parfaite. Et je pense que cette heure ou cette journée le rapprocherait de ce qui fait le mystère d'être un humain. Ce serait comme un aperçu du paradis."

Je laisse à ce garçon l'interprétation religieuse (il est croyant) de ces moments de communion et d'oubli de soi, d'oubli de l'ego pour en retenir la similarité avec ce que nous offre l'expérience de l'unité de Svami Prajnanpad (voir Voir et Connaitre.) ou la méditation d'inspiration tantrique par exemple.

Daniel Tammet offre ainsi à tous des possibilités, des brèches, pour tenter d'appréhender ce qui est et ce qui nous contient, de manière originale et singulière...

lundi 15 mars 2010

Le vide est plein.

Les inégalités de Heisenberg sont relativement connues de tous, mais plus particulièrement sous la forme dite du principe d'incertitude ou d'indétermination, et notamment la relation entre position et impulsion d'une particule. Ainsi, ce principe est vulgarisé souvent de la manière suivante : "il est impossible de connaître à la fois la position et la vitesse d'un objet de manière précise" en oubliant de préciser qu'il s'agit d'un "objet" quantique. Cette indétermination n'est pas liée à l'état de nos connaissances (en l'espèce 1927) mais bien à un "empêchement conceptuel" : nous dirions aujourd'hui à une rupture de lois, à un changement de niveau de réalité.

Ainsi, le concept d'espace des phases de la mécanique classique comme espace des couples (position, impulsion) d'une particule est invalide. Les variables sont des observables décrites par des opérateurs agissant sur des espaces de dimension infinie. Or, l'opérateur position et l'opérateur impulsion ne commutent pas (AB-BA ≠ 0) : on ne peut simplifier les équations corrélées : on ne pourra pas "connaitre" à la fois la position et l'impulsion. De cette non commutation, ou non-commutativité, surgit à l'instant une autre logique en totale rupture avec l'ancienne que nous mettrons des décennies à comprendre vraiment. Car, par le calcul statistique, l'approche probabiliste nous apporte des valeurs aux grandeurs à mesurer. Ainsi, la mécanique quantique devient-elle probabiliste et indéterministe mais nous ne prenons pas la peine d'ajouter : selon notre conception "classique" du monde (implicitement relié aux lois et modèles physiques non quantiques).
Pourtant, dés le départ, il est clair que le déterminisme de l'évolution de l'équation de la fonction d'onde d'une particule (telle que décrite par Schrödinger) est claire. En revanche, il est incompris et combattu. Personne ne semble se résoudre à accepter qu'une discontinuité vient d'être mise en évidence : un saut, une rupture.

Heisenberg met en évidence une autre inégalité concernant cette fois-ci le temps et l'énergie d'une particule : ∆E.∆t ≥ constante. Elle signifie que lorsqu'on veut mesurer dans un certain temps t, l'énergie E d'une particule, on se heurte à la même indétermination qu'entre sa position et son impulsion.

A la limite, ces inégalités sont une porte sur une autre réalité non soumise aux lois quantiques en vigueur : ainsi, tout parait possible derrière cette porte mais tout se passe à l'insu de notre saisie : rien n'est mesurable, observable, tout est "virtuel".
Echanger une très grande quantité d'énergie pendant un temps très court est possible : il est possible de violer le principe de conservation de l'énergie pendant un temps infiniment bref. Comme l'énergie est aussi de la masse, derrière cette "porte" fluctuent sans cesse des échanges particules/anti-particules de toutes natures et de toutes masses (même des micro trous noirs !)
Il est même envisagé que en-deçà de cette porte, les déplacements, les vitesses soient possiblement d'une autre "nature".

Cette porte ouvre sur ce que les physiciens nomment le "vide quantique". Et nous l'avons déjà compris, ce "vide" là n'a strictement rien à voir avec le "néant" : ce vide là est plein d'une énergie vertigineusement grande, empli de potentialités et non de réalités mesurables. Ce vide nous apparaît comme une fluctuation, une vibration élémentaire, génératrice de tous les échanges possibles dans notre réalité saisissable. Des expériences très réelles prouvent l'existence de ce vide quantique bien entendu : force de Casimir, Décalage de Lamb, Effet Unruh.. Ce concept n'est pas une élucubration de physicien !

En fait, pour bien comprendre ce concept de "vide quantique", il faut l'imaginer comme le fond vibrant du décor (l'accessible ultime), là où tout est, très certainement, d'où tout devient. B. Nicolescu parle même de tout l'univers en potentiel : il rejoint là aussi le concept plus philosophique de "son" sujet transdisciplinaire. "Si on comprend par le mot réalité tout ce qui résiste, celle réalité là, elle résiste. Elle peut être mesurée, traduite en termes de conséquences physiques : on a mesuré les conséquences des fluctuations quantiques… donc c'est ce qu'il y a de plus "réel" dans ce monde… mais simplement c'est un réel beaucoup plus large que celui imaginé par la pensée classique, par la physique classique. Une réalité qui, il faut bien le dire, inclut l'abstraction comme une dimension de la réalité.."

En fait, la réalité "ultime" est là : derrière le voile de notre saisie. Elle est bouillonnante, sans aucun néant, sans aucun "trou", fluctuation incessante, tout apparaît, tout disparaît, dans un enchevêtrement d'énergie et de masse, dans un ballet tumultueux et harmonieux.

Le vide est plein !

vendredi 12 mars 2010

Champ et Quantum : Echanges autour d'un seuil

Depuis la Théorie Quantique des Champs, le concept fondamental de la physique qui structure l'univers est le champ.
Le champ est d'abord un concept intuitif : on "voit" bien une étendue continue et infinie devant nous, voire, qui nous contient. Dans la vie quotidienne, en s'intéressant à la météorologie, nous nous emparons, sans le savoir bien souvent, de champs des températures et/ou des pressions. Ces champs à valeurs scalaires (nombres) représentent l'ensemble de toutes les valeurs prises par la température et/ou la pression (atmosphérique) en chacun des points de l'espace environnant. On retrouve donc la notion d'étendue (spatiale) couplée à une "mesure" locale et définie en tout "point". Mathématiquement, le champ scalaire est une fonction qui associe à plusieurs variables (espace vectoriel) un seul nombre. Et ce nombre exprime réellement une sensation : la quantification d'une température ou d'une pression en un endroit de l'espace, ressentis, mesurés, par notre corps ou par un capteur.
Retenons de cet exemple simple que le champ définit une relation locale, mais étendue sur un espace.
Ainsi, toujours en météorologie, la température de l'air en un "point" de l'espace à un moment donné dépend d'un ensemble de variables évoluant sur tout l'espace mais se mesure localement.

Le champ (relativiste) quantique est d'une nature intrinsèque différente et pourtant, nous pouvons le comprendre aussi comme une relation, définie localement, mais étendue sur tout l'espace-temps (c'est à dire aussi bien sur l'espace que sur le temps). Mathématiquement, cette relation est décrite par un opérateur qui agit sur des états quantiques. Plus exactement, le champ quantique est décrit par des opérateurs qui agissent sur la création ou la destruction d'états quantiques associés à des particules.

Dépoussiérons. Une particule est un concept physique qui rend compte du quantum, une particule élémentaire est un quantum : plus petite excitation du champ qui lui est subordonné, plus "petite" manifestation possible, élémentaire. C'est en gros une certaine quantité d'énergie-temps, une certaine quantité d'action élémentaire locale du champ. Cette quantité d'action élémentaire définit une discontinuité : "Entre deux multiples de ces quantum élémentaires d'action il n'y a rien." nous dit Basarab Nicolescu. Le rien en question est relatif au quantum considéré et ne doit pas être confondu avec le vide, le rien signifie le saut de la discontinuité.
Une particule possède "une durée de vie", elle est un quantum qui se manifeste dans l'espace-temps, donc elle est limitée dans cet espace-temps. Cette durée de vie peut-être extrêmement courte ou plus longue, les quanta élémentaires permettent ainsi l'accès à la totalité de la matière mais aussi à l'ensemble de ses interactions qui lui fournissent ses propriétés.

Le quantum n'est qu'un concept. Un concept qui rend compte des modalités d'échanges, d'interactions, de relations existant au sein de la matière. Un quantum n'a strictement rien à voir avec une "brique" par exemple. Il serait plutôt ce qui en dernier ressort résiste à notre investigation, à notre échange, à notre interaction avec l'univers. Il est "résistant" dans le sens où il se laisse saisir, dans le sens où il interagit avec l'observateur final qui le caractérise. Le quantum du champ se caractérise ainsi par sa masse, son spin, sa vie moyenne, sa charge et bien d'autres "nombres quantiques".

Ces échanges entre quanta des champs se réalisent selon des modalités précises et basiquement selon un mécanisme de création/destruction incessant agissant sur le vide quantique : nous en nommons trois : relation de création/destruction de quanta (opérateur de création/destruction), relation d'interaction entre quanta (opérateur de sommet) et relation de propagation de quanta (opérateur de propagation). Toutes ces relations sont en fait des échanges, liés à l'énergie-temps, et conservant au final l'énergie.

Précisément, le vide quantique est mis en évidence par les inégalités de Heisenberg sur l'énergie et le temps comme nous l'avons vu dans Le vide est plein. Ce vide quantique sert de "base", de potentiel à tout ce qui, au final, se mesure, devient actuel, réel.
Lorsque nous mesurons localement un champ quantique, nous opérons une sorte de "sondage" sur le vide quantique. Ce sondage est proportionnel à l'énergie employée pour la mesure, dit autrement, notre outil de mesure est exactement proportionnel au quantum recherché et mesuré. Il faut comprendre qu'un quantum n'existe pas isolé du reste, un quantum est en permanence en relation, en interaction, avec d'autres quanta. Ainsi, faire une mesure, c'est localement le "séparer" du reste pour l'analyser et le comprendre mais cette séparation est conceptuelle, elle correspond en fait à un exact échange d'énergie.

Dans l'opération de la mesure, il y a donc une notion d'échelle. Nous opérons une mesure, une saisie, à une échelle donnée, avec une énergie donnée, c'est à dire avec une "précision" donnée (un intervalle d'existence en quelque sorte de la mesure).
Une mesure i d'un quantum (à une échelle i) revient à "regarder" un état Ei de ce quantum, cet état peut également se "regarder" comme une somme de relations entre quanta dont l'énergie sera au maximum égale à l'état Ei. Cette somme de relations est infinie car le champ qui les "contient" est continu et infini. Cependant, pour la mesure, pour l'observation, nous choisissons l'échelle souhaitée et nous obtenons alors un nombre limité de relations (les autres seront négligées).

Les documents de vulgarisation de l'ENS sur la mécanique quantique fournissent l'exemple de l'électron, en relation avec le positron ("anti-électron") et des photons, d'abord hors interaction ("champs libres") puis avec interaction (cas de l'électrodynamique quantique).
Nous comprenons bien que l'électron n'existe ainsi en soi que dans les modalités d'échange qu'il entretient avec le vide quantique et les autres quanta comme son anti-particule et le photon.
Dans l'interaction électromagnétique, l'électron est en relation avec un autre électron via un photon (vu comme le médiateur de l'interaction). A une échelle plus fine, il faut intégrer aussi des relations intermédiaires entre le photon et la paire électron-positron. Il est possible d'itérer ces processus à l'infini, il est donc de "bon sens" de définir certains arbitraires pour la mesure, comme pour la "consistance" de la théorie. En gros, définir le moment où il faut s'arrêter : définir un seuil !
"Selon les lois quantiques, un électron n'est jamais isolé, il est toujours entouré par un nuage de particules virtuelles : électrons, positrons et photons. L'électron peut par exemple émettre un photon virtuel puis l'absorber. Ou bien il peut émettre un photon virtuel, qui peut se matérialiser en une paire électron-positron virtuels, laquelle peut s'annihiler pour se retransformer en photon virtuel, qui peut finalement être absorbé par l'électron initial, et ainsi de suite."

Ce qui est "amusant" avec la notion d'échelle de la mesure est que, bien évidemment, le "visage" du quantum n'est pas vraiment le même en fonction de l'échelle considérée : plus l'énergie fournie pour la mesure est forte et plus l'intensité mesurée de l'interaction liée au quantum considéré est forte.

Revenons maintenant aux champs. Reprenons notre exemple de l'électron. Pour le cerner, il nous faut au minimum trois champs quantifiés : électron, positron et photon. Il nous faut également connaître l'intensité de l'interaction entre ces champs couplés sachant que cette intensité dépend in fine de l'énergie fournit au système pour le "mesurer". Plus l'énergie est forte, plus le couplage est intense.

Cette grille de lecture de la Théorie Quantique des Champs nous apprend quoi ?

Ce que nous saisissons de la réalité se passe au niveau local : nous mesurons un échange, une interaction, une relation, entre des discontinuités, des sauts, des quanta et le "vide", le potentiel, le plein. La réalité de ce point de vue, la réalité matérielle, tangible est "faite " de discontinuités locales qui interagissent entre elles par l'intermédiaire d'un continu étendu sur l'espace-temps. Enfin, la nature de ces discontinuités est liée exactement à la nature de tous ces échanges, c'est à dire au flux d'énergie. Ce flux est "calibré" en quelque sorte par un seuil, une coupure déplaçable.

Ainsi il est possible de comprendre la très belle formule "lupascienne" de Basarab Nicolescu :
(énergie; discontinuité; seuil).

jeudi 11 mars 2010

Discontinuité et A-causalité ?

Discontinuité.

C'est un mot qui paraît simple. Le contraire de continuité. C'est un mot difficile pourtant à appréhender. Je crains en effet qu'il ne s'approche que par son ombre, par ce qu'il n'est pas, par ce qu'il ne contient pas, par ce qu'il ne définit pas.
Essayons.
Il vient le mot "saut". Lorsque cela est discontinu, cela "saute". Un exemple en mathématiques : la fonction partie entière sur R qui associe à chaque réel l'entier correspondant (à sa partie entière!). Cette fonction est discontinue et elle fait des "sauts". Une visualisation de cette fonction ici.

Pour imaginer ce que cela veut dire, imaginons être le résultat d'une telle fonction. A un moment, nous sommes en un endroit, le moment d'après, nous sommes en un autre. Entre les deux, il n'y a rien. Mais vraiment rien. Le problème principal avec le "rien" c'est qu'il est très difficile de le saisir puisque justement, il est par définition insaisissable. Vous êtes la fonction partie entière, vous êtes en 2, vous avancez tranquillement, et puis d'un coup vous êtes en 3. Vous recommencez plus doucement, vous revenez en 2, vous restez très attentif à ce que vous ressentez, vous avancez très doucement et puis d'un coup vous êtes en 3. Vous n'avez toujours rien vu et rien compris. Vous ne pouvez pas prendre avec vous le rien. Pour le saisir, il faut prendre du recul et faire des mesures. En mesurant, vous vérifiez qu'effectivement votre mouvement est fait de "marches", des 1, des 2, des 3 etc mais rien entre les deux.

C'est difficile à concevoir car dans notre monde macroscopique, nous avons le sentiment qu'il existe une continuité dans le "mouvement" des phénomènes que nous percevons. Votre paysage extérieur n'est pas fait de hachures noires et de hachures colorées, lorsque vous entendez un son, vous avez le sentiment d'écouter un flot, pas des hachures de sons inaudibles (!).
Et pourtant.

La discontinuité doit s'appréhender avec son contradictoire selon S. Lupasco, la triade ainsi formée est riche de tous les possibles et permet mieux de cerner une notion "dynamique" : {discontinuité; continuité; T}. Le tiers inclus du couple continu/discontinu peut s'approcher par le concept de "seuil". Le seuil regroupe les acceptions suivantes : base (base de porte, de cadre), limite (ce qui revient au même), zone de contact, interface (qui souligne bien la nécessité d'une coupure entre deux milieux, deux "objets") mais aussi effet cumulatif (dans effet de seuil) qui permet d'adjoindre alors au mot les concepts de "binarité" (0, 1) voire d'"émergence", c'est à dire de "rupture" et de "niveau de réalité". Le "seuil" apparait alors effectivement un mot assez juste pour se trouver couplé avec continu/discontinu et le triplet/triade ainsi formé {continu;discontinu;seuil} suffisamment complet et consistant pour en saisir les sens.

Examinons maintenant chaque membre de la triade en fonction des deux autres.
Le "continu" est très intuitif, il est cependant délicat de s'en saisir vraiment séparément. En mathématiques, la continuité nécessite la notion d'un seuil voire d'un point et d'une limite selon les définitions (nous laissons à plus tard les notions plus générales liées à la topologie comme la notion d'image (réciproque, directe) et d'adhérence qui "contiennent" toujours in fine les premières notions plus "métriques"). Nous voyons bien de manière simple que définir le "continu" nécessite le couplage avec le "seuil". Le couple ainsi formé renvoie immédiatement au "discontinu". Enfin, coupler le continu avec le discontinu renvoie aussi au seuil qui les délimite ! Il apparait donc logiquement que le concept de "continu" ne peut se passer de son exact contraire ni du "seuil".

Examiner le seuil, comme nous l'avons déjà réalisé plus haut, c'est le coupler immédiatement à un continu et ce couplage définit assez remarquablement bien un discontinu !

Au final, étudier le discontinu revient à s'emparer de la sémantique déjà exposée du continu et du seuil.

De manière dynamique, analyser la triade {continu; discontinu; seuil} revient à exposer un nombre infini d'états "mesurables", observables, saisissables, des trois mots corrélés ensemble. Dit autrement, un ensemble de combinaisons possibles comme autant d'infinies subtilités de sens que renferment ces trois mots. Il n'est plus concevable alors de parler ou d'écrire un seul mot de la triade sans se référer immédiatement aux deux autres : l'implicite du mot devient l'explicite de la triade.
De cette dynamique s'extrait facilement la dernière acception du mot seuil : "effet de seuil", utilisé en sciences pour désigner l'apparition d'un phénomène à partir d'une valeur donnée d'une variable. Cet effet de seuil marque bien, dans un phénomène continu qui croît ou décroît, l'émergence d'une discontinuité à une valeur donnée, à partir d'un seuil, quoi ! Mais cette acception ajoute la notion de rupture, voire de niveau de réalité et de causalité. Car un "nouveau" phénomène apparait au delà du seuil, par une discontinuité, une rupture, un saut, sur la continuité pré-existante. Ce phénomène était potentiel, il devient actuel. Sa "nouveauté" réside en fait dans son passage du potentiel à l'actuel, dans son passage par le seuil. Ce seuil, en l'actualisant, en l'amplifiant, le coupe de manière irréductible et le place ainsi dans un autre "niveau de réalité" (selon B. Nicolescu). La triade lupascienne contient donc toujours ce saut qui en fait un système irrémédiablement ouvert. J'ai, plus haut, caractérisée la triade de système complet : oui, le système est bien "complet" et "ouvert".

Et que devient la causalité ? La causalité est elle contenue dans la triade, ou bien est elle un "principe" posé a priori ?
Si nous reprenons les concepts de S. Lupasco enrichis par B. Nicolescu, nous dégageons de la triade un système auto-consistant mais ouvert. L'ouverture peut être itérée infiniment jusqu'à un méta-système toujours ouvert où le tiers inclus joue le rôle d'invariant structurant l'isomorphisme des deux contradictoires. (voir Tiers Inclus : logique, ontologique et amour). Le Tiers inclus est irréductiblement contradictoire et donc totalement indéterminé : cela semble très analogue à ce qui existerait derrière la "porte" du vide quantique de la physique, ce fameux vide qui est plein (voir Le vide est plein.). Cela semble analogue à l'affectivité mais S. Lupasco jugeait cette dernière comme un "en-soi absolu" et "alogique" et n'a jamais voulu identifier celle-ci au tiers inclus (là où moi, allègrement, je franchis le rubicond dans mon article déjà cité). Il est vrai que l'identification est pour Lupasco un cas particulier d'une relation entre deux contradictoires ! Le tiers inclus reste ainsi "secret" selon les propres mots de B. Nicolescu qui le rapproche du sacré, de l'irrationnel, du mystère irréductible, de la zone irréductible de non-résistance. Ce tiers inclus, en formant l'unité avec le couplage des deux contradictoires, ferme et ouvre à la fois. Stéphane Lupasco a semble t il toujours refusé de considérer que l'alogique pouvait entrer dans la logique, ce que Basarab Nicolescu, en convoquant Gödel, a pourtant réalisé.

Ainsi dans la triade, aucun "tiers" n'est à l'origine/finalité d'un autre tiers car nous l'avons bien compris, le tiers inclus lui-même est insaisissable sans les deux contradictoires qu'il unifie. Il s'agit bien de la discontinuité la plus irréductible qui soit ! Le "système" ouvert ainsi défini semble intégrer l'a-causalité et la causalité dans une non-contradiction "parfaite".

Mais que sont alors la causalité, l'orientation, le temps ? Des a priori ou des a postériori ?

mercredi 10 mars 2010

(Vie; Mort; Conscience) => 5è dimension ?

Catherine Besnard-Péron m'a relié à l'INREES pour illustrer mes questionnements sur les changements de référentiels et notamment ceux liés à l'invisible/visible, au sein d'un certain contexte culturel et social. Il s'agissait d'explorer à la marge des cadres des expériences humaines forcément subjectives mais que certains scientifiques osent écouter et recueillir avec rigueur.
Ce projet de l'Inrees m'est apparu très sérieux et ouvert, non dogmatique : leur projet est bien d'écouter avec méthode et d'encourager ensuite le milieu médical à recevoir l'écoute de leurs patients avec la plus grande ouverture, sans jugement préétabli.

Le premier domaine qui m'a happé est lié à la mort ou plus précisément, pour être rigoureux, aux Expériences de Mort Imminente (EMI) (NDE en anglais). J'avais déjà lu, il y a longtemps, le fameux livre du Dr Raymond Moody : "La Vie après la Vie", paru en 1976. C'était à la fois très beau et ésotérique. Et très en avance.
Avec l'Inrees, j'ai découvert le Dr Jean Pierre Jourdan, docteur en médecine et vice président de IANDS France, association fondée par Kenneth Ring aux USA. Jean Pierre Jourdan s'intéresse à ces phénomènes depuis plus de 20 ans et a même posé les bases d'un modèle qui pourrait expliciter certains invariants rencontrés dans les très nombreux témoignages recueillis.
Les NDE sont des phénomènes complexes et plus encore parce que les sciences refusent pour le moment de s'en emparer ! Ces phénomènes nécessitent donc une prise en charge au moins pluridisciplinaire voire au final transdisciplinaire. Les NDE se rapprochent de manière générale d'états modifiés de la conscience et intéressent aussi les rapports subtils entre cerveau et conscience.

Dans son document "Juste une dimension", Jean Pierre Jourdan (JPJ) établit un cadre théorique, spéculatif, de la manifestation des NDE, en partant de faits "inexplicables" selon les modèles physiques à disposition. Il met d'abord en avant que les NDE semblent rendues possibles par le fait que la conscience soit isolée de ses interactions avec le monde physique. Dans son article "Les dimensions de la conscience", il relate même l'expérience de Pam Reynolds (1998) comme preuve irréfutable de la non induction de la conscience par le fonctionnement cérébral. Ce dernier article est d'ailleurs très pédagogique et fournit, avec des témoignages, les arguments pertinents qui sous tendent sa "théorie".

JPJ postule ensuite que le cerveau serait (tout de même !) une interface nécessaire à la conscience pour interagir avec l'univers physique, à l'instar de l'analogie entre l'appareil radio et l'émission sonore qui en sort. Dit autrement, sur la base de cette analogie, la "conscience" serait un champ étendu sur l'espace-temps et l'interaction locale se réaliserait par le biais du cerveau.

JPJ postule enfin que la conscience trouverait sa "localisation" dans une 5è dimension d'espace-temps qui permettrait l'explicitation de nombreux phénomènes récurrents décrits dans les expériences de NDE les plus "sérieuses". Son approche pédagogique se veut proche à la fois d'un raisonnement analogique et hypothético-déductif. Il a le mérite de créer un cadre simple pour englober l'ensemble des phénomènes invariants recueillis.

Il est troublant à le lire de trouver des expressions proches des miennes, alors que même nous ne semblons pas avoir les mêmes références. Je cite : "le temps se spatialise" (p.11); "le temps s'est arrêtée ou n'existe pas" (p.11). Je veux souligner ici que tenter de saisir le modèle d'espace-temps 4D à la marge, par les limites des équations (comme dire que le temps de la lumière s'est arrêtée à partir des équations de la Relativité Restreinte ou bien d'interpréter les fluctuations du vide quantique à partir des inégalités de Heisenberg...) revient en quelque sorte à prendre du recul voire à se "placer" carrément dans une dimension supplémentaire (perpendiculaire aux 4 existantes). L'analogie de Jean Pierre Jourdan est donc tout à fait "remarquable"; il reste à valider par des expériences rigoureuses le cadre ainsi dégagé et notre médecin établit même les pistes à explorer dans un projet de protocole hospitalier.

Il faut en outre préciser un point important : "Pour ma part, je considère que cette dernière phase (comprenant l’approche de la lumière, la rencontre éventuelle d’un « guide », la présence d’un Amour au dessus de tout ce que l’on connaît, la compréhension d’un but à sa propre vie, la sensation d’un point de non retour) est au delà du cadre que je viens de proposer." JPJ se garde bien dans son modèle d'aborder en effet les parties de témoignages les plus mystiques mais propose (à d'autres ?) de les regarder "avec des yeux neufs et un esprit ouvert.".
Avis aux amateurs ?

L'Inrees met aussi en relation avec le Dr Jean Jacques Charbonnier, actif dans l'écoute et la diffusion des expériences depuis 20 ans également. Nous trouvons sur son site un grand nombre de références qu'il est intéressant de lire ou de voir : du matériau pour se faire sa propre idée sur la question !

Enfin, je suis allé lire également les Actes du 1er Colloque (en juin 2006) sur les Rencontres Internationales au sujet de l'EMI (NDE), organisé et rédigés par Sonia Barkallah de S17 Productions. C'est un petit fascicule qui regroupe un certain nombre d'intervenants de très bon niveau qui connaissent parfaitement la question. L'intervention de Pim Van Lommel, cardiologue auteur en 2001 d'une étude publiée dans The Lancet est particulièrement riche en données quantitatives précises mais également en pistes de réflexion ouvertes.

En fait, les EMI n'ont vraiment rien à voir avec ce que nous nommons la mort, si on y réfléchit bien et il ne faut pas vouloir les étudier frontalement dans cette optique là, ce serait une erreur grossière. En revanche, elles nous interrogent sur la nature du concept occidental de conscience et le sens de la vie.
Dans cette optique, la valeur des matériaux dégagés est très riche.

Féminin/Masculin <=> Temps

C'est la "fameuse" grippe A (H1N1) de l'année 2009 qui m'a relié au Dr Marc Girard. Ce médecin et psychothérapeute est expert en pharmaco-vigilance et, à ce titre, a alimenté quelque peu les polémiques sur la pertinence de la vaccination massale proposée aux Français.
Mais je reviens ici sur ses écrits sur la femme tels qu'ils les proposent dans ses deux articles : "La brutalisation du corps féminin..." et "La femme satyre...".

*

Dans le premier article, Marc Girard propose son analyse de la médicalisation du corps féminin, essentiellement comme une analogie d'un renversement.
Pour lui, les ritualisations médicales (à l'occasion d'un visite au planning familial ou d'un accouchement) sont perverses en ce sens que le discours qui les installe ("exigence hippocratique de chasteté" par exemple) diverge totalement avec le sens des actes pratiqués ("attentat à la pudeur" ou dé-"possessivité du mâle" face aux "actes de barbarie" pratiqués sur la femme). Ces "rituels d'inversion" comme les nomme Marc Girard sont renforcés symétriquement par le silence du corps médical face à certains problèmes de la femme comme les mycoses génitales ou le défaut d'allaitement. Des premières, aucune information claire et précise (malgré la littérature disponible) sur les risques iatrogènes de la contraception orale; du second, aucune parole sur le lien pourtant démontré entre orgasme et production de lait via l'ocytocine ! Dans les deux cas, l'homme -en tant que partenaire sexuel et/ou père- est soit mis à contribution de façon inutile, soit relégué en tant que "fonction" asexuée. Mais ces actes, nous dit Marc Girard, reflètent un état d'esprit plus profond : le déni de la" perplexité de l'homme devant la féminité" et "sa fascination pour [son] esthétique".
La femme est ainsi niée à tout âge et avec beaucoup de mauvaise foi tant la pertinence de l'argumentation retenue par le corps médical est construite de manière ad hoc, à l'opposé d'un véritable discours scientifique : contraception féminine, ménopause, procréation artificielle sont autant d'espaces où s'exerce le déni médical de l'intégrité sexuelle de la femme, voire de son intégrité d'humain tout court !
Le corps et la psyché de la femme sont constamment martyrisés tant le modèle médical du féminin est sinon outrageusement simplifié voire carrément absent. Ainsi les organes de la femme aux fonctions subtiles et complexes deviennent sinon remplaçables au moins tout à fait inutiles et les procédures de soins se transforment en automatismes aux effets antagonistes à ceux prévus par la promotion médicale !
La médecine a "réponse à tout" et Marc Girard pointe bien un excès de la "brutalité séculaire" de la médecine occidentale sur le corps féminin en lien avec une constante "surveillance toute spécifique" de chaque étape de la vie (de la pré-puberté à la post-ménopause). Cet excès amène irréductiblement au renversement d'un statut ou d'un principe féminin par sa négation même. Pire, Marc Girard souligne toute la perversité de ce renversement quand il s'agit pour la médecine de "récupérer" tout le prestige lié à un double renversement du discours, en l'espèce le dénigrement puis l'encensement de l'allaitement maternel.
Marc Girard tient cependant à replacer le rôle de la médecine occidentale vis à vis de la femme dans un mouvement historique sinon ontologique : "il revient à cette médecine d’avoir déplacé les racines de l’antagonisme d’une angoisse fondamentale – la peur viscérale de l’homme à l’égard des puissances supposées du féminin – à un simple dégoût rationalisé sur la base d’un supposé savoir quant à la physiopathologie des femmes."
Ce déplacement a une origine historique : dès la seconde moitié du XVIIè siècle, avec l'accréditation royale et religieuse des sages-femmes, en concomitance avec la dénonciation des femmes "sauvages" (les "sorcières") "auxquelles la société traditionnelle se référait dans les grands moments" de la vie. Ce geste précis envers la femme est baigné dans le mouvement plus général et plus ancien de la déculturation née de la Contre Réforme et d'une reprise en main des "esprits" populaires par le Concile de Trente sous la poussée des revendications protestantes.
Hélas, comme le souligne Marc Girard, le renversement historique du statut social de la femme est malheureusement toujours d'actualité...

*

Dans le second article, Marc Girard propose un déplacement de la thèse freudienne sur le complexe de la castration. En tant que psychothérapeute, ne voyant plus sans doute dans nos comportements trace issue d'une telle analyse littérale, il propose comme "clé" de la castration non la présence/absence de phallus mais plutôt la tumescence/détumescence de ce dernier. Ainsi, la femme ne connait pas la castration parce qu'elle n'a pas effectivement de phallus et l'homme l'expérimente symboliquement tout au long de sa vie !
Le "complexe" se déplace ainsi du champ de la possession matérielle binaire (en avoir ou pas) à celui d'une expérimentation de puissance sexuelle partielle : être "puissant" ou impuissant, selon l'état de son organe génital mais aussi de son "identité" sexuelle.
D'abord, la puissance/impuissance sexuelle est elle un problème égalitaire ? Selon Marc Girard, c'est tout à fait le cas mais d'une manière tout à fait particulière : si l'expérience de la détumescence constitue une "épreuve de vérité" pour l'homme et lui permet, face à cette contrainte physiologique, de se structurer, l'absence d'expérience de même nature pour la femme la contraint à se "structurer" sur un autre champ que celui restreint du coït ! (Or, ces autres champs sont, nous l'avons vu plus haut avec le premier article, pervertis par la société.) Pour appuyer sa thèse, Marc Girard convoque un cas extrême en relatant longuement les expériences sexuelles narrées de Catherine Millet où "embargo sur la détumescence" et "exil de l'orgasme" illustrent laborieusement "la misère sexuelle" de la narratrice. Cet exemple, analysé, in fine, comme un déplacement de la libido du stade génital à l'oral, sert à Marc Girard de catharsis pour démontrer que l'expérimentation sexuelle d'une puissance "continue" est un déni de l'inégalité des sexes, car la détumescence [vue comme l'expérimentation sexuelle d'une puissance "discontinue"] constitue bien la "limite (...) à l'égalité entre les sexes" ! En gros, nier l'inégalité des sexes, c'est désexuer la société, et augmenter la brutalité et la violence des rapports humains, notamment via le monde du travail. Marc Girard termine son article en reliant, par son activité de psychothérapie, la névrose féminine à un substitut du complexe de la castration (ce qui, il me semble, n'est pas nouveau comme interprétation...)...

*

Ainsi, par ses deux articles, Marc Girard pointe le masculin/féminin dans la société par le prisme du féminin et met en exergue une convergence de deux mouvements ayant pour résultat la déstabilisation d'une harmonie sociale. Ces deux mouvements s'inscrivent pour moi dans un rapport similaire au temps et l'harmonie synchronique constatée vient renforcer la disharmonie sociale.
Explicitons. Le premier mouvement est lié au coït donc à la confrontation temporaire ("court terme") des deux sexes et le constat à cet instant de leur "différence" réside en fait entièrement dans l'expérimentation individuelle d'une puissance ou d'une maîtrise, continue pour le féminin et discontinue pour le masculin, d'après Marc Girard. Cette interprétation reste perverse en ce sens qu'elle réduit l'humain sexué à une binarité exemplairement "matérielle" (au sens où la discontinuité "est" l'actuel (donc le matériel) et la continuité "est" le potentiel par exemple). Cette réduction sur l'humain sexué est voulue par la société qui privilégie clairement le discontinu au continu et donc dans ce sens le masculin au féminin. Cette réduction explicitée est donc la négation de la position inverse ! Elle nie donc le plaisir sexuel féminin comme une voie vers le continu, à ce qui relie, à la complexité. Elle empêche enfin la conciliation des deux sexes sur la voie complexe d'une expérimentation duale (féminin ou masculin) et donc unitaire (féminin et masculin à la fois).
Le deuxième mouvement est lié essentiellement à la fécondité/reproduction donc à la confrontation "long terme" des deux sexes et le constat sur une longue période de leur "différence" réside en fait entièrement dans l'expérimentation sociétale de la puissance ou maitrise liée à la fécondité/reproduction, continue et stable (pour la phylogenèse) pour le féminin, discontinue et instable pour le masculin. Ainsi, nier les attributs reproducteurs de la femme dans sa médicalisation excessivement brutale, c'est nier la puissance et la stabilité phylogénique du féminin en exposant de manière très excessive symétriquement l'instabilité du masculin. Cette réduction va dans le même sens que celle issue du premier mouvement et dans la même volonté du rapport au temps : vouloir supprimer la mémoire, rester dans le court (terme), figer un discontinu, arrêter le temps.

*

Dans un article paru dans un hebdo, Françoise Héritier m'a interpellé sur cette question fondatrice du rapport féminin/masculin et j'ai trouvé ses réflexions issues des travaux de sa vie tout à fait passionnantes pour généraliser les propos de Dr Girard. Je me sers ici d'un article de Agnès Fine pour résumer et illustrer mon propos :
Françoise Héritier, anthropologue structuraliste dans la lignée de Claude Lévi-Srauss, a cherché le fondement de la hiérarchie entre les sexes dans le questionnement des systèmes de parenté construits sur "un donné biologique élémentaire". En comparant les rapports masculin/féminin dans ceux de parent/enfant et aîné/cadet qui contiennent "l'ordre naturel" (ancré dans le temps, dans la succession non commutative des lignées) des générations, elle remarque un rapport asymétrique : celui de sœur aînée par rapport à frère cadet (combinaison non commutative) qui signe selon elle "la valence différentielle des sexes", ce que Pierre Bourdieu nomme "la domination masculine". Cette valence différentielle est universelle et s'inscrit pour Françoise Héritier dans la pensée de la différence (la première différence observable étant sur l'anatomie de l'humain !). L'universalité de cette valence différentielle repose selon l'anthropologue sur la volonté de contrôle de la reproduction de la part de ceux qui ne disposent pas de ce pouvoir si singulier et, en généralisant, sur la volonté de maitrise de la cosmologie et du monde surnaturel.

Ainsi, les mouvements explicités par le Dr Girard et élargis par mes soins seraient universels, selon l'anthropologue structuraliste Françoise Héritier. Pierre Bourdieu ne dit pas autre chose, seulement il lui donne une causalité différente et le lien entre ces deux auteurs est un déphasage, donc une vue différente sur le temps. Car rechercher un invariant structurant "externe" (soi disant en dehors d'une subjectivité) ou un "pivot" constructeur "interne" (soi disant en dehors d'une objectivité) reflète bien curieusement le même mouvement déphasé et interroge la causalité. Encore une fois, n'est il pas possible de saisir, avec la logique du tiers inclus, les contradictoires apparents ?

Ce que je relie ici c'est finalement le sexe et le temps. Distinguer une valence différentielle des sexes, c'est intégrer dans sa démarche une évolution et un développement (aussi bien au sens biologique que sociologique) et c'est vouloir s'affranchir de la symétrie implicite sous-jacente : le temps ! Distinguer une construction incessante et permanente issue d'acteurs, c'est aussi intégrer dans sa démarche une évolution et un développement (au moins historique !) et vouloir implicitement s'affranchir du temps (en l'intégrant explicitement) ! Les deux positions sont liées par le temps de manière antagoniste.
Je définis ainsi une triade lupascienne (féminin, masculin, temps) qui a le mérite de contenir les deux causalités explicitées voire de permettre d'en visualiser d'autres (?).

Ainsi, le renversement du Dr Girard est un renversement du temps, du moins celui que psychiquement nous ressentons tous et qui nous conditionne. Françoise Héritier invoque elle aussi ce retournement lorsqu'elle place côte à côte l'évolution du féminin et du masculin dans la reproduction : le masculin (avec le test ADN) devient certain et le féminin (avec le don d'ovules, la FIV, la sélection d'embryons, les mères porteuses, ...) devient "éclaté" et incertain (qui est la "mère" ?). Lorsque le couple féminin/masculin se perturbe, il fait bouger aussi les couples parent/enfant et aîné/cadet, et nous retrouvons ainsi les perturbations partout dans la société. Cette dernière phrase se voulant a-causale, nous pouvons écrire aussi que ce sont les perturbations sociales qui in fine engendrent sinon un renversement, du moins un déplacement très net au sein du couple féminin/masculin.
Je souhaite envisager ce "déplacement" comme une réorganisation au sein de la triade {masculin, féminin, temps} et relier ainsi toutes les questions essentielles du masculin/féminin à notre rapport au temps.
Il faudra y revenir...

dimanche 7 mars 2010

Tiers Inclus : Logique, Ontologique et Amour ?

Basarab Nicolescu s'est penché avec attention et rigueur sur l'œuvre de Stéphane Lupasco. Ce physicien théoricien du CNRS qui s'intéresse à la transdisciplinarité a apporté une nouvelle compréhension de la logique du tiers inclus.

Examinons l'axiomatique de la logique du tiers exclu (en reprenant également la métaphysique de la célèbre expérience de pensée dite du Chat de Schrödinger)(déjà citée) :

1) l'axiome d'identité : e=e (un chat vivant est un chat vivant)
2) l'axiome de non-contradiction : e n'est pas non-e (un chat vivant n'est pas un chat mort)
3) l'axiome du tiers exclu : il n'existe pas de troisième terme T qui soit à la fois e et non-e (il n'existe aucun état de chat qui soit à la fois un chat mort et un chat vivant)

En couplant les deux premiers axiomes, on arrive naturellement à saisir que le troisième semble dépendant des deux premiers : non-e n'est pas e (un chat mort n'est pas un chat vivant); on en déduit apparemment qu'il n'existe aucune place pour un tiers entre e et non-e !

A la suite de la mécanique quantique, de nombreux logiciens ont tenté des "logiques quantiques" en modifiant seulement l'axiome de non-contradiction et en imaginant des tables à multiples valeurs de vérité à la place de celle du couple binaire (e; non-e). (un chat mort-vivant est dans un état de superposition de multiples états entre un chat vivant et un chat mort ?) Finalement, on en revenait à dissoudre presque l'axiome d'identité : e est il encore e ? (qu'est ce qu'un chat vivant ?) Cette dissolution est certainement riche d'investigations...

Aujourd'hui, nous comprenons que le principe de complémentarité de Bohr impose la représentation d'un autre "objet" incluant e et non-e (la lumière n'est ni une onde ni une particule ET les deux à la fois, elle est un objet dont les deux propriétés complémentaires ne sont que des valeurs identitaires mais ne sont pas l'"objet" en lui-même)

Lorsque Stéphane Lupasco modifie l'axiome du tiers exclu en le "retournant" : il existe un tiers T qui est à la fois e et non-e, il semble violer l'axiome de la non-contradiction et pourtant il l'étend.
Il définit ainsi pour chaque couple (e; non-e) une table des valeurs logiques issue de son principe d'antagonisme (Actualisation; Potentialisation; Tiers Inclus=quantum de contradictoire=ni A et ni P).
Nous lisons ainsi : e s'actualise (en même temps que) non-e se potentialise
e ni ne s'actualise ni ne se potentialise (en même temps que) non-e {idem}
e se potentialise (en même temps que) non-e s'actualise
de façon abrégé :
e non-e
A P
T T
P A
Le Tiers inclus apparait alors effectivement comme le plus petit "élément" irréductible qui fait exister la non-contradiction entre e et non-e. T est un quantum du contradictoire. La triade ainsi définie (A; P; T) fait coexister les trois termes en même temps.
L'axiome de non-contradiction est aussi non seulement respecté mais étendu :
la contradiction s'actualise (en même temps que) la non-contradiction se potentialise
la non-contradiction s'actualise (en même temps que) la contradiction se potentialise
il n'existe aucun état ni actuel ni potentiel de la contradiction et de la non-contradiction

Paradoxalement, la contradiction et la non-contradiction semblent se soumettre à la logique du tiers exclu. B. Nicolescu nous éclaire dans son article très riche sur le tiers inclus: (...) "le quantum logique faisant intervenir l'indice T est associé a l'actualisation de la contradiction, tandis que les deux autres quanta logiques, faisant intervenir les indices A et P, sont associés à la potentialisation de la contradiction. Dans ce sens, la contradiction est irréductible, car son actualisation est associée à l'unification de e et non-e. Par conséquent, la non-contradiction ne peut être que relative ." T apparaît très clairement ici comme le quantum du contradictoire, comme le plus petit élément logique irréductible de la contradiction qui déplace nettement dans chaque couple (e; non-e) un opposé exclu en un contradictoire inclus.

B. Nicolescu clarifie cette proposition en introduisant la notion de "niveaux de réalité". Il imagine un triangle formé par le triplet (A; P; T) où A et P appartiennent à un même niveau de réalité et où T appartient à un niveau différent. Ainsi, dans le niveau de réalité de A et P, c'est la projection T' de T qui produit l'apparence de couples mutuellement exclusifs; T' ne peut, dans ce niveau de réalité concilier l'Actualisation et la Potentialisation, un évènement e et le non-évènement non-e associée. En revanche, puisque T se situe dans un autre niveau de réalité que A et P, les trois dynamismes peuvent exister en même temps, ensemble, sans contradiction. Comme le souligne B. Nicolescu : "la tension entre les contradictoires bâtit une unité plus large qui les inclut."
Le "niveau de réalité" n'est pas un niveau d'organisation, concept cher à la systémique.

Laissons parler le physicien : "deux niveaux de Réalité sont différents si, en passant de l'un à l'autre, il y a rupture des lois et rupture des concepts fondamentaux (comme, par exemple, la causalité)." Un niveau de réalité c'est "(...) un ensemble de systèmes invariant à l'action d'un nombre de lois générales (...)". Ainsi, en physique, le niveau quantique est un niveau de réalité différent du niveau "classique", macro-physique car il y a rupture des lois. Personnellement, je suis aujourd'hui plus nuancé, j'ajouterais : "dans les limites de nos connaissances". Car lorsque Basarab Nicolescu déclare que : "Personne n'a réussi à trouver un formalisme mathématique qui permet le passage rigoureux d'un monde à l'autre. Il y a même de fortes indications mathématiques pour que le passage du monde quantique au monde macrophysique soit à jamais impossible." , il oublie la théorie (et l'ensemble de ses développements) d'Alain Connes en Géométrie Non-Commutative qui semble fournir ce passage rigoureux. Il est vrai qu'il faudra beaucoup de temps pour que (si l'expérimentation valide sa théorie du modèle standard des particules élémentaires) ses travaux soient repris et vulgarisés abondamment...Mais il a raison dans le sens où il met en évidence (voir plus loin) que ce mouvement de la connaissance est ouvert donc sans fin (et donc que la géométrie non commutative nous ouvrira d'autres portes à leur tour ouvertes sur d'autres, etc..)

Mais le concept de B. Nicolescu est là dans son entier : discontinuité. Et n'a donc rien à voir avec un niveau d'organisation qui n'est en quelque sorte qu'un changement de vue continue sur un système (voir de l'ouvert à la systémique). Dit autrement, le "niveau de réalité" décrit deux ouverts disjoints et on ne parle plus d'identité, mais bien d'isomorphisme. Le problème conceptuel essentiel est que cet isomorphisme est encore très loin (voire pas du tout) d'être éclairé, documenté, informé, construit. Il est d'ailleurs à redouter que ce terme employé (par analogie) ne convienne absolument pas !

B. Nicolescu est allé plus loin et a conceptualisé un "objet transdisciplinaire" au sein d'un modèle transdiciplinaire de la Nature et de la connaissance. La lecture de son article synthétique (déjà cité) est très clair à ce sujet.
Prenons le concept de "niveau de réalité" , plaçons le dans un processus itératif supposé infini : nous obtenons une structure ouverte, gödelienne, de l'ensemble des niveaux de Réalité. Appréhender cette structure consiste en fait à appréhender un mouvement sans fin (donc sans début), sans non-contradiction absolue, incomplet. Cette structure discontinue est un espace topologique, son complémentaire existe et B. Nicolescu l'appréhende comme une "zone de non-résistance" à nos sens, expériences, représentations, descriptions, images, formalisations mathématiques. Si cela ne résiste pas, c'est qu'on ne peut l'appréhender, rien n'est saisissable. Cette zone est certainement à rapprocher du concept de "voile" de Bernard d'Espagnat (Le réel Voilé) ou de "l'affectivité" de Stéphane Lupasco voire du "sacré" irrationnel. Les deux ensembles/espaces définis : ensemble ouvert des niveaux de réalité et son complémentaire forment l'Objet Transdisciplinaire. A cet Objet T correspond de manière isomorphe un Sujet T, le complémentaire du Sujet T étant en fait la même "zone de non-résistance"identique à celle de l'Objet T.

Ainsi, par un processus itératif du concept de niveau de réalité couplé à la logique du tiers inclus, Basarab Nicolescu construit un modèle de la réalité et de la connaissance basiquement décrit par une triade (Objet T, Sujet T, T s.inclus) où l'Objet T (T pour Transdisciplinaire) se construit peu à peu par la rationalité, par l'accumulation d'information de la part du Sujet T qui devient peu à peu par la perception ce flux de conscience isomorphe à l'information mais unifié à lui seulement incomplètement grâce au Tiers secrètement inclus.
J'ai envie de modifier : grâce à l'amour !

Ainsi s'étalerait devant nous : la logique, l'ontologique et l'amour.

B. Nicolescu ajoute un concept éclairant et fondateur d'une ontologique à venir : le principe de relativité. "aucun niveau de Réalité ne constitue un lieu privilégié d'où l'on puisse comprendre tous les autres niveaux de Réalité . Un niveau de Réalité est ce qu'il est parce que tous les autres niveaux existent à la fois. Ce Principe de Relativité est fondateur d'un nouveau regard sur la religion, la politique, l'art, l'éducation, la vie sociale. Et lorsque notre regard sur le monde change, le monde change. Dans la vision transdisciplinaire, la Réalité n'est pas seulement multidimensionnelle - elle est aussi multiréférentielle."

Ce dernier mot est certainement l'(origine;finalité; T) de mon propre mouvement, ici et maintenant. Ah, non, j'oubliais l'(amour; amour;amour) !

Impasse non-commutative !

L'autre jour, j'ai passé plusieurs heures à écrire un message pour ce blog. Je suis arrivé à une impasse, très frustrante. Sentiment brouillon d'un amas incompréhensible pour une transmission d'une image mentale complexe extrêmement claire dans mon esprit. Sentiment de ne pas avoir pris le bon angle de transmission : la grille de lecture issue de la Théorie Quantique des Champs. Prise de conscience que la réalité, ce sentiment, cette émotion forte attachée à cette image mentale, restait inatteignable, tout du moins non "reliable" par les signes à ma disposition à ces instants là de ma transmission, de mon écriture.

Je ne me souviens plus comment, à la fin de cette journée désormais frustrante, je croise des liens qui m'amènent à Alain Connes. A une vidéo sur Arte.tv qui transmet un long interview de ce mathématicien de génie. Et là, en l'écoutant parler de ses travaux sur le modèle standard (Physique des Particules), je saisis une phrase qui tend à m'apaiser : (en résumé) : "Certains problèmes mathématiques sont tellement complexes qu’il serait décourageant de tenter de les aborder de front." Alain Connes parle en l'espèce de la "phrase" mathématique (équation) qui décrit le modèle standard : phrase composée de dizaines et de dizaines de termes qui bout à bout forme un complexe incompréhensible. Pour lui, comprendre cette complexité c'est la dissoudre entièrement dans une phrase ou mieux un mot, un signe simple. Ce signe que l'on saisit alors simplement permet d'avancer ensuite dans la recherche. Trouver ce signe, c'est saisir la complexité, la prendre avec soi.
Cette démarche pourrait se résumer selon une injonction populaire à : "Prends du recul !" Certes. Cette injonction est sans doute là pour nous faire saisir que tous, nous tous, pouvons comprendre la complexité du monde qui nous entoure mais qu'il ne faut pas se décourager devant l'ampleur de l'effort à déployer. Car trouver la simplicité demande de l'effort !

La complexité est en chacun de nous, l'effort à fournir dans notre vie n'est donc pas de la chercher mais bien de la transmettre simplement.

L'erreur commune de la plupart est de confondre alors simple et réducteur. Identité et Diversité. Réalité et Signe.

Rester conscient que le signe nous ouvre à la réalité mais ne la circonscrit jamais.
Cette ouverture déploie le monde qui nous contient, cette ouverture est le monde qui nous contient.
Cette ouverture est irréversible et c'est pourquoi nous ressentons cette ouverture : nous nommons ce ressenti le "temps". Non pas le temps unidimensionel de la physique qui n'a in fine aucune consistance mais l'unique qui vaille, celui que nous ressentons, tous, dans notre chair comme dans notre psychisme.

Il est amusant de noter que dans cette perturbation de l'écriture se niche une perturbation, infime mais essentielle, de ma représentation "physique" du monde. Je voulais en l'espèce utiliser les concepts de champs quantique et notamment ceux issus de la Théorie Electrofaible et ceux de la Chromodynamique Quantique pour tenter une représentation de l'observateur (ayant conscience de lui-même) dans l'espace/environnement qui l'entoure et le contient. Vaste sujet...J'ai bloqué et Alain Connes est "venu" à mon secours ! Comment ? Par sa réflexion et sa représentation mathématique, sa métaphysique en quelque sorte, issue de ses travaux en Géométrie Non-Commutative.

Alain Connes m'a fait comprendre ici que l'espace-temps du physicien qui hante ma représentation du "monde" est issu uniquement de l'interaction électromagnétique (la "lumière")(Travaux de Poincarré, Einstein, Minkowski) mais que, depuis (!), il fallait bien y intégrer les interactions faibles et fortes pour aboutir à un modèle d'espace-temps non-commutatif. Comme je n'ai point encore la maitrise des concepts issus de ce modèle, il m'est apparu tout d'un coup fort logique que je ne puisse pas transmettre, avec ma sémiologie actuelle, la complexité dont l'image mentale me tourmente ! CQFD.

Bon, au travail alors !

vendredi 5 mars 2010

Relience II

Dans Relience I, nous mettions en avant la dualité d'appréhension du réel et soulignions sa complémentarité : le réel advient en l'unité de l'expérimentation de deux opposés. Le réel n'est ni l'un ni l'autre ni les deux à la fois mais bien l'infinité des possibles entre ces deux là.
Nous évoquions déjà le temps et la lumière, mais aussi le désir, l'amour, l'affectif.

Dans Réveil de la Source, j'évoque intimement la résonance d'un complexe et d'un être en invitant le lecteur à se pencher non sur les états (les mots, les symptômes, les faits) exposés mais plutôt sur l'hyperstructure génératrice de ces états. Encore une fois, rendre compte d'une réalité par volonté de trouver invariants et algorithmes. Déjà, évidence d'un tiers irréductible, d'une distance entre action et être.

Dans Voir et Connaître, nous tombons sur l'envers du décor, sur l'expérimentation complète d'une déconstruction/reconstruction, sur un pas à pas du multi-référentiel. C'est dur, sec, décapant, aride et nécessaire. En filigrane, cousus d'or, les mots voir et connaître : la lumière et son sens.

Dans de l'Ouvert à la Systémique, une rencontre humaine décisive (unitaire) ouvre le champ (infini et continu) des investigations de l'être en les projetant dans une somme finie d'ouverts disjoints (les possibles discontinus). L'exploration systémique de ces ouverts doit aboutir au changement de vue sur le monde : celle, critique, qui change le monde ! Mais l'exploration n'est jamais solitaire, l'alliance, l'affectif, emplissent le champ psychique de la relation à l'autre.

Dans le Temps n'existe pas, (antédaté : "le temps est il ?"), nous provoquons le lecteur en le confrontant aux multiples paradoxes de son horloge sociale et culturelle et l'invitons à prendre conscience que dans l'ombre du temps réside certainement toute son unique substance et consistance : (passé, présent, futur) = (mémoire, attention, attente) = 2 opposés et l'amour ?. Le temps n'est pas "en dehors", c'est certain, il est ce chemin infini, cette tension du triplet irréductible.

Dans Ombre et Principe d'Antagonisme, nous trouvons enfin les concepts qui unifient nos éclats. Hors d'un mouvement, il s'agit juste d'un retournement : exclus, inclus, Tiers irréductible. Mais quel retournement ! La complexité jusqu'alors étalée (et simplement reliée) se concentre, se ramasse sur un ensemble de triplets logiques. Une telle condensation est néguentropique. Il reste maintenant à réitérer...

Dans Tiers Inclus : logique, ontologique et amour, nous réitérons : nous couplons le triplet logique à l'abduction puis itérons le processus jusqu'à l'émergence du Transdisciplinaire : système ouvert entièrement décrit par la triade (Objet T, Sujet T, T s.i.).
La triade : ce concept minimum et maximum, nécessaire et suffisant, pour initier et contenir la complexité.

Dans Impasse non-commutative, j'évoque la rupture du récit, entre informe et forme, entre non-être et être, potentiel et actuel et ma rencontre décisive avec ce qui sera la clé, le Tiers inclus de ma démarche, la minuscule clé de la nouvelle vue sur le monde : la lumière !

A ce stade, la perturbation est grande. La paroi est très abrupte mais l'évidence semble lumineuse : comment en rendre compte ?

mercredi 3 mars 2010

Ombre et Principe d'Antagonisme

Mon premier "travail" avec Catherine Besnard-Péron a consisté à tenter de changer de référentiel, d'intégrer, par une heuristique, le problème posé et défini, dans une autre vue, dans un ouvert homéomorphe à l'espace au premier abord envisagé.
Le mot pivot était "creux". Je me suis beaucoup servi aussi de "l'ombre" et du "refus".
Il était troublant à l'époque de constater d'ailleurs la coïncidence de lecture avec Svami Prajnanpad qui dans les premiers entretiens avec S. Prakash débute lui aussi par une décapante déconstruction d'une métaphysique dominante : tout est mental, on ne voit que ce que le mental nous montre à voir, on ne voit pas la réalité telle qu'elle est en soi.

Voir en "creux", c'est s'interroger sur le sens et l'utilisation non seulement des mots mais également des signes en général et notamment pour moi des images mentales, qu'elles soient issues "directement" de sensations ou bien indirectement, par retraitement successifs, d'abstraits. C'est donc au delà d'une sémantique, l'approche pragmatique d'une sémiotique. Pratiquer cet exercice dans une relation thérapeutique ou par l'(auto)expérimentation d'un état modifié de conscience, peut être également, par réflexivité et par désir de "généricité" une tentative d'approche de méta-sémiotique (selon S. Tomasella).

Mais, au moins dans un premier temps, il y a invitation, dans un voisinage d'un ouvert, à questionner tout ce que l'on dit et pense comme l'expression ou la forme d'une exclusion. Observer ensuite les deux formes dégagées, en parallèle, revient à expérimenter une dualité, une complémentarité. Rendre complémentaire, c'est à la fois, par abduction, se saisir d'un cadre "englobant", et à la fois se saisir de la coupure déplaçable entre les deux formes duales. Cette action définit finalement un changement de niveau de réalité et fait émerger une triade donc une complexité.

Ce mouvement local, puisque il est dans une communication, dans une relation humaine, dans une dynamique, évoque le principe d'antagonisme défini par Stéphane Lupasco dans son ouvrage "Le principe d'antagonisme ou la logique de l'énergie". Ce principe s'expose ainsi : "A tout phénomène ou élément ou événement logique quelconque, et donc au jugement qui le pense, à la proposition qui l'exprime, au signe qui le symbolise : e, par exemple, doit toujours être associé, structuralement et fonctionnellement, un anti-phénomène ou anti-élément ou anti-événement logique, et donc un jugement, une proposition,un signe contradictoire : non-e ; et de telle sorte que e ou non-e ne peut jamais qu'être potentialisé par l'actualisation de non-e ou e, mais non pas disparaître afin que soit non-e soit e puisse se suffire à lui-même dans une indépendance et donc une non-contradiction rigoureuse (comme dans toute logique, classique ou autre, qui se fonde sur l'absoluité du principe de non-contradiction)."

L'antagonisme selon Stéphane Lupasco est un contraire qui n'exclut pas mais un pôle du couple (actualisé; potentialisé). Nous avons déjà rencontré cette proposition chez Lothar Schäfer (cf La mort est une transition quantique) bien que chez ce dernier, il s'agissait d'états structurants. Chez S. Lupasco, en revanche, il s'agit bien de phénomènes dynamiques. On pourra réfléchir par la suite à la connexion possible entre ces deux propositions.
Si l'actualisation d'un phénomène ne semble pas poser de problèmes de compréhension, la potentialisation mérite explicitation : cette dernière n'est pas négation, ni disparition totale car dépendante d'une dynamique. Elle est même, selon un statut ontologique ad hoc, "conscience élémentaire" de ce qui s'actualise. (conscience et non "conscience de soi")
Considérant des phénomènes dynamiques, ces concepts rendent compte d'une coexistence dynamique d'antagonismes (unité/diversité; continue/discontinue; etc) et non d'actualisations "simultanées". Le couple unité/diversité par exemple est similaire à un oscillateur entre deux pôles contraires. Tous les états à l'intérieur de ce couple sont donc possibles, il existe alors une position intermédiaire où survient un moment contradictoire (deux actualisations inverses sont à égalité et s'annulent) nommé état "T" pour Tiers Inclus.
Les 3 états définis A, T, P (Actualisation, Tiers inclus, Potentialisation) forment alors les variables (observables) de la table des valeurs d'une logique du Tiers Inclus. Cette logique du tiers inclus ne s'oppose pas à la logique d'identité puisque cette dernière est une limite de la première : A=A rejette la potentialisation de A à l'infini et tous les états intermédiaires, contradictoires entre A et non-A.

Cette logique du tiers inclus se retrouve bien en systémique et la "boucle de rétroaction" est parfois un couple antagoniste.
Le principe d'antagonisme de Stéphane Lupasco est isomorphe au principe de complémentarité de Niels Bohr, aussi la logique du tiers inclus définit bien, au delà des disciplines, une logique de la connaissance.

Dans ma problématique personnelle, me servir des "creux", des "ombres" ou du "refus" m'a servi à exposer non seulement des états psychiques mais aussi des dynamiques. Changer de niveau de conscience par abduction et/ou saisir la "coupure déplaçable" d'un couple de contraires m'a permis ensuite d'intégrer psychiquement la logique du tiers inclus dans mes représentations. La complexité étalée sur une carte heuristique pouvait alors, de façon néguentropique, abstraire une sorte de symbole complexe, une matrice faite de l'ensemble des oscillateurs mis en évidence.

Cette prise de conscience est bien liée à l'énergie.

Nous aborderons cela plus loin...