dimanche 24 octobre 2010

L'Amour - La Solitude - Partie B


Dans L'amour La Solitude, partie A, j'ai présenté ma lecture personnelle d'une partie de ce livre de André Comte-Sponville : "L'amour la solitude". Cette lecture m'a permis de prendre avec moi des enseignements amicaux, de les agréger, de les transformer et de les exposer différemment.

Car toute re-présentation est une re-connaissance.


L'amour, La solitude : Violence et Douceur

André Comte-Sponville (ACS) s'entretient ici avec Judith Brouste, écrivain et amie du philosophe. Que l'entretien, ici, soit entre un homme et une femme n'est pas anodin pour la teneur de la co-écriture exposée.
Je prétends également que parler d'amour et d'intimité de l'amour n'est réellement fécond pour l'esprit de "l'honnête homme/femme" que si le dialogue s'instaure entre deux personnes de sexe opposé. Car seule l'opposition apporte, par l'ambivalence également implicitement ou explicitement présente, une "voie de sortie" autre que fusionnelle et/ou consensuelle, bref inextinguible. Mais deux personnes de sexe opposé n'arrivent pas toujours, hélas, à engendrer cette "sortie verticale": cet argument me semble nécessaire mais non suffisant...

ACS parle ici d'abord de son amour de la littérature que, jeune, il a exploré avec avidité. Et puis, un jour, il a pris conscience que la vie, "la vie surtout, la vie toute simple, toute vraie, et tellement difficile", s'était glissée là, dans ce rêve que jusque là, il entretenait avec elle. "La vie est un roman suffisant, non ?"

Car la vie est là et éclaire les blessures et la fragilité des hommes. "Ce que les gens disent, le plus souvent, ne sert qu'à les protéger : rationalisations, justifications, dénégations... A quoi bon ?"

La parole devrait pourtant servir à cesser de se cacher.

ACS parle aussi des philosophes et de leurs systèmes philosophiques. "Un système est un vêtement, qui protège et masque. J'aime mieux la nudité des corps et des idées. (...)A quoi bon inventer un système ?"

Oui, rendu à ce point, moi également, je me demande s'il est toujours bon "d'inventer" des systèmes ou du moins de les raconter, de les relever, de les exposer, de les relier : à quoi bon ? Et bien, il semble qu'ACS esquisse une réponse : pour se rapprocher de sa blessure, "plutôt, comme presque toujours, que de tourner autour ou d'essayer de la dissimuler."
Finalement, et je l'ai déjà raconté, "créer" un système ou s'en emparer (ce qui au moins pour soi revient au même) c'est se permettre de verbaliser l'indicible qui est là. C'est une certaine manière de s'emparer de son être pour le transmettre, ensuite. Le trans-mettre où ? Le mettre , mais trans-formé. S. Prajnanpad nous l'a enseigné déjà : l'unique chemin qui vaille est celui qui vous fait être, ici et maintenant.

Ainsi, un système ne fait point voyager au sens commun du terme, il existe pour trans-former l'être, indépendamment de l'espace-temps envisagé. C'est à dire alors qu'accumuler les systèmes revient à se dénuder : voilà un joli mouvement d'antagonismes ! A ne pas galvauder ni raccourcir : accumuler les idées et les systèmes formels d'idées permet la nudité in fine, pas l'accumulation de biens matériels ou de divertissements littéraires...

Mais, et c'était un thème récurrent dans certains de mes échanges amicaux de ces derniers mois, jusqu'où se dénuder, se demande t on ? (non, sans malice évidemment) (ou de manière plus "systémique" : jusqu'où "décentrer" le référentiel ?)
Il semble y avoir deux réponses possibles :
- jusqu'à accumuler suffisamment d'idées, de systèmes, de référentiels, donc d'informations, pour atteindre un état maximal de pertinence, donc pour exposer du sens. Cette pertinence exposée, détruisant alors non l'information accumulée mais le ou les sens précédemment relevés. L'accumulation, ici, engendre alors une destruction en même temps qu'une émergence, de sens, de pertinence. Cette destruction peut être assimilée à un "déshabillage" aboutissant peu à peu à une "nudité"et l'émergence peut être assimilée à un re-centrage ou bien un mouvement vers le "cœur" de l'être. La nudité est alors liée à ce que l'être est "le plus en propre" : se dénuder pour cesser de se cacher, se dénuder pour se trouver, en quelque sorte...
- jusqu'à être confronté au néant de l'ennui, de la vanité, de la futilité, de la solitude et de la tristesse. Cela doit être nécessaire sinon suffisant pour prendre conscience, alors, du plein de l'amour, de la joie, de l'humilité, de la gravité et de l'interdépendance absolue des êtres.

Comme dit ACS : "la question n'est pas de savoir si la vie est belle ou tragique, dérisoire ou sublime (elle est l'un et l'autre évidemment), mais si nous sommes capables de l'aimer telle qu'elle est, c'est à dire de l'aimer."

Sommes nous alors capables d'aimer ? Et qu'est ce donc que l'amour ?

Le "déshabillage" est analogue "au débarrassage des pelures " de soi-même : un passage par l'ombre, une certaine mort de "soi", de l'ego. La vraie "vie vraie" est là mais l'ego s'en empare et prend toute la place. F. Midal et C. Trungpa nous ont déjà appris cela : comment les "passages", les seuils, (initiatiques ?), les bardo, peuvent être autant de "résurrections" pour vivre un "présent qui dure", cette éternité de l'instant qui dure.

L'absence à "soi", à son ego, n'est pas alors dispersion ou folie mais son exact contraire : "disponibilité; non divertissement, mais accueil.(...) attention." L'absence à soi, à son ego, est alors un affranchissement, une libération, un don : "que peut on prendre au don, quand il n'a rien à donner que soi ? (...) La vie libérée de soi : l'éternité. Le désir libéré du manque : l'amour. La vérité sans phrases : le silence."

Eternité, Amour, Silence. Ce n'est point mystique ni encore moins mystérieux : c'est le simple de la vie !

André Comte-Sponville nous a déjà enseigné comment l'espérance et la dés-espérance étaient liés à l'amour (voir L'amour, la solitude, partie A). Il rappelle ici, avec Judith Brouste, le relativisme de Spinoza : "ce n'est pas parce qu'une chose est bonne que nous la désirons, c'est parce que nous la désirons que nous la jugeons bonne." Alors, l'amour, le désir, semble premier. Mais, précise ACS, "c'est le Réel qui est premier, mais il ne vaut que par et pour l'amour."
L'amour est désir, l'amour est jouissance, en puissance (potentielle) et en action (actuelle).
Et il ne faut pas confondre le désir du manque (la souffrance) et le désir de la présence : l'amour.

Ainsi désirer, aimer un être serait se réjouir de son existence, "qui est là", et non de son manque à notre ego; se réjouir de sa différence, de sa singularité qui constitue son être indivisible et non des écarts mesurés ou mesurables à notre ego. ACS rappelle alors les trois "visages" traditionnels de l'amour : (eros, philia et agapé). L'amour qui prend, celui qui partage et enfin le dernier qui donne. Vision "tri-dimensionnelle" de l'amour, vision "inclusive" de ce sentiment qui lie ensemble deux antagonistes reliés par un tiers inclus : prend, donne, partage.
S. Lupasco, dois je le rappeler, nous a appris de manière générique qu'une triade ainsi constituée contient une tension, est une tension.
L'amour, ainsi défini, est une tension. Ce que, finalement, tout à chacun, sait déjà...

Et cette tension est violence. Et cette tension est douceur.

André et Judith abordent alors l'amour physique : la violence de la sexualité. " Dans le sexe, on risque son identité, celle de l'autre. On risque de ne plus savoir qui on est, de perdre ses petits repères." Oui, le sexe révèle certainement "un peu de la vie à l'état pur : bouleversante, effrayante. Toujours collée à la mort. Toujours collée à soi.(...) un bloc d'abîme (...) la nuit obscure : l'horreur éblouissante."

Car le sexe est amorale, comme la vie, et "c'est aussi pourquoi il nous oblige à en avoir une" : les comportements sexuels sont moralement indifférents mais certains sont moralement condamnables. La littérature n'a rien inventé : "l'horreur est en nous, en nous la bête et le bourreau."
Sade ou G. Bataille n'ont rien inventé, pas plus que tous les auteurs de toutes époques ayant écrit sur la sexualité et ses différents "visages" (érotisme, pornographie...) (comme le montre cette page wiki.)

L'Origine du monde de G. Courbet - 1866

La sexualité est puissance de vie comme de mort. "Post coïtum omne animal triste est". C'est que, selon ACS, l'animal "a vu la vie face à face, et qu'elle ressemble à la mort comme sa sœur jumelle". La sexualité assène ainsi cette gravité de la vie, obscure et effrayante : "sous l'amour, la mort".
Nous avons déjà vu cela d'une certaine manière avec le Dr Girard dans Feminin/Masculin... où l'analogie du renversement proposé entre les deux sexes peut aussi se lire comme le renversement ultime (intégrant le temps en l'espèce) entre la vie et la mort. Le complexe de castration freudien relu par Marc Girard comme le "complexe de la détumescence phalique" (c'est moi ici qui raccourcit le propos) rejoint d'emblée ce que nous raconte A. Comte-Sponville ici et prend ainsi, s'il en était besoin, une autre légitimité : en effet, il apparait plus clair car plus banal, plus quotidien, l'effroi devant la détumescence réelle et pragmatique de l'homme que devant une castration imaginaire de la femme. Cet effroi fait peur, la mort fait peur, c'est pourquoi le sexe fait peur, mais comme le précise ACS, très sage, n'exagérons pas ces abîmes non plus : "nos plaisirs sont plus ordinaires, nos abîmes, plus médiocres.(...) Le corps est plus simple que les discours qu'on fait autour, et plus proche de la bête, pour le meilleur et pour le pire, que du divin..."

Et l'amour "qui se fait" est aussi douceur.

"Tu n'es aimé que lorsque tu peux montrer ta faiblesse, sans que l'autre s'en serve pour affirmer sa force" nous rappelle ACS en citant T.W. Adorno dans Minima moralia.

L'amour est alors ici "une puissance qui refuse de dominer,  une force qui refuse de s'exercer". L'amour est aussi douceur : "c'est la vie même, qui dévore et qui protège, qui prend et qui donne, qui déchire et qui caresse...
L'amour-douceur ainsi défini rappelle les mots de RM Rilke ds le Printemps :

Que vaudrait la douceur
Si elle n’était capable,
Tendre et ineffable,
De nous faire peur ?
                           
Elle surpasse tellement
Toute la violence
Que, lorsqu’elle s’élance,
Nul ne se défend.
Judith Brouste, ici, s'oppose au philosophe ami : "l'expérience m'a appris qu'à montrer sa faiblesse, l'autre s'y engouffre pour la rendre plus grande. Je ne crois pas aux bienfaits de l'amour. Je ne crois pas au paradis du sexe."
ACS lui répond que si elle pointe ici les "bienfaits de l'état amoureux", lui non plus n'y croit pas. Le sentiment amoureux, la passion, n'est pas le tout de l'amour, nous l'avons déjà vu avec la triade, plus haut. Eros exalté, c'est le "délire de l'imaginaire et du désir, ce narcissisme à deux...(...) Ce n'est qu'un leurre de l'ego."

La vraie question selon le philosophe "est de savoir s'il faut cesser d'aimer quand on cesse d'être amoureux (...) ou bien s'il faut aimer autrement, et mieux." De nombreux couples nous montrent la voie possible, la voie difficile, comme le soulignais Rilke : ...Il est bon aussi d'aimer; car l'amour est difficile."




Je me suis demandé alors cependant s'il n'était point possible d'aimer entièrement et inconditionnellement une personne sans passer par Eros. Est ce alors de l'amour en totalité, en entier ? La logique exposée ici voudrait que non. On oublie alors un peu vite l'amour filial par exemple où la douceur de l'amour prime sur sa violence. ACS le rappelle : "et c'est ce que la mère sait bien, ce que l'enfant sait bien, et par quoi l'humanité s'invente, (...) en surmontant la bête malgré tout qui la dévore."
Car même si certains enfants entrevoient parfois la bête, chez l'adulte censé les aimer et les protéger, il n'en reste pas moins enfants et adultes advenus, aimants et aimables, pouvant aimer et être aimé. La violence ou l'ego-ïsme est peut-être nécessaire à la totalité de l'amour mais ils ne sont pas justement suffisants pour le définir ou le détruire.

Alors, le sentiment amoureux dans l'amour ?

Et bien, j'ose prendre les mots de ACS pour finir et répondre à la question du type de femme que j'aime : "Celles qui ne se font pas d'illusions sur les hommes, et qui les aiment pourtant" En ajoutant, pour ma part : ...inconditionnellement.


"Ces femmes existent, (...), et c'est le plus cadeau qu'elles puissent nous faire : un peu d'amour vrai, de désir vrai, de plaisir vrai...C'est ce que j'aime dans la nudité, dans la sexualité, dans la rencontre risquée des corps : cette vérité parfois qui s'y joue, qui s'y dévoile, qui s'y abandonne...Cela suppose, presque toujours, qu'on prenne le temps de se connaitre, de s'apprivoiser, de s'aimer. Puis la vie passe, et nous passons avec elle..."


à suivre...


lundi 4 octobre 2010

Relience V


Dans Relience IV, je constate que le "point" ou la "vue" générique pour nous saisir de l'univers est analogue à une "boucle", à une "mise en relation relationnelle", c'est à dire elle-même "en relation à", soit au final à "une relation à la relation". Pour que cette relation à la relation soit générique, il est nécessaire d'étudier comment différents modèles de saisie de savoirs deviennent opérants chacun dans leur domaine. Cela définit la multi-disciplinarité. Depuis le début et sûrement car c'est un langage-symbole qui m'est plus familier, je me sers ici plus fréquemment de modèles mathématiques ou issus de la physique. Les derniers offrent l'avantage d'être par définition ad hoc pour ce genre d'exploration. En revanche, ici, il n'est point question d'objets physiques ou mathématiques proprement dit mais plutôt de la relation que tout à chacun est susceptible d'entretenir avec eux. Quel est donc la nature générique de cette relation ? Il me semble qu'elle est informationnelle. Ainsi la relation à la relation serait de l'information. Cette notion transverse permettrait ainsi d'établir des passerelles "logiques" entre différents systèmes organisant des faits ("évènements"). Ainsi, la relation à la multi-disciplinarité serait une notion transverse. N'est ce point comme cela que B. Nicolescu définit d'ailleurs la Trans-Disciplinarité ? 

Dans Singularité et Homogénéité en Champagne, je rends hommage à un métier et une fonction passionnante : maitre de cave en Champagne. Cette fonction est analogue à celle du "nez" dans la parfumerie ou à toute fonction qui nécessite d'assembler une diversité hétérogène en une unité homogène mais complexe. En ce sens, assembler une cuvée de brut sans année chez Bollinger revient à une individuation : rendre indivisible une diversité, voire même, rendre visible unitairement une multitude non visible d'emblée. S'agirait il d'une ontologie ?

Dans Formalisations Lupasciennes, je condense la systémogénèse de S.Lupasco, en tant que science des systèmes possibles, en une formule concise, sorte de suite "transfinie" d'un triplet "d'opérateurs" (lupasciens) dont la nature mathématique exacte resterait à définir. Il est possible néanmoins que cette suite va formaliser la relation à la relation générique (car objectivée n fois ?) et in fine l'information elle-même. 

Dans Monde des Dieux et Asuras.., je décris précisément deux états (sur 6) du système informationnel "lupascien" décrivant le "bardo" du bouddhisme tibétain. Chogyam Trungpa avait certainement réussi le tour de force en explicitant ce concept essentiel en séminaires, de transmettre l'idée de multiples doubles flux antagonistes fonctionnant en cycles ("boucles"), image cependant passée complètement inaperçue à l'époque selon moi. Ces deux premiers états pointent deux antagonismes : Dieux et non Dieux, comme les deux états opposés les plus "énergétiques"(les plus subtiles)  du système global. Le lien avec la lumière (au sens d'énergie électromagnétique) est "naturelle" pour le monde des dieux et des asuras, énergie dont la potentialisation et l'actualisation prend sa source dans le vide quantique, énergie dont la nature est duale, soit onde, soit particule.
Ces deux premiers états mettent également en relation la "folie" (divers états mentaux comme la paranoïa, la schizophrénie..) et l'égo avec le non-égo (le soi et le non-soi). Notre relation d'occidental avec ces concepts devrait ainsi être mis en relation....


Dans Austime : le complexe Systemizing/Empathising..., je m'intéresse à nouveau aux TSA par les modèles développés par l'équipe de S. Baron-Cohen : de la "bonne" science appliquée statistique et probabilitaire ! Ces modèles et ces Quotients élaborés pour décrire les TSA ont l'avantage par rapport à d'autres de proposer une unité c'est à dire une réduction avec son complémentaire : ainsi SQ est le complémentaire de EQ, ce qui se traduit pour l'individu atteint de TSA à considérer aussi bien ses "forces" que ses "faiblesses". D'autre part, S. Baron-Cohen a proposé l'équation linéaire reliant AQ (le quotient "synthétique" déterminant la "gravité" des troubles TSA) aux deux facteurs co-variants EQ et SQ. Ces modèles doivent être vus comme une mesure de la potentialisation de la maladie, son actualisation devant toujours être mesurée par les outils classiques de psychanalyse en face à face avec le patient. Ainsi, en ce sens, l'information reçue par ces modèles dépasse la simple frontière malade/non-malade ou "normal/a-normal", malgré la réduction proposée d'emblée sur des axes linéaires, car faire soi-même ces tests, c'est aussi se saisir de la "proximité" pertinente (ou proxémie signifiante) avec les personnes diagnostiquées pour l'Autisme et cela "nourrit" la relation à la relation avec ces êtres...


Dans La théorie E/S : vade-mecum pour AQ , je propose un "digest" avec tout ce qu'il faut savoir sur les tests-modèles développés précédemment, pour se situer soi-même sur ces axes de connaissances liés à l'autisme. Cela complète aussi une approche périphérique de la mesure de l'intelligence, comme nous l'avions évoqué précédemment dans plusieurs articles sur ce blog, et ce, bien que S. Baron-Cohen ne se soit pas encore saisi d'une étude sur les liens statistiques entre QI et AQ par exemple.


Dans Paul Klee : précis de mécanique plastique, je rapporte ma "découverte" de l'œuvre de Paul Klee grâce à mon regard sur son regard (photo de lui prise en 1929 à Bethany), quelques œuvres de lui scrutées à l'Orangerie à Paris en juillet 2010 et par quelques-uns de ses écrits parmi les plus connus. Ainsi, la finalité n'est pas ici de regarder les peintures de cet artiste inventif et prolifique, mais de se saisir du regard qu'il portait lui-même non  sur ses œuvres terminées mais sur ses créations en train de se faire. Etre le regard n'est pas être le peintre mais seulement se relier à sa relation avec sa création. Seule cette relation à la relation permet à chacun de voir et de comprendre...


Dans L'Amour La solitude partie A : je me glisse presque effrontément (?) dans un "dialogue épistolaire" du philosophe André Conte-Sponville avec un de ses amis pour produire une co-ré-écriture, une co-re-lecture d'une partie de son ouvrage. J'y convoque d'autres sages et/ou philosophes en acceptant aussi de me livrer sur ces deux "sujets" universels. Une vue à la fois centrée et dé-centrée...


Dans Baguenauder dans la visualisation de la complexité , je rapporte comment le travail d'un étudiant génial en design peut nous permettre d'élargir notre "vision" de la complexité et in fine de nous fournir de nouveaux modèles visuels génériques à notre prise du monde, à notre "vue" sur le Réel que je formalise pour l'occasion par une "méta^n vue", c'est à dire...une boucle relationnelle, une relation à la relation générique...Nous avons vu ici que cela semble avoir un lien avec notre relation à l'information...!


Dans Partir & Revenir : un paradigme du seuil , j'expose comment mes humeurs à l'approche des vacances peut nous fournir une illustration lupascienne de la phase liminaire de A. Van Gennep. En retour, par réciprocité informationnelle, il est plaisant de constater que l'information ainsi obtenue fournit une pertinence nouvelle à notre compréhension du Tiers Inclus. L'exercice illustré par ce billet "d'humeur" propose ainsi de montrer comment la relation à la relation (informationnelle) dans un "statut" de réciprocité engendre non pas la nouveauté au sens strict mais la...pertinence. L'état informationnel d'un système-objet en réciprocité avec son système-sujet (observateur) permet de fournir le sens. Il nous reste à déterminer génériquement de quelle manière...


Relience V semble proposer une rupture épistémologique à cette "quête" de la réunion et de la transmission de savoirs issue d'une singularité. Il est délicat d'y proposer déjà un sens. En revanche, il est dans mon intention de laisser ce canal ouvert. Sans doute plus que jamais...


Je remercie ici le lecteur visible ou invisible qui, par son intention de lecture, au moins, contribue, même inconsciemment, à enrichir cette vue. Et oui, je crois aussi à l'intention inconsciente, au sens jungien plutôt que freudien il me semble d'ailleurs !!!

lundi 20 septembre 2010

Partir & Revenir : un paradigme du seuil ?

A l'écoute : The Meaning of Life de Dajla

J'ai enfin pris avec moi cet été que j'ai "besoin" de quelques jours pour changer de rythme, les premiers jours de vacances étant quasiment toujours insupportables pour mon entourage (!). Je n'ai pas en revanche compris pourquoi, encore, bien que des pistes s'offrent à moi...

Ces moments de perturbation sont des instants de changement et peuvent se rapprocher ainsi du concept de "seuil". Avant ce seuil, l'obsession est de partir, après ce seuil, l'intention est de ne pas rentrer, entre les deux, je ne sais plus rien, je ne ressens plus rien, tout semble là, en désordre, le verre est à la fois à moitié plein et à moitié vide, l'action est vaine et la pensée mouline à "vide".

Ainsi se dégagent trois "éléments" ou plutôt une vue ternaire de cette perturbation liée au changement. Cela nous rappelle un changement d'état en physique-chimie... Cela se rapproche aussi de la phase liminaire conceptualisée par Arnold van Gennep dans son ouvrage "Les Rites de Passage" édité en 1909. Ethnologue de formation, A. van Gennep va relier sous le vocable "Rite de Passage" un ensemble de rites jusque là vus sans aucun rapport : l'image qui lui sert  de lien est le seuil.
Nicolas Journet nous l'explique très bien ici : "C'est sur ce motif spatial - celui du franchissement d'un seuil - que van Gennep construit l'image qui va lui permettre de comparer un très grand nombre de rites, habituellement considérés comme sans rapports les uns avec les autres : rites de fécondité, fêtes calendaires, cérémonies de mariage, baptêmes, circoncisions, rites de purification, cérémonies d'accès à une fonction, à une société guerrière ou religieuse, à un culte totémique ou ancestral, initiations chamaniques, etc."

Or, précise N. Journet, ce seuil se relie bien à une structure ternaire : pré-liminaire, liminaire (sur le seuil)  et post-liminaire. Cette image de trois phases liées ensemble nous rappelle aussi Discontinuité et A-causalité où j'ai étudié la triade lupascienne {continu, seuil, discontinu }. Du point de vue de l'acteur, ajoute N. Journet, cette vue (ou tri-vue) peut aussi s'interpréter par les trois phases suivantes : "séparation (de l'état ou du lieu antérieur), marge (entre deux), et agrégation (à un nouvel état)".
Ainsi, la phase "liminaire" de van Gennep est aussi une phase "marginale" qu'il est bien tentant ici de relier par analogie au tiers inclus de S. Lupasco.

Or, l'image la plus rigoureuse certainement du tiers inclus lupascien consiste en la définition suivante : un état où co-existe "simultanément" un double antagonisme de propositions non-contradictoires mais opposées, cet état définissant ainsi un irréductible contradictoire absolu entre deux non-contradictions relatives (selon B. Nicolescu). Cet état, S. Lupasco l'a martelé dans ses ouvrages, est l'exact opposé de la synthèse hégélienne ou marxiste consistant selon lui en une fusion dissolvante des contradictions. Dans le tiers inclus, il n'y a aucune dissolution, bien au contraire, mais intégration c'est à dire ouverture d'un espace, accès à une dimension supplémentaire voire à un autre "niveau de réalité" selon Nicolescu. La dissolution pourrait dans ce cas être interprétée comme une dés-intégration.
"Irréductible contradictoire" signifie bien littéralement que dans le niveau de réalité où sont situés les deux évènements contradictoires, la contradiction n'y est jamais "réduite" et présente.

Une analogie géométrique apporte ici de la clarté. Prenons une hyperbole formée par la cissoïdale de deux droites sécantes quelconques :
Étant donné deux droites sécantes et un point A en dehors de ces droites, le lieu des points M tels que P et Q sont les deux points d'intersection avec les asymptotes d'une droite variable passant par A, est l'hyperbole passant par A et d'asymptotes les deux droites de départ  (on en déduit facilement que l’hyperbole est la cissoïdale de deux droites sécantes). 
Si nous considérons chaque demi-hyperbole comme analogue aux "chemins"de deux évènements contradictoires et opposés (e et non-e) alors chaque droite sécante asymptote de l'hyperbole est analogue à la réduction sur le plan affine d'un tiers inclus lupascien (T). Parler ici de "réduction" équivaut à écrire l'égalité suivante xy = (c/2)^2, équation de l'hyperbole dans le repère formé par les asymptotes (où c est la demi-distance focale) car "atteindre" l'analogue d'un tiers inclus lupascien consisterait plutôt à écrire par exemple l'inégalité suivante: xy > (c/2)^2. Nous reviendrons plus tard sur cette formalisation...

Ainsi, passer d'une demi-hyperbole à une autre nécessite "un saut" au-dessus d'une asymptote, cette dernière, par définition ne contenant jamais aucun point de l'hyperbole. Ce saut s'accompagne en outre à chaque fois d'un changement de "signe" des coordonnées des points de la courbe. Il y a donc comme une inversion de polarité.
Cette inversion est donc "contenue" dans le tiers inclus, siège irréductible de la contradiction et seuil/passage entre e et non-e.

Cette inversion, Victor Turner l'a conceptualisée clairement en ethnologie, en poursuivant les travaux de A.van Gennep, et l'a associé à la phase liminaire, au seuil. Ainsi, comme le rapporte N. Journet, "Turner en arrive-t-il à une interprétation beaucoup plus large de la dynamique sociale : toutes les sociétés seraient construites sur une opposition entre structure et antistructure." Entre les deux, le passage/seuil, la phase liminaire permet à l'individu social de prendre conscience à la fois de la structure et de l'anti-structure, de la séparation et de l'agrégation, de l'avant et de l'après. C'est exactement analogue à la position du tiers inclus T qui "contient" à la fois une part de l'évènement e et une part "égale" mais opposée de l'évènement non-e antagoniste. C'est exactement analogue, comme je l'ai illustré dans Bardo : au delà de la folie..., à l'état de bardo , concept opératif du bouddisme tibétain selon C.Trungpa.
Cette inversion reliée au seuil/passage est certes transitoire mais néanmoins consubstantielle du changement.

Ainsi, heureusement pour mon entourage, mon changement d'humeur post-liminaire à l'état de vacance de mon esprit en "vacances" d'été est transitoire et s'agrège sans difficulté aux humeurs de mes semblables en congés, après s'être séparé avec conflit des ambiances de travail...

"Partir, revenir" : un modèle paradigmatique du seuil ?

mardi 3 août 2010

Baguenauder dans la Visualisation de la Complexité...

A l'écoute : Days of Wine and Roses de Michel Petrucciani 

L'été dernier (2009), en baguenaudant sur la toile numérique, j'ai découvert le projet visual complexity de Manuel Lima.

Manuel Lima a créé "blogviz" au cours de ses études à la Parsons School of Design de New York (The New School for Design) où il a passé son Master of Fine Arts en design et technologies. Blogviz permet de visualiser en quelque sorte le flux dynamique d'informations dans la "blogosphère" et a été créé au départ pour analyser pendant 64 jours consécutifs de 2005, les flux des adresses URL les plus citées parmi les entrées quotidiennes des blogs.

Visual Complexity (VC) a débuté la même année avec le but déclaré de permettre une compréhension critique de méthodes de visualisation différentes des réseaux au travers de "disciplines" diverses (biologie, réseaux sociaux, web, sciences..). Chaque projet retenu dans VC (il en existe 730 au moment où j'écris) l'est pour diverses raisons : il offre une réelle avancée en terme de méthodes ou techniques de description visuelle ou il illustre une singularité réelle dans le choix du sujet ou alors il montre un réel réseau complexe au sens "chaotique" du terme ou tout au moins un certain degré de connectivité irrégulière mais systématique. Manuel Lima propose comme illustration du "chaos" les travaux sur les cellular automata (CA) ou automates cellulaires en français. Le trait commun et réducteur à tous ces projets est qu'ils illustrent tous que "le tout est plus que la somme des parties".

dimanche 1 août 2010

L'Amour - La Solitude - Partie A

A l'écoute : Jasmine de Keith Jarret et Charlie Haden

La lecture de André Comte-Sponville (ACS) et de Svami Prajnanpad (voir Voir et Connaitre) m'a permis de rencontrer quelques personnes. L'une d'entre elles, AD, est devenue une amie et nos échanges épistolaires ont contribué à un co-enrichissement mutuel. Suite à quelques ouvrages de Fabrice Midal (dont nous reparlerons plus tard), elle m'a indiqué "L'amour la solitude" de ACS. (éditions Livre de Poche - Albin Michel - 2000).

Ce petit ouvrage (dont la première édition remonte à 1992) est construit d'ailleurs comme un échange épistolaire entre trois interlocuteurs et le philosophe : des conversations écrites ou un "dialogue épistolaire" selon le mot même de l'auteur.
"La vérité, ici, importe plus que la beauté, le plaisir, plus que le travail; la vie, plus que l'œuvre."

Il est de mon point de vue impossible de résumer un tel ouvrage tant la pensée de son auteur est riche, dense, alerte, pleine et concentrée de tant de concepts exprimés en si peu de mots, tant il relie d'espaces par le choix pertinent de son vocable : cette plénitude ne se laisse pas re-saisir aisément. Aussi, je prends le parti de me glisser dans le cheminement des conversations et par résonances multiples d'infiltrer mes propres expériences et lectures. Il s'agit ici plutôt d'une sorte de co-écriture où tout en respectant la liberté de ACS d'exprimer ses idées, j'exprime les miennes...

vendredi 30 juillet 2010

Paul Klee : Précis de Mécanique Plastique

J'ai visité très récemment l'exposition sur Paul Klee au musée de l'Orangerie à Paris: quelques œuvres de la collection de la fondation Ernst Beyeler, surtout de la fin de la vie du peintre (1879-1940).
Je connaissais très peu la peinture de P.Klee. J'ai cependant été happé par sa personnalité qui ressort des citations et commentaires émaillant l'exposition. Des phrases très connues des professeurs d'Art du monde entier m'ont frappé par leur résonance avec ce qui me traverse ici : cela m'a poussé à acheter et lire "Théorie de l'art moderne", édition de divers textes écrits par Paul Klee, chez Denoël pour la traduction française par P.H. Gonthier (présente édition chez Folio Essais).

Aujourd'hui, Paul Klee est reconnu comme un des peintres majeurs du XXè siècle et sa production est riche de plus de 9800 œuvres dont 4000 environ sont regroupées au Zentrum Paul Klee de Berne. En revanche, ses travaux théoriques sont d'après PH Gonthier mal connus en France et peut-être à cause de "l'humilité du langage de Klee, son laconisme, voire ici ou là une apparence trompeuse de pédanterie [qui] représentent en fait la cristallisation -- épurée parfois jusqu'à l'auto-destruction -- d'une somme incroyable de connaissances, de réflexions, d'informations."

Cet homme, cet artiste, m'est apparu soudain très complexe.

mercredi 28 juillet 2010

La Théorie E-S : Vade-Mecum pour AQ !

Dans Autisme : le complexe Systemising/Empathising, nous avons longuement commenté une partie des travaux de l'équipe de Simon Baron-Cohen (SBC) sur la théorie E-S et l'EMB. Nous avons également présenté les quatre tests principaux (AQ, SQ, SQ-R et EQ), corrélés entre eux, qui permettent à chacun de se situer sur l'échelle du continuum autistique (le fameux "spectre" de Lorna Wing d'où la dénomination en anglais : ASC = Autistic Spectrum Conditions équivalent à TSA = Troubles du Spectre Autistique).

Nous allons ici reprendre simplement les principaux chiffres et tableaux issus d'un ensemble de publications à des fins pratiques d'utilisation individuelle. Passer de tels tests en ligne, c'est bien, mais avoir à disposition ensuite les éléments nécessaires à leur mise en relation, c'est mieux !

vendredi 23 juillet 2010

Autisme : le complexe Systemizing/Empathising de S. Baron-Cohen

 A l'écoute : Blue Note TSF de Dexter Gordon

Dans Je suis né un jour bleu et Austisme : Malvoyance de l'E-motion.., nous avons abordé la question de l'autisme, des troubles de la sphère autistique (TSA). Peu après, une amie nous a relayé les travaux de Simon Baron-Cohen (et collègues) de l'ARC (Autism Research Centre de l'université de Cambridge) sur ces sujets. Nous nous sommes particulièrement intéressés aux tests d'auto-évaluation créés (puis repris en de nombreuses langues par d'autres professionnels) par cette équipe.

Les tests, c'est toujours évidemment réducteur mais cela permet de "faire" des statistiques, des analyses et de dégager des axes de compréhension d'un spectre complexe. Cela réduit une symptomatologie, cela permet de s'en saisir. En ce sens, c'est à la fois contraire à notre approche ici (la réduction) et à la fois en plein accord (la saisie). Cela reste un ou des modèles, des vues sur ce monde là, ni plus ni moins.
L'auto-évaluation est également une pratique que tout à chacun aime : cela ne sert pas à grand chose la plupart du temps mais c'est si drôle (enfin on rit jaune parfois) de se comparer aux autres dans la société ! Il reste à apprécier dans cet exercice le biais statistique engendré par "l'image de soi" : celui qu'on aimerait être ou celui qu'on croit être (consciemment + inconsciemment) versus celui qu'on est... Dans toute auto-évaluation, il faudrait également être relativement "bête" ou tout au moins très "focalisé" : cela permet d'éviter ce que nous appelons le "syndrome de l'ingénierie inverse" qui consiste au fur et à mesure de l'évaluation d'apprendre ou au moins de subodorer fortement  l'algorithme de conception du test : une telle connaissance biaise évidemment les résultats. Cela nous rappelle furieusement tous les jeux pratiqués solitairement (sans ordinateur !) (jeu de dames, d'échecs, etc..) où le gagnant est la même personne que le perdant (et vice versa).
Bref, et malgré tous ces avertissements, il nous est apparu qu'on peut toujours apprendre en s'amusant, et que des "choses" très "sérieuses" se découvrent d'ailleurs par ce biais là...

mardi 20 juillet 2010

samten et kyené bardo : Monde des Dieux et des Asuras

Nous avons illustré dans Bardo : Au delà de la folie, notre interprétation lupascienne du bardo et des mondes, nous nous en sommes saisis par cette triade ouverte et complète : {monde; mode d'être du bardo; état de bardo}.
Le bardo étant vu par sa nature duale et complémentaire, Chögyam Trungpa l'illustre bien dans les deux conférences qu'il a réalisé en 1971 au USA où il avait choisi à chaque fois une vue différente : ainsi l'une (Allenspark) suit les 6 états de bardo pour dépeindre les 6 mondes quand l'autre ( Karmé-Choling) suit les 6 modes d'être du bardo et leur cycle possible au sein de chaque monde.

Avant de développer plus en avant, nous allons reprendre l'explicitation du bardo et des mondes par la métaphore du "moi". Pour Chögyam Trungpa, "d'abord, il y a l'ignorance fondamentale, consistant à refuser de voir ce que nous sommes..." Ce refus engendre le "soi" : "il faut alors ériger une sorte de mécanisme de défense pour se protéger contre toute découverte  éventuelle de la non-existence de soi." Car cette découverte engendre de la panique et de la paranoïa : "on aimerait bien se voir comme quelqu'un qui ne cesse d'exister, de survivre, d'être continuellement une personne..." Le "moi" est donc un mécanisme de défense.
Lorsque la paranoïa prend de l'ampleur : "il y a possibilité d'établir un rapport par la sensation". "C'est à dire que nous nous engageons dans diverses zones, divers mondes". Ce rapport simple ("bon, mauvais ou neutre") se complexifie ensuite par l'impulsion (mouvement vers l'extérieur). Ensuite, "on essaie de percevoir le résultat de ses actions impulsives. Une sorte de guetteur conscient de lui-même fait son apparition, c'est le surveillant de tout le jeu du moi." Le mouvement en retour vers l'intérieur engendre ce guetteur. CT explicite ici le même jeu dialectique que S. Lupasco : deux mouvements antagonistes nécessaires et suffisants pour engendrer la conscience de la conscience : le "soi".
"La conscience est la dernière étape du développement du moi.(...) essayer de ranger les choses en catégories et leur trouver un sens intellectuellement."

samedi 10 juillet 2010

Formalisations Lupasciennes

Dans Ombre et Principe d'Antagonisme, nous avons introduit la dialectique de Stéphane Lupasco par le principe d'Antagonisme et découvert le triplet (Actualisé, Tiers Inclus, Potentialisé) où le Tiers Inclus se définit comme l'état mi-Actualisé et mi-Potentialisé ou mieux dit : ni Actualisé et ni Potentialisé. Dans Tiers Inclus, Logique, Ontologique et Amour ?, nous avons formalisé l'axiomatique de la logique du tiers inclus par extension de celle du tiers exclus. Au premier abord, en effet, il s'agit d'un simple retournement exclus/inclus, ce qui induit d'ailleurs nombre de penseurs à déconsidérer les travaux de S. Lupasco (SL) puisque les "jugeant" dans le cadre que ce dernier s'évertuait à agrandir ! Mais ces déconsidérations proviennent essentiellement d'incompréhensions, c'est à dire non d'un manque d'intellect mais bien d'un manque d'intention.
Ensuite, nous constatons que le triplet évoqué plus haut, se couplant avec un évènement quelconque e et son antagoniste non-e, fournit 6 expressions logiques différentes. Ces 6 expressions, SL va d'ailleurs les coupler entre elles logiquement et dynamiquement et aboutir à une Table des déductions "transfinie": sorte d'arborescence de système de système : la systémogénèse lupascienne formalisant la science des systèmes possibles.

vendredi 9 juillet 2010

Singularité et Homogénéité en Champagne : Bollinger

J'ai eu la chance et le plaisir (pour ne pas écrire le privilège) d'être reçu très récemment dans une maison de Champagne familiale mais à la notoriété mondiale : Bollinger ! Sise à Aÿ, près d'Epernay, dans un village très renommé classé Grand Cru (100% sur l'échelle des crus champenois), cette maison fondée en 1829 par Jacques Bollinger est encore propriété de la même famille aujourd'hui.

La maison fait partie du groupe des maisons "moyennes" à l'UMC, elle est cependant propriétaire de 163 ha de vignes (ce qui est considérable en Champagne) qui lui fournissent plus de 60% de ses besoins en raisins, les 40% restants sont achetés auprès de vignerons sélectionnés et suivis d'année en année: au total, 80% des raisins proviennent de vignes classées entre 90 et 100% (premier et grand cru), réparties sur 120 parcelles environ. C'est ici, déjà, sur l'approvisionnement, que Bollinger se distingue car son exigence est élevée (les vignes classées entre 90 et 100% ne représentent en effet que 25% de l'ensemble du vignoble Champenois). Enfin, sa propriété foncière importante lui fournit une relative autonomie et sécurité quant à la qualité des raisins apportés à la cave : 15% de Pinot Meunier, 60% de Pinot Noir et 25% de Chardonnay.
Cette proportion de cépages est celle du vignoble de la maison, mais aussi celle de la totalité des raisins achetés et apportés à la cave et il se trouve que c'est la proportion utilisée pour élaborer le brut non millésimé de la maison : le "Spécial Cuvée" : nous pouvons donc dire, ce qui est rare pour une maison de Champagne (négociante) de cette importance, que sa première cuvée, celle qui signe sa notoriété, respecte complètement le terroir en propriété, à l'instar d'un Propriétaire Récoltant Manipulant.
Enfin, une spécificité mondialement connu du foncier de la maison se trouve à Aÿ, près du siège de la maison, Rue Jules Lobet : deux parcelles plantées de vignes non greffées, "en foule", et travaillées à l'ancienne selon la méthode du provignage. Ainsi, face à elles, nous voyons un ensemble désordonné d'échalas retenant les sarments de l'année : ces deux parcelles ont été plantées en 1960 par Mme Jacques Bollinger ("Lilly"), elles sont donc âgées de 50 ans, mais contrairement à une vigne greffée et palissée, la vigne en provignage ne laisse voir qu'un sarment de l'année n-1 et les sarments de l'année, la souche étant enterrée. Ces vignes sont cultivées de la même manière que nos ancêtres cultivaient avant l'arrivée du phylloxéra en France au XIXè siècle, c'est à dire que non greffées sur pied américain résistant à la maladie, elles y sont sensibles et peuvent être détruites entièrement par cet insecte. Le Pinot Noir issu de ces parcelles est vinifié à part pour élaborer la cuvée très confidentielle de Bollinger : "Les vieilles vignes Françaises".

Environ 120 parcelles de vignes sont donc vendangées tous les ans et vinifiées séparément, soit en cuves inox, soit en "vieilles" barriques de chêne (228 ou 400 litres, certaines datent de plus de 120 ans) selon la qualité, les caractéristiques physico-chimiques du vin "clair" de l'année (vin "de base" issu de la première fermentation alcoolique en Champagne).
Ensuite...débute le grand "jeu" complexe de l'élaboration des différentes cuvées de la maison : l'assemblage de ces 120 vins clairs entre eux. Et là encore, la maison Bollinger se distingue !

Ainsi, chaque année, une bonne partie de la récolte est laissé en élevage, soit en cuves, soit en barriques, pour l'année suivante : ces lots constituent des vins de "réserve".
Une autre petite partie, parmi les grands et premiers crus, est mis en magnum et bouchés liège (avec un quart de dose de liqueur afin d'obtenir une légère fermentation en bouteille (un "quart de mousse") ce qui favorisera le vieillissement ultérieur) pour constituer les "autres" vins de réserve : une singulière (et unique en Champagne) œnothèque de magnums bouchés liège sur latte, originaire d'une centaine de parcelles différentes et vieillissant de 5 à 20 ans ! Le trésor singulier de la maison Bollinger qu'aucune autre maison ne pratique car l'investissement humain et financier est...rédhibitoire !
Enfin, le reste de la récolte est réparti selon les qualités spécifiques de chaque lot pour l'élaboration des cuvées.
Nous nous pencherons juste sur l'assemblage du Spécial Cuvée de Bollinger, tant cette cuvée est singulière dans le monde du champagne des grandes Maisons.


L'objectif "classique" d'un brut sans année pour une maison de champagne est l'obtention annuelle d'un vin aux caractéristiques sinon constantes au moins homogènes au cours des ans. L'objectif est en partant de l'hétérogénéité, d'arriver à l'homogénéité, chaque année. Certains prennent cet objectif à la lettre et confondent parfois la variabilité propre à un produit agricole avec la constance d'un produit manufacturé, certains confondent l'assemblage qui sublime les singularités par l'émergence d'une cuvée complexe avec le "mélange" technique de divers lots pour l'obtention d'un brut sans année et (presque) sans âme.
Mais chez Bollinger, la complexité n'est pas un vain ou vilain mot !
Ainsi, le Spécial Cuvée est élaboré chaque année à partir d'une partie (env. 45 à 48%) de vins de l'année, dont une partie (environ un tiers) est vinifié en barriques, auquel est ajouté la même part de vins de l'année d'avant gardés en réserve (en cuves ou en barriques), enfin, est ajouté une petite part (5 à 10%) de ces fameux vins de réserve gardés en magnums. Le Spécial Cuvée est donc au total composé d'environ 50 à 60% de vins de réserves, dont l'origine provient de 120 parcelles, trente crus et s'étale sur plusieurs millésimes...C'est donc une formidable mosaïque de singularités !
Et pourtant, la qualité principale du Spécial Cuvée n'est pas la somme de toutes ces singularités mais ce qui en émerge pendant ses trois ans minimum de vieillissement sur lattes puis ses trois mois minimum de stockage après dégorgement.
Car la beauté de l'assemblage réalisé par le chef de cave ne se dévoile que trois ans après sa réalisation, il est d'ailleurs coutumier que le chef de cave, prenant ses fonctions, reste accompagné pendant cette durée là par l'ancien "assembleur" en titre afin qu'il puisse prendre conscience pleinement de son travail : travail de transmission donc de mémoire...

Comment retrouver cette complexité à la dégustation de cette cuvée ?
L'exercice prisé par certains dégustateurs très avertis est de tenter de décrire une partie de la somme des singularités qui composent la cuvée, c'est à dire de rattacher des sensations, des arômes, des textures, des goûts, des saveurs précises aux multiples origines du vin. Même le chef "d'orchestre" de la cuvée, en l'espèce le chef de cave, n'y réussit pas totalement puisque son art consiste justement à faire émerger un "tiers" de la somme linéaire des composants, "tiers" émergeant et source de l'homogénéité de goût recherché, année après année. Pourquoi transformer l'hétérogène en homogène, année après année ? En fait, il ne faut pas voir dans cette question un passage binaire entre deux polarités : toute l'hétérogénéité est entièrement contenue dans l'homogénéité de la cuvée assemblée et de même, d'une certaine manière, toute l'homogénéité de l'assemblage est déjà présent potentiellement dans la centaine de vins hétérogènes issus de la centaine de parcelles de vignes hétérogènes.
Dit autrement, en visualisant d'une part les vignes, les raisins, les vins clairs et d'autre part la cuvée assemblée, nous apercevons un système dynamique d'antagonistes dont chaque polarité contient potentiellement l'autre. C'est pourquoi, il est possible, au moins en théorie, par la dégustation de l'une (vins clairs) ou de l'autre (cuvée assemblée) de re-trouver l'autre ou l'une. En pratique, il faut beaucoup déguster, c'est à dire prendre avec soi et expérimenter à la fois (garder en mémoire) chaque singularité, chaque vin et j'imagine que seul Mathieu Kauffmann (chef de cave) en est capable pour la maison Bollinger !
Ainsi, la complexité naît non seulement de l'exposition des singularités, de leurs liaisons entre elles, mais aussi de leur réunion. Prenons comme image une carte heuristique (voir article) : l'ensemble des "branches" est l'ensemble des vins clairs par exemple avec leurs origines diverses, et le cœur de la carte est la cuvée assemblée : ainsi l'ensemble des parties voit le tout et le tout voit l'ensemble des parties : la carte est un modèle de complexité.
Ainsi, lorsque "lire" une carte heuristique revient à "dérouler" séquentiellement des parties de ses branches, déguster une cuvée de Champagne assemblée comme un brut non millésimé, revient à percevoir séquentiellement des parties de ses vins composants. Chaque lecture de la même carte est différente car chaque déroulement séquentiel est unique, ici et maintenant. De même, chaque dégustation est unique car chaque perception sensorielle séquentielle est différente, ici et maintenant.

Voilà comment il est possible aussi d'expérimenter la complexité, la logique du contradictoire, la démarche heuristique, en dégustant "simplement" une flûte d'un merveilleux Champagne !

Je n'ai parlé ici que du Spécial Cuvée de Bollinger mais toutes leurs cuvées sont également singulières et élaborées avec le même sens "homogène" (!) du détail, de la rigueur et de l'exigence d'une certaine tradition au service d'une qualité irréprochable. Ainsi, tous les vins millésimés sont vinifiés en barriques, tirés et bouchés liège, remués sur pupitre à la main après leur temps de vieillissement spécifique (au moins 6 ans et jusqu'à 12 ans pour le RD 1997) et dégorgés manuellement (oui, vous avez bien lu : à la main ! encore en 2010) avant leur expédition. Il ne s'agit pas ici d'une perpétuation d'une "bête" tradition, mais bien de garder vivant des gestes ayant une importance qualitative primordiale et démontrée sur le vin ! Ainsi, le Spécial Cuvée Rosé, non millésimé, est pourtant remué manuellement sur pupitre en bois car la maison a remarqué que cette cuvée avait besoin de ce temps là pour atteindre sa pleine limpidité...

Homogénéité de l'excellence et hétérogénéité des principes  au service d'une magnifique Singularité, en Champagne : c'est Bollinger !


Pour le lecteur souhaitant mieux se familiariser avec la Champagne, je recommande l'excellent site du CIVC.

mercredi 7 juillet 2010

Relience IV

Dans Relience III, nous avons saisis que notre avancée, ici, sur ce blog, n'était pas vraiment linéaire et que les idées, isomorphes à des états mentaux (au sens de F.Martin), c'est à dire à des états psychiques modélisés par des opérateurs quantiques, étaient certainement plus étendues (au sens d'un champ) que localisées. D'ailleurs, le bouddhisme ne transmet il pas que la conscience est une substance non pensante mais "étendue" ? Ainsi la forme du blog, sa séquence, retrace un "temps entropique", une succession d'évènements au moins mentaux, à laquelle nous donnons sens a postériori. Nous postulons, pour notre part, depuis le début de cette écriture, et nous l'avons déjà manifesté dans Utopie et Mensonge, que le déroulement de l'écrit (au moins !) est non seulement poly-chronique (synchronique et diachronique à la fois ?) mais a-chronique et que le sens donné l'est aussi d'emblée, a priori ! Dit autrement, l'écriture séquentielle révèle le déroulement séquentiel d'une globalité déjà existante, une prise avec soi séquentielle, une compréhension donc, d'une complexité existante. Pour reprendre l'image de "l'arbre du réel", ce dernier existe, nous le voyons, nous le savons, il est complexe mais son "image" est pourtant "simple" : c'est un "arbre", quoi ! En revanche, le parcourir, de branches en branches, chercher à le prendre, chercher à l'être, est ardu, long, compliqué parfois, et infini. Le déroulement de ce parcours n'indique qu'un chemin, jamais  il ne rendra compte de "l'arbre" dans sa globalité...

Dans Espace-Temps quantique : la fin du champ ? , nous mettons en évidence, via la théorie de la gravitation quantique à boucles (loop quantum gravity) que l'espace-temps serait une superposition probabiliste continue d'ensembles de quanta. Cette conceptualisation nous rapproche évidemment de la formalisation quantique de la psyché humaine de F. Martin, mais alors que cette dernière est immergée dans une théorie quantique des champs "classique", la théorie de Carlo Rovelli (et collègues) innove en utilisant une nouvelle métrique. La conséquence primordiale de ce choix définit un "nouveau" rapport à l'espace-temps qui devient de facto essentiellement relationnel : il n'existe plus aucun cadre "absolu" dans lequel advient tout phénomène "relatif" à ce cadre.
Dans Espace-Temps quantique et logique de l'inclusion, nous constatons que pour se saisir pleinement du concept de l'espace-temps quantique, il faut le plonger dans une autre logique, celle que nous avons déjà rencontré, celle qui étend l'exclusion à l'inclusion. Ainsi, nous pourrons ultérieurement revenir sur le couplage (isomorphisme ?) opéré par S. Lupasco entre la matière psychique et la matière microphysique : ce couplage se trouvant indubitablement relié à la notion d'espace-temps !

Dans La Déité : une relation au non-ego, nous retrouvons, dans un tout autre domaine de savoirs, la notion clé de mise en relation, de rapport de présence à. Encore une fois, la logique de l'inclusion nous permet de comprendre les paradoxes exposés par F. Midal et nous concluons que bien qu'il soit non suffisant de lire nos interprétations pour "savourer", expérimenter ce qui advient, il est nécessaire cependant de s'en imprégner pour ne pas risquer de passer à côté de vues très riches sur la réalité. Il nous vient par exemple que se servir de ces descriptions (pour décrire la Déité) pour l'intelligence, par simple analogie, peut certainement être source de vues inédites...

Dans Récréation Intime, nous relions justement ce "rapport à ", cette "relience" en fait (au sens de l'article ici), à l'ensemble de la saisie de l'univers qui nous contient et nous l'illustrons par deux conférences "grand public" : l'une sur l'espace-temps par un physicien et l'autre sur la révolution (la rupture) des technologies numériques par un philosophe.

Dans Surdoué : de l'a-normalité à l'heuristique, nous revenons sur le concept d'intelligence en questionnant l'a-normalité sociale du HPI (haut Potentiel Intellectuel). De nombreux articles de Nikos Lygéros nous aident à élaborer peu à peu l'idée d'une démarche heuristique sur cette notion éminemment complexe. Cette heuristique rejoint l'idée déjà entrevue dans "Réveil de la Source", d'échafauder par abduction une hyper-structure génératrice de la "symptomatologie" du HPI.
Dans Consubstantialité et Carte Heuristique, nous nous emparons d'un outil performant pour l'élever au rang de modèle voire de paradigme. Nous concluons que la carte heuristique est aussi "une vue formelle dans une logique du tiers inclus", mais sans l'illustrer ni le démontrer.
Dans Principes Heuristiques, Intelligence et Heuristique, nous illustrons par notre carte heuristique des Principes Heuristiques de Nikos Lygéros, l'algorithme nécessaire et suffisant pour élaborer une ontologique de l'heuristique. Cette dernière, par mise en relation "générique", laisse l'invariant apparaître : l'intelligence ! Alors l'ontologie de l'heuristique devient une ontologie de l'être "intelligent", i.e. de l'intelligence !
Dans Considérations sur les HPI : Universalité et Singularité, nous étudions partiellement diverses sociétés regroupant des THQI et effleurons les critères de classification ayant servi à échafauder la plupart de ces groupes. Ces réflexions débouchent sur une question très ouverte qui nous invite à revenir sur la plupart des "boucles" ou des "branches" mises en avant : "Et si de l'intelligence, nous ne savions encore rien ?"

Dans Bardo : Au delà de la folie : la logique du contradictoire, nous interprétons les notions de bardo et de "monde" par la logique du contradictoire et révélons ainsi une triade lupascienne contenant l'ensemble des 6 possibilités d'être au sein de cette dialectique. Cette triade n'explique rien, elle définit le "point", le "nœud" du canevas de ce paradigme bouddhiste et permet ainsi la saisie de ces concepts pour un occidental, dans une logique ouverte à la dualité, aux extrêmes. Comme la Déité, le bardo (vu de façon duale) est une clé pour s'emparer de ce rapport de présence à ce qui nous entoure/contient...


Ainsi, il devient clair que nos recherches/questions portent sur la saisie de ce qui in fine va nous échapper par ce mouvement : il devient clair que la triade lupascienne (notre interprétation de la logique élaborée par S. Lupasco) définit  notre "point" de vue universel et singulier à la fois sur les flux d'évènements en relation les uns avec les autres. Mais il ne faut pourtant pas croire que ce "point de vue" explicite : il permet juste de saisir en étendant notre "panorama". Or, cette extension de panorama est aussi en mouvement, et par là même nous échappera incessamment : le "point de vue" n'est pas encore expérientiel...

samedi 3 juillet 2010

Méta-Relience I

Dans Relience I, nous avons rapproché les vues de la science physique (essentiellement) avec nos sentiments, nos émotions, nos intentions et volitions, notre amour de l'autre. La science nous amenant in fine à nous attacher ni au temps ni à l'espace (trop imprécis et incertain) tels qu'ils sont définis en tout cas depuis Newton et que chacun "transporte" implicitement dans sa représentation mentale du monde. La science (la physique quantique notamment) nous apporte également la non-séparabilité entre sujet et objet : ces deux dernières vues nous fournissent une conception relationnelle de la réalité et donc relative. Cet état relatif apparait à la fois unique ("une unique réalité" issue d'une unique mesure de nos sens) et multiple : toute relation est en relation avec d'autres, elles mêmes en relation etc...La métaphore est celle de l'arborescence infinie : nous voyons à la fois un "arbre" et à la fois nous sommes cet "arbre".
Comment choisissons nous notre vue de "l'arbre", "à chaque instant" ?
Nous postulons que l'intention, la motivation, le désir permettent ce choix, cette vue. Sans aller plus loin pour le moment.
"Nous ne voyons que ce que nous comprenons", avons nous illustré, c'est à dire, que ce que nous prenons littéralement avec nous, en nous, que ce qui est nous d'une certaine manière. Mais prenons nous tout ? Nous avons illustré que d'une certaine manière, analytique, c'était impossible et hors de portée et dans le même temps, d'une autre manière, synthétique, c'était évident et facile. Ainsi, il n'est pas besoin de comprendre pour savoir...! Mais il est apparu pourtant que pour transmettre ce savoir, il faut une intention, un amour de l'autre et un apprentissage de la représentation du monde donc de la relation.
En fait, déjà, nous voyons les dynamiques existant au sein de la dualité (savoir et compréhension). Ces dynamiques sont nécessaires mais sont elles suffisantes ?

Dans Relience II, nous postulons d'emblée que le réel émerge de ces dynamiques. Il faut nous pencher sur le comment. Nous cherchons dans diverses directions, au sein de diverses branches de "l'arbre" du réel. Cette recherche participe implicitement à l'élaboration d'une heuristique. Ainsi, les branches de "l'arbre" ne sont pas, en soi, fondamentales, mais leurs nœuds, oui ! Une introspection du sujet nous éclaire sur des objets : intelligence et douance, "sagesse indienne", thérapie et systémie, métaphysique quantique, mathématiques...Ces objets éclairent paradoxalement leurs ombres, leurs envers, leurs antagonistes et les relations issues de cet "éclairage" sont à nouveau des dynamiques. Mais nous découvrons alors que ces dynamiques antagonistes, opposées, ne le sont pas vraiment : la complémentarité de l'opposable devient une extension logique à l'exclusion ! C'est la logique de l'inclusion.
Cette dernière a le mérite d'étendre la dialectique tout en compactant sa représentation au sein d'une triade : la complexité d'une carte heuristique peut se tenir entièrement dans un triplet de dynamismes. C'est la logique du Tiers Inclus, du contradictoire et de l'énergie, tant il apparaît que cette compactification est néguentropique.
La triade aperçue fait partie pour B. Nicolescu d'un système ouvert, gödelien et doublement dynamique : un double flux transcendant et immanent à la fois, indéfectiblement ouvert : Transdiciplinaire ! Toute réalité, relationnelle, dynamique, est aussi multi-référentielle.
Ainsi, les dynamiques aperçues dans Relience I deviennent suffisantes dans Relience II. La triade lupascienne est un bon outil relationnel pour saisir et contenir toute relation mise en relation. Pour prendre avec soi, c'est à dire transmettre avec amour et simplicité la complexité du monde...

Désormais, dans Relience III, nous abordons frontalement, c'est à dire avec motivation (!), la nécessaire et suffisante prise du monde grâce au triplet de la logique de l'inclusion. Nous continuons de parcourir, donc de prendre avec nous, les branches de "l'arbre" du réel : féminin/masculin, vie/mort, continuité/discontinuité, champ/quantum, énergie/seuil, vide/plein, normalité/a-normalité, maladie/santé, autisme et malvoyance de l'e-motion, affectif et sens, bardo et méditation...Les états relatifs de Relience I et l'émergence systémique de Relience II sont vus désormais selon la tridialectique lupascienne. Il s'agit pour l'instant non d'une coloration intentionnelle de "l'arbre" du réel (c'est à dire dogmatique) mais bien d'une prise avec soi, d'une compréhension. L'exemple frappant de la démarche d'Alain Connes sur ce dernier concept  justifie notre posture : toute complexité est incompréhensible et insaisissable par son analyse dans un unique niveau de réalité : il faut en saisir le "point" qui non seulement participe à sa construction mais de fait, la contient "toute entièrement"...Dit autrement, toute complexité se relie in fine dans un ou des niveaux de réalité divers à une singularité; tout ensemble de relations dans un réseau se saisit par une information nodale qui relie, contient et définit tout à la fois...


N'aurions nous pas, cependant,  omis, ici, de parler d'intention et de motivation, d'affect et d'amour ? Non, car l'amour comme ouverture indéfectible est implicitement présent. Oui, en effet, car il ne semble pas relié...encore.

lundi 28 juin 2010

Bardo : Au delà de la folie : la logique du contradictoire.

Dans Bardo Thödol : un renversement, nous avons éclairé comment Chögyam Trungpa a renversé la compréhension habituelle de cet ouvrage emblématique du bouddhisme tibétain pour l'occident, où ce maître a séjourné et travaillé.

Pour aller plus loin que l'exégèse de Fabrice Midal, nous avons lu les transcriptions de 2 séminaires réalisée aux USA par Chögyam Trungpa (CT) en 1971 et reliés dans son livre déjà cité : "Bardo : Au delà de la folie", paru en France en 1995 (traduction de "Transcending Madness" paru en 1992).
Cet ouvrage permet de lier les deux éclairages complémentaires (au sens de Bohr et Lupasco) sur le bardo : d'abord chaque monde traditionnel (au nombre de 6 : dieux, dieux jaloux, êtres humains, animaux, fantômes affamés et êtres infernaux) est associé à un état de bardo caractéristique, cet état étant perçu comme un point culminant de l'expérience de chaque monde; ensuite chaque monde renferme le cycle complet des 6 bardos (les modes d'être du bardo), qui lui sert de moyen de renforcer et de soutenir son pouvoir. [sur l'être].
Ainsi, le bardo, décrit comme l'expérience d'une zone mal définie, est à la fois relié à son contexte ("à l'espace" dit souvent CT) dans lequel il se déroule et est à la fois l'expérience intensifiée de chacun des mondes, qui lui fournit une "signature" en quelque sorte.
Vu selon le modèle physique newtonien, le "monde" serait l'espace dans lequel le bardo se déroule, le "monde" est le contexte de l'expérience vécue.
Vu selon le modèle physique relativiste et quantique (voir article 1 et article 2), le monde et le bardo sont en interrelation "étroite" (intriquée), l'un et l'autre "fournissant" le contexte non séparé de l'expérience.
Vu selon la logique lupascienne (voir les articles correspondant sur ce blog), la logique de l'inclusion, les 6 mondes sont antagonistes et contradictoires aux 6 mode d'être du bardo (eux mêmes antagonistes et contradictoires), les 6 états de bardo sont le "tiers inclus" des 6 mondes et des 6 modes d'être du bardo. Nous voyons bien ici que le bardo est deux "choses" "à la fois", comme la lumière peut-être vue "à la fois" comme une particule et une onde : en fait, la lumière est selon la logique lupascienne qui est celle de la métaphysique de la physique quantique, à la fois particule, onde,  et ni-particule et/ou ni-onde...

Si C. Trungpa ne se réclamait pourtant ni de Bohr ni de Lupasco, cette dernière interprétation a pourtant le mérite d'être synthétique et de dégager une triade {monde, mode d'être du bardo, état de bardo} qui s'exprime (s'actualise et se potentialise) selon 6 possibilités (6 "colorations") : les 6 permutations-polarités possibles de la triade. [ En mathématique non commutative, le triplet (a,b,c) "engendre" les 6 couples différents ab, ba, ac, ca, bc et cb.] Dans la tradition bouddhiste tibétaine, ces 6 possibilités sont liés à 6 moments de forte intensité émotionnelle : colère, avidité, ignorance, désir, envie et orgueil. Ces 6 moments d'intense émotion aboutissent aux 6 mondes traditionnels. Liés intimement à ces 6 mondes (comme nous venons de le voir), il y a l'expérience du bardo qui se colore selon 6 tonalités différentes mais vues selon deux "angles" complémentaires.
Au total, nous avons les 6 triades exprimées par CT comme suit :
{monde des dieux ; bardo de la méditation/claire lumière ; état d'éternité/vide}
{monde des dieux jaloux ; bardo de la naissance ; état de vitesse/immobilité }
{monde des humains ; bardo du corps illusoire ; état du réel/irréel }
{mondes des animaux ; bardo du rêve ; état endormi/éveillé }
{monde des fantômes affamés ; bardo de l'existence/devenir ; état du saisir/lâcher prise }
{monde infernal ; bardo de la mort ; état de douleur/plaisir et détruire/créer }

Cet ordre d'écriture des triades n'est pas donné par "hasard" même si il faut comprendre que les mondes comme les bardos forment un enchaînement ou un cycle (ainsi le monde des dieux ou le bardo de la méditation ne sont pas en  n°1 dans le cycle, il existe une symétrie a priori non brisée) et il est important de constater et de comprendre le dynamisme de chaque "terme" (monde ou bardo) qui contient non contradictoirement son antagoniste. L'essentiel est de saisir ces dynamismes entre les polarités réductrices qui "solidifient" le monde/l'expérience. Les triades écrites plus haut représentent ces "solidifications", les "expressions ultimes du piège que constituent ces mondes" selon CT, chaque expression offrant "une possibilité d'éveil ou de confusion totale, la santé mentale ou la folie". Mais, comprenons bien, ce ne sont pas deux extrêmes exclus l'un de l'autre mais bien, inclus l'un dans l'autre et vice versa. C'est bien pourquoi l'éveil du bouddhiste n'est pas la béatitude que l'occidental veut parfois y voir seulement.

Bien, mais qu'est-ce que le bardo, au juste ? "Bar signifie "entre" (...) "zone mal définie" et do c'est comme une tour ou une île dans cette zone, ce no man's land. C'est un peu comme une rivière qui n'appartient à aucune rive, mais il y a une petite île au milieu, entre les deux. .../...Bar [c'est ] la situation occupant le milieu, entre deux extrêmes. Quant à do, (...) c'est une île (...) éloignée qui sort de nulle part, mais qui est pourtant entourée d'un océan, d'un désert, ou de quelque chose d'autre. Le bardo, c'est donc ce qui ressort comme une île, dans les situations de la vie, ce qui est entre deux expériences. (...) C'est cette sorte d'incertitude entre deux situations."
Chögyam Trungpa donne ici les deux vues complémentaires et subtiles du bardo : à la fois rivière entre deux rives, rivière n'appartenant ni à l'une ni à l'autre et île au milieu de cette rivière, point culminant de ce no man's land. Dans les nombreux exemples, représentations, que le maître donne à ses étudiants du bardo, nous retrouvons toujours les deux vues liées et contradictoires et finalement les analogues du tiers inclus de S. Lupasco (ni ceci, ni cela et ni pas ceci, ni pas cela) : "L'expérience du bardo offre un moyen d'une très grande puissance pour résoudre le problème des extrêmes. Il ne s'agit pas de se déclarer pour ou contre, mais de tenter de faire ressortir les deux extrêmes simultanément."
Le paradoxe relevé dans ces descriptions, heurtant la logique dominante occidentale de l'exclusion, freinant vraisemblablement la diffusion et la compréhension de ces principes bouddhistes en occident, tient, de notre point de vue, entièrement et essentiellement dans le référentiel choisi pour donner sens à ces notions. Immerger ces concepts au sein de la logique de l'inclusion, le principe du contradictoire par exemple de S. Lupasco, permet enfin de leur fournir toute la puissance éclairante nécessaire à leur subtilité. Or, saisir l'expérience du bardo, c'est selon CT, saisir la méditation qui elle même éclaire entièrement ce fameux rapport de présence au monde que nous avons illustré dans "La déité : une relation au non-ego". Et se saisir de ce rapport de présence, c'est se saisir de l'enjeu du bouddhisme nous a rapporté Fabrice Midal.

Ainsi, il est plus clair avec cette vue que l'état de bardo est toujours décrit avec un couple de contradictoires (voir les triades plus haut) : vitesse/immobilité par exemple. Cet état est alors parfaitement isomorphe au tiers inclus lupascien.
Ainsi, il est plus clair que le mode d'être du bardo (naissance, par exemple) est antagoniste du monde qu'il colore (dieux jaloux, ici) : inclus dedans (comme une potentialisation) et exclus à l'extérieur (comme une actualisation). Le bardo sert à la fois à entrer dans le monde et à en sortir, il peut solidifier l'expérience d'un monde particulier et aussi aider à le laisser impermanent. Il y a là exactement le même jeu dialectique que dans le principe du contradictoire lupascien : lorsqu'un monde s'actualise, le bardo associé se potentialise; lorsqu'un monde se potentialise, le bardo associé s'actualise; il arrive aussi un état d'exact potentialisation et d'actualisation (ou ni actualisation et ni potentialisation) du monde et du bardo : c'est l'état du bardo associé totalement contradictoire et désigné comme tel.
Ainsi, il est plus clair que les triades désignées plus haut représentent des dynamismes lupasciens.

Comment ces dynamismes interagissent entre eux, comment les mondes et/ou les bardos que nous avons décris sont ils reliés ? Dans le chapitre "Etre : les six mondes", CT donne une clé liée au rapport de présence que l'être entretient avec son environnement : plus ce rapport de présence est fin, subtil, raffiné, plus l'état d'esprit "monte" dans le cycle depuis l'enfer jusqu'au monde des dieux; inversement, plus ce rapport de présence est épais, grossier et vulgaire, plus l'état d'esprit "descend" dans le cycle du monde des dieux jusqu'à celui des enfers...
Il y a aussi la caractéristique du rapport à l'égo, au soi : plus ce rapport est étroit et fixe, plus la conscience solidifie l'expérience, la situation vécue, le monde décrit comme polarité réductrice de la triade. Plus ce rapport est "souple", plus la conscience voit les dynamismes en jeu. Nous décrivons bien ici les états dynamiques et antagonistes du rapport de présence au monde que l'esprit/le corps entretiennent avec leur environnement : "ces mondes ont été décrits en tant que six types de conscience. (...) on pourrait presque parler d'inconscience au lieu de conscience. (...) C'est la raison pour laquelle on appelle ces niveaux [inconscients] loka, mot qui signifie "sphère" ou "monde. (...) Les six mondes sont donc l'espace fondamental à travers lequel opère toute l'expérience du bardo."
Traverser sans cesse ces six mondes, en fonction de ses "humeurs", de ses états émotionnels, dans un sens ou dans l'autre, c'est cela qui se nomme le samsara : le tourbillon. Nous traversons les six mondes par l'expérience du bardo qui permet, en quelque sorte, ce passage incessant. Mais grâce à la nature "duale" du bardo, ce dernier est aussi une porte d'entrée vers la "sortie" du cycle samsarique : il ne s'agit pas de fuir en courant, il s'agit de voir tous les aspects possibles de l'expérience au même niveau, toutes les "contradictions" en quelque sorte...
Expérimenter l'état contradictoire du bardo, c'est çà, "sortir" du cycle du samsara. Expérimenter l'état contradictoire du bardo, c'est çà, ressentir la santé mentale ou la folie : être sur ce "fil du rasoir" (selon une vue occidentale), être dans ce no man's land, cet espace de tous les possibles, où tout est (selon la vue du bouddhisme tibétain). Etre dans la confusion/claire lumière au même moment ? Non, pas tout à fait, la confusion permet de "bouger" dans le cycle, alors que la claire lumière permet aussi de comprendre ce mouvement...
Curieusement, cela ressemble ici à la conscience de conscience, contradictoire "absolument", liée à l'expérience du tiers inclus lupascien...
Mais cette conscience de conscience n'est pas "la conscience de soi" mais son antagoniste, cette relation au non-ego que nous avons déjà illustré avec la déité.
Mais il ne faut pas rester fixé sur cette relation au non-ego en tant que possible polarité réductrice, il faut s'en saisir et dé-saisir à la fois, en tant que dynamisme réunissant les deux polarités extrêmes.

Tout est là.

Nous reviendrons par la suite sur ce que nous apprennent chaque bardo séparément et ensemble : un éclairage original sur notre vie quotidienne...

samedi 19 juin 2010

Considérations sur les HPI : Universalité et Singularité.

Dans Surdoué, HPI : a-normalité.., nous avons, avec l'aide précieuse, théorique et expérientielle, de Nikos Lygéros, abordé la vue sociale du concept de HPI (Haut Potentiel Intellectuel). De la recherche basique de définition de concept, nous avons illustré qu'il était nécessaire de sortir du cadre dans lequel la société l'enferme et qu'il fallait, non réitérer ce cadre étroit au sein de sociétés spécifiques très spécialisées (car regroupant "exclusivement" des HPI par exemple) et ayant la tentation légitime et humaine de rester confinées, mais bien plutôt de tenter d'élaborer une heuristique sur cette complexité. En bref, s'intéresser au contenu et à la finalité plutôt qu'au contenant et à la forme.

N. Lygéros s'y est bien évidemment attelé : dans Sur les dangers de l'intelligence, il introduit comment la société Pi a été fondée en 1999 et sur quels principes et dans quel cadre elle fonctionne. L'architecture conceptuelle est donné par sa M-Classification. Ce document, qui se veut outil opératoire, est riche d'enseignements. Voyons çà.
Tout d'abord, il est clair que N. Lygéros souhaite, par le haut, construire un édifice : il s'interroge en premier sur la notion de génie et notamment de génie universel. De nombreux articles de son opus (en ligne) illustrent et documentent ce concept. Nous avons retenu la Nécessité de création et de découverte, comme une recherche bibliographique auprès de ces hommes et femmes qui ont inspiré sa pensée. Les plus importants sont certainement à ses yeux ceux qui, au sein de son opus, possèdent une entrée à leur nom !

M-Classification est une colonne vertébrale de l'arborescence des connaissances à saisir pour élaborer une "complexité de l'intelligence" ainsi  qu'une méthode.  { D'ailleurs, certains reprochent à N. Lygéros outre sa prolifique production (!), son auto-référencement assez fréquent qui débouche selon eux sur une pensée tautologique : il est plus certain que c'est le foisonnement arborescent d'articles en tous genres et sur de nombreux sujets qui crée le sentiment de confinement et d'auto-célébration intellectuelle, alors même qu'un nombre certain mais plus restreint (en mathématiques ou en philosophie) sont rigoureusement documentés et ouverts à la critique. } Il s'agit donc de méthode et les séquences décrites dans M-Classification renvoient pour la plupart à d'autres références, d'autres articles, d'autres items en arborescence ouverte.

Une méthode pour quoi ? Et bien, il semble aller de soi que cette méta-méthode, qui se veut générique, se décrit assez bien elle-même. Elle décrit aussi par nature son créateur qui depuis toujours semble se heurter à sa singularité : comment la saisir ? Il se sait intelligent, d'autres l'ont aussi ré-assuré, mais à un point où il se retrouve bien seul (cf Idées sur l'Homo Scientis, par exemple) et fort démuni par les modèles existant alors sur l'intelligence. Et si il construisait lui-même ce nouveau modèle, comme un nouveau paradigme, ouvrant l'horizon des Très Hauts Potentiels Intellectuels ?


1) il part donc de l'observable "intelligence" dont la mesure par le quotient intellectuel (Q.I.) se réduit aujourd'hui à quatre "domaines" de savoir : mathématiques, sciences, lettres, philosophie. Cette mesure donne lieu à une échelle normée donc à une quantification de l'observable (par isomorphisme). Mais N. Lygéros postule des seuils critiques correspondant à des phases qualitatives. Il étudie donc particulièrement les aspects qualitatifs liés aux seuils de rareté élevés (% de présence faible dans la population) et sur des QI élevés (supérieur à 150 ou + 3 écarts-types). (pour un simple aperçu de la notion de QI, pour un tableau reliant QI, Sigma (écart type), rareté et % de présence)
2) il définit ensuite ces aspects qualitatifs en les classant selon trois groupes : surdoué, génie et génie universel. Il rapproche ces notions de personnes célèbres. Il tente donc d'établir par analogie bibliographique un éclairage sur les trois groupes définis préalablement.
3) il définit alors les "bases" de nouveaux tests qui selon lui vont permettre de "mesurer" quantitativement ces aspects qualitatifs. Ces tests seront utilisés essentiellement pour affiner spécifiquement et discriminer un faible nombre d'individus entre eux puisque la plupart débutent à partir d'une rareté statistique supérieure à 1/1000. Nous y reviendrons en détail...
4) Ces discriminations réalisées, il est possible de réunir ensemble ces individus singuliers voire très singuliers. C'est là que N. Lygéros postule qu'il est nécessaire de sortir du cadre social "normal" pour ces individus : non pas réinventer la normalité de l'a-normalité au sein de clubs "chics" mais bien plutôt faire émerger un nouveau "modèle" : "Si le groupe est prométhéen alors c'est un modèle de l'humanité. (...) La notion de groupe s'identifie à celle de société. ". Au sein de ce raisonnement se tiennent les Principes Heuristiques que nous avons déjà évoqué (voir Principes Heuristiques ...), principes qu'il semble nécessaire d'utiliser pour arriver à cette fin.
5) Enfin, N.L. transfère tous ses axiomes au sein d'une structure sociale par un isomorphisme de groupe et établit ainsi formellement les "objets" sociaux d'une société "idéale" gérée par des individus très singuliers.
A quoi sert la méthode décrite ? A découvrir et non à conserver.
La formalisation des préceptes contenues dans M-Classification fournit une ontologie de la démarche heuristique consubstantielle à l'intelligence. Sa téléologie s'exprimant avec force au dernier point (6.7) : "L'œuvre crée l'être".
Autrement dit : l'intelligence existe (point 1) et elle s'exprime au travers de l'œuvre qui advient, nous la mesurons donc, in fine, par tout ce qu'elle permet de découvrir.

Voici bien une question/réponse ouverte !

Revenons cependant sur ces sociétés regroupant des individus à Haut Potentiel Intellectuel et leur statut : "ouverte sur le monde ou fermée" ? Par définition, une société, un regroupement d'humains, dont l'objet est clairement identifié, la finalité, les moyens, les ressources (les membres) et la production intellectuelle sont clairement visibles pour tous n'est pas une société "fermée" ni encore moins occulte. Que l'entrée soit restreinte à certains individus ne remet pas en cause le statut de système ouvert, en revanche, il existe un biais qui caractérise donc cette société. Pour prendre l'analogie avec une cellule vivante, celle-ci est un système dynamique ouvert sur son environnement et sa membrane (son "fermé") est bien le "biais", la cloison, la frontière qui la caractérise de son environnement. En d'autre termes, la coupure déplaçable entre le sujet et l'objet caractérise la dualité mais n'enferme pas cette dernière dans un schéma statique. Enfin, pour reprendre les termes de N. Lygéros, puisque toutes ces sociétés se définissent peu ou prou par leur rapport à l'intelligence, il faut examiner non leur statut proprement dit, mais ce qu'elle nous permettent de découvrir !

Cette question sur les conditions, critères,  d'admission au sein de ces sociétés à Haut QI est certainement LA question cruciale qui a animé nombre de ses membres. Nous pouvons en avoir un aperçu dans  ce document résumé de Darryl Myaguchi, avec beaucoup d'humour ! Enfin, l'organisation de l'information, du savoir et donc du pouvoir au sein de ces sociétés est symptomatique de leur degré d'ouverture aux autres : Kevin Langdon, membre de nombreuses sociétés regroupant des individus à haut QI (dont The Mega Society et Mensa USA) nous livre ici son manifeste pour une liberté d'expression, preuve qu'au sein de ces regroupements, les problèmes sociaux restent étonnamment similaires à ceux  de la société générale !

Et si en fait, malgré ces batteries de tests, (voir ce tableau de 2000, où 60 tests sont répertoriés avec les scores minima d'entrée pour chaque société existante de l'époque (14)), l'observable "Intelligence" ne se laissait pas mesurer ? Nous reviendrons plus tard sur cette question...

Cela nous ramène à la classification initiale qualitative et quantitative des expressions de l'intelligence. N. Lygéros défend son point de vue dans ce très bel article : Ontologie et Téléologie. La synthèse lygérienne n'est pas dogmatique malgré les apparences, nous pouvons trouver d'autres sources d'études qui s'approchent des phases décrites ici : surdoué, génie et génie universel. Un document de 1987 (The Outsiders) paru chez Prometheus Society (fondée en 1982 par Ronald Hoeflin) de Grady Towers illustre ainsi les corrélations entre Haut QI, scores élevés à certains tests et fréquence de désordres mentaux et/ou sociaux dans ces populations : il apparait déjà chez Leta Hollingworth ("Children above 180 I.Q." 1942) que ce seuil de QI autour de 5 sigma discrimine fortement des comportements sociaux singuliers. Cette très forte singularité, exprimée socialement par des troubles psychologiques voire psychotiques (pour une forte partie de cette population d'après les travaux de Lewis Terman) explique aussi l'isolement de ces personnes. Il est troublant ensuite de lire N.Lygéros : "Autant le génie pouvait avoir une définition propre et au moins théoriquement indépendante de l’humanité, autant cela est impossible pour le génie universel. Car ce dernier, par nature, doit être nécessairement reconnu par l’humanité comme tel. Pour lui, son ontologie, c’est sa téléologie." Et plus loin : "De plus, à la différence du simple génie, il ne vit qu’à travers la mort car ce n’est uniquement en se consumant qu’il devient ce qu’il est. Il doit mourir pour être." Deux notions semblent s'opposer : génie/singularité (avec les troubles sociaux relevés) et universalité. Le couplage entre ces deux antagonismes est "brillamment" illustré chez Lygéros par la métaphore de la bougie et de la flamme : "le point de vue de la flamme est encore plus remarquable car elle n’appartient à aucune des bougies tout en faisant partie de chacune d’entre elles. Elle n’est à personne en particulier car elle est à tous. Elle s’appuie sur les bougies pour l’aider à éclairer le monde, elle est changeante par nature puisqu’elle ne cesse de changer de substrat néanmoins elle a un caractère immuable par sa diachronicité. Bien que de type caméléonien, elle ne représente pas un caméléon mais la pensée des caméléons, la téléologie de leur ontologie."

Toutes ces considérations nous amènent à :
1) Il semble difficile d'examiner scientifiquement les trop "hautes" singularités liées à l'intelligence, leur nombre très réduit empêche l'application de la méthodologie classique. Néanmoins, un certain nombre d'études longitudinales portant sur des groupes d'individus ont déjà permis des classifications et des comparaisons avec d'autres groupes de population. Par une démarche heuristique, N. Lygéros entend ouvrir cet examen vers de nouveaux horizons où l'universalité rejoint la singularité et définit son ontologie. Dit autrement, la science semble, in fine, de peu de secours pour comprendre les THPI. Prenons cela comme un état temporaire...

2) Les sociétés regroupant les HQI sont multiples mais ont toutes connues les mêmes problèmes de constitution, de régulation et de pérennité : à savoir des querelles d'ego. MENSA échappe sans doute quantitativement à ces problèmes récurrents du fait aussi de sa taille (nombre de membres de par le monde) et du seuil d'entrée : elle "recrute" à partir d'un seuil de 2%, (soit 2 sigma sur une échelle normée de QI), ce qui est loin des seuils de Pi ou de Méga.

3) Et si de l'intelligence, nous ne savions encore rien ?